Notice sur l’oratoire des Templiers de Metz par M. De Saulcy.
Afin de compléter le texte que nous avions publié concernant la Maison des Templiers de Metz, nous reproduisons ici des documents décrivant ce bâtiment avant qu’il fut amputé en 1904. Ce qui suit est une synthèse de divers travaux que nous devons à M. de Saulcy.
Nous avons conservé l’esprit et la lettre de l’auteur, n’opérant dans la synthèse que quelques modernisations du français.
La salle capitulaire, ou réfectoire des Templiers, qui était recouverte d’un plafond en bois peint et ornée de fresques (dont parle de Saulcy ci-après), sera rasée en 1904. La chapelle octogonale, située à une centaine de mètres, échappe à la destruction et se voit reconvertie en magasin de poudre et de plomb. La chapelle était dès l’origine entièrement peinte et la décoration actuelle est due au peintre Hermann Schaper. Dans la seconde niche transformée en chapelle, on voit des traces de peintures du début du 14e siècle : la Vierge montrant à un personnage agenouillé le Christ en croix, un évêque et le martyre de plusieurs saints.
Elle est classée monuments historiques en 1840. Elle échappera encore à la destruction en 1861 grâce à l’intervention de Prosper Mérimée, alors inspecteur général des monuments historiques. Depuis 1990, elle sert de salle d’expositions et peut être visitée.
Spartakus FreeMann.
La chapelle des Templiers
Les chevaliers du Temple vinrent s’établir à Metz dans la première moitié du 12e siècle ; mais on n’est pas parfaitement d’accord sur la date précise de leur arrivée. Le chroniqueur messin par excellence, Philippe de Vigneulles, s’exprime ainsi à leur sujet (manuscrit de la bibliothèque) :
« Pareillement tant par après et durant aussis la vie d’icelluy saint Bernard, c’est assavoir en l’un mil cent et xxiii durant le règne du devant dit Henry l’empereur, Ve de ce nom, et du devant dit Loys le Gros, roi de France, et d’Estienne, évesque de Metz, fuierent premier fondés et establis les templiers et ceulx de l’hospital de Jhérusalem, lesquels à cest heur présent y tienne le siège à Sainct-Jehan de Rhodes et furent ces deux relligions de chevalliers en ce temps fuictes pour défendre la chrestienté ; mais depuis leste dicts templiers par leur desmerittes ont esté destruicts et leur rente « et revenus donnés à ceulx dudict hospital, comme cy-après en aultre lieu sera dict. »
Les pères bénédictins auteurs de L’Histoire de Metz, D. Tabouliot et D. Jean François, se sont efforcés de démontrer que cette date était fausse. « Il est notoire, disent-ils, qu’il n’exista pas de templiers en France avant 1128, et que les deux premiers établissements qu’ils possédèrent en occident leur furent concédés, l’un dans les Pays-Bas en 1129, l’autre dans le Languedoc en 1130. » Ils pensent donc qu’il y a une erreur de dix années dans la date assignée par Philippe de Vigneulles, pour l’établissement de l’ordre du Temple à Metz, et ils rapportent cet événement à l’année 1133.
Cet oratoire est l’unique vestige de l’ancien hospice des Templiers de Metz, hospice qui fut détruit en l560 pour faire place à la citadelle que l’on construisit à cette époque sur le terrain occupé autrefois par cet hospice, l’abbaye de Sainte-Marie et l’abbaye de Saint-Pierre-aux-Dames ou aux Nonains. M. de Saulcy s’est proposé de décrire successivement ce qui reste de ces trois maisons religieuses, et il a commencé par l’oratoire des Templiers.
À leur arrivée dans cette ville, ils étaient si pauvres qu’ils reçurent l’hospitalité d’Agnès, abbesse de Sainte Glossinde, qui leur donna une humble chapelle sous l’invocation de Saint-Maurice, du consentement de sa communauté. Mais bientôt ils devinrent assez riches dans ce pays pour pouvoir y former un établissement plus convenable ; ils allèrent se loger dans l’hospice qu’ils firent construire de leurs deniers dans l’emplacement où, quelques siècles après, devait exister la citadelle ; et, vers 1260, ils cédèrent la chapelle de Saint-Maurice aux Augustin, qui l’occupèrent jusqu’à la révolution. Vers 1319, après l’abolition de l’ordre, les biens qu’ils possédaient dans Metz furent partagés entre les chevaliers de l’ordre teutonique et ceux de l’ordre de Malte.
