La Magie juive et la Kabbale (première partie) par Spartakus FreeMann.
Introduction
La question qui revient souvent lorsque l’on parle de Kabbale est : « D’accord, c’est bien, mais comment on fait de la magie avec elle, car la Kabbale c’est magique, non ? » La réponse à cette question – si on ne veut pas agresser celui qui la pose – est difficile. La troupe des occultistes du 19e siècle n’aide certes pas à clarifier les choses, les doctrines new-age & autres bouillies conceptuelles de l’éso-marchandise contemporaine non plus. Pour les non-initiés (je veux seulement dire ceux qui n’ont pas encore pénétré l’univers de la Kabbale), la Kabbale se résume à des formules, des secrets magiques, des tours de passe-passe extraordinaires, et si l’on refuse d’admettre ce fait c’est que l’on cherche, bien sûr, à cacher aux « profanes » l’infinie puissance offerte par le corpus de grimoires kabbalistiques. Mon oeil ! Si l’on me permet ce jeu de mots. Et la contre-attaque passe immédiatement par une liste d’auteurs « fameux » : Lévi, de Guaita, Ambelain, Haziel (misère)…
Il est certain que la Kabbale est multiforme, elle n’est pas, comme on peut s’en rendre compte en lisant l’Introduction de Mathers à la Kabbalah Denudata, uniforme et identique à elle-même selon les différentes écoles de kabbalistes. Nous avons donc, une Kabbale pratique, Kabbalah Ma’asith, que l’on peut associer – mais pas exclusivement – à la Kabbale Magique.
Nous allons donc essayer de remettre tant que faire se peut la Kabbale au milieu du jardin et pour cela il nous faudra d’abord passer par la Magie juive qui ne peut qu’être une des sources de la Kabbale magique. Nous essayerons ensuite de décrire la présence de la magie dans la Bible et la vision que pouvait en avoir le peuple d’Israël. Cela nous conduira à examiner le Midrash (recueil de légendes) et le Talmud avant de terminer par une tentative de description de la Kabbale Pratique par rapport à la Magie juive.
1- La Magie Juive
Le corpus de textes magiques juifs ne cesse de s’accroître grâce aux découvertes archéologiques modernes et plus particulièrement grâce aux découvertes effectuées au sein des Manuscrits de la Mer Morte. On peut citer ainsi le fragment 4Q186 qui est un texte hébreu sur la physiognomonie et l’astrologie ; le fragment 4QMess qui est sans doute un passage du « Livre de Noé » qui se réfère à la physiognomonie et à la Merkhavah ; le 4Q318 qui est un texte araméen portant sur certaines mancies basées sur les orages ; le 4Q511-12, le Chant des Sages qui protège contre les démons ; le 4Q560 qui est un fragment araméen d’incantations apotropaïques et quelques exorcismes dans 11QPsaumes.
Nous retrouvons également les bols incantatoires araméens – qui datent du 6e ou 7e siècle – découverts en Irak et en Iran qui sont gravés de sorts et d’incantations protégeant contre les démons et autres nuisances. Datant de la même période, nous pouvons encore trouver des amulettes en métal découvertes en Syrie et en Palestine. Ces amulettes ont pour but de protéger contre les démons par les incantations et exorcismes dont elles sont gravées.
On peut encore trouver d’autres matériaux magiques dans la Géniza du Caire (voir à ce sujet les travaux de Naveh et Shaked). On y retrouve des amulettes, des incantations, et de petits ouvrages contenant des sorts pour une grande variété d’événements. Les amulettes sont des inscriptions sur parchemin, papier ou sur du métal qui sont portées par des individus ou suspendues dans des maisons afin de se protéger contre le mauvais oeil ou contre les démons. La loi juive est assez ambivalente à leur sujet même si le Talmud autorise certains types d’amulettes dans certaines situations bien précises, des autorités comme Maïmonides leur étaient opposées. Les inscriptions sur les amulettes sont généralement des passages de la Torah (Bible) ou des lettres et des formules codées investies d’une puissance mystique et magique particulière. Des dessins et des personnages sont souvent représentés sur les amulettes, mais leur fonction semble être plutôt décorative.
