Nicolas Flamel n’aurait donc que très peu copié lui-même, sans doute trop absorbé par ses travaux chimiques, et par l’emploi du numéraire qu’il en retirait, suivant la sage mesure d’une production limitée à la seule fortune bourgeoisement possible et en rapport, non moins obligé, avec la discipline traditionnelle des frères en Hermès. A cette époque, de même qu’à la notre, il n’était pas bon de paraître trop fortuné, comme on en jugera par ce qu’il advint au charitable écrivain, quand la caisse royale se trouva en pressant besoin d’argent :
« Aussi vint‑elle (sa richesse) aux oreilles du Roy, qui envoya chez luy Monsieur de Cramoisy, Me des Requestes, pour sçavoir si ce qu’on luy en avoit raconté estoit veritable ; mais il le trouva dans l’humilité, se servant mesme de vaisselle de terre. Mais pourtant on sçait par tradition, que Flamel se declara a luy, l’ayant trouvé honneste homme, & luy donna un matras plein de sa poudre, qu’on dit avoir esté conservé long‑temps dans cette famille, qui l’obligea a garantir Flamel des recherches du Roy » [48].
Il nous est arrivé de nous appliquer, autant par nécessité que, nous l’avouons volontiers, par amour, à l’art des écrivains du Moyen Age, à nous plier à leurs règles, à rechercher leurs procédés et à percer leurs secrets, dans le but de nous approcher le plus possible de la perfection à laquelle ils élevèrent leur noble métier. A qui voudrait goûter les intimes délices de l’exercice du copiste, si naïvement senties par Jean‑Jacques Rousseau, nous recommandons ici l’inappréciable compilation de Jean Le Bègue, laquelle fut le fruit, vers 1410, de ses enquêtes et de ses investigations jusqu’en Italie [49].Voilà pourquoi, en tout cas, nous sommes à portée de supputer assez justement le temps que pouvait réclamer l’exécution d’un manuscrit enluminé, du vivant de Flamel, quand la calligraphie et l’ornementation des livres étaient poussées à un degré d’excellence et de luxe inouï. Du Cange ne rapporte‑t‑il pas (vide ejus Glossarium in voce illminatio) que, trois siècles plus tôt, l’année de l’Incarnation du Seigneur 1097,- annus ab Incarn. Domini MXCVII- deux volumes furent terminés, pour lesquels il avait fallu quatre ans de travail sans discontinuité et pourtant avec minutie -continuatim et tamen morosius.
Les deux petites échoppes que possédaient Nicolas Flamel et Pérennelle, « de leur acquisition et propre conquest » sur le côté nord de l’église Saint-Jacques‑de‑la‑Boucherie, tout près du petit portail bâti et décoré par eux, n’avaient ensemble, d’après Sauval, que « cinq pieds de long et deux de lez » [50], Il est difficile de concevoir que, dans un espace aussi exigu, générateur d’extrême incommodité, un écrivain, si habile et si peu exigeant qu’il se soit montré, ait pu exercer son art d’une manière à la fois abondante et lucrative. Ces réduits pouvaient‑ils mieux abriter l’activité de Nicolas Flamel, même ramenée à l’office banal du comptable, lorsqu’il nous confie avec une ostentation aussi évidente que voulue :
« Je gaignois ma vie en nostre Art d’Escriture, faisant des Inventaires, dressant des comptes & arrestant les despenses des tuteurs et mineurs [51] »
Tout cela répond fort mal aux moyens financiers considérables de l’alchimiste qui, dans le « Ms de chimie d’Almazatus au Roy de Carmassant », cité par Borellus [52] , fait une déclaration les dévoilant sans retour.
Nous avons retrouvé cette copie certainement unique, que ni l’abbé Villain, ni l’infortuné Albert Poisson ne remarquèrent, de laquelle on doutait même qu’elle existât et qui, commençant au recto du folio 40, sous le titre : Via Flamelli sive Almasati – La Voie de Flamel ou d’Almasatus, termine le recueil au folio [53].
Le volume, qui est relié en demi‑parchemin, fut transcrit, au XVIe siècle, par plusieurs mains françaises, et, en 1598, il était la propriété de d’Hardencourt.