Deux cent quarante-sept ans plus tard, la ville de Metz était tombée au pouvoir de la France ; M. de Vieilleville, qui comprenait combien la possession de cette place importante était mal assurée encore, fit sentir au roi la nécessité d’y construire une citadelle qui pût au besoin contenir l’esprit indocile des Messins et rendre inexécutables tous les projets de révolte. L’ordre qu’il sollicitait lui fut donné, et il se mit aussitôt à l’œuvre. Trois maisons religieuses et deux cent cinquante habitations particulières devaient disparaître pour faire place à la citadelle projetée ; ce ne fut pas sans peine que ces diverses expropriations s’accomplirent ; les travaux languirent donc jusqu’en 1560 et ce ne fut qu’en 1562 que M. de Vadoncourt, gouverneur de la ville, vint prendre gîte à la citadelle.
Les trois maisons religieuses à renverser ou à convertir soit en magasins, soit en casernes, étaient l’ancien hospice des Templiers, l’abbaye de Sainte-Marie et celle de Saint-Pierre aux Dames ou aux Nonnains. Parmi les bâtiments appartenant à l’ancien hospice des Templiers, M. de Vieilleville choisit l’oratoire pour en faire une poudrière et une salle capitulaire pour la transformer en salle d’arsenal. Je vais successivement décrire ce qui reste de ces deux édifices.
Lors de la démolition des bâtiments appartenant à l’ancien hospice des Templiers, le maréchal de Vieilleville conserva une chapelle pour servir de magasin à poudre.
À l’extérieur, cet oratoire ne présente aucun des caractères des chapelles que l’on est convenu d’appeler gothiques. Il se compose de trois parties distinctes, de hauteurs décroissantes, dont la première est un prisme octogonal rachetant un prisme rectangulaire qui lui-même rachète un demi-cylindre. L’octogone représente la nef. Les deux autres parties composent le sanctuaire ou le chœur qui était séparé de la nef par une balustrade ; à droite de celle espèce de chœur, est pratiqué, dans l’épaisseur de la muraille, un petit réduit qui servait sans doute de sacristie à l’officiant. La partie cylindrique rachète la voûte d’arête qui la précède par une demi-voûte en tour ronde. Des jours ou fenêtres étaient pratiqués sur cinq des faces de l’octogone, aux parties latérales et à l’extrémité du chœur.
La longueur totale de l’édifice, dans l’œuvre, est de 12m8o ; la largeur de l’octogone, prise aussi dans œuvre, comme les dimensions suivantes, est de 8m30 ; la largeur du chœur n’est que de 2m8o ; le rayon du rond-point extrême est de 1m40 ; le réduit, qui paraît avoir été une sorte de sacristie, offre une longueur de 1m40 sur 0m80 dans sa plus grande largeur ; les colonnes de la nef ont 6m de hauteur, chapiteaux non compris ; celles du chœur ont, les premières 4m, et celles du fond 3m60 de hauteur.
Nous allons maintenant décrire succinctement les diverses espèces d’ornements qui rendent ce monument fort remarquable.
À l’extérieur, toutes les arêtes du prisme octogonal sont garnies de soutiens engagés de pierres de taille présentant une sorte de pilastre en saillie d’environs 0m15 sur les faces du mur d’enceinte. Ces soutiens montent jusqu’au cordon servant de corniche avec lequel ils se raccordent. La corniche s’appuie dans tout le pourtour de l’octogone sur des corbeaux en pierre de profil, et de dimensions variées, mais sans aucune trace de sculpture ; ces corbeaux ne se remarquent pas à l’extérieur des deux divisions de l’abside. Les toits sont modernes, à l’exception du toit conique qui recouvre l’extrémité du chœur. Celui-ci est en pierres de taille et surmonté d’une boule appliquée contre la face antérieure du prisme rectangulaire.
