La Croix de la Golden Dawn, mode d’emploi par Melmothia.
La Croix de la Golden Dawn, également appelée « Rose Croix Hermétique » est à la fois un outil magique, un instrument de création talismanique et un support initiatique. Si plusieurs études existent sur ce symbole, la plupart sont en anglais et aucune, à ma connaissance, n’est exhaustive. J’ai donc entrepris de rassembler les pierres du petit poucet dispersées çà et là. Cet article est destiné à livrer le fruit de mes recherches, réflexions et questionnements, en espérant qu’il apportera quelque lumière aux curieux des choses occultes.
Ce symbole ayant vocation syncrétiste et prenant racine dans la mythique Rose-Croix, il m’a semblé important d’ouvrir par quelques notions préliminaires présentant les sources, qui sont notamment d’ordre kabbalistique, astrologique et alchimique.
Concernant la croix elle-même, il est bon de savoir que certaines versions diffèrent quant aux couleurs et à la disposition des lettres. Il peut s’agir de variantes, de mauvaises recopies ou du désir de brouiller les pistes. Quoi qu’il en soit, la version originelle de la croix semble se présenter ainsi :
Cet article est entièrement et définitivement dédicacé à Spartakus FreeMann pour son aide précieuse.
La Golden Dawn est une société paramaçonnique anglaise fondée au 19e siècle sur le terreau du mouvement rosicrucien et de l’hermétisme occidental.
La Croix de la Golden Dawn est une représentation de l’univers – du microcosme, comme du macrocosme. On y retrouve le quaternaire des Éléments et des directions, ainsi que 4 Sephiroth de l’Arbre de Vie.
I. La Golden Dawn en bref
La plus célèbre de nos sociétés secrètes modernes, The Hermetic Order of the Golden Dawn in the Outer (ou Ordre hermétique de l’Aube dorée), fut fondée en 1888, sur l’initiative de trois membres de la SRIA, une société maçonnique anglaise : le docteur William Wynn Westcott, William Robert Woodman et Samuel Liddell MacGregor Mathers.
À l’origine de cette création se trouve une anecdote controversée : tout aurait commencé en 1886, lorsque le Dr Westcott aurait obtenu du révérend Woodford des manuscrits codés. Une fois déchiffrés, ces textes auraient livré les coordonnées d’une certaine Anna Sprengel avec qui Westcott serait alors entré en correspondance. Quelques mois plus tard, Anna Sprengel, à la tête d’une société rosicrucienne allemande, lui aurait donné l’autorisation de créer une loge anglaise. Le premier mars 1887 fut donc signé l’acte créant le Temple Isis-Urania.
Les activités de la Golden Dawn durèrent une quinzaine d’années, puis la société fut dissoute en 1900, éclatant en des dizaines de loges schismatiques qui s’en disputent encore de nos jours l’héritage. Cet essaimage rend délicate la manipulation des sources ; parmi les centaines de documents tamponnés « Golden Dawn », une toute petite minorité rend compte des rituélies et symbolismes du système originel, les autres portant les stigmates de son appropriation par les loges schismatiques ou modernes.
Fortement hiérarchisée, à l’image de la Franc-Maçonnerie dont elle est issue, la Golden Dawn, tout comme les mouvements qui en sont issus, se présente comme une « université » consacrée à l’enseignement des sciences occultes. Les initiés y étudient la Kabbale, l’alchimie, l’astrologie, l’hermétisme, etc. Pour progresser dans les grades, ils doivent assimiler un vaste corpus de connaissances et passer une série d’initiations et d’examens.
II. Les grades
Le manuscrit légué par Woodford aurait contenu les esquisses de 5 grades de style maçonnique, ainsi que les rituels correspondants. Ces cinq grades sont venus constituer l’« Ordre Extérieur » ou Ordre de l’Aube Dorée. Dans cet Ordre Extérieur, l’enseignement porte sur le symbolisme alchimique et astrologique, l’alphabet hébreu, l’Arbre de Vie, le Tarot, et la Géomancie… La magie pratique n’y occupe qu’une place mineure.
