La Magie juive et la Kabbale (seconde partie) par Spartakus FreeMann.
4- La Kabbale Pratique.
Selon Westcott : « il se peut qu’elle [la Kabbale pratique] ait précédé la Philosophie Théorique car elle était au départ concernée par l’étude intime du Pentateuque; une recherche basée sur la théorie que chaque phrase, mot et lettre fut donné par l’Inspiration Divine et que pas un point ou un Yod (le Yod est la plus petite lettre hébraïque) ne doive en être ignoré. Les Rabbis comptaient chaque mot et chaque lettre et alors que leurs nombres étaient représentés par leurs lettres, ils comptaient la numération de tous les noms et titres de Dieu ainsi que tous les noms propres, ainsi que la numération des phrases contenant des commandements divins ».
Les Rabbis de la Kabbale confèrent une signification naturelle aux mots de la Torah ou aux Livres de la Loi de l’Ancien Testament en tant que guides vers une connaissance de la conduite probe dans la vie et comme lecture adéquate pour la Synagogue et la maison mais ils soutiennent que chaque verset, chaque loi et chaque accident ont aussi une signification mystique profonde et occulte que l’on peut trouver dans le calcul, les permutations et les substitutions, selon les règles de la Guematria, du Notariqon et de la Temurah : le premier terme est d’origine grecque, le deuxième d’origine latine, mais le troisième est d’origine hébraïque, חמורה, de la racine מטר, changer.
Le plus célèbre Rabbi du XVIIe siècle appelé Menasseh ben Israël, comparait les Livres de Moïse au corps de l’homme, les commentaires appelés Mishna à l’âme, et la Kabbale qu’il appelait Esprit de l’âme : « les gens ignorants peuvent étudier les premiers, les gens instruits les seconds, mais les plus sages dirigent leur contemplation aux troisièmes » ; c’est eux qu’il appelait les kabbalistes – les divins théologiens possédaient les treize règles par lesquelles ils peuvent pénétrer les mystères liés aux Écritures.
De nombreux kabbalistes proclament que leurs doctrines et leurs méthodes furent apportées des Cieux au premier homme par des Anges, et ils croyaient tous que les quatre premiers Livres du Pentateuque contenaient leurs doctrines particulières aussi bien sous la forme de narrations que de lois.
Le Zohar dit : « Si ces Livres de la Torah contiennent seulement des histoires à propos d’Esaü, d’Hagar, de Laban et de Balaam pourquoi les appeler Lois Parfaites, Loi de la Vérité, Véritable Témoin ? Il doit exister une signification cachée ». « Sot est l’homme qui dit que la Loi (Torah) contient seulement des paroles communes et des histoires : si cela était vrai nous pourrions même à notre époque composer un livre doctrinal qui serait plus respecté. Non, chaque mot a un sens sublime et est un mystère du ciel. La Loi ressemble à un Ange : pour faire descendre un ange spirituel sur terre l’on doit mettre un vêtement connu et compris d’ici bas, ainsi la Loi doit s’être habillée de vêtements de mots comme le corps des hommes ; mais le sage regarde sous ces vêtements ».
Dans le très ancien Sepher Yetsirah on trouve des allocations de lettres aux planètes, à partir de cette origine s’est développé un système de talismans écrits sur des parchemins ou gravés sur des médailles ou des pierres. Comme chaque planète avait une lettre et un nombre, à chacune fut allouée un Carré Magique, ainsi, pour Jupiter le 4 était le nombre et Daleth la lettre. Jupiter avait un carré de 16 cases et chaque ligne valait 34 et le Carré totalisait 136. Chaque talisman portait au moins un nom de dieu afin de le sanctifier. Les noms les plus significatifs étaient יה, Iah, הלה, Eloah, יהוה, le Nom de 42 lettres : Aheie asher aheie, Iah, Iehuiah, El, Elohim, Iehovah, Tzabaoth, El Chaï and Adonaï.
Le Shemhaephorash, ou Nom Ineffable était un Nom de Pouvoir très célèbre et était formé de trois fois 72 lettres, les mots des trois versets 19, 20 et 21 de l’Exode XIV étaient pris : les lettres du verset 19 étaient écrites, ensuite celles du verset 20 étaient écrites, dans l’ordre inverse et enfin celles du verset 21 dans l’ordre normal. Cela nous donne 72 Noms de trois lettres auxquels on ajoutait אל ou יה afin d’obtenir les 72 anges de l’Échelle de Jacob qui dirigent la terre et les cieux. Ces noms étaient souvent placés sur le revers et l’avers des médailles ou des rouleaux de parchemin afin de former les 36 Talismans.
