Kabbalistiques interrogations

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Kabbalistiques interrogations par Spartakus FreeMann. 

Tout a commencĂ© il y a quelques annĂ©es, avec la rencontre d’un personnage quelque peu mystĂ©rieux qui parlait de la Kabbale comme Ă©tant « la » clĂ© de l’Ă©sotĂ©risme occidental. Mathieu avait Ă©tudiĂ© l’hĂ©breu, les maĂźtres kabbalistes, le Rashi, et manifestait un penchant quasi sensuel pour les jeux de lettres et de mots, ainsi qu’une passion pour le Cantique des Cantiques. Cette rencontre sera l’instant « t » de mon entrĂ©e dans le Pardes [1]. EntrĂ©e frileuse tout d’abord, car le paysage qui s’annonçait tenait plus de Dali que de Rembrandt. OĂč commencer, par oĂč s’engager ? Des noms inconnus aux sonoritĂ©s exotiques et bizarres, des titres laissant ouvertes toutes les suppositions, des concepts ayant tendance Ă  se multiplier au cours des lectures, aux implications tout aussi dĂ©routantes que leur dĂ©finition… J’eus peur de n’y rien comprendre. Je pouvais laisser tomber et reprendre ma vie et mes Ă©tudes telles qu’elles Ă©taient l’instant d’avant. Mais non, j’ai continuĂ© et j’ai commencĂ© Ă  dĂ©vorer quantitĂ© d’ouvrages portant sur la Kabbale, avec toujours cette idĂ©e qu’il y avait quelque chose d’important Ă  y dĂ©couvrir.

Kabbalistiques interrogations

J’eus la malchance de dĂ©buter par les ouvrages d’Haziel. Vous savez, ces gros livres bruns Ă©ditĂ©s chez BussiĂšre, qui parlent des anges, de la Kabbale antique, du Tarot kabbalistique
 La belle affaire ! J’ai failli tout laisser tomber. Je me disais « Ce n’est pas ça la Kabbale quand mĂȘme ? ». Eh bien non, ce n’est pas ça. La kabbale ne se rĂ©duit pas Ă  psalmodier des phrases barbares dans le but de communiquer avec les puissances angĂ©liques. Mais pour m’en assurer, il me fallut aborder d’autres rivages, des auteurs plus classiques tout d’abord, Eliphas LĂ©vi, Papus, puis enfin le site Internet de Virya qui me permit de dĂ©couvrir une Kabbale plus ouverte, bien que toujours farcie de noms bizarres et d’expressions cryptiques, telles que Parzuf, Sephiroth, Sephirah, Arikh Anpin
 Les ouvrages qui tombĂšrent entre mes mains Ă  l’époque furent La Kabbale Extatique de Virya et L’homme et l’absolu de Shaya. Deux ouvertures, deux lumiĂšres dans l’obscuritĂ© de la kabbalistique bibliothĂšque. Ils me permirent Ă©galement de rĂ©sister Ă  la tentation du vernis kabbalistique pour Ă©pater la galerie.

Il y eut aussi une autre rencontre, tout aussi dĂ©terminante que la premiĂšre. GrĂące Ă  Internet, j’eus la chance de tomber – et le mot n’est pas choisi au hasard – sur ProspĂ©ro. Anarchiste voyageur et kabbaliste, ce qui m’offrit l’opportunitĂ© d’échanger avec un vĂ©ritable amoureux de la science kabbalistique. Je trouvai chez lui la mĂȘme fougue dans l’Ă©tude des textes, la mĂȘme passion dans l’explication et la dialectique que chez Mathieu. Et la mĂȘme verve aussi pour me sermonner lorsque je filais des dĂ©lires infondĂ©s sur Aboulafia et la Kabbale extatique : « Tu ne peux pas dire n’importe quoi, il faut agir en bonne intelligence avec le texte. Or, si tu ne lis pas l’hĂ©breu comment peux-tu apprĂ©hender l’essence d’Aboulafia ? ». J’ai donc commencĂ© Ă  apprendre les rudiments de la grammaire et surtout Ă  pĂ©nĂ©trer l’univers fĂ©erique des lettres. Ce nouveau dĂ©fi a constituĂ© le vĂ©ritable dĂ©but de mes Ă©tudes kabbalistiques.

La rencontre avec ProspĂ©ro a Ă©galement Ă©tĂ© le point de dĂ©part du Portail Kabbale en Ligne. Moment d’Ă©change entre le kabbaliste et le joueur d’internet. ProspĂ©ro fournissait la matiĂšre tandis que je lui donnais corps grĂące au langage PHP et HTML.

