Ibn Wahshiyya et la magie (2) par Spartakus FreeMann.
Les Alphabets antiques.
Le manuscrit arabe d’Ibn Wahshiyya, le Kitab Shawq al-Mustaham, est une œuvre écrite en 855, qui traite d’un certain nombre d’alphabets anciens, et dans lequel on déchiffre un certain nombre de hiéroglyphes égyptiens. Ce livre sera connu d’Athanasius Kircher au 17e siècle, puis traduit et publié en anglais par Joseph Hammer en 1806 sous le titre Ancient Alphabets, 16 ans avant que Champollion n’ait terminé le déchiffrement complet des hiéroglyphes égyptiens. Ce livre était également connu de Silvestre de Sacy, un collègue de Jean-François Champollion.
« Avant la période napoléonienne, l’on savait peu en Occident sur l’ancienne civilisation égyptienne. On supposait que le monde des pharaons avait depuis longtemps été oublié par les Égyptiens, incorporé au monde islamique depuis le 7ème siècle de notre ère. Cette conclusion rapide était basée sur la méconnaissance des importants apports des savants arabes entre le 7ème et le 16ème siècle. Un imposant corpus d’écrits médiévaux, provenant aussi bien de savants que de gens ordinaires existe en réalité, qui remonte bien avant les tout débuts de la Renaissance européenne.
Au temps où les commentateurs de l’Europe pensaient que les hiéroglyphes étaient des symboles représentant chacun un concept, les savants arabes, montre El Daly, avaient saisi le principe fondamental selon lequel ils représentaient des sons et des idées. L’étude de l’œuvre d’Abu Bakr Ahmad Ibn Wahshiyah, un alchimiste du 9ème siècle, constitue l’élément central de la thèse d’El Daly. Ibn Wahshiyah avait mené des recherches sur les anciens systèmes d’écritures, qui indiquent qu’il déchiffrait correctement de nombreux signes hiéroglyphiques.
Pendant deux siècles et demi, l’égyptologie a été dominée par une vision euro-centrique, qui a virtuellement ignoré près de 1000 ans de science arabe et de recherches encouragées par l’Islam, insiste El Daly »
Dans la préface à sa traduction, Hammer nous dit : « l’auteur a vécu il y a mille ans, aux temps du calife Abdul Malik bin Marwan. Ses surnoms suffisent à prouver qu’il était chaldéen, nabatéen et peut être même syrien de naissance. Il ne nous dit pas lui-même qu’il a traduit cette œuvre, traitant des hiéroglyphes et des alphabets secrets d’Hermès, à partir de sa langue maternelle, le nabatéen, en arabe. »
Le livre se compose d’une explication des hiéroglyphes, de 80 alphabets inconnus ainsi que d’un exposé des diverses classes de prêtres égyptiens et des cérémonies de sacrifice.
Nous trouvons dans les premiers chapitres, une description des alphabets arabes, coufiques, hébreux etc. Dans les chapitres 3 à 7, nous sont présentés des alphabets portant des noms de constellations, de philosophes, de planètes et de rois qui doivent avoir été des codes en usage à cette époque au Proche-Orient. Dans le dernier chapitre, l’on découvre l’alphabet Mimshim ou antédiluvien qui représente une transition entre les hiéroglyphes et les lettres alphabétiques.
Nous retrouvons également dans ce livre l’alphabet céleste qui, selon l’auteur, a servi pour la rédaction des livres de Seth.
Concernant la figure dite « Bahumed », faisant partie de l’alphabet d’Hermès, que relève Hammer dans le livre et dont il souligne le rapprochement avec le Baphomet, « Bahumed ou Bahumet est lié à l’histoire des Templiers et fut l’un de leurs secrets mystérieux, une formule qu’ils adressèrent à leur idole de veau en leurs assemblées secrètes. Différentes explications étymologiques et descriptions de ce mot ont déjà été publiées, mais aucune n’est aussi satisfaisante que celle-ci qui prouve que les Templiers avaient quelque connaissance des hiéroglyphes qu’ils acquirent probablement en Syrie ». N’oublions pas qu’Hammer à été l’auteur de livres dans lesquels il exprimait ses propres théories concernant les Templiers et plus particulièrement le Baphomet (in Mysterium Baphometis revelatum). Rien n’indique une origine commune des deux termes, Bahumed et Baphomet, Silvestre de Sacy, dans sa recension de cet écrit (Mag. Encycl., 1810, tome VI, page 145-175), réfute cette thèse en citant plusieurs noms donnés aux mosquées par les historiens – Mahumaria, Machomaria et Bafumuria – dérivés du nom de Mahomet. Il dit aussi que Kharuf signifie un agneau et non pas un veau.
Voici comment l’auteur du livre, quant à lui, nous la présente :
« Cette figure exprime le plus sublime secret, appelé à l’origine Bahumed ou Kharuf. Le Secret de la Nature du Monde, ou Secret des Secrets ou Commencement et Retour de Toutes Choses. Parler plus avant de cette figure ressort des limites de ce livre. Nous renvoyons les curieux, qui désirent plus d’explications, vers un livre, que nous avons traduit de notre langue nabatéenne en arabe, et intitulé : Soleil des Soleils et Lune des Lunes qui illumine la découverte des alphabets hermétiques, ou hiéroglyphiques, et qui devrait entièrement les satisfaire. »
Concernant le sérieux du contenu de l’ouvrage, il a fait l’objet de quelques critiques dans le monde de l’égyptologie, ainsi, von Klaproth écrit : « En effet, nous possédons un Traité arabe sur les différents alphabets, composé par Ahmed ben Abubekr, nommé communément Ebn Vahchiyyeh. M. de Hammer l’a publié avec une traduction anglaise. Ce livre contient l’explication d’un grand nombre d’hiéroglyphes et de caractères donnés pour tels. Jusqu’à présent on n’avait aucun moyen de constater l’authenticité de ces implications. Ces hiéroglyphes se rencontrant parmi une foule d’alphabets et de signes purement imaginaires, M. le baron Silvestre de Sacy et plusieurs autres savants les ont regardés comme fabuleux : moi même j’ai partagé cette opinion ; actuellement je dois l’abandonner, parce qu’une partie des explications données par Ebn Vahchiyyeh sont absolument conformes à celles qu’on trouve dans Horapollon, et leur exactitude est démontrée par le système des hiéroglyphes acrologiques » (Julius von Klaproth, Lettre sur la découverte des hiéroglyphes acrologiques, 1827). Il continue en citant quelques exemples qui viendront à l’appui de son assertion.
Ajoutons encore un mot sur l’alphabet de la page 7 de l’original arabe. Rappelons que ce livre date du 9e siècle, qu’il est censé être la traduction de manuscrits plus anciens encore, or, à cet endroit de l’ouvrage, nous trouvons ceci :
Ne sont-ce pas là nos chiffres dits « arabes » ? Cela pourrait être ici, une preuve supplémentaire qu’ils ne furent pas dessinés arbitrairement, mais qu’ils proviennent, ainsi que le livre le décrit, d’un alphabet indien de 9 caractères ; les décimales étant indiquées par les mêmes signes portant un point au-dessus d’eux.
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Plus sur le sujet :
Ibn Wahshiyya et la magie (2), Spartakus FreeMann, août-octobre 2010 e.v.