Zohar I. 1a – 2b – Genèse.
fol.1a – Fol. 15a)
PRÉLIMINAIRES
[1a]. Rabbi Hizqiya ouvrit une de ses conférences par l’exorde suivant : il est écrit : « Telle que la rose entre les épines, telle est ma bien-aimée entre les filles. » Que désigne le mot rose ? Il désigne la « communauté d’Israël ». De même que la rose est rouge et blanche, de même la communauté d’Israël subit tantôt la rigueur et tantôt la clémence ; et de même que la rose est pourvue de treize pétales, de même la communauté d’Israël est environnée de treize voies de miséricorde. Ainsi, au commencement de la Genèse, entre la première mention du nom divin « Élohim » et la seconde, il y a treize mots qui, comme les treize voies de miséricorde, entourent la communauté d’Israël et la gardent. Puis, il est fait une autre mention du nom divin « Élohim ». Pourquoi cette autre mention ? Pour indiquer le mystère que symbolisent les cinq pétales forts qui entourent la rose. Ce nombre de cinq désigne les cinq voies du salut et correspond aux cinq portes de la grâce. C’est à, ce mystère que font allusion les paroles de l’Écriture : « Je prendrai le “calice du salut” et j’invoquerai le nom du Seigneur. » Le « calice du salut » désigne la « coupe des bénédictions » qui doit reposer sur cinq doigts seulement, semblable à la rose qui est assise sur cinq pétales forts correspondant aux cinq doigts. Ainsi, la rose symbolise la « coupe des bénédictions ». C’est pourquoi, entre le second « Élohim » et le troisième, il y a cinq mots. Après le troisième « Élohim », est écrit le mot « lumière ». Cette lumière a été créée et ensuite cachée et renfermée dans l’« alliance », symbole du principe fécondateur qui pénètre dans la rose et la féconde. Et c’est cela qui est appelé dans l’Écriture « arbre fruitier qui renferme sa semence » ; et cette semence fécondante se trouve dans l’« alliance » même. Et de même que le symbole de l’« alliance » est formé de quarante-deux grains de matière fécondante, de même les parties constituantes du nom gravé et ineffable sont les quarante-deux lettres avec lesquelles s’opéra l’œuvre de la création.
Il est écrit : « Au commencement. » Rabbi Siméon ouvrit une de ses conférences par l’exorde suivant : « Les “fleurs” paraissent sur la terre, l’époque de tailler est venue et la voix de la tourterelle s’est fait entendre dans notre pays. » « Les fleurs », c’est l’œuvre de la création. « Paraissent sur la terre », quand ? Au troisième jour de la création, comme il est dit : au troisième jour « la terre produisit » ; donc les fleurs parurent ce jour-là sur la terre. « L’époque de tailler est venue » désigne le quatrième jour de la création, dans lequel eut lieu la chute des démons. C’est en raison de cet événement que le mot « M’oroth » (= Lumières) est écrit sans vav et peut se traduire par « malédiction ». « Et la voix de la tourterelle » désigne le cinquième jour de la création ; car à propos de ce jour il est écrit : « Faisons l’homme », l’homme qui, plus tard, lors de la proclamation de la loi, dira : « Nous ferons » avant de dire : « Nous entendrons », c’est-à-dire qui prendra l’engagement d’observer la loi avant même d’avoir entendu sa proclamation [1b]. En effet, dans les deux textes se trouve l’expression identique : « Nous ferons. » « Dans notre pays » désigne le jour du Sabbat, symbole du « pays de la vie », qui est le monde futur, monde des âmes, monde des consolations. « Les fleurs », ce sont les âmes des Patriarches, qui préexistaient dans la pensée de Dieu avant la création et entrèrent et furent cachées dans l’autre monde, d’où elles émigrent et vont habiter le corps d’un prophète véritable. Ainsi, lorsque Joseph naquit, elles vinrent se cacher en lui ; et quand il monta « en terre sainte », il les y fixa. Et c’est là la signification des mots : « Les fleurs paraissent dans le pays » : les âmes des patriarches apparaissent en ce monde. Et quand apparaissent-elles ? L’Écriture répond : au moment où l’arc-en-ciel apparaît en ce monde. Car c’est le moment appelé « l’époque de tailler », c’est-à-dire, le temps d’exterminer les coupables de ce monde. Mais pourquoi les coupables sont-ils sauvés ? Parce que « les fleurs paraissent sur la terre ». Si elles ne paraissaient point, les coupables ne pourraient pas subsister, et le monde ne subsisterait pas. Et qui soutient le monde et détermine l’apparition des patriarches ? C’est la voix des petits enfants1 qui étudient la Tora ; et c’est grâce aux petits enfants que le monde est sauvé, comme il est écrit : « Nous te ferons des tourterelles d’or », c’est-à-dire les tout jeunes enfants, ainsi qu’il est dit ailleurs : « Tu feras deux chérubins d’or. »
Il est écrit : « Au commencement. » Rabbi Éléazar ouvrit une de ses conférences par l’exorde suivant : « Levez les yeux en haut et considérez qui a créé cela. » « Levez les yeux en haut », vers quel endroit ? Vers l’endroit où tous les regards sont tournés. Et quel est cet endroit ? C’est l’« ouverture des yeux ».
