La Charte Larmenius, une petite histoire par Spartakus FreeMann.
« À lire les statuts du nouvel Ordre du Temple on a l’impression d’une énorme bouffonnerie, d’une charge d’atelier comme en inventent des rapins en liesse »
Le Forestier
Introduction.
Cet article fait suite et complète celui que nous avions commis sur la vertigineuse figure du templarisme moderne : Bernard-Raymond Fabré-Palaprat. Nous avions brossé rapidement la poussière revêtant la Charte Larmenius, et il apparaît que ce sujet mérite quelques précisions supplémentaires.
Selon la légende, cette Charta Transmissionis, ou Tabula Aurea Larmenii, proviendrait de Jacques de Molay, dernier grand-maître de l’Ordre du Temple, brûlé sur l’île aux Juifs à Paris le 18 mars 1314. Celui-ci voyant sa fin proche aurait transmis sa charge – et les secrets qui en découlent – à Johannes Marcus Larmenius (Jean-Marc Larménius [1]), un illustre inconnu pour les historiens, mais commandeur de Jérusalem pour la bonne cause (pour rappel, à cette date, Jérusalem était depuis longtemps aux mains des Mamelouks). Celui-ci, à son tour, aurait transmis la grande maîtrise à François-Thomas-Théobald d’Alexandrie, le 13 février 1324, en lui remettant également la fumeuse charte qui se transmettra ainsi de génération en génération, pour arriver, après être passée par les mains de Ledru, entre celles de Bernard Raymond en 1804.
Il y aurait ainsi eu 22 successeurs de Jacques de Molay, pas roturiers pour un sou : Bertrand du Guesclin (1357), trois comtes d’Armagnac (1381, 1392, 1419), Henry de Montmorency (1674), Louis-Auguste de Bourbon, fils légitimé de Louis XIV (1724), et de Louis-Henri de Bourbon, prince de Condé (1737)…
Ego Johannes-Marcus Larmenius dedi, die decima tertia februarii, 1324.
Ego Franciscus-Thomas-Theobaldus Alexandrinus, Deo juvante, Supremum Magisterium acceptum habui, 1324.
Ego Arnulphus De Braque, Deo juvante, Supremum Magisterium acceptum habui, 1340.
Ego Joannes Claromontanus, Deo juvante, Supremum Magisterium acceptum habui, 1349.
Ego Bertrandus Dugnesclin, Deo juvante, Supremum Magisterium acceptum habui, 1357.
Ego Johannes Arminiacus, Deo juvante, Supremum Magisterium acceptum habui, 1381.
Ego Bernardus Arminiacus, Deo juvante, Snpremum Magisterium acccptum habui, 1392.
Ego Johannes Arminiacus, Deo juvante, Supremum Magisterium acceptum habui, 1419.
Ego Johannes Croyns, Deo juvantc, Supremum Magisterium acceptum habui, 1451.
Ego Robertus Lenoncurtius, Deo juvante, Supremum Magisterium acceptum habui, 1478.
Ego Galeatius de Salazar, Deo juvante, Supremum Magisterium acceptum habui, 1497.
Ego Philippus Chabotius, Deo juvante, Supremum Magisterium acceptum habui, 1516.
Ego Gaspardas De Salciaco, Tavannensis, Deo juvante, Supremum Magisterium acceptum habui, 1544.
Ego Henricus De Monte Morenciaco, Deo juvante, Supremum Magisterium acceptum habui, 1574.
Ego Carolus Valesuis, Deo juvante, Supremum Magisterium acceptum habui, 1615.
Ego Jacobus Rusellius de Granceio, Deo juvante, Supremum Magisterium acceptum habui, 1651.
Ego Jacobus-Henricus De Duro forti, dux de Duras, Deo juvante, Supremum Magisterium acceptum habui, 1681.
Ego Philippus, dux Aurelianensis, Deo juvante, Supremum Magisterium acceptum habui, 1705.
Ego Ludovicus Augustius Borbonius dux du Maine, Deo juvante, Supremum Magisterium acceptum habui, 1724.
EgoLudovicus-Henricus Borbonius Condteus, Deo juvante, Supremum Magisterium acceptum habui, 1737.