Jusqu’ici le monument est d’une austère simplicité, et l’on ne remarque rien de plus que le strict nécessaire. Mais l’entrée présente dans sa construction des superfétations dont il est impossible de se rendre compte. Un large cordon au cintre surbaissé s’appuie sur la face d’entrée et sur un contrefort recouvrant l’arête de droite de cette face. Ce cordon cintré, en outre de ses pieds droits naturels des arêtes extrêmes, s’appuie de plus sur deux cordons en saillie, s’élevant à droite et à gauche de la porte d’entrée, et dont celui de gauche présente un coude brusque à sa partie supérieure sans que l’on puisse deviner le motif de cette inflexion. La porte d’entrée est rectangulaire et fort basse. Au-dessus paraît la croix pâtée des Templiers. Il est évident, au simple coup d’œil, que toutes ces constructions sont de la même époque.
Sur la face latérale de gauche sont appliqués deux massifs de maçonnerie terminés angulairement et évidés par des arcades ogivales tonnées de quatre arcs de cercle aboutés s’appuyant sur d’élégantes petites colonnettes dont les chapiteaux gracieux indiquent, comme l’espèce d’ogive employée, une époque assez récente. Il n’est pas invraisemblable que ces deux arcades aient été des abris pour quelques tombes des dignitaires de l’ordre.
En pénétrant dans cet oratoire, on se trouve avec un vif plaisir dans un charmant temple gothique dont la conservation est parfaite et l’ensemble d’un effet très gracieux. Huit colonnes engagées, de 0m40 de diamètre, qui décorent la nef octogonale, vont concourir sur la circonférence d’un médaillon formant clef de voûte, et sur lequel paraît un oiseau planant représentant sans doute le Saint-Esprit. Ces colonnes sont, par leur style, d’une époque évidemment antérieure à l’usage des deux styles élancés que M. de Caumont, dans son travail sur l’architecture religieuse du moyen âge, nomme gothique à rosaces et gothique flamboyant. Elles sont certainement du style des monuments de transition qu’il désigne comme caractérisant le passage du plein cintre à l’ogive. Les chapiteaux des colonnes de ce petit monument sont tout à fait de cet ordre transitoire ; ils présentent encore les ornements qui distinguent les chapiteaux de l’architecture romane ou à plein cintre.
Le chœur est séparé de la nef octogonale par une double ogive portant sur 4 colonnes de beaucoup moindre dimension que celles qui garnissent la nef. Ici l’architecte, pour masquer l’exiguïté de sa construction, en aidant le jeu de la perspective, a réduit vers le fond l’élévation de sa voûte d’arête. Une simple ogive semblable raccorde les deux parties du chœur. Ces colonnes sont aussi romanes et engagées dans la muraille. Les nervures de la voûte d’arête viennent aboutir à un médaillon en clef de voûte offrant un agneau nimbé qui supporte une croix. Ici se présente une bizarrerie peut-être sans exemple ; les nervures de cette voûte ne servent que d’ornement ; car, au lieu d’assurer la voûte en s’appuyant sur les colonnes des angles, elles viennent prendre naissance dans l’aisselle des chapiteaux de ces colonnes et ne s’appuient sur rien.
L’intérieur de l’oratoire des templiers de Metz était garni de peintures à fresque à l’eau d’œuf, comme l’étaient généralement les édifices religieux à l’époque de sa construction ; mais elles ont été entièrement recouvertes par le badigeon moderne qui n’en laisse voir de traces que sur deux colonnes : on y aperçoit trois larges zones de petits carrés de couleurs alternées disposées en damier à des hauteurs différentes sur le fût de la colonne ; les intervalles de ces zones étaient décorés de tiges de lierre grimpant en hélice le long de la colonne.
Ainsi que nous l’avons déjà dit, à en juger d’après les caractères architectoniques, l’oratoire des templiers de Metz doit avoir été élevé de 1150 à 1250. C’est un exemple de l’architecture de transition qui a servi de passage du plein cintre à l’ogive élégante et svelte du 14e siècle. La forme octogonale qu’il présente se rencontre dans quelques monuments de la même époque, entre autres dans le fameux octogone de Mont Morillon, dont se sont tant occupés les archéologues, et qui, après avoir été longtemps regardé comme un temple druidique, est aujourd’hui généralement reconnu pour une chapelle sépulcrale construite vers le 12e siècle.
***
Je passe actuellement au second magasin dont j’ai parlé plus haut.
