Adam Weishaupt : introduction à mon Apologie.
Aux Éditions Grammata vient de paraître Adam Weishaupt Introduction à mon apologie suivi de Johann Heinrich Faber Le Véritable Illuminé ou les vrais rituels primitifs des Illuminés.
L’information est d’importance et l’ouvrage ici proposé incontournable à une époque où le fantasme et la théorie de la conspiration mènent parfois trop facilement le monde. Loin des délires d’un Barruel et de ses sectateurs, le lecteur pourra puiser à la source même de la philosophie des Illuminés de Bavière dont le programme, loin de ce qui est dit, demeure encore d’actualité aujourd’hui.
Mais laissons la parole à Lionel…
EDITO DU MARDI 3 AOÛT 2010
IL ÉTAIT TEMPS que nous parvenions à achever la traduction d’un document attendu par nombre d’entre vous. Sans votre aide concrète et votre soutien à tous, le 4è projet éditorial des éditions Grammata serait resté lettre morte.
Mais le temps, qui se joue de nous, a bien fait les choses. Le livre est sous presse. Il n’attend plus que d’être expédié chez vous, lu et jugé.
C’est aussi l’occasion pour moi de me reposer du fastidieux travail de correction – mieux réalisé que pour les précédents titres – et de vérification qu’impose toute traduction, en confiant au visiteur de ce site mes impressions sur Adam Weishaupt et les Illuminés.
L’Ordre des Illuminés de Bavière n’était ni une secte au sens où nous l’entendons aujourd’hui, ni tout à fait une académie secrète de savants, inspirée des antiques groupes de pythagoriciens. Il constituait bel et bien une branche vivante de la Franc-maçonnerie allemande. Il lui a beaucoup emprunté et beaucoup donné. Le système aujourd’hui le plus pratiqué dans le monde (le Rite Écossais Ancien et Accepté) en est comme marqué au fer rouge. Ainsi, l’Ordre, fondé réellement en 1778, participa pleinement à implanter durablement l’écossisme en Allemagne.
Ce qui reste plus difficile à expliquer, c’est l’édit promulgué en 1784 contre toutes les sociétés secrètes de Bavière et qui visa surtout l’Ordre des Illuminés. La Franc-maçonnerie n’échappa naturellement pas à cette interdiction de tenir réunion à couvert, mais elle ne fut pas inquiétée pour autant. Les Illuminés, au contraire, furent dénoncés et jugés publiquement pour trahison envers la patrie, sodomie, empoisonnement, etc. Il est démontré historiquement, sans qu’il soit besoin d’aller chercher bien loin, que les fautes dont on les accusa étaient imaginaires, purs produits d’une lutte de pouvoir interne à la principauté bavaroise.
L’histoire populaire, cependant, en a retenu pour l’essentiel les alarmes de l’Abbé Barruel, assimilant les Illuminés de Bavière aux révolutionnaires jacobins obéissant, depuis la France, aux plans secrets d’un Code édicté par le seul Adam Weishaupt.
Il n’en fut rien évidemment. Weishaupt sans le groupe d’intellectuels, de nobles, d’artistes et de philosophes qui l’entouraient, serait sans doute resté au stade du Cercle des Perfectibilistes fondé en 1776 – lequel ressemblait davantage à la Société du Vendredi qu’à un groupe politique.
Alors, les amateurs de conspiration seront sans doute déçus de découvrir qu’Adam Weishaupt n’avait à cœur qu’une seule lutte : celle des bons sentiments humains et de la moralité contre les abus du pouvoir et des méchants. Les autres devraient y trouver le moyen de revivifier leur idéal, d’y croire un peu plus, d’imaginer qu’il serait possible, en s’inspirant d’un tel système, de redonner à l’humanisme sa dignité perdue.
LD.
EXTRAIT
« Les hommes bons doivent se rencontrer ; ceux qui ne se connaissent pas ou qui ne se font pas confiance doivent y être incités, il faut leur montrer que deux honnêtes hommes solidement liés peuvent être plus puissants que cent coquins. Mais tout ceci doit se passer dans le calme. Notre petit nombre doit rester soudé et secourir toute personne méritante opprimée, procurer aux gens bons les avantages temporels, le bonheur matériel et chercher à conquérir chaque lieu où le pouvoir doit être gagné à la bonne cause. Pourquoi ne serait-il pas permis de se rendre assez solide, par des moyens honnêtes et doux, pour obtenir une influence sur le pouvoir ? Le premier dessein de toute constitution étatique reste de placer des hommes bons au gouvernail, de récompenser le mérite, de couronner la Vertu. L’O peut obtenir cela grâce à l’intercession et parce qu’il gouverne les coeurs ; il a formé en son sein les hommes les plus fidèles, les meilleurs, les plus sages, les plus éprouvés pour l’État ; il cherche à les avancer, à récompenser leur application, il remplit ainsi tous les devoirs du plus fidèle sujet, mais aussi l’intention pour laquelle les hommes s’unissent en sociétés.
Si, par suite, on compte un tel cercle de personnes dans chaque pays et que chacun de ces hommes en forme à son tour deux autres, tout est possible pour l’O, et il a déjà beaucoup fait en silence de cette manière pour le meilleur de l’humanité. Si néanmoins on manque quelque chose dans une seule de ces parties, tous les enseignements du monde n’y feront rien et la cause entière restera pure spéculation.
Vous voyez là, mon Frère, le champ immense de l’activité à laquelle vous venez d’être promu. Méditez bien toutes ces choses, il s’agit d’une grande oeuvre que nous n’avons pas nous-mêmes fondée. Un plan sûr, profondément réfléchi, solide, non profané. Rendez-vous digne d’y participer selon vos forces : aucun effort n’y sera sans recevoir de récompense. »
[Allocution du Secrétaire Secret pour la réception d’un nouveau frère au grade de Grand Illuminé (Illuminatus Major), pp.242-243]
Édition établie et traduite de l’allemand par Lionel Duvoy – ISBN : 978-2-968863-03-8 272 pages – 12 €.
Plus sur le sujet :
Adam Weishaupt : introduction à mon Apologie.
Illustration : http://freemasonry.bcy.ca/texts/illuminati.html [Public domain], via Wikimedia Commons