Ego Ludovicus-Franciscus Borbonius-Conty, Deo juvante, Supremum Magisterium acceptum habui, 1741.
Ego Ludovicus-Henricus-Timoleo de Cosse-Brissac, Deo juvante, Supremum Magisterium acceptum habui, 1776.
Ego Claudius-Mathueus Radix de Chevillon, Templi senior Vicarius Magister, . . . adstantibus Fratribus Prospero-Maria-Petro-Michaele Charpentier de Saintot, Bernardo-Raymundo Fabre, Templi Vicariis Magistris, et Johanne-Baptista-Augusto de Courchant, Supremo Praeceptore, hasce litteras decretales a Lndovico-Hercule-Timoleone de Cosse-Brissac, Supremo Magistro, in temporibus infaustis mihi depositas, Fratri Jacobo-Fliilippo Ledru, Templi seniori Vicario Magistro . die decima junii, 1804.
Ego Bernardus-Raymundus Fabre, Deo juvante, Supremum Magisterium acceptum habui, die quarta novembris, 1804.
Toujours selon la légende, en 1705, le Grand-Maître Philippe, duc d’Orléans, aurait convoqué à Versailles un convent général, au cours duquel auraient été dévoilés les statuts généraux de l’Ordre inspirés par la règle de Saint-Bernard de 1128.
Notons que dans ce même document, Larménius frappe d’anathèmes les templiers écossais comme déserteurs de l’Ordre et les frères de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem comme spoliateurs.
Francs-maçons et chevaliers de Malte fuyez, Larménius ne vous aime pas beaucoup. Mais cela permet de présenter le Temple comme seul et unique dépositaire du défunt Ordre suspendu par Clément V en 1312 : « © Ordre du Temple™ » était né !
Mais bien entendu, les francs-maçons peuvent dormir sur leurs deux oreilles, car cette charte est un faux [2] : tout d’abord, le latin utilisé n’est pas celui de l’époque ; ensuite, en aucun cas, un grand-maître du Temple n’avait le pouvoir de désigner seul un successeur, fût-il en danger de mort (on me rétorquera que je n’ai pas connaissance des règles secrètes rédigées en sumérien, soit !) ; le mode d’élection collégial du grand maître assurait la survie de l’Ordre dans tous les cas, la grande maîtrise n’étant qu’une fonction et non un sacre royal, comme cela le deviendra avec notre bon Bernard Raymond… et chez certains templiers modernes.
Ainsi que l’écrit Joseph Findel :
« Ce document est un faux, et ceci pour les raisons suivantes : 1 – le latin n’est pas celui du 14e siècle ; 2 – les anciens statuts templiers sont ignorés puisqu’aucun Grand-Maître n’a jamais eu le pouvoir de désigner seul son successeur ; 3 – cet acte est inutile pour la préservation de la grande maîtrise, car si une convention avait existé, son élection se faisait sans charte, et si aucune convention n’avait existé, alors la charte devenait inutile ; 4 – l’installation de quatre vicaires généraux était absolument inutile, car à la période où l’Ordre était à son sommet, il n’en avait pas besoin, le Grand-Maître n’ayant jamais demandé qu’à avoir deux assistants ; 5 – si les templiers écossais dont parle la Charte signifient les francs-maçons… et suite au Convent de Wiesbaden de 1782 ayant exclus les templiers des loges maçonniques, alors l’anathème de la Charte ne peut avoir été édicté qu’après cette date ; 6 – la signature de Chevillon amène à la même conclusion, car si ce document a été préparé sous la direction de son prédécesseur, Cossé de Brissac, il n’a pu l’être que dans la période trouble et agitée de la Révolution, une époque où tout ce qui relevait de l’aristocratie et du templarisme ne pouvait que subit la persécution la plus violente. » [3]
Si ce document était « vrai », il soulèverait donc de sérieuses questions quant à sa légalité, la Charte étant alors, ipso facto, contraire à la règle de l’Ordre. La grande maîtrise était dévolue suite à une élection ainsi que la Règle nous l’explique très clairement : « Le grant commandeur doit faire venir le commandeur de leslection et son compaignon devant lui et devant tout le chapistre, et lui doit commander, en vertu d’obédience, cestui office En péril de lor âmes et en guarde de Paradis, que toute estuid el toute entente avoir d’eslire lor compaignons, que en cestui office sauront aveuc ons. Et si l’on doit encore commander que _, ne por grâces, ne por hayne, ne por amor, mais soulement diau (deux) voians devant lor céans, eslisent tels compaignons por lor sens, lesquels embulant à la pais de la maison, ci cornes dessus est dit de aus et ils doivent issir de chapistre. Et ces II frères doivent eslire autres II frères et seront IIII, et ces IIII doivent eslire autres II frères et seront VI, et ces VI frères doivent eslire autres II frères et seront VIII, et ces VIII frères doivent eslire autres II frères et seront X, el ces X frères doivent eslire autres II frères et seront XII en l’ennor des XII apostres : el les XII frères doivent eslire ensemble le frère chapelain, pour tenir le leu de Jhesu Christ…. » et ensuite, « le commandeor de leslection doit dire por soi et por tous ses compaignons communaument a très tous les frères : Biaux seignors, rendez grâces el merci à nostre seignor Jhesu Christ et à madame Sainte-Marie, et à tous saints et à toutes saintes que nous nous somes acordé tous communaument et si avons de par Dieu esleu par vos comandemens le maistre dou Temple ».