Le site fĂȘte cette annĂ©e ses 7 ans d’existence. Il est nĂ© du dĂ©sir de partager et communiquer un savoir d‘accĂšs certes difficile, mais qui sait se rĂ©vĂšler passionnant dĂšs lors qu’on ose en franchir le seuil.

Pourquoi la Kabbale ?

La Kabbale est une mĂ©thode, une discipline et une infinitude. MĂ©thode, car elle propose un systĂšme cohĂ©rent d’apprĂ©hension du monde et du divin. On pourrait dire que l’essence de cette mĂ©thode rĂ©side dans le dialogue perpĂ©tuel de l’Ă©tudiant et du texte. L’interaction est constante Ă  chaque moment de l’Ă©tude et de la progression. Le texte marque son empreinte dans l’Ă©tudiant tandis qu’il l’interprĂšte selon sa propre vision du monde et sa sensibilitĂ©.

La discipline rĂ©side dans le sĂ©rieux nĂ©cessaire Ă  l’Ă©tude — sĂ©rieux ne signifiant pas acceptation d’un dogme figĂ© ni rĂ©pĂ©tition du dĂ©jĂ  connu, mais Ă©galement dans l’Ă©thique que l’Ă©tudiant se doit d’adopter. Le chemin est long et la vie est courte. Il y a donc des choix Ă  faire, des prioritĂ©s. Commencer l’Ă©tude de l’hĂ©breu exige de la patience et du temps, l’Ă©tude des textes exige plus de temps encore, et le travail des lettres requiert une application absolue. Il serait vain de penser pĂ©nĂ©trer le cƓur de la kabbale en l’abordant comme un passe-temps ou un loisir d’oisif.

Par ailleurs, la Kabbale est une finalitĂ©, mais non une fin en soi. Elle peut ĂȘtre le moyen d’atteindre le divin, qu’il soit en nous ou au-delĂ , mais c’est avant tout une boĂźte Ă  outils. À quoi servirait-il de savoir manier le ciseau si l’on ne sculpte pas ? La Kabbale cependant est une finalitĂ© dans le sens oĂč elle promet une forme de plĂ©nitude. On cherche Ă  y exceller comme dans un art. La finalitĂ© de l’art est l’Ɠuvre ; la finalitĂ© de la Kabbale est de se dĂ©couvrir et de dĂ©couvrir les visages cachĂ©s de notre monde.

En un mot, la Kabbale est, Ă  notre sens, un moyen artistique de crĂ©ation perpĂ©tuelle, d’une crĂ©ation en perpĂ©tuel devenir.

Il est inutile d’étudier la Kabbale en pensant y trouver le moyen d’acquĂ©rir des pouvoirs supra-humains, ou en espĂ©rant contraindre l’archange Gabriel Ă  passer l’aspirateur Ă  sa place. La Kabbale n’est pas non plus un moyen d’Ă©dification intellectuelle, ni une maniĂšre Ă©lĂ©gante de briller dans les salons. La Kabbale n’est pas une porte vers le n’importe quoi, n’importe comment. La Kabbale n’est pas le reposoir des espoirs ineptes d’occultistes en mal de sensations fortes, aimant Ă  Ăąnonner des phrases incomprĂ©hensibles Ă  leur intellect.

La Kabbale est un moyen et un outil artistique permettant d’instaurer un dialogue entre soi-mĂȘme et le Texte, entre soi-mĂȘme et Dieu si l’on veut, ou encore entre soi-mĂȘme et le monde.

La Kabbale est-elle soluble dans l’occultisme ?

Le lecteur curieux dĂ©sirant entrer dans l’univers de la Kabbale, sera tout d’abord confrontĂ© Ă  une foule d’ouvrages occultistes, dans lesquels il pourra se perdre aisĂ©ment tant « les » kabbales, orthographiĂ©es de dizaines de façons diffĂ©rentes, sont nombreuses et contradictoires. Il fera ainsi connaissance avec la Cabale des Rose-Croix, la Kabbale astrologique, la Kabbale du Tarot, la Qabal d’auteurs qui ne savent pas lire l’hĂ©breu, mais en parlent tout au long d’un livre de 500 pages, la Kabbale des anges gardiens, la Kabbale magique, honteusement plagiĂ©e et mixĂ©e avec des Ă©lĂ©ments de magie chrĂ©tienne voire avec de la sorcellerie de campagne, la Kabbale philosophique, la Kabbale cryptique, la Kabbale des Illuminati… Le chemin est long avant d’arriver Ă  la Kabbale hĂ©braĂŻque tout court.