L’amulette ci-dessus est censée éloigner et protéger du mauvais oeil et de la mauvaise fortune.
Cette amulette devait être accrochée dans une maison, ce type de kaméot était très répandu dans la communauté juive même si cette pratique était souvent combattue par les rabbins. Cette amulette porte les noms des anges Michaël, Gabriel, Raphaël et Uriel dans chaque coin et des prières afin de protéger des dangers et des mauvais sorts. Elle contient également une prière pour la protection de l’amour et des amants adressée à l’ange Ahaviel (« Dieu mon bien-aimé »).
Les amulettes juives, comme la plupart des amulettes sémitiques, utilisent principalement des mots et des noms divins ou angéliques qui agissent en tant que mots de pouvoir. Comme nous l’avons déjà dit, l’utilisation des amulettes est un point de désaccord au sein de la communauté juive.
« Si un scribe ou un non-juif offre d’écrire une amulette pour vous… Vous ne pouvez la porter durant la semaine, car, en la portant, vous montrez que vous croyez en ce non-sens… En outre, une personne qui porte une amulette est comme un homme qui demande une faveur à son Seigneur; lorsque le seigneur la refuse, il pense alors que celui-ci ne peut accomplir ses souhaits, et il pense qu’il peut donner son allégeance à un autre seigneur » – Rabbi Judah heHasid dans son Sefer Hassidim.
Ce passage semble donc indiquer que Rabbi Judah qu’un véritable rabbi ou kabbaliste ne fabriquerait jamais d’amulette, mais que celles-ci sont le fait de scribes ou de gentils (non juifs). Toutefois, Rabbi Judah acceptait l’utilisation des Noms Divins pour des oeuvres miraculeuses :
« On demanda à un Rabbi : un homme qui a la connaissance des mystères inhérents au Nom de Dieu, et qui avec cette connaissance est capable de détruire les ennemis du peuple juif… est-il autorisé à utiliser ce pouvoir mystique ? Le Rabbi répondit : il peut tuer l’ennemi uniquement s’il sait avec certitude qu’aucun des descendants de cet ennemi ne sera jamais un homme juste » (Sefer Hassidim).
L’utilisation et la diffusion d’amulette par le messie Sabbataï Sevi (1626-1676) fit un scandale parmi la communauté juive de cette époque et porta un coup à leur utilisation. Le modernisme et l’instruction croissante diminuèrent encore la propagation des amulettes bien que leur utilisation perdurera jusqu’au 20e siècle.
On trouve les grands traités manuscrits comme le Sefer haRazim (Le Livre des Mystères), le Harba deMoshe (L’Épée de Moïse) et le Havdala de Rabbi Akkiba.
On peut encore citer le Baraita deMazzalot (Baraita des Constellations) qui est un traité astrologique influencé sans doute par l’astrologie hellénique mais fortement, selon le Sefer Raziel, teinté de cosmogonie hébraïque. On peut également citer dans le cadre de la mystique théurgique les traités de la littérature des Hekhaloth (Palais) et de la Merkhavah (du Char) qui contiennent des instructions sur les moyens d’accéder aux sept palais célestes et d’y observer le Trône de Dieu.
Comme nous le voyons, la littérature pré-kabbalistique est abondante et elle influencera d’ailleurs (surtout en ce qui concerne la Merkhavah et les Hekhaloth) les mystiques de la Kabbale. Mais, il ne s’agit pas encore d’une Kabbale pratique et donc magique, mais de magie populaire juive influencée souvent par l’environnement (Babylone, l’Égypte) ou par la culture hellène.
