L’explication de la pierre cubique par Patrick Bunout.
Antoine Guillaume Chéreau, que ses frères se plaisaient à surnommer le « Comédien de la Maçonnerie », est né à Vienne, en Autriche, le 16 août 1739 (Tableau du souv∴ Chap∴ de la Rose-croix, année 1809, B.N. Fm 60bis). Peintre en miniatures ou peintre et graveur, comme en témoignent les quelques tableaux de loges ou son nom figure, son œuvre est passée inaperçue. Inconnu à E. Benezit (Dictionnaire des peintres, sculpteurs, Dessinateurs et Graveurs, Paris, Grûnd, 1960 ; t. II, p 473), nous n’avons pas pu retrouver de liens de parenté, fort probables au demeurant, avec la dynastie des Chéreau, graveurs de père ou de frère en fils, donc Jacques Chéreau dit « Le Jeune » (Bénèzit, op. cit. : né a Blois le 29 octobre 1688, mort à Paris), auquel on doit la gravure de quelques planches du magnifique recueil intitulé Les Coutumes des Francs-Maçons dans leurs Assemblées, principalement pour la réception des Apprentis et des Maîtres …, fut un illustre représentant.
Tout comme sa vie profane , sa carrière maçonnique reste en grande partie dans l’ombre. Son nom figure sur les tableaux de la loge « le centre des Amis » , de 1793 à 1796 ; le 5 mai 1793 il avait prêté , en compagnie d’autre frères , son obligation et reçu « le baiser fraternel du V∴M∴, qui les a, à l’instant, proclamés membres affiliés de la R∴L∴. Les F∴F∴ ont été remerciés à la manière accoutumée… ». En 1806, il se donne comme Officier au Grand Orient et comme membre du Souv∴Chap∴ et de la Loge des Chevaliers de la Croix. Sa date d’affiliation est inconnue et son nom ne figure pas parmi celui des membres fondateurs ; Nous le retrouvons sur le tableau daté du 23 février 1809. Membres du Chapitre des Chevaliers de la Croix, il en reçoit son diplôme, comme nombreux autres chevaliers, le 5 juillet 1806.
La pierre cubique dont Chéreau nous propose l’explication symbolique n’est pas celle sur laquelle travaille le compagnon, mais celle que découvre l’écossais des grades supérieurs du rite Français, qui a ses rituels fixés à l’époque par le Régulateur du Maçon et par le Régulateur des Chevaliers Maçons.
Suivons la légende de ces hauts grades. Les meurtriers d’Hiram ayant été punis (1° Ordre, grade d’Elu), il ne restait plus qu’à retrouver la Parole Perdue (2ème Ordre, Grade Écossais). Ce dépôt sacré avait été gravé sur une lame de l’or le plus pur. Hiram, qui la portait toujours suspendue à son cou, la jeta au fond d’un puits pour qu’elle ne tombe pas entre les mains de ses meurtriers. Retrouvé, le delta fut, par ordre du roi Salomon, scellé dans une voûte secrète, au milieu d’un piédestal, et « recouvert d’une pierre d’agate taillée en forme quadrangulaire, sur laquelle il fut graver à la face supérieure, le mot substitué, à la face inférieure tous les mots secrets de la Maçonnerie et aux quatre faces les combinaisons cubiques de ses nombres, ce qui la fit dénommer pierre cubique. ». L’entré de cette voûte sacrée , construite « sous la partie la plus mystérieuse du Temple », fut murée, et le secret conservé par les grands Elus, puis par leurs successeurs, tous liés par un serment.
Le Maçon, parvenu au 4ème et dernier Ordre – « Rose Croix » – apprend que les œuvres des maçons depuis la réédification du Temple n’étaient plus qu’oeuvre de corruption. Le grand Architecte abandonna donc la construction des temples matériels; « ce fut alors que la véritable maçonnerie fut presque anéantie par les humains, les outils furent brisés, la lumière s’obscurcit, l’étoile flamboyante disparut et la parole fut perdue … » Mais grâce au Grand Architecte la parole fut rendue aux vrais Maçons , seuls détenteurs des véritables secrets dont la maçonnerie est le dépositaire. N’en doutons pas, puisqu’il existe «une classe privilégiée de maçons philosophes dignes de ce titre par l’étendue et la sublimité de leurs connaissances » et ce sont eux qui arborent avec fierté cette croix philosophique dont Chéreau nous entretient. Bien que ce grade ultime soit , selon l’instruction, le « nec plus ultra » de la maçonnerie, Chéreau laisse entrevoir qu’il existe un ordre supérieur , seul détenteur, des véritables secrets; L’Ordre d’ORIENT. En fin de compte l’explication de la Croix Philosophique n’est que prétexte à vanter cet Ordre d’Orient, dont Chéreau est officier général.
« Le plus vivace des derniers surgeons de la souche templière, comme le rappelait René Le Forestier, fut une association qui adopta la forme maçonnique pour ses grades inférieurs et prit d’abord officiellement le nom d’Ordre d’ORIENT ». Les néo–templiers se greffèrent sur la loge des Chevaliers de la Croix, qui reçut du Grand Orient de France ses constitutions le 23 décembre 1805. Ce système particulier ne visait pas a se fondre dans l’association maçonnique, mais tout en l’utilisant dans un premier temps, comptait bien fonctionner comme une institution a part. Comme le faisait remarquer J.C. Bésuchet, « on ne devient pas toujours chevalier du Temple en devenant membre de la Loge Chapitrale des Chevaliers de la Croix ; Mais du moment que l’on est chevalier du Temple on est membre de la loge et du chapitre… (Précis historique de l’Ordre de la Franc Maçonnerie…, Paris, Rapilly, 1829, t. II, pp 113-114) ». Cette phrase caractérise fort bien l’état d’esprit de ces néo-templiers , utilisant à leurs fins la brèche existant dans l’édifice maçonnique : le SECRET.
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