Le Mutus Liber – Planche 2

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Le Mutus Liber – Planche 2 par Serge Hutin.

À la partie infĂ©rieure, un homme et une femme – l’alchimiste et sa compagne de travaux – Ă  genoux, l’athanor (fourneau alchimique) entre eux deux.

On remarquera, tout en bas de l’athanor, le foyer — alimentĂ© non par du charbon ou du bois, mais par une lampe Ă  huile, pourvue de mĂšches d’amiante (en augmentant le nombre de celles-ci, en peut faire croĂźtre la chaleur Ă  un rythme Ă©gal). Ă  l’intĂ©rieur se trouve enclose la cornue de verre ou de cristal, fermement obturĂ©e (par le « sceau d’HermĂšs »), qui est l’oeuf philosophique ; nous sommes ici devant le procĂ©dĂ© alchimique dit de la « voie humide » pour l’accomplissement du Grand-Oeuvre (la « Voie sĂšche », elle, se rĂ©alisant au creuset).

Le Mutus Liber : Planche 2
Le Mutus Liber – Planche 2

Au milieu de la figure, nous voyons reparaütre cet oeuf philosophique, trùs agrandi cette fois, et au sein duquel nous remarquons les figures mythologiques de Neptune, d’Apollon et de Diane.

MAGOPHON nous fait remarquer :

Tout oeuf comprend un germe – la vĂ©sicule de Purkinjo qui est notre sel ; le jaune qui est notre soufre ; et l’albumine, qui est notre mercure. Le tout est enfermĂ© dans un matras qui correspond Ă  la coquille. Les trois produits sont personnifiĂ©s ici par Apollon, Diane et Neptune, le dieu des eaux pontiques. Le mĂȘme alchimiste contemporain donne Ă©galement les prĂ©cisions pratiques suivantes : La grandeur de l’oeuf importe.

Dans la nature, l’oeuf varie de celui du roitelet Ă  celui de l’autruche, mais, dit la Sagesse, « in media virtus ». Il nous faut dire. aussi quelque chose du verre. philosophique. Les auteurs en parlent peu, et encore avec rĂ©serve. Mais nous savons, par l’expĂ©rience que le meilleur est celui de Venise. Il le faut de bonne Ă©paisseur, limpide, sans bulles. On employait encore, autrefois, le gros verre de Lorraine fabriquĂ© par les gentilshommes souffleurs ; mais un bon praticien doit apprendre Ă  faire ses matras lui-mĂȘme.

L’alchimiste et sa compagne sont figurĂ©s Ă  genoux. Sont-ils donc tout simplement en priĂšre ? En partie seulement : leurs positions des bras et celles des doigts ne sont pas du tout gratuites. Nous touchons lĂ , en fait, Ă  un autre secret opĂ©ratif de la voie tantrique : la connaissance des gestes prĂ©cis appropriĂ©s (leur nom sanscrit est moudras) qui commandant l’obtention de tel ou tel effet magique ; ce secret opĂ©ratif Ă©tant Ă©videmment complĂ©mentaire de celui du matras. Mais, en rĂ©alitĂ©, le couple alchimique paraĂźt trois fois sur la planche : Ă  la partie infĂ©rieure, au milieu (au premier plan), enfin dans l’intĂ©rieur du matras (c’est en fait l’alchimiste et son Ă©pouse qui y sont figurĂ©s sous l’aspect, respectivement, d’Apollon et de Diane).

Les diffĂ©rences de vĂȘture ne sont pas du tout accidentelles. On remarquera que si, en bas de la figure, les deux Ă©poux sont vĂȘtus dans leurs habits de ville (tels qu’ils Ă©taient d’usage au moment de l’impression des planches : la seconde moitiĂ© du 17Ăšme siĂšcle), il n’en est pas de mĂȘme pour les deux autres figurations de l’alchimiste et de sa femme.

Nous sommes ici en fait devant l’un des grands secrets rituels du la voie tantrique Ă  deux (1). Dans de nombreuses gravures alchimiques de la Renaissance et du grand siĂšcle, nous voyons bel et bien apparaĂźtre un homme portant un costume antique spĂ©cial et dont la tĂȘte se trouve surmontĂ©e d’une sorte de couronne mĂ©tallique en forme de soleil rayonnant, tandis que ; la femme lui faisant face porte au contraire un diadĂšme en forme de croissant lunaire. L’un figure Apollon, l’autre Diane. En fait, il ne s’agit pas du tout d’une simple, allĂ©gorie mais d’une rĂ©alitĂ© trĂšs concrĂšte : le couple tantrique en train d’exĂ©cuter, avant la rĂ©alisation effective des noces chimiques, une sorte, de danse rituelle symbolisant le rapprochement magique qui doit s’opĂ©rer entre les deux natures divines opposĂ©es mais complĂ©mentaires.

