Dialogue entre la Nature et le Fils de la Philosophie par Egidius De Vadis.
Préface par Bernard-Gabriel Pénot du Port
Qui recommande au Lecteur bienveillant un esprit de sincĂ©ritĂ©, avec de lâintelligence et de lâindustrie dans le travail, ainsi quâune bonne santĂ©.
Je sais trĂšs bien que plusieurs personnes condamneront dans cette nouvelle Ă©dition la publication des trĂ©sors et des mystĂšres de la Nature, en rĂ©pĂ©tant cette maxime de lâĂvangile : « Ne jetez pas de perles aux pourceaux… » et encore celle-ci : « Nous nâĂ©crivons pas cela pour tout le monde, mais pour nous et les nĂŽtres seulement… » et : « Nous le sĂ©parons du vulgaire par un mur Ă©pais et une forte serrure… ».
Dâautres ne raisonnent pas ainsi, mais ils assurent que le temps nâest pas encore venu de publier ces choses. Il sâen trouve quelques-uns, car aujourdâhui lâenvie de mĂ©dire est infinie, qui ont Ă mâobjecter de quel droit je dĂ©couvre ces mystĂšres, nâen Ă©tant pas lâauteur. Dâautres enfin demandent que je prouve Ă quels signes on peut connaĂźtre la vĂ©ritĂ© de lâArt pour quâon puisse avoir quelque confiance en ce que je dis.
Je savais et jâĂ©tais convaincu dâavance que, lorsque je publierais ces pages, il y aurait des gens sans humanitĂ© qui emploieraient la ruse, le ridicule ou tout autre moyen pour en empĂȘcher lâimpression. Plusieurs mĂȘme les dĂ©nigrent dĂ©jĂ en aboyant contre elles, mais, quoique leurs cris aillent jusquâĂ la folie, je ne pense pas quâil y ait rien Ă faire Ă leur Ă©gard.
Câest une action trĂšs louable, tant envers Dieu quâenvers le prochain quâon incite Ă la piĂ©tĂ©, que rien ne soit ĂŽtĂ©, en les publiant, ni Ă la grandeur de la majestĂ© de Dieu, ni aux bonnes Ćuvres du prochain qui pourraient ĂȘtre dĂ©tournĂ©es si ces pages Ă©taient cachĂ©es, ou empĂȘchĂ©es si elles Ă©taient interprĂ©tĂ©es de travers ou troublĂ©es si elles Ă©taient Ă©ditĂ©es avec peu de soin.
Mais, pour ne pas devenir prolixe, je rĂ©ponds dâabord aux objections.
Ces hommes rapportent et interprĂštent les passages de lâĂvangile comme sâils Ă©taient les seuls dignes de ces dons de Dieu de possĂ©der ces perles, et que les autres fussent des porcs indignes de ces biens. Aussi, nous qui les publions, nous sommes des voleurs et des dissipateurs de biens. Mais Ă©coutez, je vous prie :
Nous, qui sommes vĂ©ritablement les fidĂšles dispensateurs des mystĂšres de Dieu, nous communiquons ces choses Ă ceux qui sont animĂ©s de lâamour de Dieu et de la charitĂ© envers le prochain et qui ambitionnent avec joie la connaissance des secrets mystĂšres.
Et ceux au contraire qui les envient sont de vĂ©ritables pourceaux ; parce quâĂ la maniĂšre de ces animaux, ils mĂȘlent aux excrĂ©ments les meilleurs fruits, dont ils sont trĂšs avides, et ils sont trĂšs envieux Ă lâĂ©gard de ceux quâils citent en ne voulant pas les voir publiĂ©s, car, selon eux, les auteurs de ces traitĂ©s nâont pas Ă©crit pour le public, mais pour eux seulement.
ARISTOTE, dont la physique avait ainsi Ă©tĂ© publiĂ©e, ne rĂ©pondit-il pas Ă ALEXANDRE, roi des MacĂ©doniens, comme si elle ne lâavait pas Ă©tĂ© ? Et les livres dâARISTOTE nâen ont pas moins Ă©tĂ© imprimĂ©s.
Que dirons-nous du prophĂšte arabe, le roi trĂšs expĂ©rimentĂ© GEBER : nâa-t-il pas laissĂ© un Ă©crit de cette maniĂšre:
Nous publions Ă nous seuls lâArt recherchĂ© par nous seuls, et non pas ce qui provient des autres.