Là vous apprendrez que le mystérieux Ancien, éternel objet des recherches, a créé cela. Et qui est-il ? « Mi » (= Qui). C’est celui qui est appelé l’« Extrémité du ciel », en haut, car tout est en son pouvoir. Et c’est parce qu’il est l’éternel objet des recherches, parce qu’il est dans une voie mystérieuse et parce qu’il ne se dévoile point qu’il est appelé « Mi » (= Qui); et au-delà il ne faut point approfondir c. Cette Extrémité supérieure du ciel est appelée « Mi » (= Qui). Mais il y a une autre extrémité en bas, appelée « Mâ » (= Quoi). Quelle différence y a-t-il entre l’une et l’autre ? La première, mystérieuse, appelée « Mi » est l’éternel objet des recherches ; et, après que l’homme a fait des ; recherches, après qu’il s’est efforcé de méditer et de remonter d’échelon en échelon jusqu’au dernier, il finit par arriver à « Mâ » (= Quoi). Qu’est-ce que tu as appris ? Qu’est-ce que tu as compris ? Qu’est-ce que tu as cherché ? Car tout est aussi mystérieux qu’auparavant. C’est à ce mystère que font allusion les paroles de l’écriture : « Mi » (= Quoi), je te prendrai à témoin, Mâ (= Quoi), je te ressemblerai. » Lorsque le Temple de Jérusalem fut détruit, une voix céleste se fit entendre et dit : « Mâ » (= Quoi) te donnera un témoignage », car chaque jour, dès les premiers jours de la création, j’ai témoigné, ainsi qu’il est écrit : « Je prends aujourd’hui à témoin le ciel et la terre. » « Mâ te ressemblera », c’est-à-dire te conférera des couronnes sacrées, tout à fait semblables aux siennes, et te rendra maître du monde, ainsi qu’il est écrit : « Est-ce là la ville d’une beauté si parfaite, etc. », et ailleurs, Jérusalem qui est bâtie comme une ville dont toutes les parties sont dans une parfaite harmonie entre elles. » « Mâ » (= Quoi) deviendra ton égal, c’est-à-dire il prendra en haut la même attitude que tu observeras en bas ; de même que le peuple sacré n’entre plus aujourd’hui dans les murs saints, de même je te promets de ne pas entrer dans ma résidence en haut avant que toutes les troupes soient entrées dans des murs en bas. Que cela te serve de consolation, puisque sous cette forme de « Quoi » je serai ton égal en toutes choses. Et s’il en est ainsi, « le débordement de tes maux est semblable à une mer ». Mais si tu penses que ton mal est sans guérison et sans fin, détrompe-toi, « Mi te guérira ». Car (Mi), celui qui est l’échelon supérieur du mystère et dont tout dépend, te guérira et te rétablira ; Mi, extrémité du ciel d’en haut, et Mâ, extrémité du ciel d’en bas. Et c’est là l’héritage de Jacob qui forme le trait d’union entre l’extrémité supérieure Mi et l’extrémité inférieure Mâ, car il se tient au milieu d’elles. Telle est la signification du verset : « Mi (= Qui) a créé cela ».
