Rituel de Maître Fendeur.
MAÎTRE FENDEUR (XVIIIe)
COMME IL S’OBSERVE RÉGULIÈREMENT DANS LES FORETS PAR LES COUSINS FENDEURS DU DEVOIR
Le fendeur n’est point un grade, mais un devoir : tel que les compagnons ouvriers qui passent, se disent du devoir, comme menuisiers, serruriers, tailleurs de pierres, charpentiers.
Le devoir est établi avec toute la régularité possible parmi les bûcherons : la charité y est observée et le droit d’hospitalité exactement observé, ils observent en plain les sept Béatitudes.
J’étais nu vous m’avez habillé, j’ai eu soif, vous m’avez donnés à boire, j’ai eu faim, vous m’avez donnés à manger, j’ai été en prison, vous m’avez visité et secouru. J’ai été malade vous m’avez soignés, j’ai eu froid vous m’avez réchauffé, j’ai été affligé, vous m’avez consolé.
Ils observent régulièrement dans leurs assemblées de ne prononcer jamais rien contre eux, ni proférer aucun jurement, ni dire aucun mensonge ni médire, découvrir leurs façons de se gouverner sous aucun prétexte le lieu de l’assemblée s’appelle chantier, il se tient ordinairement dans une forêt : ou pour se conformer à l’usage il faut tenir le chantier au moins dans un jardin ou il y ait un bosquet ou une allée de charmille ou d’arbuste et s’il n’est pas possible, dans une chambre décorée de branche d’arbre et beaucoup de copeaux jonchés dans la chambre, et des fagots pour servir de sièges on ne peut tenir sans être le nombre compétant : savoir le père maître le cousin du chêne qui est toujours le parrain du récipiendaire, le cousin de l’orme introducteur, le cousin du hêtre garde du vin, le cousin cormier garde du pain, le cousin du charme garde de l’hospitalité, le cousin d’érable garde du siège et le cousin du frêne garde d’honneur.
Le père maître est assis au haut du chantier à l’orient s’il est possible. Sur un gros billot de chêne appuyé du coude gauche sur une table un chapeau détroussé et une couronne de feuilles de chêne ayant au col un cordon de soie verte ou pend un coin de bois une hache à la main une pipe à la bouche et un habit de toile verte pour imiter les Compagnons fendeurs des forêts. Sur la table il doit y avoir une cruche de vin, un pain bis, autant de petits paquets ou il y à cinq sols de monnaye et autant de godets de gray qu’il y a de personnes : tous les cousins sont habillés de même que le père maître à la réserve de la couronne, chacun une hache sur l’épaule, assis sur un fagot, et une bûche de chêne devant soi. Le cousin cormier et celui du hêtre sont assis aux deux côtés de la table, les cousins du chêne et celui de l’orme sont au bout du chantier. Les cousins cormier et du hêtre sont à côté du pain et du vin de l’hospitalité ; les cousins d’érable et celui du frêne sont à côté du siège d’honneurs qui est un billot de chêne ; et au dessus une couronne de feuilles de chêne, le cousin du hêtre est à l’entrée du chantier un fusil sur l’épaule, le postulant est dans un endroit particulier qu’on nomme cabane. Lorsque le chantier est ouvert, un cousin va chercher le proposant et l’amène près de l’endroit. Le cousin du hêtre lui présente le fusil et lui dit demeure là, que demandes vous ? Le proposé dit, je cherche à être reçu compagnon fendeur le cousin du hêtre lui dit suives moi et l’amène à l’entrée du chantier et avec deux morceaux de bois il bat la diane et crie trois fois à l’avantage. Le cousin de l’orme salue le père maître par un coup de hache et dit père maître il y à quelqu’un de vos compagnons égarés dans la forêt souhaitez-vous que j’aille lui donner secours : le P.M. dit c’est vôtre devoir allez vite et faites ce que vous voudrez qu’il vous fût fait.
Le cousin de l’orme salue le P.M. d’un coup de hache et va voir ce qui se passe dans la forêt.
Le cousin du hêtre l’apercevant lui dit : « bonne vie cousin de l’orme ».
Le cousin de l’orme répond : « bonne vie cousin du hêtre ».
Le cousin de l’orme dit : « quel est cet homme ? »
R. C’est un bon briquet qui demande à être reçu compagnon fendeur.
Le cousin de l’orme dit : je vais demander si cela se peut. Il rentre et salue le P.M. d’un coup de hache et dit bonne vie P.M.
Le P.M. répond bonne vie Cousin de l’orme, d’où venez-vous ?