Selon les statuts souverains de l’Ordre, Molay n’avait pas le droit et, emprisonné, on peut penser qu’il n’ait eu ni le courage ni l’occasion, de désigner son successeur. Nos templiers modernes, afin de prouver la transmission de la dignité magistrale de Molay à Larmenius, et donc d’asseoir leur haute qualité, valideraient donc le viol de la constitution essentielle de l’Ordre. Ainsi que l’écrit Findel, « si l’ordre s’était maintenu, le grand conseil seul aurait en le droit d’élire un grand maître : on aurait d’autant moins validé le choix de Molay, que le parti du grand prieur de France, linge Peyraud était très puissant, et que c’est apparemment à l’échec qu’il subit qu’il faut attribuer en grande partie la catastrophe qui atteignit l’ordre en France ».
De Molay était, en outre si rigoureusement surveillé dans sa prison que même les envoyés du Pape échouèrent à le rencontrer. Et l’on cherche à nous faire croire qu’un templier, sans aucun doute recherché par les sergents du Roi de France, l’aurait pu… ?
Ajoutons que l’histoire, pas plus que les actes de l’enquête dans lesquels figurent plus de 800 noms, ne fait mention de celui de Larmenius. Le surnom de Hierosolymitanus donné à Larmenius est encore plus douteux, puisqu’aucun templier n’avait posé les pieds en Palestine depuis 1291 et que, depuis un demi-siècle au moins, aucun chrétien n’avait pénétré à Jérusalem.
Ajoutons à cela des erreurs de dates ou de faits : Evrard de Bar devient ainsi grand-maître en 1152 au lieu de 1149 ; Philippe de Naplouse en 1169 au lieu de 1116 ; Terriens, qui dirigea l’Ordre de 1198 à 1201, est désigné en 1185 ; Robert de Sablé a dirigé l’Ordre jusqu’en 1192 et pas 1196. Herman de Périgord, qui fut Grand-Maître de 1230 à 1244 devient deux personnes différentes : Armand de Patragussa jusqu’en 1237 et Hermann Patragonius jusqu’en 1244 ; on fait de Guillaume de Rochefort un grand-maître ce qu’il n’était pas… Findel nous révèle, dans son Histoire de la franc-maçonnerie, que : « cette liste fourmillant d‘erreurs est celle de l’Histoire critique et apologétique des chevaliers du Temple, par B. P. J. (Père Jeune), 2 vol. Paris, 1789. » Autrement dit, c’est un mauvais copié-collé qui semble aujourd’hui encore subjuguer nos templiers modernes…
Les noms qui suivent celui de Jacques de Molay sont assez obscurs. Bertrand du Guesclin n’a certainement pas pu signer de son nom puisqu’il ne savait ni lire ni écrire. À partir de 1705 (date de la fondation de la société de l’Aloyau) les noms sont tous ceux de personnages historiques.
