La Qabalah

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La Qabalah par S.L. MacGregor Mathers.

LES 10 SÉPHIROTH CONSIDÉRÉES COMME BASES POUR LA COMPRÉHENSION DES IDÉES LES PLUS ABSTRAITES DES FORCES SECRÈTES DE L’UNIVERS.

Où trouver les moyens de comprendre les racines des forces de la nature ; où trouver des symboles, des hiéroglyphes même, pour exprimer suffisamment à la compréhension des hommes, les formes si diverses, si multiples dans leurs effets, si simples dans leur origine, de cet Absolu que, dans notre ignorance et notre faiblesse d’expression, nous appelons vaguement Dieu ! Tel le problème qui se présente à l’humanité et dont la source se perd dans les nuages de l’Infini : tel le but de toutes les recherches des philosophes initiés de l’antiquité — dont seulement quelques échos vagues et troublés nous parlent à travers le gouffre des siècles dans la soi-disant philosophie d’aujourd’hui. Parmi les écoles de la Haute-Magie, c’est-à-dire de la vraie compréhension des bases de toutes les religions, la Qabalah tient un rang élevé, car elle contient un système de classification des dogmes qui paraît donner à l’étudiant de l’occultisme les moyens de formuler lui-même une base pour ses études.

Qu’est-ce en effet que ce mot Cabale, ou Qabalah ?

Cabale veut dire tradition ésotérique, et bien qu’on l’appelle Hébraïque, c’est en Égypte qu’il faut chercher ses racines — en Égypte, cet ancien foyer de la Haute-Magie. En hébreu c’est « QBLH », Qabalâh, « tradition », qui tient sa dérivation du mot « QBL », Qibel, « recevoir » ; c’est pourquoi j’adopte l’orthographe « Qabalah » comme préférable à celle de « Cabale ». Cette appellation se rapporte au système de transmission orale de la science de l’interprétation ésotérique de la Bible Hébraïque. Les bases primaires de la vraie compréhension de la Qabalah se trouvent renfermées dans les « SPHIRUTh », « Sephiroth » — un mot bien connu parmi les étudiants de la Qabalah, mais dont la vraie interprétation échappe à la plupart. Aussi est-il de la plus grande importance de bien comprendre la signification des « Sephiroth », car dans la Qabalah, aussi bien que dans les problèmes de la mathématique, on ne peut arriver à la solution des questions posées sans une compréhension parfaite des définitions et des axiomes.

Dans les écritures des Rabbins, même, on se demande quelquefois s’ils ne se sont pas un peu écartés du chemin étroit de la Vérité : cherchons donc à fond, si nous le pouvons, la vraie interprétation de « Sephiroth ». Peut-être la traduction la plus simple est-elle « Nombres », mais cela ne donne qu’une conception très imparfaite de la vaste étendue des idées symboliques qui y sont renfermées.

La racine de Sephiroth est « SPR », c’est le verbe Sepher « énumérer », d’où viennent les mots français « chiffre », « chiffrer », et le mot anglais « cipher ».

L’idée la plus simple exprimée par cette racine est « nombre », mais aussi on y peut ajouter « numéro », « chiffre », « narrer », « raconter », « une histoire », « graver », « écriture », « lettre », « hiéroglyphe », et « la science des choses écrites », c’est-à-dire « la littérature ».

De « Sepher » vient le substantif chaldaïque « SPHRA », « Siphra », ou « SPHIRA », « Sephira », « Nombre » ou « chiffre » dont le pluriel est « Sephiroth ».

En somme, selon l’étymologie, la meilleure traduction, peut-être, est « nombres » (abstraits ou écrits) ; mais ceux-ci ne sont point les nombres dont le marchand se sert dans le commerce ; ni même les formules plus élevées et plus abstraites qui constituent la base des calculs de l’algèbre ; ni même encore, les expressions des proportions de l’affinité chimique ; mais, plutôt, des conceptions sublimes, vastes comme l’Univers, voilées comme l’Infini, les rayons de la pensée de l’Absolu, ces rayons mal compris qui nous arrivent à travers les vagues de l’Espace.

Vous me demanderez : « Pourquoi seulement les rayons de la Pensée de l’Absolu ? Pourquoi pas l’Absolu même ? » Je réponds : « L’Absolu ne saurait être autre chose que cette force illimitée, incompréhensible, que les Églises appel­lent Dieu. C’est l’Infini ; mais c’est un Infini intelligent, qui règle tout, qui dirige tout, au moyen de ses rayons. Une force sans intelligence ne saurait être l’Absolu, parce que l’Absolu contient tout. Mais du moment qu’on commence à tenter de le comprendre et de l’expliquer, il cesse d’être l’Absolu : parce que l’Absolu, c’est le “Sans-Bornes” ».

