La Tour de Babel

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La Tour de Babel par Guizel.

Lecture de la GĂ©nĂšse 11 ( 1;9)

« Or, en Ă©migrant de l’Orient, les hommes avaient trouvĂ© une vallĂ©e dans le pays de Sennaar, et s’y Ă©taient arrĂȘtĂ©s… Ils dirent :

Allons, bĂątissons- nous une ville, et une tour dont le sommet atteigne le ciel ; faisons- nous un Ă©tablissement durable, pour ne pas nous disperser sur toute la face de la terre. Â»

La Tour de Babel
La Tour de Babel

Un peuple de nomades a voulu s’installer dans la plaine de Sennaar (entre le Tibre et l’Euphrate, oĂč l’on situe Babylone). En avaient-ils assez de l’errance ? Ont-ils trouvĂ© l’endroit suffisamment fertile Ă  leur goĂ»t ?

Ils recherchent « un Ă©tablissement durable » : dĂ©sir de se poser, de marquer le temps par les signes tracĂ©s de leur prĂ©sence et de leur vie : « bĂątissons-nous une ville ». Cela peut rappeler l’importance de la marque, du sceau, du tracĂ© de l’homme dans l’espace qu’il investit (cf. Les thĂšses de MircĂ©a Eliade) : tracĂ© de valeur matĂ©rielle et humaine de la terre dont l’homme prend possession et Ă  laquelle il confĂšre une image personnelle et une Ăąme. La sienne. Au besoin, il y Ă©rige des Ă©lĂ©ments particuliers de dĂ©cor qui seront porteurs d’une fonction sacrĂ©e voire magique (comme c’est le cas du dĂ©pĂŽt de rochers ou cailloux qui dĂ©terminaient la frontiĂšre symbolique invisible que les « étrangers » ne devaient pas franchir, dans certaines peuplades primitives d’Afrique, par exemple.)

Autre Ă©lĂ©ment intĂ©ressant : le choix d’un arbre sacrĂ©, un rocher en hauteur (le menhir, chez les Celtes) ou quand ils ont Ă©tĂ© en mesure de la fabriquer, le totem dans certaines civilisations, objet de la nature ou crĂ©Ă© qui reprĂ©sente un lien, un monde intermĂ©diaire entre la terre et le ciel, le visible et l’invisible, les vivants et les morts ou… les hommes et Dieu.

DĂ©sir de garder le contact, le « cordon ombilical Â» de l’enfant avec le PĂšre ?

« Une tour dont le sommet atteigne le ciel… »

La tour de Babel : en hébreu

Śž Ś’ Ś“ Śœ -Ś‘ Ś‘ Śœ

Śž Ś’ Ś“ ce qui est prĂ©cieux, noble, le meilleur

Śž Ś’ Ś“ ( Ś• ) Śœ

(Sam 22.51 : « grand Â»

Śž Ś’ Ś“ Śœ cf : Prov 18.10 : « Le nom de l’Éternel est une forte tour »

(citadelle)

Ś’ Ś“ manne, fortune, bonheur

Ś“ Śœ porte- lĂšvre / autre sens : pauvre, maigre

Ś“ Śœ Ś’ sauter- franchir

Ś“ Śœ Ś” tirer en haut- puiser de l’eau

(voir : Prov 20.5 « Le conseil est dans le coeur de l’homme comme une eau profonde, mais l’homme intelligent l’en tirera, l’y puisera. »)

Ś‘ Śœ rien, point… /

Śœ Ś‘ coeur : (cf: Dan 6.15 « Il prit Ă  coeur, dirigea son esprit… »)

Ś“ Śœ naissance

Ś“ Ś’ Śš blĂ©

Ś’ Śž Śœ faire du bien ou du mal

Ś’ Śž Śœ sevrer un enfant ; mĂ»rir ( Nomb. 17.23)

Si l’on cherche le cheminement symbolique dans la reconstruction de sens, on peut avoir l’hypothĂšse suivante :

AprĂšs la naissance, l’enfant doit ĂȘtre sevrĂ© ; tout en le nourrissant de blĂ©, on lui apprend Ă  discerner entre le bien et le mal.

Pour qu’il ne soit pas pauvre et se retrouve sans rien, il doit apprendre dans sa maturitĂ© Ă  diriger son esprit vers les hauteurs de la tour de l’Éternel, tout en puisant dans son coeur l’eau qui le rendra meilleur. Devenu noble et prĂ©cieux, il pourra franchir la porte du bonheur.

Si nous revenons au texte initial : « Ă©tablissement “durable” » : Ă©voque la rĂ©sistance au temps par rapport Ă  la prĂ©caritĂ©, l’Ă©dification de la ville et de la tour , liĂ©e Ă  la main de l’homme sur la pierre, empreinte de son action, de son savoir-faire, de son gĂ©nie.