2- La Magie juive dans l’Ancien Testament et les pseudépigraphes
Nous parlerons ici particulièrement de la Prière de Jacob (PGM XXIIb, 1-26) qui est une ancienne incantation du patriarche Jacob envers Dieu et demandant la sagesse. Bien que ce texte fasse partie d’une collection de papyri grecs, il est sans conteste juif puisqu’il s’adresse à « ceux de la race d’Israël » (ligne 14). Ce texte est déjà une anticipation de la littérature des Hekhaloth par son intention d’appeler des anges de manière péremptoire afin d’obtenir des bénéfices terrestres tels la sagesse ou la puissance théurgique. Tout comme dans Enoch, l’incantateur s’attend à une forme de déification par cette opération et l’on peut y voir une forme d’influence égyptienne, comme dans le texte funéraire des Pyramides.
Parmi les textes grecs des papyri magiques et qui se rattachent au judaïsme on peut encore citer le « charme de Salomon » et des variantes des « Huit Livres de Moïse » ainsi que du « Dixième Livre Occulte de Moïse » mais dont le contenu est indubitablement païen.
3- La Magie juive selon le Talmud et le Midrash
Plus d’une fois, nous pouvons lire dans la littérature talmudique que les sages de la Mishnah et du Talmud pratiquaient la magie. Dans les anciens temps, aucune distinction n’était faite entre la vie religieuse et la magie, mais la magie était alors une partie intégrante de la religion. En fait, la magie dont parle le Talmud se réfère à trois exorcismes pratiqués par des Rabbis. Il est à noter que contrairement à notre époque qui considère l’exorcisme comme une pratique magique, à l’époque talmudique, celui-ci était une pratique théurgique et thérapeutique. La maladie étant considérée comme causée par des esprits malins qui étaient entrés dans le corps des malades.
La magie juive et le Rabbi Hanina Dosa
Voici ce qui est raconté sur Rabbi Dosa qui vécut au premier siècle de notre ère : « Une fois Rabbi Hanina ben Dosa s’immergea dans l’eau d’une grotte. Les Kuthim (Samaritains) vinrent et placèrent un rocher à l’entrée de la grotte. Les esprits vinrent et l’enlevèrent. Par la suite, un esprit maléfique hanta la pauvre femme d’un voisin de Rabbi Hanina. Ses étudiants lui dirent : Rabbi, vois combien cette pauvre femme souffre de l’esprit malin. Rabbi Hanina s’adressa à l’esprit : pourquoi causes-tu du tort à la fille d’Abraham ? L’esprit répondit : n’es-tu pas celui qui descendit dans une grotte, etc. jusqu’à ce que je vienne avec mes frères et la maison de mon père pour ôter le rocher. Voilà comment tu me rétribues pour mes faveurs ? Il lui répondit : je décrète que… »
En dépit du caractère abrégé de cette histoire, il est probable qu’elle s’est terminée par un ordre donné par Rabbi Hanina à l’esprit de quitter la pauvre femme, même si cet esprit l’avait aidé précédemment. Il doit être noté que cette histoire n’est pas connue du Talmud, mais d’écrits Askénazes du XII° siècle. On peut noter que ce texte a subi la censure talmudique par son caractère abrégé justement du fait de son essence magique. Le Talmud de Jérusalem et de nombreuses sources midrashiques n’ont pas été conservés intacts comme c’est le cas pour ce texte.
Tardivement, il a été souligné que les mots de Rabbi Hanina à l’esprit « Pourquoi causes-tu des torts à la fille d’Abraham ? » sont d’un contenu similaire aux mots que Jésus utilisa pour soigner une femme le jour de Shabbat (Luc 13, 16) où les deux incidents se réfèrent à la « fille d’Abraham ». Ce parallélisme renforce la conjecture que ce texte, connu d’une source plus ancienne, est authentique.
Rabbi Hanina était connu pour soigner les malades par des prières. Il a vécu pendant une semaine en méditation sans nourriture, des anges lui apparurent sous formes humaines, il nia qu’il était un prophète et en conséquence de sa prière la pluie s’arrêta puis par une seconde prière elle recommença. On lui prête également d’autres miracles, un serpent qui le mordit en mourut, etc.
