Le Désir désiré (ou Trésor de la philosophie ; ou Livre des six paroles), traité faussement attribué à Nicolas Flamel, est en réalité une version française du Thesaurus philosophiae d’Efferarius Monachius.
Introduction
Le Trésor de Philosophie ou Le Désir Désiré nous enseigne la sainteté de celui à qui sont et appartiennent toutes choses, le Ciel, la Terre et la Mer, et toutes ces autres choses qui sont créées. De lui procèdent tous les Trésors de la Sagesse, étant lui seul le Créateur de tout, et qui du Néant a eu la puissance de tirer toutes choses, en liant et unissant les choses hétérogènes avec les homogènes, et les accordant ensemble, quoique différentes. Par sa bonté, il a voulu, avec certains Médicaments, rendre la santé aux Créatures infirmes, et donner la perfection aux choses imparfaites. Ce que les Sages, ou anciens Philosophes, ont entendu pleinement, et cela par deux moyens, comme ils ont écrit dans leurs Livres.
De ces deux moyens l’un est vrai, et l’autre est faux : et le vrai est écrit en termes obscurs, afin qu’ils ne soient entendus que des Sages, voulant cacher leur Science aux Méchants, qui auraient pu en faire un mauvais usage.
Sachez donc que notre Science consiste dans la connaissance des quatre Éléments, dont les qualités sont changées réciproquement les unes dans les autres ; sur quoi les Philosophes sont d’un sentiment semblable. Et sachez encore qu’en toutes choses créées au-dessous du Ciel, il y a quatre Éléments, non visibles à la vue, mais existants en effet ; au moyen de quoi, sous couleur de doctrine Élémentaire, les Philosophes ont enseigné leur Science, paraissant entendre par les quatre Éléments plusieurs choses, comme Sang, Poils, Cheveux, Œufs, Urines et autres Matières, dont je n’ai fait aucun compte quand je suis parvenu à entendre leurs Ecrits.
Ayant donc reconnu la vraie Matière, ou Sperme et Semence de tous les Métaux, et ce que c’est que le Mercure cuit et congelé au Ventre de la Terre, far la chaleur du Soufre, qui le cuit par sa propre vertu, et par la Multiplication duquel différons Métaux sont produits et procréez dans la Terre ; car leur Semence ou Matière est semblable, cependant ces divers Métaux sont différons par une action accidentelle, savoir par la cuisson et nourriture plus grande ou plus petite, plus ou moins tempérée, plus ou moins brûlante, ce que les Philosophes affirment d’un commun accord. Car il est certain que toutes choses sont de ce en quoi elles se résolvent par leur dissolution ; comme on peut le voir par la Glace qui, étant formée d’Eau, se résout en Eau par la chaleur. S’il est manifeste que la Glace, étant Eau, s’est convertie en Eau, de même les Métaux, qui dans leurs principes ont été Mercure, se convertissent aussi en Mercure ; ce que je démontrerai dans ce Discours.
Cela supposé, nous résoudrons facilement l’Argument d’Aristote, qui dit au Livre des Météores : Sachent tous Artistes que les Espèces des Métaux ne peuvent se transmuer, s’ils ne sont réduits en leur première Matière : réduction dont nous parlerons dans la suite.
La Multiplication des Métaux est facile, mais non pas leur Transmutation ; car toute chose qui naît dans la Terre et y croît, se multiplie ; ce qui se voit dans les Plantes, les Arbres et les Animaux ; car d’un Grain, il s’en engendre mille Grains ; d’un Arbre, il procède mille Rameaux, ou pour mieux dire, une infinité d’autres Arbres, et d’un seul Homme s’est faite la procréation de tout le Genre Humain.
Toutes choses donc s’augmentant et se multipliant par leur Espèce, de même le Métal peut s’augmenter et se multiplier et cela sans aucune différence. Aristote demande si cette augmentation et multiplication se fait dans des Minières naturelles ou artificielles. Or il est constant que tous Métaux naissent et croissent dans la Terre. Donc il est possible qu’il se fasse en eux une augmentation et une multiplication à l’infini. Mais cela ne peut se faire que par ce qui est parfait dans la Lune, ou ordre des Métaux, dans la génération et perfection desquels est la parfaite Médecine, qui est l’Elixir des Philosophes, qu’on ne peut parvenir à faire que par un Moyen propre ou Chose interposée, parce qu’il n’y a point de Mouvement d’une Extrémité à une autre Extrémité, que par un moyen qui leur est propre. J’ai connu la nature de ce Moyen, ou Chose médiante, laquelle contient les Extrémités, qui sont le Soufre et le Mercure. De l’un et de l’autre se fait et s’accomplit l’Elixir par la Chose médiante, laquelle doit être naturellement purifiée, plus cuite, mieux digérée, meilleure, plus parfaite, et par conséquent plus prochaine.
Ainsi, mon cher Lecteur, garde-toi d’errer et de manquer, car l’Homme recueillera seulement le semblable de ce qu’il aura semé. Tu vois donc maintenant ce que c’est que la Pierre des Philosophes, et tu connais les Moyens par lesquels on peut parvenir à la faire. Souviens-toi toujours que rien d’étranger ne se met ni ne s’ajoute dans sa Composition, et, au contraire, qu’on en ôte les choses superflues ; et que rien ne convient à notre Secret, sinon ce qui est prochain et de sa nature. Je viens donc de t’expliquer les Sentences et les Dits des Anciens avec leurs Paroles obscures et cachées sous des Enigmes et des Paraboles. Ce que j’ai fait, afin que tu juges que j’ai bien entendu la Doctrine des Philosophes, et que tu comprennes qu’ils n’ont rien écrit que de véritable.
Plus sur le sujet :
Le Désir Désiré ou Trésor de la philosophie ; ou Livre des six paroles, traité faussement attribué à Nicolas Flamel, est en réalité une version française du Thesaurus philosophiae d’Efferarius Monachius.