Préludes à l’étude des Sephiroth par Spartakus FreeMann.
Sans vouloir revenir sur les qualités individuelles de chacune des Sephiroth et sans vouloir non plus redire ce qui se trouve ailleurs, il me semblait utile, au travers du texte qui suit, de donner une vision personnelle dérivée de la Kabbale lourianique quant aux processus de l’Émanation.
« Lorsque le Nom, béni soit-Il, voulu créer le monde, il n’y avait pas de place pour le créer, car le tout était infini. De ce fait, Il contracta (tsimtsem) la »lumière« sur les côtés et par l’intermédiaire de ce retrait (tsimtsoum) se forma un »espace vide« (hallal hapanouyé). Et à l’intérieur de cet »espace vide« sont venus à l’existence les jours (temps) et les mesures (espaces) qui constituent l’essentiel de la Création du Monde ».
Rabbi Nahman – Liqouté Maharan
De la lumière originelle (or qadoun) – qui emplissait de manière égale et sans différence de degré avant le tsimtsoum – jaillit une lumière émanée (or nietsal) dans le vide laissé par le tsimtsoum. Cette lumière émanée constitue le « olam ha-Atziluth », le monde de l’Émanation ou du Divin et d’autre part, la création engendra l’olam haBeryah ou monde de la Création, l’olam haYetzirah ou monde de la Formation et le olam haAssya ou monde de la Fabrication. Nous retrouvons ce schéma dans la Kabbale de Safed mais aussi chez Hayyim Luzzatto ou Moïse Cordovero dans son Pardes Rimonim (chapitre 16).
Cette Lumière émanée contient l’ensemble des Sephiroth et se divise en deux rayonnement, l’un intérieur (peniniyout), l’âme, le divin et l’autre est le monde de la séparation. Et il en est de même pour chacun des trois autres mondes. Ici, la question qui se pose à nous est « comment concevoir du divin émané du divin » ? Dieu est par essence UN (Echad) mais, « c’est en concevant le vide en soi pour accueillir l’altérité du monde, c’est en se retirant de lui-même en lui-même que Dieu créa le monde. De ce vide de Dieu, surgit le monde. La création de l’espace vide rend possible l’altérité à partir de la séparation », M.A. Ouaknin, Concerto pour quatre consonnes.
Selon la Kabbale, Dieu est unité, l’Émanation est donc unique qui ne connaît ni changement, ni multiplicité. Ainsi, Sa Lumière elle-même ne se modifie pas et ne s’enchaîne pas. Si l’essence de Dieu nous est inconnaissable, toutefois, nous pouvons connaître sa volonté. Le monde a été créé par Dix Paroles et selon Luzzatto, « En-Sof est la Volonté telle qu’Il aurait pu la vouloir, celle qui n’a ni terme ni mesure, ni fin ; les Sephiroth sont ce qu’Il a voulu avec limite et qui constitue des attributs particuliers qu’Il a voulu ». La volonté est appelée « rayonnement et l’En-Sof, »lumière simple (or qadoun ou pachout). Les mondes de la Création, de la Formation et de la Fabrication sont des mondes issus de la Lumière Primordiale et par là ils sont les forces de la volonté. Ces mondes sont constitués du « rayonnement » et des envoyés (anges) qui accomplirent les autres mondes.
La Shekhinah ne réside sur l’ange qu’en fonction de la force de ce dernier. Ainsi, la manifestation de la Présence Divine sera moindre dans le monde de la Formation que dans celui de la Création, etc. Et chaque dévoilement de la Présence divine est constitué de 10 degrés dans chaque monde. Ce sont les Sephiroth qui sont dix modalités de la Lumière agissant sur les êtres selon leur composition.