Mais si ces bons auteurs brassent de la kabbale Ă  tout va, c’est sans doute qu’elle est liĂ©e Ă  la magie ? C’est du moins ce qu’ont l’air de laisser penser la plupart des Ă©sotĂ©ristes.

Tout d’abord, la Kabbale se pratique en hĂ©breu, et comme nous le savons tous, l’hĂ©breu c’est magique, lisons Crowley pour nous en convaincre. Pas de magie sĂ©rieuse, pas de rituel du pentagramme ou de l’hexagramme sans les Noms Divins, qui sont par nature hĂ©breux et donc kabbalistiques. MĂȘme chose pour la magie angĂ©lique ou thĂ©urgique, on doit y trouver la Kabbale pour que cela ait l’air sĂ©rieux.

La Kabbale serait donc la marque de qualitĂ© de toute pratique se voulant sĂ©rieuse, millĂ©naire et efficace. Cela signifie-t-il pour autant que la Kabbale avalise de facto ces doctrines occultes ? Ou que la Kabbale est une branche de l’occultisme ? Non, pas Ă  notre sens du moins. Que la kabbale ait influencĂ© ces courants n’implique pas qu’elle en participe intimement. On peut certes Ă©tudier le rĂŽle de la Kabbale dans les courants magiques et/ou occultistes, mais nous ne le ferons pas, d’autres l’ayant fait avant nous et mieux que nous ne pourrions le faire ; par ailleurs, cet engouement risquerait d’ĂȘtre rĂ©ducteur.

La lecture d’ouvrages occultistes est Ă©difiante Ă  ce sujet, d’une façon quasi systĂ©matique, la Kabbale est dĂ©crite comme n’Ă©tant qu’une branche, tantĂŽt principale, tantĂŽt secondaire, de la magie ou de l’occultisme. Les thĂ©lĂ©mites sont persuadĂ©s, selon les enseignements de leur maĂźtre, Aleister Crowley, que la Kabbale est une clĂ© de Thelema, un outil didactique et magique, ce qui a pour consĂ©quence qu’ils Ă©vacuent toute la spiritualitĂ© propre Ă  la Kabbale pour n’en retenir que les surgeons les plus bizarres. PassĂ©s Ă  la trappe aussi toutes les finesses des textes des kabbalistes, on ne retient que le phĂ©nomĂ©nal, l’extraordinaire. L’autre alternative consiste Ă  livrer une vision rĂ©duite de la Kabbale qui ne servirait que de connaissance accessoire au corpus occultiste.

Nous avons toujours essayĂ© d’Ă©viter ce poncif voulant que la Kabbale soit un incontournable des salons occultistes. Car, soyons clairs, la quĂȘte de pouvoirs magiques fait sortir ipso facto du cadre de la Kabbale, ou du moins de la Kabbale hĂ©braĂŻque. Non que la magie en soit exclue, mais elle n’en reprĂ©sente qu’une des branches secondaires. On peut rĂ©aliser des qameoth (talismans) afin d’agir sur le monde, ou encore tirer des lettres comme on le ferait avec un Tarot dans un but de divination, on peut psalmodier des psaumes ou girer l’alphabet pour atteindre des Ă©tats de conscience modifiĂ©s, on peut enfin lire le Sepher Raziel et s’essayer Ă  certains de ses arcanes.

Mais se focaliser sur ces pratiques revient Ă  oublier le reste, c’est-Ă -dire le plus important. La Kabbale a son systĂšme propre, sa mĂ©thodologie et ses finalitĂ©s propres. Se perdre dans des labyrinthes magiques tapissĂ©s d’invocations en hĂ©breu peut ĂȘtre intĂ©ressant Ă  condition de se rappeler qu’on pratique alors la magie, et non la Kabbale.

Pour le dire autrement, lorsque l’on Ă©tudie la Torah et les Ă©crits des Rabbis, lorsque l’on cherche son chemin dans l’Arbre de Vie selon la mĂ©thodologie kabbalistique, alors on est un kabbaliste. Lorsqu’on utilise la Kabbale dans un autre systĂšme, alors on est un occultiste.