Où donc trouver, parmi les nombres, une manière quelconque d’exprimer au moins cette idée de l’Absolu! La recherche de l’Absolu, c’est la recherche de l’infini ! Maintenant, est-ce qu’il y a un nombre qui saurait symboliser l’Infini ?

Il y a dix Sephiroth, comme il y a dix nombres de l’échelle décimale.

Encore, pourquoi cette échelle est-elle choisie partout, pourquoi pas onze, douze, ou même davantage ?

Pour répondre à cette question, il faut se reporter aux définitions de la Géométrie.

Deux lignes droites ne sauraient jamais délimiter un espace : il en faut toujours trois. Aussi, toute figure rectiligne se décompose-t-elle en autant de triangles que le nombre de ses côtés, si on unit ses angles extérieurs avec le centre par des lignes droites. Donc, le triangle est la clef de toute figure rectiligne ; et si on y applique la règle précédente, il se divise naturellement en trois triangles, dont le premier est la synthèse.

La Qabalah

Ainsi, nous avons trouvé, selon le symbolisme de la géométrie, une forme qui représente exactement, en même temps, et l’idée et la raison de l’échelle décimale, car elle donne neuf angles et la synthèse, ou le triangle trois fois répété, c’est-à-dire 3 x 3 = 9 + la synthèse = 10 ; aussi est-il impossible de trouver une figure rectiligne plus simple que le triangle.

Nous trouverons une autre manière d’exprimer la relation très évidente qui existe entre le triangle et l’échelle décimale, car le triangle se décompose naturellement en trois angles et la synthèse ; c’est-à-dire l’expression du nombre quatre, 1, 2, 3, 4 ; de même la matière s’exprime par quatre idées, le point, la ligne, la superficie, et le corps solide. Mais l’addition des nombres 1 + 2 + 3 + 4 donne 10 ; et par l’addition successive de ces nombres entre eux-mêmes, nous aurons les autres nombres de l’échelle décimale. Car 4 + 1 = 5 ; 4 + 2 = 6 ; 4 + 3 = 7 ; 4 + 3 + 1 = 8 ; 4 + 3 + 2 = 9. Et c’est de cette propriété du nombre 4 que les Anciens l’ont appelé « Cosmos », c’est-à-dire l’Univers, ou la synthèse de l’échelle décimale.

Une autre raison pour laquelle l’échelle décimale est une formule plus radicale que celles qui prennent pour base d’autres nombres comme huit, onze, douze, etc., se trouve exprimée dans la nature du nombre 9, qui toujours se répète dans sa multiplication. Par exemple :

  • 9 x 1 = 9 ;
  • 9 x 2 = 18 ; 1 + 8 = 9 ;
  • 9 x 3 = 27 ; 2 + 7 = 9 ;
  • 9 x 4 = 36 ; 3 + 6 = 9 ;
  • 9 x 5 = 45 ; 4 + 5 = 9 ;
  • 9 x 6 = 54 ; 5 + 4 = 9 ;
  • 9 x 7 = 63 ; 6 + 3 = 9 ;
  • 9 x 8 = 72 ; 7 + 2 = 9 ;
  • 9 x 9 = 81 ; 8 + 1 = 9 ;
  • 9 x 10 = 90 ; 9 + 0 = 9 ;
  • 9 x 11 = 99 ; 9 + 9 = 18 ; 1+ 8 = 9 ;
  • 9 x 12 = 108 ; 1 + 0 + 8 = 9 ;
  • 9 x 13 = 117 ; 1 + 1 + 7 = 9 ;
  • 9 x 14 = 126 ; 1 + 2 + 6 = 9 ;
  • 9 x 15 = 135 ; 1 + 3 + 5 = 9 ;
  • 9 x 16 = 144 ; 1 + 4 + 4 = 9 ;
  • 9 x 17 = 153 ; 1 + 5 + 3 = 9 ;
  • 9 x 18 = 162 ; 1 + 6 + 2 = 9 ;
  • 9 x 19 = 171 ; 1 + 7 + 1 = 9 ;
  • 9 x 20 = 180 ; 1 + 8 + 0 = 9 ;
  • 9 x 21 = 189 ; 1 + 8 + 9 = 18 ; 1 + 8 = 9 ; etc.