On y remarque une série de curieuses peintures à la fresque dont j’ai le premier signalé l’existence, et qui méritent d’être décrites en détail. La salle qui les renferme se trouvant éloignée d’une centaine de mètres de l’oratoire du Temple que je viens de décrire, et étant d’ailleurs beaucoup plus rapprochée de l’église de Saint-Pierre aux Nonnains, je n’aurais pas hésité à y reconnaître soit un réfectoire, soit une salle capitulaire des nonnes de Saint-Pierre, si les sujets guerriers ou grotesques qui font partie des peintures ne m’eussent tout naturellement porté à admettre que cette salle a fait jadis partie de l’hospice des chevaliers du Temple. Je puis néanmoins me tromper eu lui attribuant celte origine, et je me garderai bien de rien avancer de positif à cet égard.
Quoi qu’il en soit de l’origine de la salle en question, elle porte à l’arsenal le nom de Magasin au plomb. Elle est longue d’environ 9m50 sur 8 de large. Elle est éclairée par deux fenêtres à cintres surbaissés en anse de panier à l’intérieur, et présentant à l’extérieur des baies rectangulaires couronnées d’ogives tréflées accouplées deux à deux ; ces fenêtres sont contemporaines des peintures puisqu’elles s’en trouvent revêtues sur leurs ébrasements, leurs linteaux et les meneaux qui les divisent longitudinalement. Le plafond n’est autre chose que le plancher de l’étage supérieur supporté par un système de petites poutrelles transversales, que soutient une maîtresse poutre de 0m50 d’équarrissage, appuyée sur les murs extrêmes et sur une colonne en pierre qui la soutient au milieu de la portée.
L’ancienne face d’entrée située au fond actuel de la salle, laisse voir une porte basse condamnée et présente des traces de fresques, trop endommagées pour qu’on puisse les étudier. Les trois autres faces sont heureusement mieux conservées. À partir de la porte actuellement en service, le premier trumeau ne présente plus rien. Au deuxième on reconnaît la tête d’un ange, les ailes éployées, et qui devait être à très peu près grand comme nature. Ce qui reste du buste est vêtu d’une robe bleue ; au-dessus de la tète on voit une arcade interrompue dans sa partie supérieure par la trace d’un petit édifice surmonté de deux tourelles et qui recouvre tout le reste du trumeau jusqu’à la frise. Entre les deux fenêtres était une ouverture en plein cintre, condamnée lors de la transformation de la salle en magasin, et qui peut-être fut autrefois une niche ; le trumeau de droite présente une longue figure roide et plate de la Vierge, placée aussi au-dessous d’une arcade peinte, appuyée sur deux colonnettes et interrompue par la continuation de l’édifice à tourelles avec clochetons qui paraît au-dessus de la figure d’ange dont je viens de parler. La tête de la Vierge est nimbée ; de la main gauche elle tient un livre et de la droite elle semble bénir. Elle est vêtue d’une robe bleue et d’un manteau rouge, ses pieds reposent sur un carreau ; à droite et à gauche dans le champ sont disséminées des rosaces rouges.
Le trumeau de droite de cette deuxième fenêtre présente aussi une figure nimbée à longue barbe, entièrement vêtue de bleu ; elle porte de la main droite une épée et tient la gauche levée. C’est évidemment la figure de saint Pierre, dont la présence fournirait au besoin un argument en faveur de l’attribution de cette salle à l’ancienne maison de Saint-Pierre aux Nonnains.
Ici encore même arcade, même dessin supérieur, mêmes rosaces qu’autour de la figure de la Vierge et de toutes celles dont les descriptions vont suivre.
La longue face de gauche, recouverte de treillis et d’entrelacs rouges et jaunes, porte dans sa longueur cinq grandes figures plus ou moins endommagées, mais absolument du même stylo que celle de la Vierge. Toutes se trouvent placées sous des arcades supportées par des colonnettes qui séparent du fond des sortes de niches entourant les figures. Entre ces niches les trumeaux sont recouverts d’entrelacs différents qui se reproduisent dans le même ordre à partir du quatrième.
La première figure, nimbée comme toutes les autres, porte le livre des Évangiles de la main droite et semble le montrer de l’index de la main gauche. Elle est vêtue d’une robe rouge et d’un long manteau bleu ; elle a une barbe fortement développée.
La deuxième est imberbe. Il serait difficile de décider si c’est une femme ou un homme. Sa main droite est élevée pour bénir, et la main gauche tient un objet endommagé qui probablement est encore le livre des Évangiles. Le saint personnage a les pieds nus posés sur le dos d’un dragon.
