Analyse de la Rose-Croix selon Henry Khunrath, un texte de Stanislas de Guaita.
Cette figure est un merveilleux pantacle, c’est-à-dire le résumé hiéroglyphique de toute une doctrine ; on trouve là groupés dans une savante synthèse, tous les mystères pentagrammatiques de la Rose-Croix des adeptes.
C’est d’abord le point central déployant la circonférence à trois degrés différents, ce qui nous donne les trois régions circulaires et concentriques figurant le processus de l’Émanation proprement dite.
Au centre, un Christ en croix dans une rose de lumière : c’est le resplendissement du Verbe ou de l’Adam Kadmôn אדם קדמון ; c’est l’emblème du Grand Arcane : jamais on n’a plus audacieusement révélé l’identité d’essence entre l’Homme-Synthèse et Dieu manifesté.
Ce n’est pas sans les raisons les plus profondes que l’hiérographe a réservé pour le milieu de son pantacle le symbole qui figure l’incarnation du Verbe éternel. C’est en effet par le Verbe, dans le Verbe et à travers le Verbe (indissolublement uni lui-même à la Vie), que toutes choses, tant spirituelles que corporelles, ont été créées. —« In principio erat Verbum (dit saint Jean) et Verbum erat apud Deum, et Deus erat Verbum… Omnia per ipsum facta sunt et sine ipso factum est nihil quod factum est. In ipso vita erat… » Si l’on veut prendre garde à quelle partie de la figure humaine est attribuable le point central déployant la circonférence, on comprendra peut-être avec quelle puissance hiéroglyphique l’Initiateur a su exprimer ce mystère fondamental.
Le rayonnement lumineux fleurit alentour ; c’est une rose épanouie en cinq pétales, — l’astre à cinq pointes du Microcosme kabbalistique, l’Étoile flamboyante de la Maçonnerie, le symbole de la Volonté toute puissante, armée du glaive de feu des Keroubîms.
Pour parler le langage du Christianisme exotérique, c’est la sphère de Dieu le Fils, placée entre celle de Dieu le Père (la Sphère d’ombre d’en haut où tranche Aïn-Soph אין סוף en caractères lumineux), et celle de Dieu le Saint-Esprit, Rûach Hakkadôsh רוח הקדוש (la sphère lumineuse d’en bas où l’hiérogramme Emeth אמת tranche en caractères noirs).
Ces deux sphères apparaissent comme perdues dans les nuages d’Atziluth אצילות, pour indiquer la nature occulte de la première et de la troisième personne de la Sainte-Trinité : le mot hébreu qui les exprime se détache en vigueur, lumineux ici sur fond d’ombre, là ténébreux sur fond de lumière, pour faire entendre que notre esprit, inapte à pénétrer ces Principes dans leur essence, peut seulement entrevoir leurs rapports antithétiques, en vertu de l’analogie des contraires.
Au-dessus de la sphère d’Aïn-Soph, le mot sacré de Ièhovah ou Iahôah se décompose dans un triangle de flamme, comme il suit :
Sans nous engager dans l’analyse hiéroglyphique de ce vocable sacré, sans prétendre surtout à exposer ici les arcanes de sa génération — ce qui voudrait d’interminables développements — nous pouvons dire qu’à ce point de vue spécial, Iod י symbolise le Père, Iah יה le Fils, Iahô יהו l’Esprit-Saint, Iahôah יהוה l’Univers vivant : et ce triangle mystique est attribué à la sphère de l’ineffable Aïn-Soph ou de Dieu le Père. Les Kabbalistes ont voulu montrer par là que le Père est la source de la Trinité toute entière, et bien plus, contient en virtualité occulte tout ce qui est, fut ou sera.
