Les Mayas et la fin du monde par Stéphane François.
Depuis quelques années, une foule de livres new age nous prophétise la fin du monde le 21 décembre 2012. Ils reprennent les conclusions de spécialistes des Mayas du début et du milieu du XXe siècle. Mais ces chercheurs avaient mal traduit les textes… Ces universitaires ont répandu l’idée que les Mayas de l’époque classique croyaient que la création précédente avait été détruite par un déluge. L’archéologue américain Michael Coe, en 1966 fut le premier à suggérer qu’à la fin du « Grand Cycle », qu’un grand cataclysme provoquerait le 24 décembre 2011 la destruction des peuples dégénérés du monde… Toutefois, le consensus des chercheurs s’est fixé sur d’autres dates (21 décembre 2012) du Grand Cycle maya. Coe corrigea la date dans les éditions ultérieures de son livre. Il sera lu et suivit par des lecteurs new agers qui comprirent mal ces traductions : le cataclysme annoncé relève du mythe et non de la prédiction… Bref, c’est problématique. Et cela d’autant plus que les adeptes du New Age se focalisent depuis la naissance de leur milieu, c’est-à-dire depuis les années 1970 sur les civilisations amérindiennes (pensons aux délires du pseudo-anthropologue qu’était Carlos Castaneda), en particulier sur les Mayas. Pourquoi ceux-ci ? Parce que, tout simplement, les Mayas avaient un calendrier religieux qui s’appuyait sur le cosmos. Il était tellement complexe ce calendrier qu’il permet pas mal d’interprétations, en particulier délirantes… En effet, le calendrier maya se compose de plusieurs cycles calendaires assez complexes. En plus, il continue au-delà de la date fatidique ! Certains d’entre eux vont même d’ailleurs au-delà de l’an 3500 de notre calendrier chrétien : des chercheurs américains viennent d’annoncer que des calculs renvoyant à des dates de 7000 ans de notre ère ont été trouvés sur le site de Xultún au Guatemala.
Back to the 70’s
Les premières prédictions faisant part d’un changement majeur le 21 décembre 2012 sont apparues dans les collections éditoriales en 1975, notamment sous la plume d’un dénommé Franck Waters. Celui-ci annonçait dans un livre intitulé Mexico Mystique: The Coming Sixth World of Consciousness, avec la phraséologie si particulière propre aux New Agers, un flux de forces cosmiques et une révolution psychique marquant l’entrée dans le sixième âge de la conscience pour décembre 2011… A priori, il avait lu la première version du livre de Coe. L’influence de ces livres grandit tellement, ils vont devenir des best-sellers dans leur domaine, qu’ils ont été republiés dans les années 1990, agrégeant au fur et à mesure d’autres contenus, de plus en plus apocalyptiques. Une habitude dans le New Age : on mélange tout, avec un vocabulaire pseudo-religieux et surtout pseudo-scientifique : recherches scientifiques déformées, pratiques occultistes, traditions mal comprises, etc. une habitude dans ce genre de littérature.
De fait, les lecteurs de ce genre de livres, et de théories, sont des amateurs d’« Aventure mystérieuse », de « mystère de l’univers », pour reprendre les noms de célèbres collections éditoriales dans le domaine. Il s’agit d’une population plutôt cultivée, ayant fait des études ou ayant une culture d’autodidacte, qui cherche à trouver un sens à leur existence dans toute une littérature paranormale et occultiste, fort à la mode dans les années 1960 et 1970. Issue de la contre-culture californienne, scientiste, irrationnelle, elle se passionne à la fois pour la spiritualité (mais sans avoir les codes), pour les « civilisations premières » (mais avec le prisme de l’Occidental qui a lu 1 ou 2 livres de vulgarisation d’anthropologie), refuse le progrès scientifique (mais avec une démarche typiquement scientiste)… beaucoup d’entre eux sont d’anciens hippies, qui n’ont jamais décroché des spéculations fumeuses, et cannabiques, de cette époque.
Occident quand tu nous tiens
Leurs convictions proviennent aussi de l’idée selon laquelle les « peuples premiers » seraient les dépositaires d’un savoir sacré, forcément perdu par l’Occident. Ce dernier serait d’ailleurs voué à une fin prochaine en raison de son matérialisme. Nous, Occidentaux, serions de grands décadents matérialistes ! Quelle histoire : les new agers, amateurs de « stages » et de « cours » divers et variés, proposent toute une gamme de formations mystico-hygiénique permettant à celui qui le fait de se ressourcer, vendus assez chers… Et je ne parle pas de tout le petit commerce de ce milieu : livres et vidéos vendant les grands secrets de l’univers (quelle blague), tisanes, cristaux permettant « d’accumuler de l’énergie », etc. qui rapporte chaque année, grâce aux crédules, beaucoup d’argent.
De tout ce fatras, on peut tirer une question : pourquoi les Mayas auraient-ils prédit la fin du monde, eux qui ne connaissaient que leur monde ? En fait, ces textes annoncent surtout la faillite du New Age ! Dès la fin des années 1990, les thèses des new Ages évoluent : elles passent d’un millénarisme progressiste (c’est-à-dire porteur d’améliorations collectives cosmiques et sociales) à un millénarisme catastrophiste (c’est-à-dire porteur d’un futur des plus sombres). Il s’agit donc de la faillite de l’Ère du Verseau – annoncée pourtant par le New Age pendant les années 1980. Avec ces thèses, on est surtout dans la longue tradition occidentale de millénarisme apocalyptique, qui commence dans l’Antiquité, avec les Apocalypses antiques, et qui continuent avec les discours décroissants et écologistes. Tous annoncent une fin du monde qui n’arrive jamais. Ainsi, les écologistes, parfois proches des new agers, nous promettent régulièrement, depuis les années 1970, la fin du monde, la dernière tentative étant le film catastrophiste de Nicolas Hulot, Le syndrome du Titanic. De fait, ces discours se placent dans une critique de l’évolution des sociétés, voyant dans celle-ci un signe de déclin, voire le signe avant-coureur d’une catastrophe imminente.
Bref, rien de neuf sous le soleil (ni sous la lune ou Vénus) : il ne s’agit que d’élucubrations qui s’inscrivent dans un discours millénariste et occultiste propre à l’Occident… de personnes mal à l’aise dans leur société ! Si eux cherchent les signes avant-coureurs d’une catastrophe, les mayas cherchaient au contraire les signes que tout resterait en place.
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Les Mayas et la fin du monde, Stéphane François.
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