Philippe Buonarroti et la Charbonnerie Insurrectionnelle par Spartakus FreeMann.
« Depuis la grande Révolution française, de Gracchus Babeuf à Blanqui, en passant par Buonarroti, elles – les sociétés secrètes – avaient soutenu, sous les formes les plus multiples, la seule idée d’une révolution violente ».
B. Nicolaïevski et O. Maenchen-Helfen, Karl Marx, 1937.
Nous proposons dans cet article une courte biographie de Philippe Buonarroti, révolutionnaire professionnel du 18e et du 19e siècle, ami de Babeuf et continuateur de ses idées égalitaires et communistes avant la lettre, ainsi que deux documents difficiles à trouver : des extraits du rituel de la Charbonnerie Démocratique Universelle et d’autres des Sublimes Maîtres Parfaits.
Spartakus FreeMann.
Les débuts.
Né le 11 novembre 1761 à Pise dans noble famille toscane descendante du frère de l’artiste Michel-Ange (Michelangelo Buonarroti), Philippe Buonarroti (Filippo Giuseppe Maria Ludovico Buonarroti) fait à l’université de bonnes études littéraires et juridiques. Il obtient son diplôme de droit en 1782.
Fervent admirateur de Rousseau, il publie un journal, la Gazetta universale, ce qui le fait attentivement surveiller par la police toscane. Franc-maçon, il est affilié aux Illuminés de Bavière. Enthousiasmé par la Révolution, il accourt en France en 1789 et va propager l’esprit révolutionnaire en Corse. Il rédige en italien un journal intitulé Gironale Patriotico di Corsica et devient administrateur des biens saisis au clergé.
En juin 1791, les paolistes de l’île se soulèvent et l’expulsent vers Livourne, où il est emprisonné. Libéré suite aux pressions exercées par la République, il retourne en Corse. Il y est nommé commissaire national auprès du tribunal du district de Corte le 23 octobre 1792, où il se lie avec la famille Bonaparte. Opposé à Pascal Paoli, il est obligé de retourner en France après la victoire des paolistes en mai 1793. Robespierre, qui l’estime et l’admet parmi ses familiers, le charge de former des agitateurs révolutionnaires pour l’Italie ; les militants qu’il forme dans une sorte d’école de cadres à la frontière de Nice prouveront leur valeur dans les années suivantes. Il obtient la citoyenneté française et est envoyé en Corse comme commissaire du pouvoir exécutif. Cependant, le soulèvement fédéraliste l’en empêche. D’avril 1794 à mars 1795, il tente de faire de l’ancienne principauté d’Oneglia un modèle de république et un refuge pour les révolutionnaires italiens.
Arrêté à Menton comme robespierriste après le 9 Thermidor (1795), transféré à Paris, Buonarroti se lie d’amitié en prison avec Babeuf ; le premier croit en l’Être suprême avec ferveur et continue à vénérer l’Incorruptible ; le second, antirobespierriste de longue date, a applaudi à la chute du tyran et fait profession d’athéisme. Les deux hommes deviennent pourtant inséparables ; ensemble ils seront l’âme de cette conspiration que le vieux Buonarroti retracera en un ouvrage désormais classique : Histoire de la Conspiration de l’égalité (1828). Libéré, Buonarroti est parmi les fondateurs du Club du Panthéon, bientôt fermé par le Directoire.
Il rejoint alors le Directoire Secret de Salut Public constitué par Babeuf le 30 mars 1796 et ensemble avec celui-ci, ils formulent la théorie de la Conjuration des Égaux.
Le but de la Conjuration est de poursuivre la révolution, et d’aboutir à la collectivisation des terres et des moyens de production, pour obtenir « la parfaite égalité » et « le bonheur commun ». Ils demandaient également l’application de la Constitution de l’an I datant de 1793, et jamais appliquée. Le 30 mars 1796 fut institué un Comité Insurrecteur, où entrèrent avec Babeuf, Antonelle, Buonarrotti, Darthé, Felix Lepeletier, Sylvain Maréchal et qui diffusa la propagande des Égaux dans les 12 arrondissements de Paris, par le biais d’un agent, doublé d’un responsable militaire. Un soulèvement armé était prévu qui devait provoquer une insurrection du peuple et devant déboucher sur une dictature révolutionnaire temporaire. Après l’insurrection, le pouvoir devait être exercé par une minorité révolutionnaire, une assemblée nommée par les conjurés et non élue par le peuple, le temps nécessaire à la refonte de la société et à la mise en place des nouvelles institutions.