Au-dessus de la sphère d’Emeth ou de l’Esprit-Saint, dans l’irradiation même de la Rose-croix et sous les pieds du Christ, une colombe à tiare pontificale prend, son vol enflammé : emblème du double courant d’amour et de lumière qui descend du Père au Fils — de Lieu à l’Homme — et remonte du Fils au Père — de l’Homme à Dieu — ses deux ailes étendues correspondent exactement au symbole païen des deux serpents entrelacés autour du caducée d’Hermès.
Aux seuls initiés l’intelligence de ce rapproche ment mystérieux.
Revenons à la sphère du Fils, qui nécessite des commentaires plus étendus. Nous avons marqué ci-dessus le caractère impénétrable du Père et de l’Esprit-Saint, envisagés dans leur essence.
Seule, la seconde personne de la Trinité — figurée par la Rose-Croix centrale — perce les nuages d’Atziluth, en y dardant les dix rayons séphirothiques.
Ce sont comme autant de fenêtres ouvertes sur le grand arcane du Verbe, et par où l’on peut contempler sa splendeur, à dix points de vue différents. Le Zohar compare, en effet, les dix Séphiroth à autant de vases transparents de couleur disparate, à travers lesquels resplendit, sous dix aspects divers, le foyer central de l’Unité-synthèse.
Supposons encore une tour percée de dix croisées et au centre de laquelle brille un candélabre à cinq branches ; ce lumineux quinaire sera visible à chacune d’entre elles ; celui qui s’y arrêtera successivement pourra compter dix candélabres ardents aux cinq branches… (Multipliez le pentagramme par dix, en faisant rayonner les cinq pointes à chacune des dix ouvertures, et vous aurez les Cinquante Portes de Lumière.)
Celui qui prétend à la synthèse doit entrer dans la tour. Ne sait-il que la contourner ? Il est un analytique pur. On voit à quelles erreurs d’optique il s’expose, dès qu’il veut raisonner sur l’ensemble.
Nous dirons quelques mots plus loin du système séphirothique ; il faut en finir avec l’emblème central. Réduit aux proportions géométriques d’un schéma, il peut se tracer ainsi :
Une croix renfermée dans l’étoile flamboyante. C’est le quaternaire qui trouve son expansion dans le quinaire.
C’est la pure essence qui se sous-multiplie, en descendant au cloaque de la matière où elle s’embourbera pour un temps ; mais son destin est de trouver dans son avilissement même la révélation de sa personnalité et déjà — présage de salut — elle sent, au dernier échelon de sa déchéance, sourdre en elle, en mode instinctif, la grande force rédemptrice de la Volonté.
C’est le Verbe, יהוה, qui s’incarne et devient le Christ douloureux ou l’homme corporel, יהשוה, jusqu’au jour où assumant avec lui sa nature humaine régénérée, il rentrera dans sa gloire.
C’est là ce qu’exprime l’adepte Saint-Martin, au premier tome d’Erreurs et Vérité, quand il enseigne que la chute de l’homme provient de ce qu’il a interverti les feuillets du Grand Livre de la Vie et substitué la cinquième page (celle de la corruption et de la déchéance) à la quatrième (celle de l’immortalité et de l’entité spirituelle).
En additionnant le quaternaire crucial et le pentagramme étoilé, l’on obtient 9, chiffre mystérieux dont l’explication complète nous ferait sortir du cadre que nous nous sommes tracé. Nous avons ailleurs (Lotus, tome II, n° 12, pp. 327-328) dé taillé fort au long et démontré par un calcul de Kabbale numérique, comme quoi 9 est le nombre analytique de l’homme. Nous renvoyons le lecteur à cette exposition… [1]
Notons encore — car tout se tient en Haute Science et les concordances analogiques sont absolues — notons que dans les figures géométriques de la Rose-Croix, la rose est traditionnellement formée de neuf circonférences entrelacées, à l’instar des anneaux d’une chaîne sans fin. Toujours le nombre analytique de l’homme : 9 !
