Oeuvre des Sages.
Théories et symboles de la Philosophie Hermétiques.
CHAPITRE V
OpĂ©rations. â Couleurs. â Oiseaux hermĂ©tiques. LâUnion du Soufre et du Mercure. â LâEtoile des Mages.
La Pierre philosophale est un Sel purifié, qui coagule le Mercure , pour le fixer en un Soufre éminemment actif.
LâĆuvre comprend donc trois phases :
- La purification du Sel ;
- La coagulation du Mercure ;
- Et la fixation du Soufre.
Mais au prĂ©alable, il faut se procurer la MatiĂšre philosophique. Cela nâentraĂźne pas Ă de grandes dĂ©penses, car elle est fort commune et se rencontre « partout ».
Cependant, elle demande Ă ĂȘtre discernĂ©e. Tout bois nâest pas bon pour faire un Mercure. La nature nous offre des matĂ©riaux quâon ne saurait faire entrer dans la construction du temple de la Sagesse. Il est des vices rĂ©dhibitoires qui font Ă©carter le profane avant mĂȘme quâil soit soumis aux Ă©preuves.
Supposons nĂ©anmoins lâartiste en possession dâune « matiĂšre » convenable Ă ses projets. Il sâempressera aussitĂŽt de la nettoyer, afin de la dĂ©barrasser de tout corps Ă©tranger qui pourrait adhĂ©rer accidentellement Ă sa surface.
Cette prĂ©caution Ă©tant prise, le sujet est enfermĂ© dans lâĆuf philosophique hermĂ©tiquement lutĂ©.
Il est ainsi soustrait Ă toute influence venant de lâextĂ©rieur: la stimulation mercurielle lui fait dĂ©faut ; son feu vital dĂšs lors baisse, languit et finit par sâĂ©teindre.
Ce langage serait assez dĂ©concertant si, pour le comprendre, on ne se reportait Ă la traduction que la Franc-Maçonnerie en offre dans ses usages. Le rituel prescrit de dĂ©pouiller le RĂ©cipiendaire des mĂ©taux quâil porte sur lui, puis de lâemprisonner dans la Chambre des RĂ©flexions, oĂč il se trouve en prĂ©sence dâemblĂšmes funĂšbres, qui lâinvitent Ă se prĂ©parer Ă la mort.
IsolĂ©, rĂ©duit Ă ses propres ressources, lâindividu cesse de participer Ă la vie gĂ©nĂ©rale : il meurt et sa personnalitĂ© se dĂ©double. La partie Ă©thĂ©rĂ©e se dĂ©gage et abandonne un rĂ©sidu dĂ©sormais « informe et vide » comme la terre antĂ©rieurement Ă son imprĂ©gnation par le souffle divin (GenĂšse I, 2).
Ainsi apparaĂźt le chaos philosophique dont la couleur noir, est figurĂ©e par le Corbeau de Saturne. On peut voir dans cet oiseau lâimage des tĂ©nĂšbres qui Ă©taient sur la face de lâabĂźme ; on lui oppose la Colombe, le symbole de lâEsprit de Dieu se mouvant sur le dessus des eaux.
PrivĂ©e de vie, la matiĂšre tombe en putrĂ©faction. Toute forme organique est alors dissoute, et les ĂlĂ©ments se confondent dans un tohu-bohu dĂ©sordonnĂ©.
Mais la masse putrĂ©fiĂ©e renferme un germe, dont la dissolution favorise le dĂ©veloppement. Ce foyer dâune nouvelle coordination commence par sâĂ©chauffer, en raison des Ă©nergies qui sây trouvent emmagasinĂ©es. La chaleur dĂ©gagĂ©e repousse lâhumiditĂ© et sâenveloppe dâun manteau de sĂ©cheresse. Ainsi se reconstitue lâĂ©corce terrestre qui sert de matrice au Feu, quâelle sĂ©pare de lâEau.
Cette sĂ©paration des ElĂ©ments rĂ©tablit la circulation vitale, qui a pour effet de soumettre la Terre impure Ă un lavage progressif. LâEau alternativement extĂ©riorisĂ©e puis rĂ©sorbĂ©e, fait passer le rĂ©sidu chaotique du noir au gris, puis au blanc, en passant par les couleurs variĂ©es de lâarc-en-ciel, reprĂ©sentĂ©es par la queue de paon.
Or, la blancheur a pour symbole le Cygne dont Jupiter prit lâaspect pour sâunir Ă LĂ©da. Le maĂźtre des dieux reprĂ©sente en cela lâEsprit qui fĂ©conde ; la MatiĂšre purifiĂ©e par des ablutions successives. Câest le souffle aĂ©rien qui pĂ©nĂštre la Terre, pour en faire surgir lâEnfant philosophique.
