L’Alchimie et Rome

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L’Alchimie et Rome par Spartakus FreeMann. Au Moyen âge, les relations entre les alchimistes et l’Église sont paisibles. Les premiers pratiquants de l’Art en Europe seront issus, pour la plupart, du clergé : Albert le Grand, Roger Bacon, Raymond Lulle… L’alchimie n’a d’ailleurs jamais été officiellement interdite par l’Église ; ses adeptes ne furent pas – comme pour les franc-maçons – excommuniés ou poursuivis par les autorités religieuses et la bulle Spondent Quas non exhibent, promulguée en 1317 par Jean XXII ne concernent que les membres du clergé qui se prétendant alchimistes, ne sont en fait que des faux-monnayeurs. La bulle leur ordonne de cesser leurs œuvres sous peine de se voir retirer la dignité ecclésiastique.

Mais il est vrai que Jean XXII a la réputation de s’adonner lui-même aux arts occultes ; un traité d’alchimie lui est même attribué : L’Art Transmutatoire (Lyon, 1557). Ses ennemis l’accuseront d’hérésie, il reniera ses croyances sur son lit de mort et décédera en Avignon le 4 décembre 1334 à l’âge de 90 ans.

L’Alchimie et Rome 

« Le 4 décembre 1334. Le pape Jean XXII mourut en Avignon nonagénaire à ce qu’on escrit, outre tant de belles choses qu’il avoit fait à l’avantage de l’Église, il la laissa riche de vingt-cinq millions d’or. » (François Nouguier, Histoire chronologique de l’Eglise, Evesques et Archevesques d’Avignon, 1660)

Alchimie et Rome Toison d'Or
L’Alchimie et Rome

D’une façon générale, les autorités de l’Église ainsi que les docteurs de l’université opteront le plus souvent pour une tolérance à l’égard de l’alchimie à partir du moment où celle-ci se pratique sans intervention de la magie ou de la tromperie. En outre, la majorité des alchimistes occidentaux se remettant à Dieu pour la réussite de leurs œuvres  – Dieu seul peut octroyer à leur art son efficacité – il devient difficile de les accuser d’apostasie (Jean-Pierre Baud, Le procès de l’alchimie. Introduction à la légalité scientifique, Strasbourg, Cerdic Publications, 1983).

« On citera plus spécialement Albert-le-Grand et Roger Bacon, Albert inscrivant, entre autres, sa réflexion sur l’alchimie dans le contexte du commentaire qu’il donne d’Exode 7 et de celui du pouvoir démoniaque. Quant à R. Bacon, qui distingue l’alchimie spéculative de l’alchimie opérative, il accorde à cette dernière de fabriquer des médecines soignant efficacement le corps humain jusqu’à le conserver dans l’état où il sera à l’heure de la Grande Résurrection. » (« L’alchimie médiévale est-elle une science chrétienne ? » par Antoine Calvet – Texte de l’intervention à la séance collective sur Alchimie et irréligion qui s’est déroulée à l’EHESS le 22 janvier 2007.)

Dès le 13e siècle, des auteurs parsèment leurs écrits de citations des Saintes Écritures. Se développera par la suite une véritable lecture alchimique de certains des épisodes bibliques les plus importants de la croyance chrétienne : la Genèse, Jonas, la Passion du Christ, l’Apocalypse. Puis, vers le milieu du XIVe siècle, le Pseudo-Arnaud de Villeneuve compare pour la première fois, dans son Tractatus parabolicus le Christ à la pierre philosophale. A l’image de celui-ci qui s’est incarné pour la rédemption des péchés humains, l’alchimie est une œuvre qui tend à rétablir la matière vile dans sa pureté et sa noblesse. La Passion sera même comparée au Grand Œuvre.

Si l’Église ne mène pas de croisade contre les adeptes, de l’alchimie, les autorités les considèrent cependant avec suspicion. Ainsi, en 1313, la Constitution generalis antique des franciscains leur interdit formellement de pratiquer l’alchimie, en 1317, l’ordre de Cîteaux interdit toutes recherches sur le sujet, jugeant celles-ci incompatibles avec les règles monacales.

Le danger est bien entendu que l’adepte alchimique verse dans la sorcellerie et l’invocation démoniaque pour fabriquer l’or. Thomas d’Aquin, dans son Commentaires des Livres des Sentences, cite le De Mineralibus d’Albert le Grand, et relie les démons à l’alchimie : « De plus, les démons ne peuvent opérer qu’avec le secours de l’art (l’alchimie). Mais l’art ne peut conférer une forme substantielle, comme il est dit dans le chapitre Des Minéraux : “Les artisans de l’alchimie devraient savoir que les espèces ne peuvent être transformées.” »

Ainsi que l’écrit en 1599 le jésuite M.-A. Delrio dans ses Disquisitionum Magicarum [Livre I, chap. V, sect. 2], le décret Spondent ne suffit pas pour condamner ceux qui produisent de l’or « bon et parfait, et pour le seul contentement de leur esprit ». Dans certains cas, cependant, la pratique de l’alchimie peut être dangereuse : si le but est le gain ou si les procédés relèvent de la superstition, ou encore si l’adepte se détourne des œuvres religieuses au profit de l’alchimie :

« Le spécialiste es sorcellerie et hérésies, dont la sévérité était extrême, démontra que rien ne prouve la fausseté de l’alchimie, que rien ne la condamne, pas même les Saintes Écritures, le droit laïc, épiscopal ou pontifical. Elle ne serait interdite qu’aux pécheurs impénitents. D’ailleurs, le nombre de clercs réguliers et séculiers de tous rangs qui pratiquèrent ou professèrent cette philosophie chymique est véritablement impressionnant. » (Noize Michel, « Le Grand Œuvre, liturgie de l’alchimie chrétienne. », Revue de l’histoire des religions, tome 186 n°2, 1974. pp. 149-183.)

Plus sur le sujet :

L’Alchimie et Rome, Spartakus FreeMann, juillet 2010 e.v.

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