Une importante remarque et qui sera une confirmation nouvelle de notre théorie. Il est évident, pour tous ceux qui possèdent quelques notions ésotériques, que les quatre branches de la croix intérieure (figurée par le Christ les bras étendus) doivent être marquées aux lettres du tétragramme : Iod, hé, vau, hé. — Nous ne saurions revenir ici sur ce que nous avons dit ailleurs [2] de la composition hiéroglyphique et grammaticale de ce mot sacré : les commentaires les plus étendus et les plus complets se trouvent communément dans les œuvres de tous les kabbalistes. (V. de préférence Rosenroth, Kabbala Denudata ; Lenain, la Science kabbalistique ; Fabre d’Olivet, Langue hébraïque restituée ; Éliphas Lévi, Dogme et Rituel, Histoire de la magie, Clef des grands mystères, et Papus, Traité élémentaire de science occulte et surtout le Tarot.) Mais considérons un instant l’hiérogramme Ieschua יהשוה : de quels éléments se trouve-t-il composé? Chacun peut y voir le fameux tétragramme, écartelé par le milieu, puis ressoudé par la lettre hébraïque ש schin. Or, יהוה exprime ici l’Adam-Kadmôn, l’Homme dans sa synthèse intégrale, en un mot, la divinité manifestée par son Verbe et figurant l’union féconde de l’Esprit et de l’Âme universelle. Scinder ce mot, c’est emblématiser la désintégration de son unité et la multiplication divisionnelle qui en résulte pour la génération des sous-multiples. Le schin ש, qui rejoint les deux tronçons, figure (Arcane 21 ou 0 du Tarot) le feu générateur et subtil, le véhicule de la Vie non différenciée, le Médiateur plastique universel dont le rôle est d’effectuer les incarnations, en permet tant à l’Esprit de descendre dans la matière, de la pénétrer, de l’évertuer, de l’élaborer à sa guise enfin. Le ש en trait d’union aux deux parties du tétragramme mutilé est donc le symbole de la chute et de la fixation, dans le monde élémentaire et matériel, de יהוה désintégré de son unité.
C’est ש enfin, dont l’addition au quaternaire ver bal, de la sorte que nous avons dite, engendre le quinaire ou nombre de la déchéance. Saint-Martin a très bien vu cela. Mais 5, qui est le nombre de la chute, est aussi le nombre de la volonté, et la volonté est l’instrument de la réintégration.
Les initiés savent comment la substitution de 5 à 4 n’est que transitoirement désastreuse ; comment, dans la fange où il se vautre déchu, le sous-multiple humain apprend à conquérir une personnalité vraiment libre et consciente. Félix culpa ! De sa chute, il se relève plus fort et plus grand; c’est ainsi que le mal ne succède jamais au bien que temporairement et en vue de réaliser le mieux !
Ce nombre 5 recèle les plus profonds arcanes ; mais force nous est de faire halte ici, sous peine de nous trouver compromis dans d’interminables digressions. — Ce que nous avons dit du 4 et du 5 dans leurs rapports avec la Rose-Croix suffira aux Initiables. Nous n’écrivons que pour eux.
Disons quelques mots à cette heure des rayons, au nombre de dix, qui percent la région des nuages ou d’Atziluth. C’est le dénaire de Pythagore qu’on appelle en Kabbale : émanation séphirothique. Avant de présenter à nos lecteurs le plus lumineux classement des Séphiroths kabbalistiques, nous tracerons un petit tableau des correspondances traditionnelles entre les dix séphires et les dix principaux noms donnés à la divinité par les théologiens hébreux : ces noms, que Khunrath a gravés en cercle dans l’épanouissement de la rose flamboyante, correspondent chacun à l’une des dix Séphires.
Quant aux noms divins, après avoir donné leur traduction en langage vulgaire, nous allons, aussi brièvement que possible, déduire de l’examen hiéroglyphique de chacun d’eux, la signification ésotérique moyenne qui peut leur être attribuée :
אהיה — Ce qui constitue l’essence inaccessible de l’Être absolu, où fermente la vie.
