Le Mutus Liber – Planche 6 par Serge Hutin.
Dans cette planche, continuation de la précédente, nous voyons le couple alchimique, œuvrant toujours de concert.
MAGOPHON écrit :
On remarquera que les opérations y sont toujours effectuées par un homme et par une femme, symbolisant les deux natures. L’action extérieure de ces deux agents indique le travail intérieur des corps réagissant l’un sur l’autre. Dans la première figure, l’agent féminin joue un rôle passif, et l’agent masculin un rôle actif.
Celui-ci est le soufre, celle-ci, la lune. Il ajoute, en ce qui concerne les opérations que nous voyons réalisées par le couple alchimique : l’action manuelle ne concourt aux résultats qu’à la façon d’une cuisinière préparant son pot au feu. Lorsque les ingrédients sont dans la marmite, l’eau cuit le compost, portée à la température requise par le feu extérieur. La coction achevée, il n’y a plus qu’à extraire les produits et à les employer suivant la formule. Mais toute intervention intempestive est préjudiciable et nuit à l’œuvre.
On remarquera l’avant-dernière figure, où la femme, au lieu d’être vêtue dans ses habits usuels, porte un costume mythologique : elle est chaussée de sandales et vêtue d’une tunique par-dessus laquelle se trouve une sorte de cuirasse étincelante, elle porte une écharpe en sautoir. De la main gauche, elle appuie l’arc (symbole lunaire) sur le sol ; de la main droite, elle présente à son époux le vase à l’intérieur duquel se trouve la rose hermétique. On remarquera que l’épouse de l’alchimiste ne porte plus une coiffure lunaire, mais la coiffure solaire (rayonnante) portée par son époux à la phase précédente du rituel : ce fait correspond, symboliquement, à la phase alchimique où c’est le principe féminin qui devient actif.
Sur trois des figures, nous voyons apparaître la rose.
Au point de vue opératif, MAGOPHON nous précise :
Qu’est-ce que la Rose ? C’est la fleur de l’arbre philosophique par excellence qui présage le fruit. Or, l’arbre des philosophes est le mercure végétal ; la Rose est donc l’inflorescence de la sève métallique mise en mouvement par le feu extérieur, qui excite le feu interne des corps. Mais les Sages parlent de deux feux différents dévolus à cette fonction. Le disciple doit donc penser qu’il existe, en dehors du feu naturel, un autre agent ainsi dénommé, et ce feu secret est le ferment des métaux qui joue dans le travail – un rôle analogue à celui du levain dans la pâte du boulanger.
La planche comporte – on l’aura remarqué – trois roses dont la grandeur diffère : elles représentent trois étapes successives dans la réalisation victorieuse du Grand Oeuvre. MAGOPHON nous dit : dans le régime de la coction, Philalèthe enseigne qu’on obtient d’abord la rose blanche, qu’il nomme la lune, la rose jaune ou safran, la rose rouge ou parfaite. Mais ce symbolisme hermétique ne doit pas être interprété dans le seul contexte de l’alchimie minérale : nous avons là un très grand symbole traditionnel, l’une des deux composantes indissolubles de la Rose-Croix.
Continuer avec la Planche 7.
Retour à la planche 5.
Plus sur le sujet :
Le Mutus Liber – Planche 6 par Serge Hutin, Extrait de Commentaires sur le Mutus Liber, éditions Le Lien, 1966.