Les Ă©crits de GEBER ne furent-ils pas mis par la suite sous presse ? Et mĂȘme, câest ceux-ci, et dâautres semblables, qui sont livrĂ©s au public afin quâĂ©tant Ă©crits ils soient utiles Ă tout le monde, et plus encore Ă ceux qui, douĂ©s, en retirent une plus grande lumiĂšre Ă mesure quâils y mettent plus dâapplication: les paroles pouvant ĂȘtre imprimĂ©es et publiĂ©es, mais lâArt de lâopĂ©ration manuelle consistant uniquement dans lâexpĂ©rience et les Ă©preuves.
On ne saurait en dĂ©crire la mĂ©thode, et mĂȘme Ă peine peut-on lâenseigner de vive voix, Ă moins quâon ne conduise par la main; car il faut prĂ©parer lâor pour quâil ne soit pas rebelle Ă la solution, et cela nâest pas facile.
On ne doit pas penser non plus que lâargent vif vulgaire quâon vend publiquement soit celui qui obtient la facultĂ© de dissoudre lâor; car, comme on ne peut nier quâil faut mettre en action la solution du corps qui par ressemblance se rapporte Ă toute la substance de lâor, dont la nature est chaude et humide, on ne peut nier non plus quâil faille obtenir par ressemblance lâargent vif, dont la nature est certainement trĂšs Froide, et surtout indĂ©terminĂ©e. Mais il faut tirer et attirer, dâailleurs par un Art industrieux, lâargent vif dâun corps connu de peu de personnes et que la Nature a cuit et digĂ©rĂ©. De mĂȘme aussi lâor se rapporte par ressemblance Ă toute la substance de lâargent vif vulgaire, et cette substance ne se mĂȘle pas moins volontiers au premier contact avec lâor que lâeau avec lâeau. On a dĂ©jĂ vu plus haut quel est ce corps.
Quant au fourneau qui peut procurer une chaleur continuelle et Ă©gale, peu lâont connu. Mais que ceux qui dĂ©sirent en avoir connaissance lisent la pratique de lâĆuvre du grand Philosophe piĂ©montais de Rovilasco, quâil a publiĂ©e en 1582, Ćuvre qui est proprement dite athanor, câest-Ă -dire digestion, mais non pas telle que sâimaginent les ignorants. Un plus petit nombre encore ont connu le trĂ©pied des secrets, et moins encore lâentretien de la chaleur qui Ă©tablit lâĂ©galitĂ©. Presque tout le secret consiste dans le degrĂ© de chaleur : car, de mĂȘme quâil ne faut pas que la force motrice et naturelle du poulet et de lâĆuf soit excĂ©dĂ©e par la chaleur extĂ©rieure, sans quoi lâĆuf sâendurerait et le poulet ne serait pas produit, de mĂȘme la force de la semence Ă venir de lâor uni Ă son argent vif ne doit pas ĂȘtre affaiblie, sans quoi lâor ne serait pas dissous ; il ne germerait pas, et il nâen rĂ©sulterait pas la matiĂšre premiĂšre de lâor, mais il se coagulerait par une chaleur trop excessive, et si au contraire la chaleur manquait, lâArtiste serait frustrĂ© de son travail.
Enfin, cette poudre gĂźt dans la puissance de Dieu, qui favorise qui il veut et la communique Ă ceux quâil veut, et ceux Ă qui elle est refusĂ©e la recherchent en vain. Câest ce qui fait dire Ă PALINGENIUS, dans son Zodiaque : « Alors les hommes, Ă lâesprit divin, mĂ©ditant des oracles obscurs, et aprĂšs beaucoup dâexpĂ©riences faites pendant un temps long et de grandes dĂ©penses, inventĂšrent cet Art Ă qui nul ne le cĂšde et trouvĂšrent la pierre Ă©thĂ©rĂ©e, que ne saurait connaĂźtre le profane et que le vulgaire pervers cherche vainement. Celui qui la possĂšde peut habiter dĂ©cemment oĂč il veut, sans craindre la colĂšre de la fortune, ni les atteintes des voleurs. Mais il sâen trouve si peu dignes de ce don divin, etc. ».