יה — L’indissoluble union de l’Esprit et de l’Ame universels [3].
יהוה — Copulation des Principes mâle et femelle, qui engendrent éternellement l’Univers-vivant. (Grand Arcane du Verbe.)
אל —Le déploiement de l’Unité-principe. — Sa diffusion dans l’Espace et le Temps.
אלהים גבור — Dieu-les-dieux des géants ou des hommes-dieux.
אלוה — Dieu reflété dans l’un des dieux.
יהוה צבאות — Le Iod-hèvê (voir plus haut) du Septénaire ou du triomphe.
אלהים צבאות — Dieux-les-dieux du Septénaire ou du triomphe.
שדי — Le Fécondateur, par la Lumière astrale en expansion quaternisée, puis le retour de cette Lumière au principe à jamais occulte d’où elle émane. (Masculin de שדה, la Fécondée, la Nature.)
אדני — La multiplication quaterne ou cubique de l’Unité-principe, pour la production du Devenir changeant sans cesse (le πάυτα ρεί d’Heraclite ) ; puis l’occultation finale de l’objectif concret, par le retour au subjectif potentiel.
מלך — La Mort maternelle, grosse de la vie : loi fatale se déployant dans tout l’Univers, et qui interrompt avec une force soudaine son mouvement de perpétuel échange, chaque fois qu’un être quel conque s’objective [4].
Tels sont ces hiérogrammes dans l’une de leurs significations secrètes.
Notons au reste que chacune des dix séphires (aspects du Verbe) correspond, dans le pantacle de Khunrath, à l’un des chœurs angéliques; idée sublime, quand on sait l’approfondir. Les anges, en Kabbale, ne sont pas des êtres d’une essence particulière et immuable : tout se meut, évolue et se transforme dans l’Univers-vivant ! En appliquant aux hiérarchies célestes la belle comparaison par laquelle les auteurs du Zohar tâchent à exprimer la nature des séphiroths, nous dirons que les chœurs angéliques sont comparables à des enveloppes transparentes et de couleurs diverses, où viennent briller tour à tour d’une lumière de plus en plus splendide et pure, les Esprits, qui définitive ment affranchis des formes temporelles, montent les suprêmes degrés de l’échelle de Jacob, dont le mystérieux mm occupe le sommet.
À chacun des chœurs angéliques, Khunrath fait correspondre encore l’un des versets du décalogue : c’est comme si l’ange recteur de chaque degré ouvrait la bouche pour promulguer l’un des préceptes de la loi divine. Mais ceci semble un peu arbitraire et moins digne de fixer notre attention.
Une idée plus profonde du théosophe de Leipzig est de faire jaillir les lettres de l’alphabet hébreu de la nuée d’Atziluth criblée des rayons séphirothiques.
Faire naître des contrastes de la Lumière et des Ténèbres les vingt-deux lettres de l’alphabet sacré hiéroglyphique,—lesquelles correspondent, comme on sait, aux vingt-deux arcanes de la Doctrine Absolue, traduits en pantacles dans les vingt-deux clefs du Tarot des Bohémiens, — n’est-ce pas condenser en une image frappante toute la doctrine du Livre de la Formation, Sepher-Yetzirah (ספר יצירה) ? Ces emblèmes, en effet, tour à tour rayonnants et lugubres, mystérieuses figures qui symbolisent si bien le Fas et le Nefas de l’éternel Destin, Henry Khunrath les fait naître de l’accouplement fécond de l’Ombre et de la Clarté, de l’Erreur et de la Vérité, du Mal et du Bien, de l’Être et du Non-Être ! Tels soudain surgissent à l’horizon d’imprévus fantômes, au visage souriant ou lugubre, splendide ou menaçant, quand sur l’amoncellement des nuages denses et sombres, Phoebus, une fois encore vainqueur de Python, darde ses flèches d’or.
