Le calcul de la sorcière dans le Faust de Goethe par Spartakus FreeMann.
Ami, crois à mon système:
Avec un, dix tu feras ;
Avec deux et trois de même,
Ainsi tu t’enrichiras.
Passe le quatrième,
Le cinquième et sixième,
La sorcière l’a dit :
Le septième et huitième
Réussiront de même…
C’est là que finit
L’œuvre de la sorcière :
Si neuf est un,
Dix n’est aucun.
Voilà tout le mystère!
La sorcière dans le Faust de Goethe (traduction Gérard de Nerval, édition de 1877)
Il y a dans le Faust de Goethe, dans la scène de l’Antre de la Sorcière, un passage énigmatique qui a donné lieu à de nombreux commentaires. E. Cazalas a exposé comment Bruno Lehmann (Wiesbaden) avait très ingénieusement trouvé le sens des bouts rimés, incohérents en apparence, que déclame avec emphase la sorcière.
Il suffit tout simplement d’avoir sous les yeux le carré naturel des 9 premiers nombres et d’y effectuer les déplacements ou transformations énoncés assez clairement dans le poème, pour obtenir un carré « magique » ou plutôt approximativement magique, une seule des diagonales donnant la constante 15.
Le texte à considérer se réduit à 9 vers de 4 syllabes :
Aus Eins mach Zehn, De 1 fais 10
Und Zwei tass gehn Laisse passer 2
Und Drei mach gleich Et également 3
Verlier die Vier ! Perds le 4 (répété à la fin)
Aus Funf und Sechs De 5 et 6
Mach Sieben un Acht Fais 7 et 8 (et vice versa)
Und Neun ist Eins Et 9 est (avec) 1
Und Zehn ist keins Et il n’y a pas de 10
Le texte de la sorcière ne serait, en définitive, qu’un moyen mnémotechnique pour retrouver le carré de Saturne, qui doit présider à la préparation du philtre d’amour concocté pour le docteur Faust.
Lehman ne fut pas le seul à percevoir au travers de ce texte cryptique une portée réellement magique ; en 1920, le docteur Ferdinand Maack avait lui aussi découvert la clé de poème de Goethe (le Talisman turc) : celui-ci est la description du carré magique de Saturne, mais construit de manière très différente de la version originale.
4 9 2
3 5 7
8 1 6
La solution de Maack est la suivante :
De 1 fais 10 : le carré magique est construit à partir d’un plus grand qui contient 9 petits carrés, ce qui donne un total de 10.
Laisse passer 2 : ce nombre demeure inchangé.
Et également 3 : placez le nombre 3 dans le nombre 9 et le neuf dans le nombre 3, ce qui donne 3 à nouveau.
Perds le 4 : on retire le 4. A partir de ce point la sorcière change l’ordre harmonique du carré de Saturne en remplaçant le 4 par le 0.
De 5 et 6 / Fais 7 et 8 : dans le second rang, remplacez le 5 au centre par le sept à la fin. Dans le troisième rang, interchangez la position du 6 et du 8.
Le 4 devient 0 et par les échanges, nous obtenons alors le carré magique suivant, le carré de la « sorcière » :
0 9 2
3 7 5
6 1 8
Et 9 est (avec) 1 : c’est la combinaison des 9 « cellules » qui donne le carré magique.
Et il n’y a pas de 10 : un carré magique composé de 10 cases n’existe pas.
Selon nous, ces deux interprétations sont un peu hasardeuses. Nous proposons la méthode suivante qui respecte mieux les instructions de la sorcière.
A partir du carré constitué des 9 nombres :
1 2 3
4 5 6
7 8 9
Suivons les recommandations de la sorcière : 1 devient 10 ; on conserve le 2, et le 3 ; on omet le 4 ; on intervertit le 5 et le 6 avec le 7 et 8 ; le 9 devient 1. Ce qui donne :
10 2 3 = 15
0 7 8 = 15
5 6 1 = 12
= = = = 18
15 15 12
L’interprétation de Maack est que la sorcière, préparant un philtre d’amour pour Faust, utilise la construction d’un carré magique de Saturne. Or avec ce carré, contrefait et « débile » – puisque ne respectant l’harmonie qui le rendrait magique, l’amour de Faust ne pouvait être pur et éternel comme il le demandait. En outre, si nous lisons bien, la sorcière dit clairement de mettre le 4 de côté, et ce 4 n’est-il pas justement le symbole même de la perfection du carré ? Bien sûr, il faudrait encore fouiller et étudier la symbolique des nombres chez Goethe afin d’en tirer une conclusion au plus près du texte, mais cela sort du cadre des carrés magiques étudiés ici.
Plus sur le sujet :
Le calcul de la sorcière dans le Faust de Goethe, Spartakus FreeMann, février 2011 e.v.
Illustration : James Tissot [Public domain], via Wikimedia Commons
Il reste encore la méthode linéaire que l’on peut déduire de cette manière:
1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | |||
9 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 1 | ||
4 | 9 | 2 | 3 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 1 | ||
4 | 9 | 2 | 3 | 5 | 7 | 8 | 9 | 10 | 1 | 6 | ||
4 | 9 | 2 | 3 | 5 | 7 | 8 | 1 | 6 |
Ce qui donne alors le carré « magique » :
4 | 9 | 2 |
3 | 5 | 7 |
8 | 1 | 6 |
Mais il ne s’agit que d’une extrapolation que le texte n’indique pas même implicitement.
Sources :
- « Les sceaux planétaires de C. Agrippa » par le Général E. Cazalas (Revue de l’histoire des religions: Volumes 109 à 110, 1934).
- The Book of Abramelin, a new translation, traduction anglaise de Steven Guth, 2006.
Le calcul de la sorcière dans le Faust de Goethe par Spartakus FreeMann.