Selon certains kabbalistes, le Roi David et le Roi Salomon étaient capables de faire des choses merveilleuses avec les Arts Magiques Kabbalistiques : le Pentagramme était appelé Sceau de Salomon et l’Hexagramme était appelé Bouclier de David ; aux angles du premier on assignait l’Esprit et les Quatre Éléments alors que ceux du dernier étaient attribuées les Planètes. Le Traité appelé Les Clavicules du Roi Salomon est bien sûr une fraude médiévale.
Il faut savoir que lorsqu’en français nous utilisons le mot de « magie », le mystique juif qui opère une telle pratique – un exorcisme, la création d’un Golem, la fabrication d’une amulette – ne la nomme pas de cette manière et considère effectuer une opération licite, théurgique et non « magique ».
En effet, pour le théurge juif, le magicien, le sorcier ou la sorcière est l’ennemi maléfique et néfaste qu’il doit combattre au nom de l’esprit de la Torah : « Tu ne souffriras pas que vive la sorcière » (Exode 22:17). En outre, l’utilisation que l’on prêtait aux juifs de sang, de reliquats humains (ongles, cheveux…) est en totale contradiction avec les lois du Kasherout (pureté) qui interdisaient la manipulation d’objets non sanctifiés. Il est, dès lors, très peu probable de voir un juif, kabbaliste de surcroît, s’aventurer à invoquer un démon ou Satan ou d’envoûter une frêle jeune fille au moyen de filtres fabriqués à partir de ses cheveux ou de ses ongles. Inutile de préciser que les sacrifices d’animaux, selon les règles du Kasherout, seraient un blasphème encore pire pour un juif pratiquant, et donc pour un kabbaliste.
L’utilisation par le Kabbaliste pratique des Noms de Dieu, d’invocations divines et de prières aux anges était considérée comme une action de plus haut niveau qui liait le pratiquant aux sphères célestes.
Pour résumer, on peut tenter ici de brosser un tableau de ce qui était permis et de ce qui ne l’était pas.
Les interdits :
1- Tout acte qui est posé en dehors d’une aide divine ou supernaturelle, donc qui n’est pas dirigé vers Dieu.
2- Tout ce qui produit un effet matériel au moyen de l’acte seul, comme la transmutation. La manipulation de la nature intime des choses.
3- La mauvaise utilisation du Nom Divin afin de faire le mal, de servir son désir de revanche.
4- L’utilisation de la magie sympathique, donc d’affecter une personne ou quelque chose à distance par l’utilisation d’une image ou d’une effigie. Cela est généralement considéré comme une manipulation de la nature intime d’une personne ou d’une chose sans aide divine.
5- Créer une illusion car celle-ci est l’oeuvre des démons.
6- La magie noire, la nécromancie, l’utilisation de noms qui ne sont pas sanctifiés ou saints. La connaissance de ces matières n’est pas interdite mais l’utilisation seule.
Les pratiques permises :
1- Ce qui invoque Dieu ou les aides supernaturelles (anges, archanges…)
2- Ce qui repose sur l’utilisation des Noms Divins.
La liste des actes licites est très restrictive et l’on comprendra donc que tout ce qui sort de la Kabbale des lettres et des Noms Divins doit être considéré comme illicite. La Magie, au sens usuel, est donc improbable au sein de la communauté d’Israël et des Kabbalistes. On comprendra aisément que la Kabbale pratique repose donc sur la puissance divine et non, comme c’est le cas dans les traditions occidentales, dans la puissance du mage. Le Kabbaliste n’est rien si ce n’est un canal de la volonté divine.
Plus sur le sujet :
La Magie juive et la Kabbale, par Spartakus FreeMann.
Pour prendre connaissance de quelques applications de la Kabbale pratique, se reporter aux articles :
- Abracadabra et Abrahadabra, par Spartakus FreeMann.
- L’alphabet de Ben Sira et Lilith, par Spartakus FreeMann.
- La cérémonie du Tahid ou cérémonie de l’acier, par Spartakus FreeMann.
- Une invocation pour se protéger contre la maladie et le mauvais oeil selon le Sefer Merehyeledim, par Liliaël.
- Une utilisation magique des Psaumes, par Spartakus FreeMann.