Le nazisme revisité, note de lecture par Melmothia.
Le nazisme revisité : L’occultisme contre l’histoire, par Stéphane François, Berg International 2008.
En 1959, les auteurs Jacques Bergier et Louis Pauwels consacrent une partie de leur ouvrage Le Matin des magiciens, à révéler le soi-disant substrat occultiste sous-jacent aux thèses et agissements du IIIeme Reich. Le succès du livre, relayé par la revue Planète à partir de 1961, puis par des collections comme L’aventure Mystérieuse chez J’ai Lu, provoquera un engouement durable, à la fois chez ceux que les horreurs du nazisme incitent à chercher une cause irrationnelle à l’aberration de l’holocauste, mais également chez ceux que le régime nazi fascine :
« À partir de cette date, les mots « occultisme » et « nazisme » sont associés par une littérature subculturelle évoluant à la fois aux marges des milieux ésotériques et des extrémistes de droite. Les motivations varient suivant les auteurs étudiés et suivant leur appartenance, ou non, à certains courants idéologiques. Cependant, malgré les origines diverses de ceux qui l’énoncent, ce discours va se développer, s’enrichir et aboutir à une synthèse, l’« occultisme nazi », Et cela, d’autant plus facilement que dans le langage courant, le mot « occulte » et ses dérivés renvoient à ce qui est caché, masqué, un sens qui « colle » bien au nazisme, ce dernier restant, pour beaucoup, incompréhensible au sens propre du terme […]. Cette littérature occultisante, écrite par des « chercheurs indépendants », fait de Hitler un médium, un agent de forces occultes, un initié aux doctrines occultistes, en contact avec des voyants, des astrologues, voire avec des moines tibétains, etc. Un de ces livres affirme même fort sérieusement que Hitler est le « précurseur de l’Antéchrist ». Selon d’autres, à la défaite du nazisme, il se serait enfui dans une « soucoupe volante » pour se réfugier dans une base située au pôle (soit arctique soit antarctique) tandis que la SS aurait collectionné les objets mystiques comme le Graal ou la Lance du destin » (extrait de l’introduction).
L’ouvrage Le Nazisme Revisité de Stéphane François effectue un tour d’horizon et une analyse de ces thèses pour démontrer que les élucubrations prêtant à Hitler des pouvoirs magiques, des contacts avec des extra-terrestres ou simplement un intérêt particulier pour l’occulte, sont des dérives de la pensée plutôt que la clef de compréhension que leurs auteurs nous promettent :
« Les auteurs de ces ouvrages ont pour point commun leur désir de réécrire entièrement l’histoire et de vouer aux gémonies les historiens « officiels », considérés soit comme des imbéciles, soit comme des agents de la désinformation. Tous les thèmes classiques de l’occultisme ont été abordés, et résolus (!) par ces auteurs : les « faits maudits » (maisons hantées, fantômes, etc.), les événements « fortéens », les civilisations et les savoirs, la Tradition et les initiés, les sociétés secrètes, les cathares […]. Le présent travail n’est pas un essai de recension des multiples théories véhiculées par l’« occultisme nazi ». mais une tentative d’archéologie et de déconstruction de celui-ci. Il propose aussi une réflexion sur la « contagion des idées », pour reprendre l’expression de l’anthropologue culturel Dan Sperber. Celui-ci a montré que les idées se diffusent, tout en se modifiant, en s’altérant, de discours en discours, de plus en plus éloigné du cercle d’élaboration, la culture étant par nature plus ou moins contagieuse (des idées se diffusent, d’autres non) » (extrait de l’introduction).
Le Nazisme Revisité constitue une mise au point sans précédent sur cette question délicate et toujours d’actualité des relations entre nazisme et occultisme. En outre, il est facile et agréable à lire.
Extrait du quatrième de couverture :
« Hitler ne serait pas mort en 1945, mais se serait enfui à bord d’une soucoupe volante vers une base nazie située en Antarctique ; la SS serait un ordre de chevaliers partis à la recherche du Graal dans les châteaux cathares : voilà, entre autres, ce qu’affirment certains « chercheurs » prétendant dévoiler des vérités sur le régime nazi que l’histoire officielle s’obstinerait à cacher. L’« occultisme nazi », dont les thèses ont rencontré un certain succès dans les années soixante grâce au livre Le Matin des magiciens de Bergier et Pauwels et à la revue Planète, constitue une relecture affabulatrice du nazisme, prenant certes appui sur des faits réels, mais dérivant vers une mythologisation fort suspecte du national-socialisme. Ces théories occultes, exerçant un certain pouvoir de fascination, ont inspiré la culture populaire, des films Indiana Jones à certains jeux vidéos. Elles demeurent cependant, pour différents groupuscules d’extrême droite, un moyen de minimiser l’atrocité du régime et de faire partager à un public élargi un point de vue révisionniste et raciste. L’ouvrage, bien documenté, traite d’un sujet qui pourrait de prime abord sembler marginal et anecdotique. Il n’en est rien. Les recherches effectuées par Stéphane François permettent notamment d’expliquer les raisons de la survie des idées et des groupuscules nazis après la Seconde Guerre mondiale.
Stéphane François est spécialiste des subcultures occultistes et ésotériques. Il a en particulier étudié leurs rapports avec les milieux européens d’extrême droite. Il s’est notamment intéressé dans plusieurs ouvrages aux courants néo-paganistes, à l’ufologie et à la Nouvelle Droite. »
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