Le tableau que voici va fournir, avec le sens réel des Séphirots, les correspondances qu’établit la kabbale entre elles et les hiérarchies spirituelles.
Pour compléter les notions élémentaires que nous avons pu produire, touchant le système séphirothique, nous terminerons ce travail parle schéma bien connu du triple ternaire ; ce classement est le plus lumineux, selon nous, et le plus fécond en précieux corollaires.
Les trois ternaires figurent la trinité manifestée dans les trois mondes.
Le premier ternaire — celui du monde intellectuel — est seul la représentation absolue de la Trinité Sainte : la Providence y équilibre les deux plateaux de la Balance dans l’ordre divin : la Sagesse et l’Intelligence.
Les deux ternaires inférieurs ne sont que les re flets du premier, dans les milieux plus denses des mondes moral et astral. Aussi sont-ils inversés, comme l’image d’un objet qui se reflète à la surface d’un liquide.
Dans le monde moral, la Beauté (ou l’Harmonie ou la Rectitude) équilibre les plateaux de la balance : la Miséricorde et la Justice.
Dans le monde astral, la Génération, instrument de la stabilité des êtres, assure la Victoire sur la mort et le néant, en alimentant l’Éternité par l’in tarissable succession des choses éphémères.
Enfin, Malkouth, le Royaume des formes, réalise en bas la synthèse totalisée, épanouie et parfaite des Séphiroths, dont en haut Kether, la Providence (ou la Couronne) renferme la synthèse germinale et potentielle.
Bien des choses nous resteraient encore à dire de la Rose-Croix symbolique de Henry Khunrath. Mais il faut nous borner.
Au demeurant, ce ne serait pas trop d’un livre entier pour le développement logique et normal des matières que nous avons cursivement indiquées en ces quelques notes ; aussi le lecteur nous trouvera-t-il fatalement trop abstrait et même obscur. Nous lui présentons ici toutes nos excuses.
Peut-être, s’il prend la peiné d’approfondir la kabbale à ses sources mêmes, ne sera-t-il pas fâché de retrouver, au cours de cet exposé massif et de si fatigante lecture, l’indication précise et même l’explication en langage initiatique d’un nombre assez notable d’arcanes transcendants.
Comme l’algèbre, la kabbale a ses équations et son vocabulaire technique. Lecteur, c’est une langue à apprendre, dont la merveilleuse précision et l’emploi coutumier vous dédommageront assez par la suite des efforts où votre esprit s’est pu dé penser dans la période de l’étude.
Plus sur le sujet :
Analyse de la Rose-Croix, selon Henry Khunrath. Extrait d’Au seuil du Mystère Stanislas de Guaita – Paris, Georges Carré, éditeur, 1890.
[1] Les exemplaires du Lotus étant devenus fort rares, on nous saura gré de reproduire ici cette importante démonstration.
L’hiérogramme d’Adam
En affirmant que l’hiérogramme d’Adam recèle les plus profonds arcanes de l’univers vivant, nous n’étonnerons pas ceux qui ont fait du Sepher Bereshith une étude sérieuse. En confrontant l’admirable traduction de Fabre d’Olivet et les révélations pantaculaires du livre de Thoth, il n’est pas impossible de faire jaillir la suprême étincelle du vrai. Voici quelques données qui aideront à y parvenir.
Adam אדם s’écrit en hébreu : Aleph, Daleth, Mem.
א (Aleph. — Première clef du Tarot : le Bateleur.) Dieu et l’homme; le Principe et la Fin, l’Unité équilibrante.
ד (Daleth. — Quatrième clef du Tarot : l’Empereur.) La Puissance et le Règne. Le quaternaire verbal. La multiplication du cube.
מ (Mem. — Treizième clef : la Mort.) Destruction et Restauration. Nuit et jour moraux et physiques. L’éternité de l’éphémère. La Passivité féminine, à la fois gouffre du passé et matrice de l’avenir.