La Gemara dans Pesarim 112 cite une histoire assez similaire : « Nous avons appris : on ne doit pas sortir seul la nuit de la quatrième ou de la septième année, car l’esprit d’Agrath, fille de Mahlath, elle et 180 000 anges de la destruction sortent et chacun à la permission de détruire. Originellement ils étaient présents à tout moment. Une fois elle rencontra Rabbi Hanina. Elle dit : s’ils ne t’avaient annoncé dans les Cieux « Faites attention à Rabbi Hanina et à ses enseignements » je t’aurais agressé ! Il dit : si tu as un statut dans les Cieux, je décrète que tu ne passeras pas parmi les zones peuplées à jamais ! Elle dit : avec ta permission, laisse-moi une ouverture. Il lui accorda les nuits de la quatrième et de la septième année ».
Voici le dialogue entre Rabbi Hanina et la reine des esprits dans lequel on peut lire que Rabbi Hanina possédait le pouvoir de commander aux esprits et que la formulation est très proche de celle de notre première histoire.
La magie juive & le Rabbi Simon bar Yochaï
L’une de plus extraordinaires histoires d’exorcisme dans la littérature talmudique est attribuée à Rabbi Simeon bar Yochaï qui vécu au II° siècle de notre ère. Cette histoire est connue sous deux versions : une du Talmud, traité Meila 17a-b et l’autre d’un ensemble de Midrashim « Beth ha-Midrash » publié par Jellinek.
Meila 17 a-b : « Une fois que le royaume (du mal) a eu émis le décret de ne pas observer le Shabbat, de ne pas circoncire les fils et d’avoir des relations avec des femmes en menstruation… Ils dirent : qui viendra abroger ces décrets ? Que Rabbi Simeon vienne puisqu’il opère des miracles… Il fut salué par Ben Tamalyon : veux-tu que je vienne avec toi ? Rabbi Simeon dit : comment se fait-il que le serviteur de la maison d’Abraham eût la visite par trois fois d’un ange alors que moi pas une seule ? Que le miracle s’accomplisse par n’importe quel moyen. Le premier vers lequel il se rendit fut la fille de l’empereur. Lorsqu’il arriva, il dit : Tamalyon pars ! Ben Tamalyon pars ! Et alors il partit. Rabbi Simeon trouva les documents et il les emporta. »
Beth ha-Midrash : « Les rabbis enseignèrent : le royaume du Mal émit trois décrets sur Israël aux jours de Rabbi Simeon… S’il y a parmi vous une personne qui connaît les miracles, qu’il vienne abroger ces documents. Les Sages posèrent leurs yeux sur Rabbi Simeon… À cette époque, Rabbi Simeon regardait le mât d’un navire et il vit un esprit. Il lui dit : que fais-tu là ? Elle répondit : je suis venue afin de faire des miracles pour toi. Immédiatement Rabbi Simeon dit : Seigneur de l’univers, pour Hagar l’Égyptienne tu as donné cinq anges, et pour moi un esprit ? Elle dit : dis-moi, que t’importe, aussi longtemps que le miracle a lieu pour toi, et que veux-tu ? Il dit : quel miracle peux-tu réaliser pour moi ? Elle dit : j’entrerai dans l’estomac de la fille du roi et elle criera « amenez-moi Rabbi Simeon ». Tu viendras et lui murmureras à l’oreille et je la laisserai. Il dit : quel signe aurais-je lorsque tu la quitteras ? Elle dit : à ce moment tous les verres se briseront. Il dit : va faire ce que tu dis. Elle alla et entra en elle, et elle criait : « amenez-moi Rabbi Simeon ». Ils envoyèrent des homes le chercher en Palestine. Elle dit : il est devant vous dans ce navire. Ils vinrent et le trouvèrent et le menèrent au roi. Il dit : tu es Rabbi Simeon ? Il dit : Oui. Et tu soigneras ma fille ? Il dit : Oui. Et que vas-tu lui faire ? Il dit : Je murmurerai à ses oreilles et elle sera soignée. Il ajouta tout de suite : à ce moment, les verres se briseront dans votre palais. À ce moment, Rabbi Simeon murmura aux oreilles et elle fut sauvée et l’esprit sortit et brisa tous les verres du palais. Il lui dit : que veux-tu que je te donne ? Il dit : je demande seulement que vous abrogiez les décrets contre les juifs. Le roi ordonna directement l’abrogation des documents et écrivit d’autres documents. Ils se rendirent en Palestine et les décrets furent abrogés ».