Les idées de la Conjuration sont en particulier exposées dans le « Manifeste des Égaux » (1796). On peut y lire : « Il nous faut non pas seulement cette égalité transcrite dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, nous la voulons au milieu de nous, sous le toit de nos maisons. » […] « Qu’il cesse enfin, ce grand scandale que nos neveux ne voudront pas croire ! Disparaissez enfin, révoltantes distinctions de riches et de pauvre, de grands et de petits, de maîtres et de valets, de gouvernants et de gouvernés. » […] « L’instant est venu de fonder la République des Égaux, ce grand hospice ouvert à tous les hommes. » […] « L’organisation de l’égalité réelle, la seule qui réponde à tous les besoins, sans faire de victimes, sans coûter de sacrifices, ne plaira peut-être point d’abord à tout le monde. L’égoïste, l’ambitieux frémira de rage. »
Buonarroti conçoit le projet d’un décret qui devait instaurer une république égalitaire. Ce projet prévoit que « sera établie dans la république une grande communauté nationale ». « Le droit de succession ab intestat ou par testament est aboli : tous les biens actuellement possédés par des particuliers écherront, à leur décès, à la communauté nationale. » « Les biens de la communauté nationale sont exploités en commun par tous ses membres valides. » La communauté nationale assure à chacun de ses membres un logement décent, l’habillement, une nourriture suffisante, et « les secours dans l’art de guérir ». Enfin, « la république ne fabrique plus de monnaie ».
Bakounine parlera de cet épisode dans ses Trois conférences faites aux ouvriers de Val de Saint-Imier (1871) : « La conspiration de Babeuf avait réuni dans son sein tout ce que, après les exécutions et les déportations du coup d’État réactionnaire de thermidor, il était resté de citoyens dévoués à la Révolution à Paris, et nécessairement beaucoup d’ouvriers. Elle échoua ; beaucoup furent guillotinés, mais plusieurs eurent le bonheur d’échapper. Entre autres, le citoyen Buonarroti, un homme de fer, un caractère antique, tellement respectable qu’il sut se faire respecter par les hommes des partis les plus opposés. Il vécut longtemps en Belgique, où il devint le principal fondateur de la société secrète des carbonari-communistes ; et, dans un livre devenu très rare aujourd’hui, mais que je tâcherai d’envoyer à notre ami Adhémar, il a raconté cette lugubre histoire, cette dernière protestation héroïque de la Révolution contre la réaction, connue sous le nom de conspiration de Babeuf ».
Ils sont arrêtés par la police de Carnot le 10 mai 1796. Jugés devant la Haute-Cour de Vendôme, Babeuf est condamné à mort le 25 mai 1797 et guillotiné deux jours plus tard, Buonarroti à la déportation.
Essaimeur de sociétés secrètes.
Buonarroti voit sa peine commuée en de nombreuses années de détention puis de résidence surveillée. Libéré en 1800, il entre en contact avec Pierre-Joseph Briot, révolutionnaire et membre des Bons Cousins Charbonniers du Rite du Grand Alexandre de la Confiance qui est exporté en Italie et sert à la constitution du carbonarisme italien à Naples sous le pseudonyme de M. SAINT-EDME, alias Edme Théodore Bourg. Dans ce rite christianisé apparaissent le Bon Cousin Jésus et la couronne de laurier. Il semble qu’il soit issu d’un groupe de maçons qui jugeaient préférable d’être en conformité avec les pouvoirs religieux et politique. Cependant, il ne faut pas considérer ce rite comme un retour à l’orthodoxie catholique.
Dans Filippo Buonarroti. Contributi alla Storia della sua Vita e del suo Pensiero, l’historien italien A. Saita décrit la Charbonnerie comme « une société secrète aux buts éminemment démocratiques, qui ne séparait pas l’égalité des fortunes de la liberté politique ».