Le dieu Neptune (ou PosĂ©idon, si on prĂ©fĂšre employer son nom original Grec) est figurĂ© plus grand que les deux personnages humains enfermĂ©s dans le matras : cela nous rappelle que l’union alchimique entre partenaires prĂ©destinĂ©s ne peut se rĂ©aliser sans l’intervention (et sous une forme effective, tangible) de la grĂące divine. Le dieu porte trident, symbole que l’on retrouve dans toutes les formes traditionnelles de tantrisme (qu’elles soient orientales ou occidentales) ; le trident, cet attribut de PosĂ©idon, dieu des Atlantes ; or il semble, bien que le berceau de la voie tantrique soit Ă  retrouver dans l’ancien continent atlantique.

La prĂ©sence du couple Ă  l’intĂ©rieur de l’oeuf philosophique fait songer Ă  ces tableaux de JĂ©rĂŽme BOSCH (qui avait reçu la plus haute initiation de la sociĂ©tĂ© secrĂšte gnostique des FrĂšres du Libre-Esprit) ou deux amants (des Ă©poux tantriques en fait) Ă©chappent aux apparences sensibles, enclos dans une sorte de bulle transparente.

Les deux personnages qui tiennent le matras ne sont autres, Ă  nouveau, que l’alchimiste et sa compagne – mais parvenus cette fois au succĂšs total : ils ont dĂ©sormais accompli les noces chimiques, et peuvent donc devenir des ĂȘtres libĂ©rĂ©s (ce que symbolisent Ă  merveille les ailes dont le dessinateur a dotĂ© ses deux personnages). Dans le tantrisme hindou (mais, dans ses diverses formes, la voie tantrique observe des traditions tout Ă  fait semblables seules les formes, les dĂ©tails extĂ©rieurs peuvent varier), le port par une prĂȘtresse du sari dorĂ© rĂ©vĂšle que celle-ci a cĂ©lĂ©brĂ© la phase ultime de la danse sacrĂ©e, quand se rĂ©alise la communion humaine totale en la LumiĂšre divine ; la couleur des vĂȘtements figurĂ©s sur les deux personnages de la planche Ă©tant sans doute de cette nuance-lĂ .

Le Mutus Liber : Planche 2
Le Mutus Liber – Planche 2

On remarquera que les deux personnages, au moment de leur triomphe, semblent porter des vĂȘtements identiques : du point de vue symbolisme traditionnel, cela serait certes normal, le rĂ©alisation des noces chimiques ayant pour effet de concrĂ©tiser l’engagement du couple alchimique sur le chemin de la reconquĂȘte. effective de l’androgynat primordial, sur tous les plans.

Au-dessus des deux personnages infĂ©rieurs, nous voyons des rideaux qui s’ouvrent. Cela nous laisse trĂšs clairement supposer que les opĂ©rations alchimiques ne se rĂ©alisent pas du tout seulement sur le plan des apparences sensibles, mais Ă  un autre niveau : au moment, prĂ©cisĂ©ment oĂč ils effectueront le geste spĂ©cial, le moudra figure sur la figure (aprĂšs qu’ils auront prononcĂ© la formule vibratoire Ă  laquelle il correspond), l’alchimiste et sa compagne verront leur imagination magique s’éveiller les transportant (leur conscience mourant au plan physique) sur les eaux. supĂ©rieures.

Tout un haut de la figure, nous voyons un Soleil radieux (avant, alternativement, neuf rayons rectilignes et neuf rayons sinueux), qui trĂŽne au-delĂ  des nuages les plus Ă©pais. C’est la LumiĂšre divine dans son plein Ă©panouissement.

(1) On remarquera, dans la cĂ©lĂšbre tapisserie hermĂ©tique de la Dame Ă  la Licorne que la jeune fille a changĂ© de vĂȘtements d’une scĂšne Ă  l’autre.

Lire Ă  planche 3.

Retour Ă  la planche 1.

Plus sur le sujet :

Le Mutus Liber – Planche 2, Serge Hutin, Extrait de Commentaires sur le Mutus Liber, Ă©ditions Le Lien, 1966.

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