Nous ne reviendrons pas sur la personnalité de Rabbi Simeon bar Yochaï, thaumaturge, théurge, kabbaliste, savant de la Torah. Mais, cette histoire nous montre son pouvoir d’exorciste et ses dons en magie. Rabbi Simeon est central dans la Mishan et l’on peut dire que l’exorcisme pratiqué par cet homme pieux et savant est important pour bien comprendre le rôle des pratiques magiques permises aux sages pour le bien d’Israël.
Nous sommes alors loin des interdits posés par la Torah contre les magiciens. Ici, Rabbi Simeon fait l’œuvre de Dieu au travers de l’exorcisme, il ne le fait pas pour son bénéfice personnel ou pour la gloire mais pour le salut de son peuple et de son Dieu. Là est la différence entre le théurge et le magicien egotique.
La magie juive et le Rabbi Yossi Man de Zeitur.
Voici à présent une histoire d’un esprit maléfique exorcisé en Palestine au IV° siècle de notre ère. Cette histoire est connue dans deux versions principales : en araméen et en hébreu et elle apparaît dans six livres différents.
Tanhuma Buber : « Rabbi Berachya dit : un accident dans notre village a impliqué un esprit femelle qui s’est établi dans l’eau. Vint ensuite un esprit mâle afin de se marier avec elle. Un homme pieux nommé Rabbi Yossi Man de Zeitur était là. L’esprit se révéla à lui et lui dit : Rabbi, je suis ici depuis de nombreuses années et je n’ai jamais fait de mal à quiconque à midi et à minuit et maintenant l’esprit mâle est venu et il cherche à me rejeter et à faire du mal aux gens. Il dit : que devons-nous faire ? Elle dit : prends ton bâton et attaque-le à midi et crie notre victoire ! Et il partira. Ils firent cela et le chassèrent de là. Ils dirent : ils ne partirent point de là jusqu’à ce qu’ils virent une tache de sang sur la surface des eaux. »
Dans Pesachim 112p-1 on cite deux baraitot : « Les Rabbis enseignèrent : on ne doit pas boire de l’eau des rivières ou des lacs durant la nuit. Et si on en boit, on risque sa vie à cause du danger. Quel danger ? Le danger des démons ».
Il semble donc bien que les juifs croyaient en l’existence de démons résidants dans les eaux de leurs rivières et qu’ils faisaient appel aux Rabbis pour les chasser. Cela nous renseigne donc sur le fait que ce type d’exorcisme pratiqué par des docteurs du Talmud et de la Torah était licite et répondait à des besoins réels de la population juive.
Selon la tradition, il y a ainsi des esprits des eaux, habituellement femelles, qui hantent les rivières de la Palestine. Ce qui explique le récit de l’exorcisme d’une rivière par le Rabbi Yossi Man de Zeitur qui ne doit pas être une exception parmi les sages du Talmud et de la Mishna.
Par ce que nous venons d’exposer, nous pouvons à présent mieux comprendre la place d’une certaine magie « officielle » au sein du mouvement religieux juif. Les exorcismes étaient licites, car ils répondaient à un besoin et de plus ils étaient pratiqués non pour la gloire personnelle des Rabbis ou pour leurs bénéfices personnels, mais afin d’aider leur peuple ou de participer à la gloire d’Israël. Ces exorcismes se rapprochent plus d’ailleurs de miracles dans le sens de ceux offerts par Moïse devant la cour de Pharaon que de la magie cultuelle.
Les exorcistes n’étaient pas de simples magiciens, mais des sages de la Torah, du Talmud et de la Mishna, des hommes révérés pour leur sagesse, leur savoir et leurs qualités morales. Ces Rabbis étaient en outre des thérapeutes qui soignaient par la prière, et donc par l’utilisation de forces surnaturelles.