Selon la tactique habituelle des conspirateurs, Buonarroti procédait par la voie du discours symbolique. Il écrivait ainsi que « les hommes ont besoin, pour former une association politique efficace et permanente, d’être liés entre eux par des signes et des mystères qui flattent leur amour propre et donnent à la société dont ils font partie un air d’importance et de consistance que toute la moralité et l’estime réciproques des individus ne sauraient obtenir ». La Charbonnerie poursuivait ainsi des buts à la fois initiatiques et révolutionnaires et l’on peut dire « qu’il s’agissait d’un groupement militant, constitué selon des affinités particulières au sein d’une maçonnerie officielle qui évitait soigneusement de se mêler aux choses de la rue ; dont les membres poursuivaient leurs fins égalitaires tout en remplissant normalement leurs devoirs maçonniques » (J. Kuypers, Buonarroti et ses sociétés secrètes, Bruxelles 1960).
En 1806, Fouché, qui continue de protéger les babouvistes, obtient pour lui le droit de se fixer à Genève ; Buonarroti y retrouve le jeune frère de Marat et y commence une nouvelle activité clandestine de révolutionnaire.
En 1808, il participe à la fondation de la loge maçonnique Les Sublimes Maîtres Parfaits (chapeautée par un Grand Firmament, voir les documents en annexe) qui sera un vivier de jeunes révolutionnaires, et qui est constituée sous la forme d’un carbonarisme international. L’encadrement de cette société est formé par les « diacres territoriaux » et les « diacres mobiles ». Les adhérents, nécessairement pourvus des trois premiers grades de la Maçonnerie symbolique, portent les titres « d’Adelphes » et de « Philadelphes ». Chaque groupe, ou « Église » est administré par un « Sage Président des Réunions » et par un « Astre Vice-Président des Réunions ». Y sont également constitués des « Synodes » et des « Académies », et l’on y trouve des « Consuls » et des « Parfaits Maçons ». Son but était défini dès le premier grade en ces termes : « La société SSMMPP a pour objet de propager la connaissance de la nature, d’étendre l’empire de la vraie religion, des bonnes mœurs et des lumières, et de procurer des consolations et secours aux hommes probes et malheureux… Les SSMMPP respectent les lois des pays où ils vivent ».
« Décret du grand Firmament, comme supplément aux statuts des Sublimi Maestri Perfetti.
Le grand Firmament décrète ce qui suit: ….
§ 2. L’association des adelphes et des philadelphes est incorporée à l’ordre.
§ 3. Chaque adelphe ou philadelphe recevra, aussitôt admis, s’il n’était pas déjà franc-maçon , les trois grades symboliques, sans autres frais que ceux qui sont indispensables à la réception.
§ 4 et 5. Chaque adelphe ou philadelphe pourra être présenté au O.-., et aussitôt après la désignation du délucidateur, sa réception aura lieu suivant les statuts. Les adelphes ou philadelphes reçus de cette manière sont exempts de toute taxe.
Donné sous l’Équateur, le 22e jour du 7e mois lunaire 5812. »
Mémoires secrets relatifs à l’état de la révolution du Piémont, de …, Volume 1 par Ferdinand Johannes Wit.
Le 8 décembre 1810, proposition est faite à Napoléon de lever la surveillance dont il fait l’objet à Genève : « Depuis plus de sept ans que le sieur Buonarroty est placé sous la surveillance de la police il n’est parvenu aucune plainte sur sa conduite. Il ne s’occupe à Genève que de travaux littéraires et à donner des leçons d’italien. Je pense qu’il n’y aurait aucun inconvénient à lever la surveillance… » Il semble que ce soit à cette époque que Buonarroti se soit affilié à une loge maçonnique, Les amis sincères de la vallée de Genève, où se rencontraient certains révolutionnaires. Constituée en 1809-1810, cette loge sous l’obédience du Grand Orient de France, servait de paravent à la Charbonnerie et aux philadelphes. La loge, suspectée par la police, fut fermée le 12 avril 1811 sans cesser pour cela d’exister. Réorganisée sous le nom de Triangle, elle fut dès lors surveillée.
Les trente dernières années de sa vie ne sont ni les moins étonnantes ni les moins fécondes. Sous le couvert de la franc-maçonnerie, il organise sans relâche des réseaux de sociétés secrètes à travers la France et l’Italie, et même à travers toute l’Europe, sans jamais perdre de vue l’idéal babouviste du communisme égalitaire.
En janvier 1813, il se rend à Grenoble pour y enseigner la musique. Vers juillet et août 1813, il remet au préfet deux pièces de théâtre dont il a fait la musique : « Amour et confiance » et « L’île déserte », et il demande qu’elles soient soumises à l’agrément du ministre de la Police générale.
Après l’effondrement de l’Empire, Buonarroti trouve refuse à Genève où il arrive en mai 1814. La vie semble s’y écouler paisiblement pendant quelques années d’une inactivité révolutionnaire.