C’est pourtant le risque Ă  l’heure actuelle, voir la Kabbale avalĂ©e purement et simplement par la magie et plus particuliĂšrement par l’occultisme. Prenons l’exemple de la Golden Dawn, ce systĂšme qui a influencĂ© plus que tout autre l’occultisme contemporain, on y dĂ©couvre des Ă©lĂ©ments kabbalistiques employĂ©s comme outil avec une finalitĂ© propre Ă  la Golden Dawn. L’ascension de l’Arbre de Vie, par exemple, est utilisĂ©e pour symboliser la progression personnelle et l’ascension au sein du systĂšme. Il ne s’agit donc pas de la Kabbale, mais d’un systĂšme qui utilise des outils de la Kabbale. Or, il convient de ne pas confondre outil, objet et finalitĂ©.

Kabbale et dérives sectaires

Un danger de confusion bien plus grave a Ă©mergĂ© dans les annĂ©es 80. Un certain Philip Berg, autoproclamĂ© rabbin, aprĂšs avoir administrĂ© un « Centre de la kabbale » Ă  Tel-Aviv suffisamment louche pour Ă©veiller la suspicion des autoritĂ©s religieuses locales, dĂ©cide de se lancer sur le marchĂ© amĂ©ricain. RetournĂ© dans sa patrie, il installe ses bureaux Ă  Los Angeles, oĂč il dĂ©couvre toute une rĂ©serve de pigeons prĂȘts Ă  plumer : les stars d’Hollywood. Et voilĂ  la Kabbale en premiĂšre page des journaux amĂ©ricains, Madonna et Britney Spears s’étant prises de passion, non pour l’hĂ©breu ni pour l’étude du texte biblique, mais pour une doctrine oĂč il suffit de passer une main sur le texte pour que les bienfaits en soient immĂ©diatement dispensĂ©s !

Mais Ă©videmment pour cela, il faut payer. Car Ă  dĂ©faut d’étudier, le Centre de la Kabbale vous propose d’acquĂ©rir des gadgets destinĂ©s Ă  « obtenir des changements positifs et rapides dans votre vie » ; on vous propose Ă©galement d’ĂȘtre initiĂ© aux secrets de l’astrologie, de la rĂ©incarnation et de la guĂ©rison miraculeuse, sans oublier que vous pouvez acheter les nombreux livres des Ă©poux Berg ou encore acquĂ©rir l’Ă©tendard de cette croisade hollywoodienne, le fameux « red string », ce cordon rouge censĂ© Ă©loigner le mauvais Ɠil de celui qui le porte.

PrĂ©cisons que si le JudaĂŻsme et la Kabbale permettent l’utilisation de segulah (talismans consacrĂ©s par un rav ou un rabbin), ceux-ci ne sont pas idolĂątrĂ©s et ne font jamais l’objet d’un dĂ©lire Ă©roto-commercial comme celui qui nous occupe ici.

Le besoin de porter sur soi un symbole pour se sentir mieux ou pour tĂ©moigner de sa foi n’est en rien condamnable. Le problĂšme, avec ce commerce des cordons rouges, c’est qu’il tend Ă  dĂ©naturer une tradition sĂ©culaire pour en faire un produit de consommation vulgaire. Le soi-disant enseignement spirituel est en rĂ©alitĂ© fondĂ© sur des pratiques superstitieuses, avec notamment pour consĂ©quence de fourvoyer ceux qui pourraient trouver dans la Kabbale un cheminement vivifiant.

Le Centre de la Kabbale est actuellement dans le viseur des associations anti-sectes. N’ayant pas le dossier sous les yeux, il me serait difficile d’estimer la dangerositĂ© du mouvement, mais ce qui est certain c’est que la fortune du dirigeant de cette association s’annonçant comme « Ă  buts non lucratifs » s’élĂšve Ă  plusieurs millions de dollars. Ainsi que le formule Alain Chouffan, dans un article du Nouvel Observateur :

« En lui ĂŽtant sa complexitĂ© et son contenu spirituel, Berg a rĂ©duit la kabbale Ă  une sĂ©rie de « maximes de sagesse correspondant aux attentes d’adeptes aussi naĂŻfs que novices ». Ses Centres de la Kabbale ressemblent plus Ă  des supermarchĂ©s qu’Ă  des institutions de religion. En effet, faire des affaires est bien la principale motivation de Rav Berg. Le cĂ©lĂšbre ruban rouge, signe de ralliement de ses adeptes, est vendu 26 dollars sur le site Internet » [2].