Cependant, comme le souligne Albert Lantoine : « Le document Larmenius, au-delà d’un simple faux, doit être perçu comme une réelle tentative de réalisation constructive pour atteindre un objectif spirituel. N’oublions pas que de nombreux courants maçonniques revendiquent, même symboliquement, une origine templière. De nombreux hauts grades maçonniques font d’ailleurs explicitement référence à l’Ordre du Temple, notamment dans le Rite Écossais Ancien & Accepté et dans le Rite Écossais Rectifié ». Un peu de mythe ne fait jamais grand tort, à condition d’être objectivement perçu comme tel.
La Société de l’Aloyau
Dans son Histoire amoureuse des Gaules, de Bussy-Rabutin rapporte que des seigneurs de la cour de Louis XIV formèrent en 1682 une société d’hommes aimant se donner l’un l’autre le fameux baiser templier… Ce qui explique que ce groupe reçut le surnom de Petite résurrection des templiers. Découverts, les membres seront bannis et la société se transformera vite en salon philosophico-politique [4], récupéré par Philippe d’Orléans en 1705 ; le prêtre jésuite Buonnanni en rédigea les statuts qui deviendront la Charte Larmenius de l’Ordre du Temple. Cet Ordre cherchera un temps à se faire reconnaître par les templiers de Tomar, et même par Rome. Puis, il entra en semi-clandestinité sous le nom de la « société de l’Aloyau » dont l’un des membres fut le duc de Cossé-Brissac…
Au début de la Révolution française, le dernier grand-maître en titre, le duc Timoléon de Cossé-Brissac [5] prévoyant les dangers pour la survie de l’Ordre aurait décidé de remettre les archives et les « reliques » à Radix de Chevillon et de le nommer régent dans l’attente de jours meilleurs.
Larmenius à Paris
Le 10 juin 1804, Ledru, avec son ami et frère Radix de Chevillon, convoque ses amis de la loge des « Chevaliers de la Croix » [6] et leur dévoile le « legs » qui lui fut fait et leur confère aussitôt la dignité de « Princes de l’Ordre » : Ledru devient le « Lieutenant général d’Afrique », Saintlot celui d’Asie et Courchamps se voit élevé à la dignité de « Grand Précepteur ». Chevillon se contente lui du titre de Régent [7].
Le 4 novembre 1804, les chevaliers réunis au sein de la loge des « Chevaliers de la Croix » se constituent en Convent général et décident de l’élection à la charge de grand-maître de Bernard Raymond Fabré-Palaprat de Spolète. La loge des « Chevaliers de la Croix » deviendra le vivier et l’Ordre Extérieur et recevra ses patentes du Grand Orient le 23 décembre 1805. L’Ordre intérieur se développera sur la souche templière.
Une autre version veut que Jacques Philippe Ledru[8], fils du médecin personnel de Cossé-Brissac, aurait récupéré un meuble dans les tourments de la Révolution et y aurait découvert en 1804 les statuts de l’Ordre de 1705 qui y étaient dissimulés. Il aurait partagé sa découverte avec ses amis de la loge des « Chevaliers de la Croix » et, ayant flairé là une opportunité pour développer leur propre Ordre templier paramaçonnique, ceux-ci décidèrent de fonder une résurgence dans la veine de la Stricte Observance Templière de von Hund.
Le Chevalier de Fréminville, dans ses Antiquités de Bretagne et dans son Histoire de Bertrand du Guesclin, connétable de France et de Castille, fait un enthousiaste panégyrique de l’Ordre du Temple, et publie la Charte Larménius de transmission de la Grande Maîtrise des Templiers depuis 1324, jusqu’à l’année 1804. Il avait déniché cette charte, d’ailleurs incomplète, chez un relieur qui possédait les archives de l’évêché de Quimper. Selon lui, Ledru aurait subtilisé la charte et y aurait apposé son nom sans en avoir le droit ; il s’ensuit qu’il ne pouvait transmettre quoi que ce soit…
Quoi qu’il en soit, l’Ordre est complètement organisé en 1806. Ses statuts sont rédigés en latin, et il se dote d’une structure en trois classes : une Maison d’Initiation, une Maison de Postulance et des Convents [9]. La Maison d’initiation, connue sous le nom d’Ordre d’Orient, regroupe en gros les membres revêtus des quatre premiers grades de la maçonnerie écossaise. La Maison de Postulance regroupe les membres ressentis comme pouvant ensuite postuler à la dignité templière. Les Convents regroupent les Écuyers et les Chevaliers ou Lévites, c’est l’Ordre Intérieur.