En résumé, les Sephiroth sont les forces de la Volonté Supérieure. Ainsi, les Sephiroth de l’Émanation sont les forces de la Volonté seule et les Sephiroth des trois autres mondes sont les forces de la Volonté avec les anges. Les Sephiroth sont agencées selon les degrés de la force insufflée par l’Émanateur. Chaque chose créée a un principe propre qui dépend de l’activité de ce principe propre qui prend racine dans les Sephiroth. Les êtres sont eux-mêmes « émanés » des Sephiroth selon leur force et leur intensité. Il y a donc une gradation des êtres qui découle des Sephiroth des trois mondes inférieurs. De l’enchaînement des Sephiroth naît ainsi la matière…
« Il est sûr que la seule connaissance du nom des Sephiroth et des visages sans celle de leur nature et de leur raison d’être ne constitue en rien une connaissance » (Le Philosophe et le Cabaliste, Hayyim Luzzatto p 122). En suivant ce principe tout kabbaliste se doit de connaître la « vision du Char », c’est à dire, l’ensemble des Sephiroth et des règles qui les concernent telles qu’enseignées par la Tradition (Kabbale) et ensuite, il faut connaître les interprétations de toute cette « vision du Char ».
Selon la Kabbale lourianique, à la suite du Tsimtsoum est apparu l’Homme Primordial (Adam haRichon ou Adam Kadmon) issu d’un rayon lumineux (qav) issu de l’En-Sof. Dans le Ets ’Hayyim, l’Homme Primordial est considéré comme un simple « détail » contenant tous les mondes. Et l’Homme Primordial est constitué de Branches successives qui vont de l’invisible au visible.
L’Homme Primordial contient ainsi AV, SAG, MAH et BEN qui sont quatre modalités du Tétragramme Divin YHVH. Le Chem AV est le Nom déployé en indice Yod, comptant 10 lettres et ayant une valeur numérique de 72. Le Chem SAG est le déploiement du Nom en indice Yod pour le He et en indice Aleph pour le Vav. Il totalise 10 lettres et sa valeur numérique est de 63. Le Chem MAH est le déploiement du Nom en indice Aleph. Il compte 10 lettres et a une valeur numérique de 45. Le Chem Ben voit le Nom déployé en indice « doublé ». Il compte 9 lettres et a une valeur numérique de 52. AV se situe au niveau du crâne de l’Homme Primordial et de donc de la Sephira Hokhmah. Cette dimension reste cachée à l’homme qui ne peut en appréhender que la surface. La connaissance ne commence qu’en SAG qui désigne les lumières qui sortent des Oreilles de l’Homme Primordial. SAG est assimilé à Binah (qui a une valeur numérique de 63). A partir de SAG, la Sagesse commence à se dévoiler. Le Chem MAH correspond aux lumières qui sortent du nez de l’Homme Primordial et le Chem Ben correspond aux lumières qui sortent de la Bouche. Ces lumières sont la production des vases par la sortie et le retour des Sephiroth ! Il y a encore les lumières des Yeux qui sont les points, leur brisure et leur chute. Il y a enfin le Monde de la Réparation avec tous ses visages : l’Ancien, la Longue Face, le Père, la Mère, la Petite Figure et le Féminin.
Pour revenir au Monde des Points (olam Niqoudim), il y survient ce que l’on nomme la Brisure des Vases, celle-ci prend naissance dans la sortie et le retour des lumières de la Bouche, car c’est lors de ce retrait qu’aurait eu lieu la formation du Kéli (Vase), racine de la matérialité. Les Vases étaient disposés les uns sous les autres, caractéristiques du monde des points où les Sephiroth sont isolées les unes des autres. Ceci sera d’ailleurs une des causes de la Brisure des Vases. Les Sephiroth de l’Émanation sont brisées et sont tombées dans les mondes de la Création, de la Formation et de la Fabrication. Il est dit que la partie intérieure des Sephiroth de l’Émanation sont tombées dans le monde de la Création, que la partie intermédiaire est tombée dans le monde de la Formation et que la partie extérieure est tombée dans le monde de la Fabrication.
La Brisure produisit 288 étincelles de lumière qui étaient contenues dans les vases. Lors de leur chute, elles se sont mélangées avec les « écorces » (qelipoth) ainsi, « il n’y a rien au monde, dans tous les mondes et, de même dans toutes les parties du monde de la Fabrications comme le minéral, le végétal, l’animal ou l’humain, où l’on ne puisse trouver des étincelles de sainteté mélangées aux écorces ; et elles doivent être triées. » (Rabbi Hayyim Vital, Mavo Chéarim 7 2 1). Ce tri doit avoir lieu dans le Féminin, en Malkhut, la Royauté, dernière Sephiroth, notre monde. De ce tri dépend la remontée de la lumière purifiée vers le monde de l’Émanation.