Mais peut-ĂȘtre que le Centre de la Kabbale que l’exemple le plus flagrant des dĂ©rives inĂ©vitables dĂšs lors que l’on touche au domaine de la foi ? Il est facile de s’autoproclamer « Ă©lu de dieu » ou de faire dire Ă  un texte sacrĂ© ce que l’on dĂ©sire y trouver. Comme les autres voies mystiques, la kabbale peut ĂȘtre la porte ouverte aux gourous, aux intĂ©gristes, aux interprĂ©tations servant telle ou telle idĂ©ologie, aux fous et aux charlatans. Il convient de toujours rester sur ses gardes confrontĂ© Ă  un groupe ou Ă  une doctrine et de savoir, ainsi que la kabbale le rĂ©clame par ailleurs, dĂ©crypter le discours sous le discours.

La kabbale, c’est quoi ?

Le mot Kabbale est dĂ©rivĂ© du verbe Q-B-L (Ś§Ś‘Śœ) qui signifie recevoir, accueillir. Ce que l’on reçoit, c’est la Sagesse d’En Haut. Les kabbalistes rapportent plusieurs origines lĂ©gendaires de leur art, dont l’une raconte que la sagesse fut rĂ©vĂ©lĂ©e Ă  MoĂŻse sur le mont SinaĂŻ, en marge de la Loi Écrite, le Pentateuque (Torah). Une autre dit qu’Adam a reçu de l’ange Raziel un livre sur la CrĂ©ation et un autre sur la Merkava (le char cĂ©leste grĂące auquel l’homme est censĂ© accĂ©der au divin).

Le livre sur la CrĂ©ation (Ma’asse Bereshit) se rĂ©fĂ©rerait aux forces naturelles et surnaturelles qui rĂ©gissent notre monde. Le Ma’asse Merkava ne se rĂ©fĂ©rerait qu’aux mondes spirituels prĂ©cĂ©dant notre monde matĂ©riel.

Adam aurait eu la facultĂ© de voir d’un bout Ă  l’autre du monde ainsi que de connaĂźtre le prĂ©sent et le futur. Il vit ainsi que David ne pourrait vivre longtemps et de ce fait il lui donna 70 ans de sa vie. Adam qui devait vivre 1000 ans ne vĂ©cut ainsi que 930 ans. Lorsqu’il consomma du fruit de l’Arbre de la Connaissance (Etz HaDaat), il ne put retourner Ă  l’Arbre de Vie (Etz HaHaim). Il perdit ainsi une partie de la connaissance que lui avait transmise l’ange Raziel. Ce qui en restait, il le transmit Ă  ses enfants, puis Ă  HĂ©noch et ensuite Ă  NoĂ©. NoĂ© l’a transmis Ă  Chem qui l’a transmis Ă  Eber. Chem et Eber fondĂšrent un Beth-Midrach (un lieu d’étude). C’est dans celui-ci qu’alla Ă©tudier Abraham, qui transmit ensuite son savoir Ă  Isaac, et Isaac Ă  Jacob.

Ce ne sera qu’au dĂ©but du IIe siĂšcle de notre Ăšre qu’apparaĂźtra en Palestine le rabbi SimĂ©on Bar Yo’Hai, auteur prĂ©sumĂ© du Sepher ha-Zohar (Le Livre de la Splendeur). Et ce ne sera qu’un millĂ©naire plus tard que se dĂ©veloppera dans le Midi de la France le mouvement kabbalistique, avant de s’Ă©panouir en Espagne. Il atteint son apogĂ©e Ă  Safed (GalilĂ©e) au XVIe s. avec Cordovero et Louria.

La kabbale est la science de l’ĂȘtre par excellence. Elle est basĂ©e sur l’idĂ©e que le mot contient l’essence de la chose. Pour les kabbalistes, la connaissance du nom induit la connaissance de la chose elle-mĂȘme. Ainsi, connaĂźtre le nom de Dieu reviendrait Ă  connaĂźtre Dieu lui-mĂȘme.

Pour comprendre ce principe, il faut remonter Ă  l’origine du monde : C’est avec 10 paroles que Dieu crĂ©a l’univers. En hĂ©breu, parole se dit DAVAR, ce qui signifie « chose, parole, affaire ou ordre ». Ce qui est nommĂ© acquiert existence et de lĂ , nous pouvons dĂ©duire son corollaire : une chose n’a d’existence que si elle porte un nom.