Le 18 mai 1810, l’Ordre du Temple publie dans son Manuel des chevaliers de l’Ordre du Temple, un procès-verbal concernant l’inventaire des chartes, statuts, insignes, etc. :
« Le quatorzième jour de la Lune de Tab, l’an de l’Ordre six cent quatre-vingt-douze ; du Magistère le sixième ; dix-huit mai de l’an mil huit cent dix de Notre Seigneur Jésus-Christ :
En exécution de la loi rendue par le convent-général, dans sa séance du vingt-neuf Védar six cent quatre-vingt-onze, dont suit l’extrait…
Le cénotaphe ; le suaire ; les os des martyrs ; l’épée du Martyr Jacques ; le casque du martyr Guy ; l’éperon de… ; la paix de Saint-Jean ; le sceau du Grand-Maitre Jean ; le sceau du Chevalier croise ; le sceau de Saint-Jean ; la patène ; la crosse et les mitres primatiales ; le baucéant ; le drapeau de guerre ; … LA CHARTE DE TRANSMISSION… »
Cependant, Maillard de Chambure, écrit : « La charte de transmission n’est pas l’acte même par lequel J. de Molay, présageant le sort qui lui était réservé (il ne pouvait le prévoir avant son arrestation, et une fois emprisonné, il fut mis au secret le plus absolu), transmit à Marc Larmenius les fonctions magistrales. Celui-là est perdu ! … » [10] Ah !
Une Charte sous verre
En 1838, le convent décide de transmettre la Grande-Maîtrise à William Sydney-Smith, amiral anglais. La Charte passe alors en Angleterre et elle est aujourd’hui conservée sous verre au Marks Mason Hall de Londres.
On peut s’étonner que nos successeurs « légitimes » contemporains aient pu laisser ce précieux document de si grande importance se retrouver chez ces francs-maçons, justement stigmatisés par la Charte Larmenius comme « Templiers écossais, déserteurs de l’Ordre ».
Mais, même sans ce document d’importance – enfin si l’on croit aux fables –, nos templiers modernes s’évertuent à se bombarder 47e ou 48e grand-maître… S’excommuniant les uns les autres en s’accusant mutuellement de ne pas posséder le nom qui va bien dans leurs lignées respectives… Mais même avec un Bricaud ou un Ambelain comme ancêtres, ils sont bien puérils à se repaître d’un cadavre refroidi depuis plus de 7 siècles.
Concluons ici par quelques mots de Clavel : « Après tout, on arrive à cette conclusion, que l’institution de l’ordre actuel des Templiers ne remonte pas au-delà de l‘année 1804, qu’il n’a aucun droit à se prétendre la légitime continuation de la société connue sous le nom de la Petite Résurrection des Templiers, et que celle-ci elle-même ne se rattache point à l’ancien ordre des Templiers. Cependant, afin de donner à cette comédie les apparences de la réalité, et de pouvoir la jouer d’une manière digne de son début, à l’aide de certains documents, de certaines reliques, la société des Nouveaux Templiers a imaginé encore de diviser le monde en provinces, en prieurés, en commanderies, dont elle assigne à ses membres le gouvernement. Elle exigeait de ses aspirants la production de titres de noblesse, et lorsqu’ils ne pouvaient pas remplir cette condition, elle tranchait la difficulté en les anoblissant elle-même. »
La Charte Larmenius, Spartakus FreeMann, septembre 2015 e.v.
Le texte de la charte Larmenius.
Moi, Fr. Jean-Marc Larmenius, de Jérusalem, placé comme souverain et suprême Grand-Maitre à la tête de l’Ordre universel du Temple, par la grâce de Dieu, la très secrète volonté du vénérable et très saint martyr le grand-maître du Temple (à qui honneur et gloire !), et la confirmation de l’assemblée générale des Chevaliers, — à tous ceux qui ces présentes verront,
Salut ! Salut ! Salut !