S’adressant à son fils, Rabbi Siméon dit : Éléazar, mon fils, continue à expliquer le verset, afin que soit dévoilé le mystère suprême que les enfants de ce monde ne connaissent pas encore. Rabbi Éléazar garda le silence. Prenant alors la parole, Rabbi Siméon dit : Éléazar, que signifie le mot « Éléh » (= Cela) ? Il ne peut pas désigner les étoiles et autres astres, puisqu’on les voit toujours et puisque les corps célestes sont créés par « Mâ », ainsi qu’il est écrit : « Par le Verbe de Dieu, les cieux ont été créés. » Il ne peut pas non plus désigner des objets secrets, attendu que le mot « Eléh » ne peut se rapporter qu’à des choses visibles. Ce mystère ne m’avait pas encore été révélé avant le jour où, comme je me trouvais au bord de la mer, le prophète Élie m’apparut. Il me dit : Rabbi, sais-tu ce que signifient les mots : « Qui (Mi) a créé cela (Eléh) ? » Je lui répondis : le mot « Eléh » désigne les cieux et les corps célestes ; l’Écriture recommande à l’homme de contempler les œuvres du Saint, béni soit-il, ainsi qu’il est écrit : « Quand je considère tes cieux, œuvre de tes doigts, etc. », et un peu plus loin : « Dieu, notre maître, que ton nom est admirable sur toute la terre. » Élie me répliqua : Rabbi, ce mot renfermant un secret a été prononcé devant le Saint, béni soit-il, et la signification en fut dévoilée dans l’École céleste ; la voici : lorsque le Mystère de tous les Mystères voulut se manifester, il créa d’abord un point, qui devint la Pensée divine ; ensuite il y dessina toutes espèces d’images, y grava toutes sortes de figures et y grava enfin la lampe sacrée et mystérieuse, image représentant le mystère le plus sacré, œuvre profonde sortie de la Pensée divine. Mais cela n’était que le commencement de l’édifice, existant sans toutefois exister encore, caché dans le Nom, et ne s’appelant à ce moment que « Mi ». Alors, voulant se manifester et être appelé par son nom, Dieu s’est revêtu d’un vêtement précieux et resplendissant et créa « Eléh » (Cela), qui s’ajouta à son nom. « Éléh », ajouté à « Mi » renversé, a formé « Élohim ». Ainsi, le mot « Élohim » n’existait pas avant que fût créé « Eléh ». C’est à ce mystère que les coupables qui adorèrent le veau d’or firent allusion lorsqu’ils s’écrièrent : « Éléh » est ton Dieu, ô Israël.
Et de même que dans la création « Mi » reste toujours attaché à « Éléh », de même en Dieu ces deux noms sont inséparables.
C’est grâce à ce mystère que le monde existe. Après avoir ainsi parlé, le prophète Élie s’envola et je ne l’ai plus revu. Et c’est de lui que j’ai appris l’explication de ce mystère. Rabbi Éléazar et tous les compagnons s’approchèrent alors de Rabbi Siméon et se prosternèrent devant lui en pleurant. Si nous n’étions venus en ce monde, disaient-ils, que pour entendre ces paroles, cela nous eût suffi. Continuant son discours, Rabbi Siméon dit : Ainsi, le ciel et tous les corps célestes ont été créés à l’aide de « Mâ », car il est écrit « Quand je considère tes cieux, ouvrage de tes doigts, etc. », et un peu plus loin : « Éternel notre Dieu “Mâ ” (= Que) ton nom est admirable sur toute la terre, ô toi qui donnes ta parure au ciel. » « Au ciel », pour s’ajouter à son nom, car une lumière crée l’autre ; l’une revêt l’autre et elle s’ajoute au nom d’en haut. Telle est la signification des paroles : « Au commencement, Dieu créa Élohim. » « Éléh » s’ajoutant à « Mi », qui est en haut, forma « Élohim » ; car « Mâ », qui est en bas, n’existait pas encore et ne fut créé qu’au moment où les lettres émanaient les unes des autres, « Éléh » d’en haut vers « Éléh » d’en bas ; et la mère prête à la fille ses vêtements et la pare de ses joyaux. Et quand est-ce qu’elle la parera de ses joyaux comme il convient ? Lorsque tous les mâles se présenteront devant le Seigneur tout-puissant ainsi qu’il est écrit : « Tous les mâles se présenteront trois fois l’année devant le maître Dieu. » Or, celui-ci est appelé « Maître », ainsi qu’il est écrit : « L’arche de l’alliance, Maître de toute la terre. » Ainsi si on remplace le (hé) de Mâ(h), qui est l’image du principe femelle, par la lettre « i » de « Mi », qui est l’image du principe mâle, et si on y ajoute les lettres de « Éléh », émané d’en haut, grâce à Israël, on forme Élohim d’en bas. Telle est la signification des paroles de l’Écriture : « Mes larmes m’ont servi de pain le jour et la nuit, lorsqu’on me dit tous les jours : où est ton Élohim ? Je me suis souvenu de Cela (Eléh) et j’ai répandu mon âme au dedans de moi-même. » « Je me suis souvenu de cela et j’ai versé des larmes », pour faire émaner les lettres les unes des autres, pour faire émaner « Éléh » et former « Élohim », comme il est dit : « Je les ferai descendre » d’en haut « jusqu’à la maison d’Élohim », en bas, pour former un « Élohim » pareil à « Élohim » d’en haut. Par quel moyen ? « Par des chants et par des actions de grâces. »
À ces paroles, Rabbi Siméon se mit à pleurer et interrompit son discours. Profitant de cette courte pause, Rabbi Éléazar dit : mon silence m’a valu un discours de mon père relatif à l’édification du Temple d’en haut et du Temple d’en bas ; et ainsi se vérifie le proverbe qui dit : « La parole vaut un sélà, mais le silence en vaut deux » ; car les paroles que j’ai prononcées précédemment valent un sélà ; mais le silence que j’ai gardé ensuite en vaut deux, attendu que grâce à ce silence j’ai appris que Dieu a créé les deux mondes, celui (l’en haut et celui d’en bas à la fois.