R. De la forêt du roi
D. Qu’avez-vous trouvé
R. Un briquet qui demande à être reçu compagnon fendeur.
D. Est-ce là sa volonté ?
R. Oui P.M.
Le P.M. dit : amenez-le au chantier. Travaillez cousins. Tous les fendeurs frappent avec leurs haches sur le bois qu’ils ont devant eux. Le cousin de l’orme va chercher l’aspirant l’amène en face du P.M. et dit bonne vie P.M.
D. Bonne vie cousin de l’orme d’où venez-vous ?
R. De la forêt du roi
D. Qu’avez-vous trouvé ?
R. Un bon briquet qui demande à être reçu cousin et compagnon fendeur.
D. Qui vous amène ici ?
R. C’est le désir sincère d’être reçu bon cousin et bon compagnon fendeur.
Le P.M. dit : cousin de l’orme « Criez l’avantage ».
Le cousin de l’orme prend le Récipiendaire par la main et fait le tour du chantier en criant trois fois à l’avantage une fois, il s’avance en face du P.M. et dit à l’avantage 2 fois. Puis il achève le tour du chantier et dit à l’avantage 3 fois. Le P.M. dit : « avez-vous crié la vérité du briquet » ?
R. Oui P.M.
Le P.M. dit : « eh bien, mon garçon est-ce toujours votre volonté d’être reçu Bon compagnon fendeur » ?
R. Oui P.M.
Le P.M. dit : « si vous étiez assez hardi pour être parjure nos haches, nos coins, nos cognées nous vengeraient ».
Ici le P.M. se lève avec précipitation et lui présente sa hache au front ; tous les cousins en font autant. Le P.M. se remet en place ainsi que tous les cousins.
Le P.M. dit : « coin de l’orme dites au briquet de choisir un parrain » et le coin de l’orme dit au briquet de choisir le coin du chêne pour parrain et l’annonce au P.M. qui dit au coin du chêne : « le briquet vous prend pour parrain remercié le de l’honneur qu’il vous fait » ; le cousin du chêne répond : « m’est-il permis ? »
Le P.M. dit : « en faisant votre devoir il vous est permis de tout faire. Montrez-lui comment on écarille le bois. Va ! »
Le coin du chêne se lève salue le P.M. puis se tourne du coté du briquet et lui dit : « je vous remercie de l’honneur que vous me faites de m’avoir choisi pour parrain ». Il fait ensuite 3 sauts en arrivant jusqu’à lui ; le regarde et lui dit : « voilà comment j’empile mon bois » ; il lui présente une cognée, lui fait frapper 3 coups sur une hache à tour de bras.
Après l’avoir fait travailler, on le ramène en face du P.M. Il se met à genoux, la main droite sur le pain et la gauche sur le vin de l’hospitalité et dit : « je consens si je manque à ma parole d’être mis en pièces par les haches des bons cousins et d’être dévoré par les bêtes de la forêt ».
Après l’obligation, le P.M. le relève et dit au cousin du chêne et de l’orme de lui faire battre la diane. On l’amène au siège d’honneur, on lui donne deux morceaux de bois et on lui fait battre la diane en faisant le bruit des maréchaux.
Le P.M. dit : « répondez-vous de lui cousin de l’orme ? »
R. Oui P.M.
Le P.M. dit : « faites-le asseoir sur le siège d’honneur des bons cousins et donnez-lui le pain et le vin de l’hospitalité et le droit de passage qui est de cinq sols ».
On fait asseoir le nouveau cousin sur le siège d’honneur, les cousins du charme et du cormier lui présentent le pain et le vin de l’hospitalité en disant : « prenez, mangez et buvez. Nous vous donnons ce que nous avons. Mais c’est de bon cœur. Quoique nous soyons pauvres tenez voilà cinq sols pour vous conduire ». Il mange un morceau, il boit un coup et on le place dans le chantier une hache sur l’épaule.
Le P.M. lui donne le signe qui est de mettre la main droite en bas les doigts serrés en faisant comme si on plaçait un coin dans une bûche.
Ensuite l’attouchement est de prendre de la main droite le doigt du milieu tendu ; on frappe sur l’arrière deux coups, puis la main gauche derrière le doigt frappe, avec le doigt du milieu sur l’omoplate on se dit à l’oreille « bonne vie cousin, bonne vie bon compagnon fendeur ».
Le nouveau reçu va rendre à tous les cousins du chantier les signes mots et attouchement. On fait l’instruction et on ferme le chantier.