Ainsi, une fois qu’on a atteint le nombre 9, on ne saurait le quitter ; c’est l’emblème de la matière qu’on ne peut jamais détruire, tandis que ses variations sont infinies. C’est là la marque que le cycle de l’échelle naturelle des nombres a trouvé sa fin, c’est-à-dire dans 9 et la synthèse = 10.

Parce qu’en quelque sorte il se rapporte à la nature du nombre 1, lequel ne peut varier ni par multiplication ni par division. Et si cette qualité marque spécialement le nombre 1 qui est presque le commencement de l’échelle, quand on trouve le parallèle dans le cas d’un autre nombre, ce doit dire que ceci est presque la fin.

Ici sans doute, on soulèvera cette objection : « Pourquoi dites-vous que le nombre un    est presque le commencement : quand il semble que c’est le commencement lui-même ? » Je réponds : « Le nombre UN a deux aspects, le positif et le négatif » : par le côté positif, il se lie avec les autres nombres, mais par le côté négatif il se lie au zéro. Ainsi chaque bout de l’échelle décimale demande le zéro comme limite ; car la synthèse 10 s’exprime comme chiffre au moyen du zéro. Donc, ce commencement de l’échelle se trouve dans zéro. Vous dites, peut-être : « c’est donc le Néant, votre commencement ? » Non, le zéro n’est point le Néant, car si c’était le Néant il ne saurait jamais ajouter aucune valeur additionnelle à un nombre ; et c’est au moyen du zéro qu’on exprime, 10, 100, 1000, etc. Qu’est-ce donc que le zéro s’il n’est ni nombre ni néant ? Il exprime une idée qui est entre ces deux termes, et qui en même temps forme leur lien. Il n’est ni négatif ni positif, mais est sollicité par ces deux états. En un mot c’est la VIRTUALITÉ, et c’est là le commencement de toute échelle numérique. Ici se trouve la réponse à la question posée ci-dessus : « Est-ce qu’il y a un nombre qui puisse symboliser l’Infini ? » Le zéro répond à ce desideratum, non comme chiffre, mais comme moyen de compréhension d’une idée qui est sollicitée par son côté négatif. Il est vrai que nous ne pouvons comprendre l’Infini, mais il est possible d’y atteindre par le côté négatif de la potentialité. Mais le chiffre zéro est un cercle sans centre, comme s’il voulait exprimer le desideratum mathématique du point ; la première circonvallation des vagues de l’Océan de l’Infini qui cherche à préparer la voie de l’Unité.

Maintenant que nous avons formulé les limites de l’échelle décimale ainsi que sa raison d’être, tentons de chercher le mode de son développement graduel des idées vastes et illimitées de la Pensée de l’Absolu.

Dans le cercle, on cherche naturellement le centre, c’est-à-dire, la racine de l’unité cachée dans le zéro. Ainsi la concentration du centre est la formulation de l’Unité. Et quelle est l’Unité ? C’est la chose idéale qu’on ne peut augmenter par multiplication, qu’on ne peut diminuer par division ; et les anciens philosophes ont dit que par cette qualité elle se rapporte à l’inaltérabilité de la Cause primordiale.

En géométrie, elle trouve son corrélatif dans le point qui n’admet pas de division ni de dimension, mais qui possède· seulement la qualité de position.

Pour nous, mortels ignorants, l’Unité est dans les nombres, la première idée que nous pouvons comprendre ; ainsi pour nous c’est le commencement, bien que c’est en zéro qu’il trouve sa racine éternelle.

C’est bien à cette idée que se rapporte cette phrase du Sepher Yetzirah, qui dit que Dieu a créé l’Univers : « Be-Sephar, ve-Sayphar, ve-Siphour », expression qui est difficile à traduire. On le peut, pourtant, par « nombre, combinaison et émanation », par « verbe, parole et expression » par « nombres, lettres et sons », ou encore par « chiffre, excavation et formation ». Cette dernière traduction se rapporte à l’idée du cercle de zéro, c’est-à-dire l’excavation des vagues de l’Infini par le moyen d’un cercle ou tourbillon qui cherche un centre. Vous dites encore : « Pourquoi faire continuellement usage de cette expression les vagues de l’Infini ? » C’est parce que la forme de la vague comporte une idée de virtualité qui ne saurait trouver son expression dans la forme trop restreinte du cercle. Elle se rapporte plutôt au croissant, qui est l’expression des courbes d’une nature variable qui se rencontrent sans la formulation exacte d’une proportion mathématique, entre les rayons des arcs des sections coniques qui les composent.

Plus sur le sujet :

LA QABALAH par S.L. MacGregor Mathers.

Isis Moderne, volume 1, 1896-1897, page 25 et suivantes.
László Németh / CC0

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