La Kabbale se diffĂ©rencie de la mĂ©taphysique par le fait qu’elle ne se prĂ©occupe pas de savoir si la chose existe, elle ne se questionne pas sur l’ĂȘtre et le non-ĂȘtre. Il suffit que la chose soit. Le kabbaliste ne cherche pas la vĂ©ritĂ©, mais participe Ă  la vĂ©ritĂ© par ses actes, s’inscrivant ainsi dans une dĂ©marche et un mode de vie spirituels.

La Kabbale Ă©tant essentiellement hĂ©braĂŻque, son cadre de rĂ©fĂ©rence sera la CommunautĂ© d’IsraĂ«l. La Loi orale a Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©e Ă  MoĂŻse. Les grands maĂźtres sont juifs. Sa cosmogonie est celle de la GenĂšse. L’étude de la kabbale passera donc par l’étude des textes sacrĂ©s, prĂ©cisĂ©ment par celle de l’Ancien Testament.

La kabbale pour autant se rĂ©sume-t-elle Ă  l’exĂ©gĂšse biblique ? Il est certain qu’un kabbaliste doit lire la Torah, en scruter les moindres recoins afin d’en retirer la substantifique moelle, et passer des heures penchĂ© sur certains versets. Cependant, cette Ă©tude n’est pas une fin en soi, Ă  moins de vouloir devenir sĂ©minariste ou thĂ©ologien. Il faudra passer outre ce stade afin d’atteindre le cƓur de l’étude, Ă  savoir les lettres elles-mĂȘmes. LĂ  rĂ©side sans doute l’essence de nos prĂ©occupations, chercher dans le texte de la Torah des traces de lumiĂšres qui seront affinĂ©es dans l’étude des lettres.

Ainsi, oui il s’agit de lire la Torah et certains livres en particulier (les Psaumes, la GenĂšse, le Cantique des cantiques), mais non comme des buts en soi, plutĂŽt avec l’idĂ©e de dĂ©passer le texte et d’atteindre l’Esprit de la lettre.

Les sages de la Kabbale interprĂštent l’Ă©criture en suivant 4 mĂ©thodes fondamentales dont les initiales forment le mot PARDES (Paradis) :

P — PSHAT qui est « l’interprĂ©tation simple », celle du texte dans son sens littĂ©ral.

R — REMEZ « allusion » aux sens multiples cachĂ©s dans chaque phrase, chaque lettre, signe et point de la Torah.

D — DERACH « exposition » des vĂ©ritĂ©s doctrinales embrassant toutes les interprĂ©tations possibles.

S — SOD « secret », initiation Ă  la Hokhmah, Sagesse Divine cachĂ©e dans l’Écriture et appelĂ©e Hokhmat HaKabala.

Selon la tradition kabbalistique, quatre rabbis entrĂšrent dans le P.A.R.D.E.S : Ben AzzaĂŻ en mourut ; Ben Zouma en sortit fou ; Elisha perdit la foi, car il Ă©mit des doutes ; seul Rabbi Akiba en sortit indemne.

L’hĂ©breu offre cette particularitĂ© que chaque lettre a une valeur numĂ©rique ; le kabbaliste va dĂ©crypter des textes sacrĂ©s composĂ©s de mots, mais en s’appuyant sur leurs valeurs numĂ©riques. Ainsi, il opĂšre Ă  partir du sens ontologique des nombres pour retrouver derriĂšre le mot l’image la plus adĂ©quate de la vĂ©ritĂ© qu’il recĂšle.

Pour aller plus loin dans les interrogations :

Kabbalistiques interrogations. Extrait de l’ouvrage Introduction Ă  la voie de la kabbale de Spartakus FreeMann, 2008.

Pour en apprendre plus sur la Kabbale, visitez Kabbale en Ligne.

Notes :

[1] Le terme Pardes signifie littĂ©ralement « verger » ; il dĂ©signe un lieu oĂč l’étudiant de la Torah pourra trouver l’illumination ; l’expression est tirĂ©e d’une anecdote mystique et philosophique dans laquelle quatre sages, grĂące Ă  leur Ă©tude de la Kabbale, entrent dans le Pardes, chacun cependant, Ă©voluant Ă  un niveau de comprĂ©hension diffĂ©rent. Les quatre lettres du mot Pardes indiquent les quatre niveaux d’Ă©tude des Écritures – voir plus loin dans le texte.

[2] « Sur les pas de Madonna
 La kabbale Hollywood », Alain Chouffan, Le Nouvel Observateur dĂ©cembre 2004.

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