Le rituel de l’hexagramme dans la tradition thélémite d’Aleister Crowley, publié dans le Liber O [1], ne change pas fondamentalement le processus. Les différences reposent surtout sur la symbolique interne et la finalité du rituel qui est pratiqué dans une optique thélémite du Nouvel Éon d’Horus au sein de l’Astrum Argentum (A∴A∴) :
- Le rituel du Liber O se fait après le rituel du pentagramme ;
- La croix qabalistique au début du rituel est supprimée et remplacée par une analyse du mot-clé, qui est donc effectuée deux fois dans le rituel ;
- Les quatre Signes L.V.X. qui sont donnés avant l’analyse du mot-clé ont été supprimés.
Aleister Crowley publiera plus tard une version personnelle du rituel de l’hexagramme dans le Liber 333, le « Star Sapphire » ou « Saphir Étoilé » dont les différences seront plus prononcées par rapport au rituel originel :
- Il n’est pas nécessaire de le pratiquer après le rituel du pentagramme ;
- Il n’y a pas de croix qabalistique préliminaire, mais le Signe de la Rose-Croix est donné seul à la fin du rituel ;
- Il n’y a pas d’analyse des mots-clés ;
- En plus des Signes de L.V.X. on donne ceux de N.O.X. (dont nous parlerons par la suite) ;
- Les invocations aux quatre coins cardinaux sont modifiées.
Nous donnerons et étudierons ici ce dernier rituel qui offre une réelle richesse symbolique propre aux enseignements de Crowley.
A noter qu’Aleister Crowley a choisi d’adopter une association planètes / lettres hébraïques légèrement différente de celle de la Golden Dawn :
- Saturne — Aleph (א)
- Jupiter — Resh (ר)
- Mars — Resh (ר)
- Soleil — Yod (י)
- Vénus — Aleph (א)
- Mercure — Aleph (א)
- Lune — Tav (ת)
Ce qui donne la représentation suivante[2] :
Ararita avait également une certaine importance dans le système de Crowley. Il écrite à son sujet : « L’utilisation de ce nom et de cette formule consiste à assimiler et à identifier chaque idée avec son contraire; étant ainsi libéré de l’obsession de penser que l’une d’entre elles puisse être vraie (et donc contraignante) ; on peut se retirer de toute la sphère du Ruach. » [3]
Si dans la Kabbale traditionnelle, la guématria d’Ararita vaut 813, Crowley lui attribue comme valeur 777 en se basant sur le paléohébreu. Nous n’avons rien pu trouver à ce sujet, mais il est probable qu’il ait cherché à renforcer le symbolisme du chiffre 7 dans le cadre de ce rituel : l’hexagramme comporte 7 points, les 6 angles et le centre ; Ararita est composé de 7 lettres et est énoncé 7 fois dans le rituel (8 fois si l’on compte la fin du rite).
En outre, Crowley a privilégié l’utilisation de l’hexagramme dit « monocursif » [4] conçu par la Golden Dawn, mais délaissé par la suite.
Les premières traces de ce type d’hexagramme se trouvent chez Giordano Bruno qui en traite dans son Articuli adversus mathematicos, publié en 1588 et dont nous reproduisons l’illustration ci-dessous :
Dans une lettre du 8 mai 1916 de Crowley à Charles Stansfeld Jones (Frater Achad), on doit comprendre qu’il ne semblait pas beaucoup aimer cette représentation de l’hexagramme : « J’ai dans l’idée que toutes les lignes d’une figure monocursive devrait être égale aux autres, et que les figures monocursives doivent pouvoir se mouvoir de manière dextrogyre, c’est le cas du moins pour les figures fermées. Tu peux représenter un hexagramme de manière monocursive, mais le résultat en est bel et bien maléfique ». Mais comme souvent avec Crowley, il changea d’avis plus tard puisque l’hexagramme monocursif apparaît sur la page titre de son Book Four. Il n’est pas prouvé que Crowley ait utilisé cet hexagramme dans un quelconque rituel, sauf peut-être le Rituel de la Marque de la Bête [5].
Quoiqu’il en soit, l’hexagramme monocursif deviendra peu à peu un symbole censé représenter la Grande Bête 666, et par rebond, par être le symbole du mouvement thélémite.
L’hexagramme monocursif est une étoile à six branches qui peut être tracée en dessinant une ligne continue plutôt que deux triangles superposés — ce qui peut se révéler utile lorsque l’on doit tracer une figure lors d’un rituel.
Dans les œuvres de Crowley il est souvent représenté sous une forme entrelacée, les lignes de l’hexagramme passant les unes sur les autres pour tresser un nœud ou rose à cinq pétales symbolisant le pentagramme.
Les attributions planétaires demeurent identiques :
Crowley dans son 777 (col. CXXIV) fournit encore l’Hexagramme Céleste dont le centre est en Da’ath et le sommet est en Kether :
Lire la suite : Le Saphir Etoilé, version thélémite du rituel de l’hexagramme.
Plus sur le sujet :
Le rituel de l’hexagramme dans la tradition thélémite et chez Crowley par Spartakus FreeMann
Notes
[1] Liber O vel Manus et Sagittae sub figurâ VI, The Equinox I:2 & Magick in Theory and Practice & Liber ABA: Magick, Livre 4, parties I-IV)
[2] Liber LXV V: 15.
[3] Note tirée de La vision et la voix d’Aleister Crowley.
[4] Dans le document de la Golden Dawn «Polygones and Polygrams » (page 77), l’hexagramme monocursif est appelé « troisième forme irrégulière » ou « pseudo-hexagramme ».
[5] Grimoire of Aleister Crowley par R. Orpheus. Voir aussi le Liber V vel Reguli.