Ces cinq grades sont :
0=0………. Néophyte (grade introductoire)
1=10…….. Zelator
2=9………. Theoricus
3=8………. Practicus
4=7………. Philosophus
Vient ensuite le grade « Seigneur du Portail », un grade introductoire ne possédant pas de numéro, puis le Candidat pénètre les grades de l’« Ordre Intérieur » ou Ordre de la Rose Rouge et de la Croix d’Or (Ordo Rosae Rubeae et Aureae Crucis). Ces grades ne sont pas inspirés du manuscrit, mais créés par Mathers :
5=6………. Adeptus Minor (subdivisé en trois sous-grades)
6=5………. Adeptus Major
7=4………. Adeptus Exemptus
Viennent ensuite les grades des Chefs Secrets (leaders de l’Ordre n’apparaissant aux Adeptes que dans le plan Astral) :
8=3……… Magister Templi
9=2……… Magus
10=1……. Ipsissimus
Dans la notation, les nombres précédant le grade renvoient aux différentes branches de l’Arbre de Vie kabbalistique. Ainsi le niveau 1=10 (Zelator) met en avant l’appartenance terrestre du membre, tout en rappelant le germe divin présent dans chaque individu (10). Au niveau 10=1 (Ipissimus), les chiffres sont renversés : bien que l’Ipissimus soit un habitant de la terre, son essence est de nature transcendantale : « Le grade 0=0 signifie que le Candidat possède un simple titre de membre et a été initié. Le grade 1=10 signifie qu’il a franchi le premier pas de l’initiation dans la dixième Sephirah, Malkuth. Le 2=9 signifie que l’initié se trouve dans Yesod, la neuvième Sephirah, le royaume de l’air , etc. » [1].
Tous les chefs visibles de l’ordre portent le grade 5=6. Chaque membre a sa propre devise, généralement en latin, dont il doit changer lorsqu’il atteint l’Ordre Intérieur.
Le grade qui nous intéresse particulièrement ici, car la Croix y joue un rôle majeur, est celui d’Adeptus Minor qui marque l’entrée dans le cercle intérieur. La cérémonie d’introduction à ce grade se déroule dans une pièce découpée en 7 parois recouvertes de symboles, dénommée Tombeau de l’adepte (en anglais « vault of the adepti ») en référence à la tombe de Christian Rosenkreutz décrit dans la Fama Fraternitatis.
III. La filiation Rose-Croix
En 1614 paraissait en Allemagne un traité intitulé la Fama Fraternitatis, bientôt suivi de deux autres textes, la Confessio, puis Les Noces Chymiques de Christian Rosenkreutz (1616) ; ces trois écrits constituant ce qu’on appelle les « manifestes Rose-Croix ». Leur succès fut tel qu’il modifia définitivement le panorama ésotérique de l’occident. Que la Rose Croix ait été ou non, à son origine, une mystification n’a que peu d’importance relativement à sa postérité ; durant les années, puis les siècles suivants, quantité de groupes vont se réclamer de son héritage, en récupérer les symboles et l’enseignement supposé. C’est ainsi le cas de la SRIA, la Societas Rosicruciana in Anglia, dont dérivera la Golden Dawn, qui se présente comme un ordre maçonnique à vocation d’« aide et de soutien mutuels dans la résolution des grands problèmes de l’existence ; la découverte des secrets de la nature, l’étude du système de philosophie fondé sur la Kabbale et les doctrines d’Hermès Trismégiste » [2].
Dans la Fama Fraternitatis se trouve une description détaillée du tombeau de Christian Rosenkreutz (ou Christian Rose Croix) :
« Sur cette plaque [3] était planté un gros clou, un peu en saillie, qui lorsqu’il fut tiré avec force, emporta une assez grosse partie de la mince paroi ou revêtement qui recouvrait la porte secrète et fit découvrir le passage inespéré à partir duquel nous jetâmes bas le reste de la maçonnerie, avec joie et impatience, et nettoyâmes la porte où se trouvait écrit en grandes lettres dans la partie supérieure : Post cxx annos patebo, avec en dessous, le millésime ancien […].