Grâce au récit d’Alexandre Andryane (Souvenirs de Genève: complément des Mémoires d’un prisonnier d’État), la vie de Buonarroti s’éclaircit à nouveau vers 1820. Ce jeune Parisien de 22 ans, qui avait fait campagne dans l’armée impériale, est venu à Genève pour échapper à ses créanciers. Il y rencontre Buonarroti et devient son disciple. Bien plus tard qu’il écrira ses Souvenirs de Genève. Voici le portrait qu’il nous dresse du vieux révolutionnaire : « Un chapeau à larges bords couvre sa blanche chevelure, son front est large et bombé, ses yeux, surmontés de sourcils touffus, sont vifs et brillent souvent au milieu des larges verres de ses lunettes de fer; sa figure caractérisée lui donne un aspect vénérable et, quoique sa tête soit inclinée sur sa poitrine et que ses épaules scient voûtées, on voit à son col nerveux, à sa charpente osseuse, que la vigueur et la force furent un jour l’apanage de cet homme que les traverses de la vie doivent avoir plus usé que l’âge. Été comme hiver il porte le même habit, le même gilet à la Robespierre, les mêmes culottes noires que ne joignent pas tout à fait ses demi-bottes à l’écuyère, costume assez étrange par lui-même et qui suffirait à le faire remarquer si quelque chose de fier et d’original ne vous forçait à jeter les yeux sur ce septuagénaire qui vous croise à chaque instant dans les rues étroites de Genève, un livre de musique sous le bras, en passant près de vous d’un air grave et mystérieux ». « Étrange caractère où l’on trouve réunies toutes les vertus d’un sage de la Grèce avec toutes les exagérations d’un jacobin de 1793 ».
Au mois d’octobre 1821, il est introduit et initié à la loge aux Amis Sincères. Missionné, Andryane assiste à Paris au procès des quatre sergents de La Rochelle. En 1822, Andryane est introduit dans la société secrète les Sublimes Maîtres Parfaits.
En 1823, suite aux agitations politiques en Italie dans lesquelles il est impliqué, Buonarroti doit partir de Genève et obtient un passeport pour se rendre en Angleterre puis, brusquement, il change d’avis et part pour la Belgique. Là, il renoue avec les sociétés secrètes qui pullulent alors. Il s’affilie à plusieurs d’entre elles. Dans un souci d’organisation, Buonarroti se propose de les réunir dans un ordre unique, Le Monde, qui se veut universelle.
En 1828 à Bruxelles, il publie sa célèbre Histoire de la Conspiration pour l’égalité, dite de Babeuf.
Au mois d’août 1830, la monarchie légitime est renversée. Buonarroti écrit à un ami : « L’heureuse révolution opérée par le courage du peuple parisien est arrivée comme un coup de foudre. Gloire éternelle aux braves qui ont conduit le peuple à la victoire…. C’est plus que jamais le moment de joindre une ferme résolutoire à une grande prudence ». Il passe la frontière et arrive à Paris où il est accueilli par René Louis Voyer d’Argenson. Il fait alors la connaissance de Louis Blanc qui écrit : « la gravité de son maintien, l’autorité de sa parole toujours onctueuse quoique sévère, son visage noblement altéré par l’habitude de la méditation et une longue pratique de la vie, son vaste front, son regard plein de pensées, le fier dessin de ses lèvres accoutumées à la prudence ».
Les dernières années.
Buonarroti se voulait être, selon l’expression de Louis Blanc, « le directeur suprême des mouvements mystérieux de la charbonnerie ». Mais, la charbonnerie ne comptait déjà plus dans les milieux où l’on conspirait et elle n’avait été pour rien dans les événements de 1830. À propos du carbonarisme de cette époque, l’historien des sociétés secrètes La Hodde écrit qu’il ne s’agit plus que de « … débris maigre et disloqué auquel l’ancienne réputation de Charles Teste et Buonarroti conservait à grand-peine un reste d’existence ». Buonarroti imagine alors une nouvelle forme d’organisation, la Charbonnerie Réformée Démocratique et Universelle (voir les documents en annexe). Le vocable de vente sera remplacé par celui de « phalanges » dont le plus haut degré connu était le « Frère de la Racine ». De cette société seront issues les Phalanges Démocratiques dirigées par Mathieu d’Épinal, Pornin et Vilcocq. Leur programme : abolition de la propriété et de la famille, communauté des femmes, éducation gratuite, destruction des objets de luxe, dictature populaire… C’est là une reprise de l’idée qui avait donné le jour à la société Le Monde en 1823. Il est cependant douteux que cette charbonnerie réformée n’ait jamais existé autrement que sur le papier.