Quant Ă la preuve de la question si lâArt existe rĂ©ellement, le raisonnement et lâexpĂ©rience contribuent beaucoup Ă la rĂ©soudre. Je pourrais dâabord citer les tĂ©moignages de nombreux personnages et dâautoritĂ©s qui confirment que lâArt est vĂ©ritable. Ils ont publiĂ© plusieurs livres, parmi lesquels celui de La vĂ©ritĂ© de lâantiquitĂ© de lâArt chimique et de la poudre, que lâauteur, Robert VALENS, a publiĂ© Ă Paris chez Morel FrĂ©dĂ©ric en lâan 1561, un autre intitulĂ© Chrysippi Phaniani de Jure Alchemide, et, derniĂšrement, celui qui a pour titre Apologia ChrysopĆide et ArgyropĆiae, dans lequel on examine et enseigne comment est la chrysopĂ©e, ou lâArt de transmuer et de perfectionner les mĂ©taux, et qui, par des raisons solides, des dĂ©monstrations et certaines expĂ©riences, convainc. Il prouve la vĂ©ritĂ©, la certitude et la facilitĂ© de lâArt, et les arguments contre cet Art et cette Science y sont solidement rĂ©futĂ©s. Parmi trois cents manuscrits sur cet Art qui me sont passĂ©s devant les yeux, je ne me rappelle pas en avoir vu de plus savant, de plus parfait que celui-lĂ . Aussi, nous renvoyons ceux qui veulent se convaincre de la vĂ©ritĂ© de cet Art Ă la lecture de cet ouvrage.
Ă lâĂ©gard de ceux qui font des objections concernant le moment opportun Ă la publication, ils ignorent que, si le temps nâest pas venu pour eux, il est venu pour nous. Choses qui ne peuvent ĂȘtre ni changĂ©es, ni dĂ©sapprouvĂ©es en les publiant. Parce quâelle est une seule chose et que sa fin est celle pour laquelle nous avons Ă©tĂ© crĂ©Ă©s de Dieu, câest-Ă -dire pour nous faire connaĂźtre les Ćuvres du Christ par la thĂ©ologie et celles de la Nature par la philosophie.
Je ne veux pas cacher au lecteur bienveillant un point important: tous les livres philosophiques qui parlent de cette mĂ©decine hermĂ©tique cachĂ©e ne sont que des labyrinthes spagyriques dans lesquels la plupart des disciples tombent par diverses obscuritĂ©s et tromperies sur la vraie route. En sorte que point ou trĂšs peu jusquâĂ ce jour ont pu trouver la vĂ©ritable issue. Et si, dans ce labyrinthe, il sâouvre Ă ceux qui errent une route qui leur paraĂźt facilement conduire aux portes extrĂȘmes, bientĂŽt ils sâĂ©garent dans des lieux cachĂ©s, qui les enferment dans des prisons Ă©ternelles. De mĂȘme, il se prĂ©sente quelquefois dans les Ă©crits des Philosophes des moyens qui, dâaprĂšs la lettre, paraissent dâabord faciles et Ă©vidents, mais bientĂŽt les impudents, trompĂ©s par les propres paroles des Philosophes, demeurent embrouillĂ©s dans dâinextricables erreurs. Ajoutez Ă cela que plusieurs faux chimistes en trompent beaucoup par leurs sophismes et leur fourberie, vendant et rĂ©pandant de fausses opĂ©rations chimiques et des ouvrages manuscrits qui promettent aux trop crĂ©dules des montagnes dâor, et qui, semant lâivraie, font croire que lâon recueillera le froment.
TouchĂ© de commisĂ©ration, jâoffre ici au lecteur un traitĂ© plein de vĂ©ritĂ© et de raisons physiques, dans lequel il trouvera lâArt entiĂšrement et clairement dĂ©peint comme sur un tableau.
Quâil lâexamine, quâil le mĂ©dite, et quâil se prĂ©munisse contre les prĂ©ventions de lâesprit par des raisonnements solides, et il ne pourra pas sâĂ©garer. Celui qui ajoute foi sans rĂ©flexion Ă tous les sophismes sera inĂ©vitablement déçu.
Le vĂ©ritable Art est cachĂ© sous nombre dâenveloppes qui embarrassent les irrĂ©flĂ©chis. Ainsi, avant de commencer Ă opĂ©rer, il faut considĂ©rer les causes des choses naturelles avec une prudente sagacitĂ©. Avant cela, il ne faut rien entreprendre. Il vaut mieux donner son temps Ă de judicieuses rĂ©flexions quâĂȘtre victime des peines de sa tĂ©mĂ©ritĂ© ou de folie inconsidĂ©rĂ©e.
Et vous, lecteur ami, lisez, relisez, priez et travaillez. OpĂ©rez, recommencez avec un grand jugement et un esprit de bienveillance cet ouvrage, entrepris avec le plus de bienveillance encore. Et vous parviendrez sans aucun doute Ă la connaissance des grands secrets par lâexpĂ©rience et les considĂ©rations de la Nature, le tout pour lâutilitĂ© du prochain et Ă la gloire du Divin, auteur de tous les mystĂšres.
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