Sachent tous, présents et à venir, que, vu l’affaiblissement de mes forces, conséquence d’une extrême vieillesse, et considérant, en outre, la gravité des circonstances jointe à la difficulté du gouvernement, j’ai, moi susnommé, Grand-Maitre de la milice du Temple, résolu, pour la plus grande gloire de Dieu, ainsi que pour la protection et le salut de l’Ordre, des frères et des statuts, de remettre la Souveraine Maîtrise dans des mains plus vigoureuses.
C’est pourquoi, avec l’aide de Dieu, et l’approbation unanime du suprême couvent des chevaliers, j’ai conféré la suprême maîtrise de l’Ordre du Temple, ainsi que l’autorité et les privilèges y attachés, à l’illustre commandeur et très cher frère François-Thomas-Théobald d’Alexandrie, et par le présent décret les lui confère pour toute sa vie, avec pouvoir de transmettre, en tenant compte des temps et des circonstances, la souveraine et suprême maîtrise de l’Ordre du Temple et la souveraine autorité à un antre frère, qu’il devra choisir parmi les plus distingués par la noblesse de l’éducation et du caractère autant que par l’humanité des mœurs. Et cela, pour que la suite des Successeurs à la maîtrise se perpétue d’une manière non interrompue, et pour que l’intégrité des statuts soit protégée.
J’ordonne, néanmoins, que la maîtrise ne puisse être transmise sans l’assentiment du convent général des chevaliers du Temple, chaque fois que ce suprême convent pourra être réuni ; et que, dans ce cas, le successeur soit désigné d’après la volonté des chevaliers.
Et, pour que les affaires de cette charge souveraine ne languissent pas, il devra y avoir, dès à présent et à toujours, quatre suprêmes lieutenants du magistère partageant, pour toute leur vie avec le grand-maître, la suprême dignité et l’autorité sur l’Ordre entier. Ces lieutenants seront choisis parmi les plus anciens suivant la date de leur profession. Nous avons statué ainsi d’après le vœu des frères et les ordres que nous avons reçus du très saint et bienheureux susdit vénérable grand-maître martyr, à qui soient honneur et gloire. Amen !
Enfin, en vertu d’un décret du suprême convent de nos frères et en vertu de l’autorité suprême qui m’est confiée, je veux, je dis et j’ordonne que les Templiers écossais, déserteurs de l’Ordre, soient frappés d’anathème, ainsi que les spoliateurs (auxquels Dieu fasse miséricorde) des biens de notre milice. Je veux, dis et ordonne qu’ils soient excommuniés du giron du Temple, maintenant, et à toujours.
C’est pourquoi j’ai établi des signes qu’il m’a déjà plu naguère de révéler dans le convent suprême, signes qui devront rester inconnus aux faux frères et seront communiqués verbalement aux chevaliers. Nous voulons que ces signes ne leur soient dévoilés qu’après leur noviciat et après leur réception comme chevaliers, conformément aux statuts, rites et usages des chevaliers du Temple, transmis par moi au susdit éminent commandeur, de même que je les ai reçus du vénérable et très saint grand-maître martyr (à qui honneur et gloire).
Qu’il soit fait comme j’ai dit.
Qu’il soit fait ! Amen !
Donné par moi, Jean-Marc Larménius, le 18e jour de février 1314.
Le code templier.
Bibliographie.
- Lévitikon ou Exposé des principes fondamentaux de la doctrine des chrétiens-catholiques-primitifs, suivi de leurs évangiles, d’un extrait de la Table d’or… et précédé du statut sur le gouvernement de l’Église et la hiérarchie lévitique, Paris, Librairie des Chrétiens-primitifs J. Machault, 1831 ;
- The « Charta Transmissionis of Larmenius », par Fred. J. W. Crowe in Ars Quatuor Coronati Lodge ;
- Peter Partner, The Murdered Magicians: The Templars and Their Myth, Barnes & Noble books, 1993 ;
- Peter Partner, Templiers, Francs-maçons et Sociétés Secrètes, Pygmalion, 1992 ;
- Findel, Die Bauhütte et History of Freemasonry ;
- Traduction littérale en français du texte latin des statuts de l’Ordre du Temple, Guyot, 1833 ;
- Statuts généraux de l’Ordre du Temple, Paris, 1839 ;
- Maillard de Chambure, Règle et statuts secrets des Templiers, 1825 ;
- Manuel des Chevaliers de l’Ordre du Temple, Paris, 1817 ;
- Louis-Théodore Juge, Histoire curieuse de la démission d’un grand-chancelier de l’Ordre du Temple, 1837 ;
- Louis-Théodore Juge, Lettre aux soi-disans membres du conseil général d’administration de l’Ordre du Temple, 1837 ;
- Philippe Bourdillon, Recherches historiques sur l’ordre des chevaliers du Temple, Genève, 1834 ;
- Réflexions d’un ancien Templier, Paris, 1836 ;
- Germain Sarrut, Biographie des hommes du jour, Paris, 1835 ;
- Goemaere, Revue belge de numismatique et de sigillographie, Volume 65, Bruxelles, 1909 ;
- René Le Forestier, La Franc-Maçonnerie Templière et Occultiste (1929). 3e éd. Milan, Archè, 2003 ;
- H. Probst Biraben, Les Mystères des Templiers, Omnium littéraire, 1947.