En août 1830, la révolution belge éclate. Le 6 octobre, Buonarroti explique la situation à Charles Teste : « Mon cher ami. Il y a deux partis dans le gouvernement provisoire de la Belgique ; l’un veut la république et De Potter paraît en être le chef ; l’autre demande la monarchie. Le premier rallie tous les hommes énergiques et capables ; le second, composé d’industriels, de lâches et d’ouvriers trompés. Ce serait un coup de maître que de faire proclamer la république dans ce pays-là ! C’est à quoi notre bon Henry travaille sans relâche. Il demande, il prie, il conjure qu’on lui envoie promptement à Bruxelles une troupe de républicains résolus et capables qui se joignant à leurs semblables du pays, pourront par leur éloquence, par leurs conseils et par leur courage faire pencher la balance de notre côté… » Malheureusement pour lui, un Congrès national élu dans les premiers jours de novembre s’est prononcé et il a décidé que la Belgique serait placée sous un gouvernement monarchique.
Il est mis en cause en 1835 pour ses activités au sein des Amis du Peuple et de la société des Droits de l’Homme.
Buonarroti qui est à bout de force et sujet à des syncopes, meurt le 16 septembre 1837. Quelques instants avant sa fin il avait dit : « Je vais aller rejoindre bientôt les hommes vertueux qui nous ont donné de si bons exemples » (Trélat, Notice biographique sur Buonetrotti, Epinal, juin 1838).
Trait d’union entre l’Italie et la France, trait d’union entre la révolution démocratique de Robespierre et la révolution sociale de Babeuf, trait d’union entre l’ancienne maçonnerie des Lumières et le carbonarisme dont il est l’un des créateurs et des chefs secrets, trait d’union entre la révolution du 18e siècle et celle du 19e (sa rencontre exercera une influence décisive sur le jeune Blanqui, de l’aveu de ce dernier), Buonarroti est le type même de ces semi-obscurs qui rendent possible un grand avenir. Changeant de séjour au gré des curiosités policières qu’il vaut mieux déjouer, passant de Genève à Bruxelles et de Bruxelles à Paris, il est en outre le premier à inaugurer vraiment ce type de métier que le 19e siècle nous rendra familier : celui du révolutionnaire professionnel.
Plus :
En guise de conclusion…
APPEL DU COMITÉ DE LA SOCIÉTÉ DES SAISONS
Aux armes, citoyens !
L’heure fatale a sonné pour les oppresseurs.
Le lâche tyran des Tuileries se rit de la faim qui déchire les entrailles du peuple ; mais la mesure de ses crimes est comble. Ils vont enfin recevoir leur châtiment.
La France trahie, le sang de nos frères égorgés, crie vers vous, et demande vengeance ; qu’elle soit terrible, car elle a trop tardé. Périsse enfin l’exploitation et que l’égalité s’asseye triomphante sur les débris confondus de la royauté et de l’aristocratie.
Le gouvernement provisoire a choisi des chefs militaires pour diriger le combat ; ces chefs sortent de vos rangs, suivez-les ! Ils vous mènent à la victoire.
Sont nommés :
Auguste Blanqui, commandant en chef.
Barbès, Martin-Bernard, Quignot, Meillard, Nétré, commandants des divisions de l’armée républicaine.
Peuple, lève-toi ! et tes ennemis disparaîtront comme la poussière devant l’ouragan. Frappe, extermine sans pitié les vils satellites, complices volontaires de la tyrannie ; mais tends la main à ces soldats sortis de ton sein, et qui ne tourneront point contre toi des armes parricides.
En avant ! Vive la République !
Les membres du gouvernement provisoire:
BARBÈS, VOYER, D’ARGENSON, AUGUSTE BLANQUI, LAMENNAIS, MARTIN-BERNARD, DUBOSC, LAPONERAYE
Paris, le 12 mai 1839.
Philippe Buonarroti et la Charbonnerie Insurrectionnelle, Spartakus FreeMann, août 2010.
Illustration : Ec.Domnowall [CC BY 3.0], via Wikimedia Commons