Jules Bois : l’Au-delà et les forces inconnues. Présentation par Sarasvati.
Dans son livre-enquête de 1902 L’Au-delà et les forces inconnues, opinion de l’élite sur le mystère, Jules Bois interroge ou évoque par ses souvenirs (excusez du peu) : Victorien Sardou ; Augusta Holmès ; Huysmans ; François Coppée ; Verlaine ; Jean Lorrain ; Mistral ; Paul Adam ; Alphonse Daudet ; Albin Valabrègue ; Victorin Joncières ; Alexandre Hepp ; Albert Besnard ; Jean Rameau ; Jules Lemaître ; Clémence Royer ; Henry Fouquier ; Lionel Dauriac ; Aristide Bruant ; Th. Ribot ; Jean Grave ; le Dr Toulouse ; Henri Becque ; Rémy de Gourmont ; Émile Gautier ; Max Nordau ; Charcot ; Camille Flammarion ; Césare Lombroso ; Monseigneur Méric ; le Professeur Krafft-Ebing ; Stanislas de Guaita ; le docteur Liébreault ; Paul Bourget ; Sully Prudhomme !
En voici trois courts extraits, que je livre sans commentaires : naturalisme, symbolisme, occultisme, matérialisme, spiritisme, anarchisme, catholicisme traversent en tous sens l’esprit de la Belle Époque — à chacun son miel !
Verlaine, que Bois va trouver à l’hôpital Broussais, « salle 21-26 », un an avant sa mort en 1896 :
« Je suis vraiment mystique, vous savez… il n’y a que ça à faire au fond…
Et Paul Verlaine fait le signe de croix.
— Quant à la magie…
— Je respecte tout cela en bloc. J’ai beaucoup de respect ; mais je suis resté dans ma simplicité, je n’ai jamais fait de magie…
Paul Verlaine agite un bras qui tâtonne.
— Voulez-vous me passer cette viande ?
Il coupe quelques morceaux du boeuf fumant et j’interroge :
— Croyez-vous aux démons ?
— Je crois au démon de la solitude… du désert… aux démons méchants… (…)
— Et la messe noire ?
— Là-bas ! de Huysmans. C’est très bien… une lecture très reposante, coupée de temps en temps par un petit repas sur la tour de Saint-Sulpice. J’aime beaucoup Huysmans, il soigne son estomac, nous faisons toujours de bons dîners ensemble ; quand il vient me prendre, il a toujours un peu de galette. (…)
— Avez-vous parcouru cet Eliphas Lévy dont faisait grand cas notre ami Villiers de l’Isle-Adam ?
— Maintenant que je deviens gaga, je vais lire tout ça… »
L’anarchiste Jean Grave, animateur des Temps nouveaux :
« Je sais qu’il y a quelques années, de jeunes littérateurs et artistes cherchèrent à se singulariser, dans cette voie qu’ils essayèrent de remettre à la mode, sous prétexte, disaient-ils, de réagir contre le naturalisme. Mais cette tentative resta, il me semble, très bornée et elle ne tarda pas à se disloquer sous l’influence de l’idée anarchiste qui attira à elle ceux qui avaient quelque chose dans la tête, en leur apportant une note plus juste et plus vraie. Convaincu que la théorie transformiste et l’évolution sont bien plus capables de nous expliquer les origines de l’homme et de l’univers en appuyant leurs démonstrations par des faits, que ne pourraient le faire toutes les fantasmagories des prêtres, mystiques et cabbalistes, qui ne savent répondre aux hypothèses que par d’autres hypothèses, je m’en tiens aux choses positives (…) »
Jean Grave
« Comment je suis devenu occultiste ?
Vers 1882 ou 1883, M. Catulle Mendès, qui avait bien voulu encourager mes premiers essais poétiques (…) me nomma un jour Eliphas Lévy…
“Lisez-le donc, il en vaut la peine : c’est un penseur à idées singulières, d’essor inégal et de style négligé, mais un prodigieux artiste en ses bonnes pages…
Ainsi je lus d’abord Eliphas, comme on dit, pour la beauté de la forme ! Mais le fond me passionna bien davantage, moi, matérialiste à cette époque… (…)
Je fis, quelque temps après, la connaissance de Péladan, puis successivement de Barlet, de Papus et beaucoup d’autres. Enfin, j’écrivis en 1883 et publiais en 1886 mes Essais de sciences maudites…” »
Et Jules Bois de conclure :
« Il est étrange de constater que si le spiritisme éloigne du catholicisme, l’occultisme y ramène, quoique par des chemins longs, difficiles et détournés. »
Plus sur le sujet :
Jules Bois : l’Au-delà et les forces inconnues. Présentation par Sarasvati
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