« … une tour dont le sommet atteigne le ciel » : la tour symbole de l’Ă©lĂ©vation dans l’espace, mais aussi de noblesse et de gloire ; mais une noblesse ici que l’homme s’arroge lui- mĂȘme. Un discours qu’il tient Ă  ses semblables comme il lance un dĂ©fi, un exploit, un concours… entre eux et… pour eux : (bĂątissons- « nous » ; faisons-« nous »)

En suivant le texte hébreu de la bible mot par mot et groupes de lettres :

Ś• Śž Ś’ Ś“ Śœ ( voir aussi Ś• Śš Ś Ś© Ś•)

Ś© Śž Ś™ tĂȘte – peuple ; source- ses descendants

Ś™ Ś fonder, Ă©tablir

Śą Ś© Ś” faire- agir- travailler ; crĂ©er- produire

( Ś› Ś• ( Ś refuser- anĂ©antir ; s’opposer

Ś© Ś en cet endroit

Ś€ Śš ce qu’on veut Ă©viter (GĂ©n 11.4 : « de peur que nous nous dispersions Â»)

Ś  Ś€ Ś„ briser- disperser- Ă©craser

Śą Śœ Celui qui est Ă©levĂ© ; le TrĂšs Haut

Ś› Śœ tout ; terre

Alors, la tour de Babel , un concours des hommes entre eux , lancĂ© comme un « jeu Â» ? :

« … Ă  celui qui, le premier atteindra le ciel ? … » et dont le prix serait d’ĂȘtre « Ă  la tĂȘte Â» du peuple ?

On dit qu’ils parlent « une mĂȘme langue » au dĂ©part. Mais, peut-ĂȘtre Ă©tait-ce une fausse unitĂ© car la diversitĂ© des peuples divisait dĂ©jĂ  les hommes (intĂ©ressant dĂ©veloppement historique dans La magie des chaldĂ©ens et les origines accadiennes de François Lenormant. 1874). Y avait-il besoin de « fĂ©dĂ©rer Â» les hommes et de leur donner un chef ?

Certes, on peut deviner de la provocation aussi dans le désir de braver la demande du TrÚs-Haut :

1) dĂ©cider de (re-)monter vers son royaume, dans une nostalgie du « Paradis perdu Â» dont l’homme se sent Ă©vincĂ©, rejetĂ©.

2) une « dĂ©sobĂ©issance » de l’ado. Ă  la demande du PĂšre : « croissez, multipliez et rĂ©pandez-vous sur toute la terre Â»

GroupĂ©s dans un mĂȘme esprit d’« opposition Â» les hommes construisent cette tour symbole de leur rĂ©bellion comme de leur ambition dĂ©mesurĂ©e…

D. « descendit sur la terre pour voir la ville et la tour. Il dit : « Voici un peuple uni, tous ayant une mĂȘme langue ; c’est ainsi qu’ils ont pu commencer leur entreprise…” ».

D. savait sans doute qu’en rĂ©alitĂ© il s’agissait lĂ  d’une fausse union, et non dans le but d’Ă©lĂ©vation qu’Il envisageait pour l’homme ; car pour atteindre les Hauteurs CĂ©lestes, il faut bien autre chose que des briques et l’acharnement humain…

« …Confondant leurs langages, le Seigneur les dispersa... ».

Notons : « Bab-El » Ś‘ Ś‘ Śœ Il est remarquable que l’on doive passer par les deux portes de la « Maison Â» avant d’atteindre El le ciel.

Mais si l’on Ă©choue, on tombe dans « BĂąlal Â» : la confusion.

C’est en regardant une photo aĂ©rienne du site estimĂ© de la fameuse tour de Babel (nĂ©gatif imprimĂ© dans le sol Ă  une quinzaine de mĂštres de profondeur au sud de l’Irak actuel datant de 1750 av. J.C nommĂ©e E-TĂ©mĂ©nanki : « maison du Fondement du Ciel et de la Terre »)…

… que j’ai pensĂ© Ă  « imaginer Â» le symbole de la tour en nĂ©gatif :

Et si le mythe de la tour Ă©tait celui de la Tour « renversĂ©e Â» : les hommes ont rĂ©ussi Ă  « franchir la premiĂšre porte Â», celle du monde « visible Â» : en montrant qu’ils pouvaient s’unir concrĂštement et matĂ©riellement dans un but commun et au-delĂ  des disparitĂ©s, mais la deuxiĂšme porte, la porte spirituelle, elle, est beaucoup plus haute et difficile Ă  atteindre: il faudra une autre tour, celle du monde invisible) et pour l’Ă©difier ce sont les valeurs de l’esprit (la spiritualitĂ©, l’Ă©lĂ©vation de l’Ăąme) et celle du coeur (la noblesse et l’amour) qui permettront aux peuples, et aux hommes de ne parler qu’une seule langue celle de l’UnitĂ© vraie.

Plus sur le sujet :

La Tour de Babel par Guizel.

Illustration : Pieter Bruegel the Elder [Public domain], via Wikimedia Commons

(voir aussi site col.fr dans les Commentaires de la Parasha Noah du 12 octobre 2002 d’Alain Goldmann).

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