De la Polarité des Sephiroth
La Lumière émanée par les Sephiroth peut être plus ou moins intense selon les lois. En ce sens, toutes les Sephiroth émettent de la lumière et reçoivent de la lumière. Il est dit que l’émission de la lumière est de nature masculine alors que la réception est de nature féminine. En ce sens, toutes les Sephiroth, sauf Kether, sont bi-sexuées. Chacune des 10 Sephiroth reçoit donc l’influx qui lui parvient de l’En-Sof et l’épanche à son tour : « Sache que l’émanation n’a été émise que pour attester de l’unité dans l’Infini, et si le recevant ne s’unissait pas à l’épanchant, et l’épanchant au recevant, s’unissant en une seule puissance, on ne pourrait reconnaître que tous deux sont une unique puissance ; mais en s’unissant, à partir d’eux l’on connaît la puissance de l’unité. Or en apercevant la puissance de l’uni de façon manifeste, on ne va plus douter de l’unité en ce qui est caché. C’est ainsi que chaque chose, ou Sephira, sans exception, est épanchant et recevant. » Azriel de Gérone, Cha’ar haChoel. Selon Mopsik, Le sexe des âmes p. 54 : « Chaque Sephira – et donc l’ensemble de l’Émanation – est à la fois mâle et femelle, épanchant et recevant ».
« Chacun des degrés sans exception de YHVH, béni soit-Il, possède deux forces ; une force reçoit de ce qui est au-dessus d’elle, et sa seconde face épanche de la bonté à ce qui est au-dessous d’elle, jusqu’au nombril de la terre (Malkhut). Chaque degré sans exception se trouve donc posséder deux instances : une puissance de réception pour recevoir l’épanchement de ce qui est au-dessus de lui, et une puissance d’émission pour épancher du bien à ce qui est en dessous de lui, de cette façon les structures sont dites androgynes, en tant que recevant et épanchant. C’est là un grand secret parmi les mystères de la foi ».
Joseph Gakitala, Cha’aré Orah, chapitre 5 fol. 58b
La question que nous devons nous poser ici est : comment se fait-il que les Sephiroth soient androgynes alors que certaines sont appelées mâles et d’autres femelles ? Il semblerait que cette dernière classification repose plus sur le mode de l’épanchement et de la réception que dans la qualité intrinsèque de la Sephira.
« En réalité il s’agit de quatre Sephiroth particulières qui reçoivent et épanchent, et tel est le secret de l’androgyne. Pareilles sont les autres dimensions constituant l’unité de la chaîne supérieure sainte et pure, elles relèvent également du secret de l’épanchant et du recevant. Pourquoi certaines sont appelées »femmes« (Binah, Gueburah, Hod et Malkhut) ? Parce que la couleur des dimensions qui s’épanchent en elles est gravée en leur sein et, à travers elles, elle apparaît comme un pilon dans le mortier, car elle ne s’en détache jamais. Quant à toutes les autres dimensions, elles sont imbriquées de la même façon, sauf qu’ici, il y a couleur au-dessus d’une couleur, comme la flamme sur la braise ».
Fragments d’un commentaire sur la Genèse par J. de Hamadam, traduction par Ch. Mopsik, pages 51-52
Ici, le mot couleur désigne le contenu substantiel caractéristique de chaque Sephira. Selon Hamadam, Kheter est uniquement masculine et les autres androgynes, les Sephiroth mâles sont Hokhmah, Hessed, Tiphereth et Netzah. Il existe donc un double état androgynal : l’androgynie féminine (neqèvah) pour les Sephiroth féminines et l’androgynie masculine (zakhar) pour les Sephiroth masculines.
« Que le sage ne se glorifie pas de sa sagesse, que le brave ne se glorifie pas de sa bravoure et que le riche ne se glorifie pas de sa richesse, mais que celui qui se glorifie se glorifie de ceci : d’être intelligent et de me connaître », Jérémie 9-22,23.
Plus sur le sujet :
Préludes à l’étude des Sephiroth par Spartakus FreeMann, janvier 2004 e.v., Nadir de Guantanamo.
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