Tandis que lâembryon se dĂ©veloppe dans le sein maternel, la Terre se recouvre dâune luxuriante vĂ©gĂ©tation, grĂące Ă lâhumiditĂ© aĂ©rienne dont elle est imprĂ©gnĂ©e ; câest lâapparition de la couleur verte, celle de VĂ©nus, dont la Colombe est lâoiseau favori.
DĂ©sormais il nây a plus Ă obtenir que la couleur rouge, celle qui marque lâachĂšvement de lâĆuvre simple ou MĂ©decine du premier Ordre. Elle annonce la parfaite purification du Sel, laquelle rend possible lâaccord rigoureux entre lâagent interne et sa source extĂ©rieure dâaction .
Le Feu individuel en vient alors Ă brĂ»ler dâune ardeur toute divine, et manifeste le pur Soufre philosophique, dont lâimage est le PhĂ©nix.
Cet oiseau merveilleux Ă©tait consacrĂ© au Soleil et on lui supposait un plumage Ă©carlate. Il reprĂ©sente ce principe de fixitĂ© qui rĂ©side dans le foyer de notre Feu central, oĂč il semble se consumer sans cesse, pour renaĂźtre continuellement de ses cendres.
Pour conquĂ©rir cette , immuabilitĂ© lâinitiative particuliĂšre ne doit plus sâexercer que sous lâimpulsion directe du Centre moteur universel ; câest la communion de lâHomme avec Dieu, ou lâharmonie pleinement rĂ©alisĂ©e entre le Microcosme et le Macrocosme.
Parvenu Ă cet Ă©tat, le Sujet prend le nom de Rebis, de res bina, la chose double. On le reprĂ©sente par un androgyne unissant lâĂ©nergie virile Ă la sensibilitĂ© fĂ©minine. Il est indispensable, en effet, de rĂ©unir les deux natures, si lâon veut rĂ©aliser la coagulation du Mercure, autrement dit attirer le Feu du Ciel et se lâassimiler.
Lâadepte vainqueur des attractions Ă©lĂ©mentaires possĂšde la vraie libertĂ©, car lâesprit domine en lui sur la matiĂšre : il sâest rendu pleinement Homme en surmontant lâanimalitĂ©. De mĂȘme que la tĂȘte, commande aux quatre membres, un cinquiĂšme principe doit subjuguer les ĂlĂ©ments ; câest la Quintessence, qui est lâessence mĂȘme de la personnalitĂ© ou, si lâon prĂ©fĂšre, lâentĂ©lĂ©chie assurant 1a persistance de lâĂȘtre.
Cette mystĂ©rieuse entitĂ© a pour symbole le Pentagramme, ou lâEtoile du Microscome qui, sous le nom dâEtoile Flamboyante, est bien connue des Francs-Maçons. Ils en ont fait lâemblĂšme caractĂ©ristique de leur deuxiĂšme grade, auquel on ne peut prĂ©tendre quâaprĂšs avoir Ă©tĂ© successivement purifiĂ© par la Terre, lâAir, lâEau et le Feu. Les Ă©preuves initiatiques sont calquĂ©es en cela sur les opĂ©rations du Grand Ćuvre ; les quatre purifications se rapportent Ă la putrĂ©faction (Terre), Ă la sublimation de la partie volatile du Sel (Air), Ă lâablution de la MatiĂšre (Eau) et Ă la spiritualisation du Sujet (Feu). La derniĂšre Ă©preuve fait allusion Ă lâembrasement qui remplit lâĂȘtre dâune ardeur toute divine, dĂšs que son foyer dâinitiative sâexalte Ă la chaleur du Feu-Principe animateur de toutes choses.
La Quintessence est parfois représentée par une rose à cinq pétales.
Dans lâune de ses figures, Nicolas Flamel nous montre ainsi la Rose hermĂ©tique sortant de la pierre mercurielle sous lâinfluence de lâEsprit universel. Dâautre part, les mystiques rosicruciens combinaient la rose avec la croix et y voyaient lâimage de lâHomme-Dieu que nous portons en nous. Le Sauveur Ă©tait Ă leurs yeux la LumiĂšre divine qui resplendit au sein de lâĂąme Ă©purĂ©e. Ce nâest dâabord quâune Ă©tincelle, un frĂȘle enfant nĂ© de la Vierge cĂ©leste, autrement dit de cette essence psychique transcendante, immaculĂ©e, universelle, qui est destinĂ©e Ă nous envahir. Cet envahissement refoule ce qui est infĂ©rieur en nous : ainsi la Femme apocalyptique Ă©crase la tĂȘte du Serpent, sĂ©ducteur de notre vitalitĂ© terrestre, tandis que le RĂ©dempteur grandit pour nous diviniser en nous illuminant.
Aller au chapitre suivant.
Retour au chapitre 4.
Plus sur le sujet :
Oeuvre des Sages. Théories et symboles de la Philosophie Hermétiques : chapitre 5, Oswald Wirth.
Illustration par Barbara A Lane de Pixabay