La troisième est dans la même attitude que la première et vêtue de même. Sa face est jeune et imberbe et, comme pour la précédente, il est impossible d’en deviner le sexe ; elle a aussi les pieds nus et posés sur le dos d’un animal méconnaissable.
La quatrième, dont la partie supérieure est détruite, a les pieds appuyés sur un quadrupède grossièrement dessiné.
De la cinquième on ne reconnaît plus que quelques traits de la draperie.
Sur tout le pourtour des murs règne à la partie supérieure une frise assez élégante composée d’énormes feuilles de chêne, sur lesquelles s’appliquent de longues feuilles d’acanthe repliées en volute. Cette frise d’un effet gracieux a disparu en mainte place ; mais ce qui en reste suffit pour faire voir que l’artiste n’a pas cherché à en varier le tracé ; elle est comprise entre deux larges zones d’un jaune sale, ondulées extérieurement et s’appuyant sur un fond brun. La frise monte jusqu’à la face inférieure des poutrelles. À partir de là jusqu’au plancher supérieur, le mur est blanc, mais les intervalles compris entre chaque paire de poutrelles sont garnis de petits sujets peints, dont le plus grand nombre est aujourd’hui méconnaissable. L’un d’eux représente un porc accroupi, auprès duquel est placée une figure rougeâtre qu’on ne peut reconnaître. À droite et à gauche sont figurées en rouge des tiges de plantes.
Un autre représente un tonnelier cerclant une futaille. Sur d’autres on voit un tonneau et un grand verre à boire ou calice. À l’exception de la frise et des petits sujets que je viens d’énumérer, la longue face de droite a subi de telles détériorations qu’il serait superflu de rechercher ce qu’elle a pu représenter jadis. Au-dessous de la frise paraissent cependant quelques traces d’un treillis rouge dont les carreaux contiennent la figure d’une plante à cinq tiges. On y distingue aussi les toitures de quelques édifices garnis de tourelles et de créneaux. Ce qui subsiste étant tout à fait analogue à la partie supérieure de la face opposée, il y a tout lieu de croire que des figures de saints garnissaient aussi cette partie de la salle.
Les faces inférieures des poutrelles ont été peintes, mais sans régularité. Ainsi la première offre de longues taches alternées sans symétrie, présentant des losanges ou des chevrons bruns et jaunes. La deuxième est couverte d’un long ruban blanc bordé de brun et interrompu par des lignes bleues. À la troisième, les taches brunes et jaunes reparaissent ; quant aux suivantes il n’est plus possible de discerner les ornements peints qu’elles ont reçus. La neuvième cependant laisse deviner le même bariolage blanc et bleu bordé de brun, remarqué sur la deuxième ; ce qui du reste mérite d’être signalé, c’est que ces poutrelles sont informes et plus que grossièrement équarries.
La colonne qui supporte la maîtresse poutre offre au chapiteau des traces non équivoques d’une teinte d’un vert très-vif, qui fut jadis appliqué sur les feuillages dont il est orné. J’arrive enfin à cette curieuse poutre : sa face inférieure, bordée de jaune, présente sur toute sa longueur une large zone blanche recouverte d’une série de rubans rouges ondulés parallèlement. La face de gauche offre un combat ; de nombreux couples de cavaliers y paraissent, le bassinet en tète, couverts de leurs écus et se chargeant au galop, la lance en arrêt ; tous les chevaux sont couverts de housses aux mêmes armoiries que les écus de leurs cavaliers. Ces armoiries sont des fleurs, des croix, des chevrons, des animaux ; presque toujours deux combattants se tournent le dos pour attaquer chacun leur adversaire. Il arrive cependant quelquefois que deux cavaliers chargent du même côté. Sur toute cette poutre, les seules couleurs employées sont le blanc, le rouge et le jaune. Tous les contours sont formés d’un large trait noir. L’acier des casques, des cottes de mailles, des brassards et des jambières, est représenté à l’aide d’une teinte grise. Tout le champ de cette face de la poutre est blanc, mais parsemé de rosaces rouges, comme le fond de l’autre face. Celle-ci présente tout ce que l’imagination du peintre a pu enfanter