Les liens dangereux de l’Ordo Templi Orientis par Spartakus FreeMann.
Suite à de nombreuses questions que nous avons reçues concernant les liens entre l’extrême droite & l’Ordo Templi Orientis (OTO), il nous paraît utile de donner un ou deux éléments qui pourront aider à y voir plus clair.
Notre but ici n’est pas de défendre l’OTO en général ou une branche de l’OTO en particulier. À notre sens, si l’étude de la pensée de Aleister Crowley reste incontournable pour la compréhension de la « culture » magique moderne, les groupes qui s’en réclament aujourd’hui restent bien souvent décevants.
Historiquement déjà, la réputation de Crowley a été entachée par des accusations de racisme & d’affinités avec les régimes totalitaires. Ces accusations seront reprises & amplifiées par les écrivains de l’ésotérisme afin d’étayer leur thèse du complot occulte ou encore afin de faire ressortir tel ou tel détail de la personnalité de Crowley. En fait, la majorité de ceux qui ont écrit un jour sur lui ne se sont basés que sur des documents de deuxième main, des rumeurs ou, lorsque le matériel faisait défaut, ils ont inventé de toutes pièces des événements de la vie de celui qui se faisait appeler « la Grande Bête 666 ». Et que dire de ceux qui ont cherché à s’approprier sa pensée & à la détourner à des fins parfois très métalliques ?
Il est vrai qu’à la lecture de certains de ses écrits, on ne peut qu’être choqué par la manière dont il décrit les autres races, par exemple les noirs qu’il appelle « negroes »… Mais si nous nous replaçons dans le contexte culturel & social de l’époque, la lutte pour l’égalité des hommes de couleur n’était pas encore à la une des préoccupations du commun des mortels & le climat était encore très paternaliste – n’oublions pas que Crowley est mort en 1947, donc bien avant la période de décolonisation & des premières luttes de libération – voire arrogant à l’encontre des noirs & des autres peuples non européens. Il n’est donc pas étonnant de lire des fragments dans ses Confessions ou dans sa correspondance qui vaudraient aujourd’hui à leur auteur un procès assuré. Mais, à ce compte, une grande partie des plus grands penseurs des XVIIIe & XIXe siècles pourraient être accusés de racisme. Donc, si Crowley nous apparaît aujourd’hui comme un raciste, il n’en est ainsi que grâce à l’évolution de nos moeurs qui nous a conduits à adopter une attitude égalitaire & fraternelle avec les autres peuples de cette terre.
Pour ce qui est des liens présumés entre Crowley & le fascisme, il y a là plus d’éléments à décharge. Déjà, durant de la Première Guerre mondiale, Crowley s’était signalé par certains écrits publiés dans une revue américaine pro-allemande & il avait été accusé par les services secrets britanniques de collaboration avec l’ennemi. Le ton de ces articles était assez élogieux pour le Kaiser & sa politique expansionniste. Toutefois, dans ses « Confessions », Crowley avait avoué avoir agi dans un sens contraire & que les articles publiés étaient en fait des attaques déguisées contre l’Allemagne. De cette époque, vient sa pseudo-nationalité irlandaise. Personne à ce jour n’a pu dire avec certitude si Crowley était ou non un agent double britannique.
Il y eut ensuite des allégations quant à ses affinités avec le régime de Mussolini puis quant à son influence sur Hitler lui-même. Ce serait oublier que Crowley avait été expulsé de Cefalu (Sicile) en 1923 sur les ordres du Duce & que toutes les loges de l’OTO – comme nombres d’autres ordres initiatiques – avaient été fermées en Allemagne sur ordres de la Gestapo & que son Grand Maître National avait été envoyé en camp de concentration. La littérature à sensation, & le Matin des Magiciens y sont pour quelque chose ; on voulu voir dans le nazisme une marionnette de loges & conventicules occultes. Or, mis à part des liens avec certains membres de ces sociétés occultes, il n’y a aucune preuve d’un contrôle du parti nazi par celles-ci. Il y a bien sûr cette fameuse phrase de Crowley « Avant que Hitler ne fut, je suis »… dont le sens échappe à tous & aux sectateurs de Crowley en premier lieu.
À l’heure actuelle, reste la question de savoir si l’OTO français est sous la coupe de l’extrême droite. À ce sujet, il faut se souvenir de l’article écrit en son temps par Matthieu Léon, « un bref historique de l’OTO » où il dénonçait l’infiltration de l’OTO par B***. Celui-ci se réclamant d’ailleurs « chef pour la France » de la branche Caliphale. B*** a été initié dans l’OTO dit « Caliphal » au degré de Minerval en 1982 ; resté en sommeil, il demandera son initiation au I° en 1991, avant d’être expulsé de l’ordre en 1993 suite à l’affaire du Groupe de Thèbes & à sa réputation pour le moins sulfureuse. Ces informations peuvent être confirmées auprès du Grand Trésorier de l’OTO, Bill Heidrick.
Depuis lors, il semble que B*** se soit affilié à une branche espagnole de l’OTO dérivant de Krumm-Heller (consulter à ce propos le site de Peter Koenig).
Pour conclure, l’OTO issu de Crowley a éclaté en une myriade d’ordres se déclarant seuls dépositaires de la pensée & de l’oeuvre du « Maître », des templiers orientaux pratiquant le vaudou à ceux qui voudraient réintégrer le Christ dans les rituels, on tombe sur tout & n’importe quoi. L’Ordo Templi Orientis dit « Caliphal » n’est qu’un surgeon de l’OTO de Crowley, aujourd’hui il ressemble plus à une boîte à copyrights cherchant peut-être à placer le cadavre pourrissant de Crowley dans un mausolée pour en faire payer l’entrée… Cet OTO s’est toutefois débarrassé de ceux qui professaient une idéologie extrémiste & racisante afin de couper Crowley de toute récupération idéologique comme cela fut malheureusement fait avec l’oeuvre de Nietzsche, par exemple. Pour ce qui de la France, il semble que les loges, camps & oasis de l’OTO caliphal recrutent plutôt des hommes & des femmes libres & sans lien avec l’extrême droite.
Donc, à notre connaissance, l’OTO français « officiel » ne peut apparaître comme un lieu de recrutement pour l’extrême droite alors que les branches d’autres filiations – & plus particulièrement la Krumm-hellerian – pourraient demander un examen plus approfondi.
Plus sur le sujet :
Les liens dangereux de l’Ordo Templi Orientis, Spartakus FreeMann, 2002.