Au matin, nous ouvrîmes la porte et une crypte apparut, de sept côtés et angles, chaque côté mesurant cinq pieds sur huit de hauteur. Cet hypogée, bien que jamais éclairé par le soleil, était clairement illuminé grâce à un autre (soleil) qui en avait été instruit par lui et qui se trouvait en haut, au centre de la voûte. Au milieu, en guise de pierre tombale, avait été placé un autel circulaire avec une plaquette de laiton portant l’inscription suivante : A.C.R.C. Hoc universi compendium vivus mihi sepulcrum feci.
Autour du premier cercle: Jesus mihi omnia (Jésus est tout pour moi).
Au milieu , quatre figures inscrites dans des cercles, portant chacune l’une des devises suivantes :
1 – Nequaquam Vacuum. (le vide n’existe pas)
2 – Legis Jugum. (joug de la loi)
3 – Libertas Evangelii (liberté de l’Évangile)
4 – Dei Gloria Intacta. (la Gloire de Dieu est inattaquable)
Alors, les frères s’agenouillèrent tous ensemble et remercièrent le Dieu Tout-Puissant.
Sur chacune des 7 faces de la cellule se trouvait une petite porte donnant accès à un certain nombre de boîtes renfermant tous les livres de l’ordre. Un des coffrets contenait des miroirs de diverses vertus, des clochettes, des lampes allumées, d’étranges chants artificiels. Dans l’ensemble tout était organisé de manière à pouvoir reconstituer l’Ordre, au cas où celui-ci disparaîtrait dans les siècles à venir. En déplaçant l’autel on découvrit une grosse plaque de cuivre jaune qui, après avoir été soulevée, laissa apercevoir le corps glorieux et intact de C.R.C., sans la moindre décomposition, avec tous les ornements et attributs de l’Ordre, tenant dans sa main un petit livre de parchemin intitulé T, dont les caractères étaient en or. Ce document, le plus sérieux après la Bible, ne devait pas être divulgué trop facilement. À la fin de ce petit opuscule, on pouvait lire l’Éloge suivant « C.R.C. est issu d’une noble et illustre famille allemande ; il eut le privilège, durant tout un siècle, d’être instruit par révélation divine ; grâce à son intuition très subtile et sans égale et à un labeur inlassable, il atteignit la compréhension des mystères divins et humains les plus secrets. Il fut admis à l’enseignement des mystères au cours de ses voyages en Arabie et en Afrique. Cette science ne convenait pas à son siècle ; mais il eut la charge de la conserver pour la postérité.
Pour la transmission de cet art, il choisit des héritiers à grand coeur, fidèles et dévoués, pour leur léguer sa science des choses passées, présentes et futures et il décida que cette science, le résumé de toutes ses connaissances acquises, serait retrouvée après un intervalle de 120 années qui suivraient sa mort et son ensevelissement secret » [4] .
Lire la suite de cet article & Accéder au Sommaire
Plus sur le sujet :
La Croix de la Golden Dawn, Melmothia, 2009.
Image par Devanath de Pixabay
Plus sur le sujet :
Notes :
[1] « Understanding of the human personality in the world of the Kabbalah », par G.H. Frater P.C.A 8=3, In Zelator 1=10, publication de The Hermetic Order of the Golden Dawn, Intl.
[2] What you should know about the Golden Dawn, Israel Regardie, Falcon Press, 1983.
[3] Il s’agit de la plaque commémorative en laiton contenant les noms des membres de la fraternité.
[4] Cet extrait de la Fama Fraternitatis vient du recueil édité par Diffusion Rosicrucienne en 1995 sous le titre de La Trilogie des Rose-Croix. Cette version est basée sur la traduction anglaise que Thomas Vaughan avait réalisée en 1652 à partir d’un manuscrit allemand ; il faut savoir qu’une deuxième traduction française existe, celle de Bernard Gorceix dans La Bible des Rose-Croix, PUF, 1970, directement traduite de l’original allemand.