de plus grotesque ; c’est une longue procession d’animaux réels ou fantastiques, dans des attitudes variées. Les animaux qui figurent les premiers tournent le dos à la muraille dans laquelle sont percées les fenêtres. Les deux premiers sont un chat et peut-être un veau, dressés sur leurs pattes de derrière. Le troisième semble un énorme verrat moucheté de noir, mais à la tête tout à fait fantastique. Vient ensuite une autruche, puis un renard, dressé sur ses pieds de derrière, marchant à la suite d’un coq. Devant celui-ci paraissent trois animaux dressés sur leurs pattes et que je ne reconnais pas. Celui du milieu, qui se distingue par une queue monstrueuse, semble jouer avec un bâton. Ce groupe est précédé par un lièvre qui porte un triangle entre ses pattes de devant, puis par un griffon tenant un objet carré indéterminé entre ses griffes. Les deux animaux suivants sont fort effacés ; on reconnaît cependant au premier des cornes énormes, et le second semble jouer des cymbales ; vient ensuite une licorne portant un paquet sous la patte droite de devant, peut-être est-ce une musette qu’elle tient ainsi. Un singe marche devant et jette en l’air un bâton qu’il s’apprête à rattraper ; puis paraît un renard qui tient un livre ouvert ; un veau marche ensuite et tient un objet méconnaissable. En avant se voit un ours qui semble écouter avec attention, un renard tourné de son côté et gesticulant dans une sorte de chaire à prêcher ; un autre animal adossé à ce renard est aussi placé dans une chaire et lève les pattes vers un animal fantastique, moitié lièvre, moitié daim, qui s’appuie sur un long bâton et porte de la patte droite un calice élevé. Un renard qui marche derrière celui-ci paraît le tenir avec une double corde. Plus loin paraît, dans une tente et sur un lit de repos, un veau nonchalamment appuyé sur les pattes de devant dont il se fait un oreiller ; puis un léopard qui semble adresser la bienvenue à un énorme chien s’appuyant sur un bâton de voyage et portant son paquet sur le dos. Vient ensuite un animal marchant aussi à l’aide d’un bâton et entraînant derrière lui avec une corde un porc, qui semble faire les plus grands efforts pour résister et pour s’accrocher aux pattes d’un autre animal bizarre, qui paraît vouloir le retenir. Vient enfin un sanglier enchaîné à une espèce de poteau.
Telle est la série des scènes burlesques que le peintre a placées sur cette poutre. Ces représentations avaient-elles une signification mordante, ou ne sont-elles que les fruits d’une imagination capricieuse d’artiste? Je laisse à de plus habiles le soin de le décider. J’ai dû me borner à recueillir des croquis de ces curieuses peintures que je suis heureux de signaler à l’attention des amis de l’archéologie du moyen âge.
Plus sur le sujet :
Notice sur l’oratoire des Templiers de Metz par M. De Saulcy.
L’Institut Journal des académies et sociétés scientifiques de la France et de l’étranger, 2e section, tome I, Paris, 1836.
Revue d’archéologie ou recueil de documents et de mémoires, Paris, 1848 (pages 605 et suivantes).
Bibliographie :
- Ernest de Boutillier, « Sur les tombeaux découverts près de l’oratoire des Templiers de Metz », dans Bulletin de la Société d’archéologie et d’histoire de la Moselle, t. 4, 1861, p. 46-48.
- Ernest de Boutillier, « Sur l’oratoire de Templiers à Metz », dans Bulletin de la Société d’archéologie et d’histoire de la Moselle, t. 7, 1864, p. 151-154.
- François Jacquot, « L’oratoire des Templiers de Metz » dans la Revue de Metz et de Lorraine, février, mars, avril, mai et juin 1873
- Amédée Boinet, « Chapelle des Templiers » dans Congrès archéologique de France. 83e session. Metz, Strasbourg et Colmar. 1925.
- Eugène Voltz, « La Chapelle des Templiers de Metz » dans la revue Archeologia nº 56, mars 1973, p. 24-31.
- Marie-Claire Burnand, « La Lorraine gothique », Picard Éditeur, Paris (France), (ISBN 2-7084-0385-0), 1989.
- Eugène Voltz, « La chapelle des Templiers de Metz », dans Congrès archéologique de France. 149e session. Les Trois-Évêchés et l’ancien duché de Bar. 1991, p. 517-524, Société française d’archéologie, Paris, 1995.