Notes.
[1] Ou « l’Arménien », sans doute en référence à la Petite Arménie, région de Cilicie (actuellement à cheval entre la Turquie et la Syrie) où fut établi un royaume Croisé.
[2] Peter Partner, The Murdered Magicians: The Templars and Their Myth, page 135 (Barnes & Noble books, 1993)
[3] Histoire de la Franc-maçonnerie (page 717 et suivantes).
[4] « Ce sont les Confrères de Jérusalem, qu’une plaisanterie nomme communément les Frères de l’aloyau, depuis un certain souper où tout était rosbif. Ces honnêtes gens font des actes publics, qui prouvent la pureté de leur Institut, les résultats en font heureux pour l’humanité ; à certains jours solennels, ils délivrent un nombre de prisonniers, ils acquittent leurs dettes… » (L’étoile flamboyante, ou la société des francs-maçons, considérée sous tous les aspects).
[5] Né en 1734, il sera le commandant en chef de la Garde constitutionnelle du Roi de Louis XVI en 1791. Le 29 mai 1792 l’Assemblée dissout ce corps et Cossé-Brissac est alors emprisonné à Orléans. Lors de son à Versailles il est séparé avec d’autres prisonniers de l’escorte, et ils sont livrés le 9 septembre à la vindicte d’une foule d’égorgeurs. Il est inhumé le 9 septembre 1792 au cimetière Saint-Louis à Versailles.
[6] Selon Bésuchet, la loge ne serait fondée que le 14 octobre 1805, et reçu du Grand Orient de France ses constitutions le 23 décembre 1805, donc après la découverte de la Charte. Quoi qu’il en soit, la loge connut un succès certain jusqu’en 1815, avant de tomber en sommeil dès 1830 jusqu’en 1839 et d’être exclue du Grand Orient en 1841. Parmi ses membres on a compté Antoine Guillaume Chéreau, l’auteur de l’Explication de la pierre cubique.
Ainsi que le fait remarquer J.-C. Bésuchet : « on ne devient pas toujours chevalier du Temple en devenant membre de la Loge Chapitrale des Chevaliers de la Croix ; mais du moment que l’on est chevalier du Temple on est membre de la loge et du chapitre… » (Précis historique de l’ordre de la Franc-Maçonnerie, Paris, Rapilly, 1829)
[7] Les 8 membres fondateurs de l’Ordre sont : les frères Radix de Chevillon, Ledru, de Courchamp, de Saintot, Fabré Palaprat, Arnal, Bechot de la Varenne et Leblon.
[8] Jacques-Philippe Ledru, né en 1754, était médecin, membre de l’Académie nationale de médecine, vénérable de la loge des Chevaliers de la Croix. Il décède le 10 novembre 1832.
[9] 1ère Classe : Maison d’initiation : 1. Initiati ; 2. Intimi Initiati ; 3. Adepti ; 4. Orientales Adepti.
2e Classe : Maison de Postulance : 5. Magni Aquilae Nigrae Sancti Johannis Aposto Adepti ; 6. Perfecti Pelicani Adepti ou Postulant.
3e Classe : Convent : 7. Novice Écuyer ; 8. Chevalier ou Lévite de la Garde Intérieure.
[10] Maillard de Chambure, Règle et statuts secrets des Templiers.