La personnalité de Simeon Bar Yochaï nous indique la place importante des exorcismes dans la culture religieuse de cette époque. Car si les deux autres Rabbis dont nous avons parlé sont presque inconnus, ce n’est certes pas le cas de Rabbi Simeon connu pour ses œuvres kabbalistiques et pour sa profonde piété. Il n’est pas qu’un simple thérapeute ou un magicien, il est totalement un chef de la communauté d’Israël à son époque. Rabbi Simeon était aussi un chef politique ce qui nous prouve donc que la magie sous la forme d’exorcismes était licite. On ne pourrait, en effet, comprendre qu’un représentant illustre de la société et de la religion hébraïque contrevienne aux principes mêmes du judaïsme.
Le Talmud manifeste une certaine méfiance envers la magie tout en relatant certains épisodes – comme nous l’avons vu ci-dessus – qui peuvent se ranger du côté des miracles et de la magie. Dans Deutéronome 18, 10 et suivant, nous pouvons lire une liste des arts magiques pratiqués par les nations en dehors d’Israël et qui sont interdites aux Hébreux. Un sorcier, selon le Talmud, est un homme qui pratique la magie pure sans opérer d’illusions, il est coupable aux yeux de la Torah, alors que l’illusionniste ne viole aucune loi divine.
La divination est interdite, car elle est contraire à la Torah et aux desseins de Dieu.
Quelques extraits sur les démons selon Genèse Rabba.
« Les esprits des démons furent créés la veille du sixième jour, mais avant que leurs corps ne soient formés le Sabbath prit place, lorsque le repos fut proclamé, et leur formation ne fut pas terminée » – Genèse Rabba 7
« Après que Caïn eut tué Abel, Adam se sépara de sa femme pendant 130 ans, durant lesquels Adam émit des démons mâles et Eve des démons femelles » – Genèse Rabba 20
« Eve, comme mère de tout vivant, était aussi la mère des démons » – Genèse Rabba 20
« Quatre choses furent altérées de leur ancienne condition aux temps d’Enosh, le fils de Seth : les montagnes devinrent aussi dures que du silex, les corps morts des hommes commencèrent à se putréfier, ce qui n’était pas le cas auparavant, l’homme commença à ressembler au singe, et les démons commencèrent à acquérir de la puissance ou une domination sur l’homme, ce dont ils étaient privés avant que l’image de Dieu dans l’homme ne soit dégradée » – Genèse Rabba 23.
« D’Adam à Enosh l’homme avait une image de Dieu, ensuite l’homme forma l’image des démons » – Genèse Rabba 24.
« Noé prit les démons dans l’arche et préserva ainsi leurs espèces » – Genèse Rabba 31.
« Un démon nommé Shamdon vint avec Noé afin de planter les vignes et fit un pacte avec lui de ne jamais interférer de quelque manière que ce soit dans son travail, ou il lui infligerait des blessures » – Genèse Rabba 36.
« Des démons sont aussi connus comme des « chevelus », comme le prophète les décrit (Isaïe 13) » – Genèse Rabba 65.
« Arginutin est le nom du démon qui avait la domination sur les lieux de baignade » – Genèse Rabba 63.
« Les démons offrirent leurs services au Roi Salomon lors de l’érection du Temple » – Genèse Rabba 1.
Les références dans le Talmud.
La Magie juive et la Kabbale par Spartakus FreeMann.
Quelques articles pour aller plus loin :
- Lilith au sein du mysticisme juif ;
- Metatron 1 ;
- Comment tirer les lettres hébraïques ;
- Une utilisation magique des Psaumes ;
- Une brève introduction à l’astrologie kabbalistique ;
- Moïse Zacuto et son Shorsheï ha-Shemoth ;
- La Kabbale des rêves ;
- Les Noms magiques Abrasax, Abracadabra et Abrahadabra ;
- Sepher Ha Bahir ;
- Les amulettes arabes ;
- Al Sîmîya : La Magie des Lettres Arabes ;
- Kabbale et Hermétisme.
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