Analyse ternaire du Principe que Iod manifeste en son inaccessible et synthétique unité, Adam est, au fond, très analogue à l’hiérogramme Aum, si fameux dans les sanctuaires de l’Inde.
En אדם, Aleph correspond au Père, source de la Trinité; Daleth au Fils (que la Kabbale nomme aussi le Roi) et Mem au Saint-Esprit, dont le corps éthéré, dévorateur et fécondateur à la fois des formes transitoires, fait fleurir la Vie (intarissable et inaltérable en son essence) sur le fumier changeant du Devenir.
J’ai dit qu’ אדם est l’analyse cyclique du Principe dont i est l’inaccessible synthèse. Un simple calcul de Kabbale Numérique va confirmer mon affirmation : traduisons les lettres en chiffres (méthode tarotique).
En Kabbale Numérique absolue, le chiffre analytique d’Adam est donc 9. —Or, nous obtenons 10 en ajoutant à 9 l’unité spécifique, qui ramène le cycle à son point de départ et clôt l’analyse dans la synthèse. — Et 10 est le chiffre correspondant à Iod : ce qu’il fallait établir.
Le vocable hiérogrammatique אדם représente donc l’évolution nonaire du cycle émané de i, el qui se clôt en 10, en retournant à son point de départ, Principe et Fin de tout, Iod éternel, révélé dans sa forme d’expansion tertriune.
Allons plus loin.
Nous avons donc le droit (en notant d’ailleurs qu’Adam diffère de Iod ou de Wodh comme l’ensemble des sous-multiples diffère de l’Unité), nous avons le droit de dire, pour suivant nos analogies :
Si Adam est égal à I, Adam-ah = I-ah, Et Adam-êvê — I-êvê
Hé représente la Vie universelle, la Nature-naturante ; יה représente donc י uni à la vie, et אדמה, Adam uni à la vie. — C’est à deux degrés différents (en tenant toujours compte de la distinction notée plus haut), l’union de l’Esprit et de l’Âme universels.
Enfin, en יהוה ni comme en אדמ־הוה, Vau figure la fécondité de cette union, et le dernier n symbolise la Nature naturée (issue de la Nature-naturante engrossée par le Principe mâle).
Les quatre lettres de יהוה figurent le quaternaire de Mercavah; les six lettres אדמ־הוה, le sénaire de Berœshith.
S. de G.
[2] Au seuil du mystère, page 34 de cette édition. — Lotus, tome II, n° 12, pages 321-347, passim.
[3] Ceux qui savent lire les hiérogrammes renversés, en les décomposant suivant les principes radicaux établis par Fabre d’Olivet, constateront sans peine que cette méthode vient confirmer encore les interprétations ésotériques que nous pro posons ici.
Quelques exemples : הי (Iah, יה inversé) constitue la racine vitale par excellence.
לא ( אל inversé) exprime le Mouvement sans terme, indéfini.
יד־אש, les deux racines dont la contraction forme ידש (Shadaï שדי inversé) peut se traduire : la. Main du feu, la Main ignée. La signification secrète éclate avec évidence.
כלם (Meleck מלך inversé) est une contraction des racines כל־לם. — Les idées de totalisation, de perfection d’une part, s’y unissent à celle d’un lien sympathique et mutuel de l’autre… (Voir le Dictionnaire radical de Fabre d’Olivet.)
Le sens nouveau contrôle et complète à merveille celui que. manifeste ésotériquement déjà l’hiérogramme normal, ouvert par les clefs voulues.
[4] Ce sens occulte s’irradie dans le vocable Malkouth, le Royaume (10e séphire), dérivé de Meleek, le Roi. Malkouth exprime en Kabbale le Royaume de l’Astral, support des créations physiques, effectif des objectivations.
En apprendre plus sur la Kabbale ? Visitez Kabbale en Ligne.