Rabbi Siméon dit : nous allons maintenant expliquer la seconde partie du verset précitée : « Qui fait sortir ». L’Écriture parle des deux hypostases, dont l’une, c’est-à-dire « Mi », fait sortir l’autre, c’est-à-dire « Mâ ». Bien que l’Écriture se serve du mot « sortir », le « Mi » d’en haut et le « Mâ » d’en bas ne sont en réalité qu’une seule et même chose ; et quand on dit que « Mâ » sort de « Mi », il ne faut pas prendre le mot « sort » à la lettre. De même, on dit dans la bénédiction qu’on prononce avant de manger le pain : « Béni soit Dieu, notre Maître, le Roi de l’Univers, qui fait sortir le pain de la terre. » Ici non plus le mot « sortir » ne doit pas être pris à la lettre. « Leurs armées dans le nombre », c’est-à-dire le nombre de six cent mille, qui se tiennent tous comme un seul homme, ce sont les armées de « Mi » et celles de « Mâ ». On ne parle ici que des classes, car leurs subdivisions sont innombrables. « Il appela par le nom. » Que signifient ces mots ? Diras-tu qu’il les appela par leurs noms ? Dans ce cas il faudrait : par son nom (chacun par son nom) ; mais voici ce que cela signifie : « Lorsque ce degré n’était pas encore entré dans le nom, et qu’il s’appelait seulement “Mi”, il (Dieu) n’enfantait ni produisait les choses cachées, chacune selon son espèce, bien que toutes fussent cachées en lui ». Mais dès qu’il eut créé Éléh, que Éléh se fut ajouté à son nom et qu’il fut appelé Élohim, alors, par la vertu de ce nom, il les produisit en totalité. C’est là le sens de : « Il appela par le nom » ; par son nom il appela et produisit toutes les espèces destinées à exister. C’est de la même façon qu’il est écrit : « Vois : j’ai appelé par le nom (Beçalel) », c’est-à-dire : j’ai prononcé mon nom pour que Beçalel fût établi dans ses fonctions. « De beaucoup la grandeur. » Que signifient les mots : « De beaucoup la grandeur » ? Cela veut dire que la volonté de Dieu, qui s’accomplit à la première échelle, s’accomplit également en bas [2b] par une voie mystérieuse. « Et puissant en force. » C’est le mystère du monde céleste, à savoir qu’il (le mot Éléh) est entré dans le nom Élohim, comme nous l’avons dit. « Aucun homme ne manque », c’est-à-dire « aucun ne manque » de ces six cent mille qu’il a produits par la vertu du nom. De même que les Israélites, alors même qu’ils étaient décimés par suite de leurs péchés, ont toujours conservé le nombre de six cent mille, à chaque dénombrement, sans qu’un seul homme manquât, de même aucun des mondes ici-bas ne manquera jamais, parce qu’ils correspondent aux armées célestes.
Plus de textes du Zohar :
- Traité des Palais de Zohar II – folio 244a à 269a ;
- L’Idra de Maskhanah – Zohar II 122b à 123b ;
- Les Palais du côté impur – Zohar II – folio 244a à 269a ;
- Zohar II. 278b – 296a – Tossaphoth ;
- Siphra di-Zenioutha – Zohar II 176b-179a ;
- Idra Rabba Kadisha – Zohar, III, 127b – 145a ;
- Idra Zouta Kadisha – Zohar III, 287B à 296B.
Plus sur le sujet :
Le Zohar, traduction Jean de Pauly, éditions Maisonneuve & Larose.
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