Les Trois Principes.
Théories et symboles de la Philosophie Hermétiques.
CHAPITRE III
La Lumière. — Soufre, Mercure et Sel. — L’Azoth des Sages. — Le Binaire et sa conciliation.
L’Hermétisme fait remonter l’origine première de toutes choses à une radiation qui part simultanément de partout : c’est la Lumière infinie, l’Aôr Ensoph des Kabbalistes (les théories alchimiques ont été résumées avec une clarté remarquable en 1864, par le Dr Ch. de Vauréal dans son Essai sur histoire des Ferments, thèse de doctorat qui fit alors sensation au sein de la Faculté de Médecine de Paris).
Cette Lumière créatrice émane d’un centre qui n’est localisé nulle part, mais que chaque être retrouve en lui-même.
Envisagé dans son unité omniprésente, ce Centre est la source de toute existence, de toute pensée et de toute vie.
Il se manifeste dans les êtres comme le foyer de leur énergie expansive, laquelle semble se rapporter à un feu interne, qui serait entretenu par ce que les alchimistes appellent leur SOUFRE.
Or, l’ardeur centrale résulte pour chaque être d’une réfraction en lui de la lumière ambiante, craquelle est avide de pénétrer les corps et représente les influences qui s’exercent sur eux de l’extérieur.
Ainsi, la Lumière-Principe se manifeste par rapport aux êtres sous deux aspects opposés : elle converge vers leur centre sous le nom de MERCURE, puis elle rayonne de ce foyer radical à titre d’émanation sulfureuse.
Le Mercure fait donc allusion à ce qui entre et le Soufre à ce qui sort ; mais entrée et sortie supposent un contenant stable, lequel correspond ce qui reste, autrement dit au SEL.
Tout ce qui est relativement fixe résulte d’un équilibre réalisé entre l’expansion sulfureuse et la compression mercurielle. Le Sel est une condensation lumineuse produite par l’interférence de deux rayonnements contraires ; c’est le réceptacle en qui s’infiltre l’esprit mercuriel pour y exciter l’ardeur sulfureuse.
En tout ce qui peut se concevoir comme existant, on distingue de toute nécessité Soufre, Mercure et Sel ; car on ne saurait rien imaginer qui n’eût sa substance propre (Sel), soumise simultanément à des influences internes (Soufre) et externes (Mercure).
Considéré dans son universalité, comme l’éther partout répandu qui pénètre toutes choses, le Mercure prend le nom d’Azoth des Sages. C’est alors le souffle divin (Rouach Elohim) que la Genèse nous montre se mouvant sur le dessus des eaux, lesquelles sont représentées par le Sel.
Originairement tout réside dans l’Azoth ; mais par l’opération de l’Esprit divin, le Verbe s’incarne au sein d’une Vierge immaculée, qui donne naissance au Rédempteur.
Celui-ci n’est autre que le Vouloir particulier harmonisé avec la Volonté générale ; c’est le Soufre allié au Mercure dans un Sel parfaitement purifié.
Cette alliance permet à l’individualité de conquérir la plénitude de l’être, de la vie et de la pensée ; car les individus n’existent, ne vivent et ne pensent que dans la mesure où ils parviennent à s’assimiler l’être la vie et la pensée de la collectivité dont ils font partie. Nous ne sommes rien par nous-mêmes : tout provient du grand Tout. L’homme doit donc chercher à s’unir étroitement à la source permanente de toutes choses.
Mais l’intimité d’une semblable union dépend du degré de pureté auquel est porté le Sel. Cela explique l’importance attachée de tout temps aux purifications, qui tiennent encore de nos jours une place prépondérante dans le ritualisme de la Franc-Maçonnerie.
La prédominance du Soufre exalte l’initiative individuelle et se traduit par des qualités viriles énergie, ardeur, courage, audace, fierté, goût du commandement. Elle pousse à créer, à inventer ; elle incite au mouvement, à l’action, et porte à donner plutôt qu’à recevoir ; aussi l’homme se base-t-il moins que la femme sur la foi réceptive : il préfère élaborer ses propres idées plutôt que de s’assimiler celles d’autrui.
Le Mercure développe au contraire les vertus féminines : douceur, calme, timidité, prudence, modestie, résignation, obéissance. Il ne rend pas inventif, mais il donne la faculté de comprendre, de deviner et de sentir avec délicatesse ; de plus, il fait aimer le repos, surtout celui de l’esprit ; absorbé dans la rêverie et le vagabondage de l’imagination.
Quant au Sel, il engendre l’équilibre, la pondération, la stabilité ; c’est le milieu conciliateur qu’on a pris à juste titre comme le symbole clé la sagesse.
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