Donc, au recto de la page 43 et en français dans le texte latin, l’artiste de la rue des Marivaux parle du livre invraisemblable qui « n’estoit point en papier ou parchemin, comme sont les autres [54] ». et qu’il importe beaucoup de bien considérer, parce qu’il fut, évidemment, l’inépuisable source de richesses abondantes :
« Lequel livret, par la grande grâce de Dieu, m’a donné tant de biens, que j’ay acquis la Seigneurye de six parroisses autour Paris, sans reproche a Dieu. Car en luy est la louange, non pas a moy. Et tant en ay fait qu’en mon testament j’ay laissé en piteuses aulmosnes plus de quatre mil escus d’or. » (Bibl. Nat., fonds latin, n° 14 013).
Envisageant ce livre fermé comme le symbole de la première matière « dont se servent les alchimistes et qu’ils emportent au départ », l’auteur des Demeures Philosophales n’hésite pas à identifier, avec le sujet des sages, le livre enluminé que Nicolas Flamel acquit « pour la somme de deux florins ».
Certes, le prix était modeste, lors même que le florin d’or, des règnes de Charles V et de Charles VI, se montrait de fort bon aloi et correspondait, au moins, à la valeur marchande de 300 nouveaux francs actuels. En numismatique, le cours de cette pièce de monnaie est devenu, sous notre République, parfaitement inestimable.
Au demeurant, voici ce que Fulcanelli observe, au lumineux chapitre de L’Homme des Bois :
« Le fameux manuscrit d’Abraham le Juif, dont Flamel prend avec lui une copie des images, est un ouvrage de même ordre et de semblable qualité. » (Dem. Phil., tome I, p. 316).
* * *
Quoique Flamel, en excessive humilité, nous dise n’avoir « appris qu’un peu de latin, pour le peu de moyens, précise‑t‑il, de mes parens », il composa, dans la langue savante, la prière que tout fils de science aura grand avantage à méditer, sinon à prononcer, et que nous avons traduite à l’intention de tous :
Omnipotens, æterne Deus Pater cælestis luminis, a quo etiam omnia bona et perfecta dono proveniunt.
Tout‑Puissant, éternellement Dieu, Père de la céleste lumière, de qui viennent aussi tous les biens et tous les bons parfaits.
Rogamus infinitam tuam misericordiam, ut nos æternam tuam sapientiam quæ continuo circa tuum chronum est, et per quam omnia creata factaque, sunt atque etiamnum regentur et conservantur, recte agnoscere patiaris.
Nous implorons ton infinie miséricorde, afin que tu nous permettes de connaître parfaitement ton éternelle sagesse qui environne ton trône et par laquelle toutes les choses ont été créées et faites, et sont, à présent encore, conduites et conservées.
Mitte illam nobis de sancto tuo cælo, et ex throno tuæ gloriæ, ut una nobiscom sit, et simul laboret, quoniam magistra est omnium cælestium occultarumque artium, etiam omnia scit et intelligit.
Envoie‑nous la de ton ciel saint et du trône de ta gloire, afin qu’elle soit et travaille avec nous, puisqu’elle est la maîtresse de tous les arts célestes et occultes, et qu’elle sait et comprend toutes les choses.
Fac moderate nos comitetur in omnibus nostris operibus, ut per illius spiritum verum intellectum, infallibilemque processum nobilisimæ hujus Artis, hoc est, sapientum miraculosum lapidem, quem mundo occultasti, et saltim electis tuis revelare soles.
Fais lentement qu’elle nous accompagne dans toutes nos œuvres, afin que, par son esprit, nous obtenions la véritable intelligence, et la pratique infaillible de cet Art très noble, c’est-à‑dire, la pierre miraculeuse des sages, que tu as cachée au monde et, du moins, que tu as coutume de révéler à tes élus.
Certo, et sine ullo errore discamus, et ita summum opus, quod heic nobis peragendum est.
Que certainement et sans aucune erreur, nous apprenions l’Œuvre suprême qui, par nous, doit être ici, poursuivi sans relâche.
Primum recte et bene inchœmus, in eo, ejusdemque labore constanter progrediamur, et tandem etiam beate absolvamus, illoque æternum cum gaudio fruamur, per cælestem illum et ab æterno fundatum angularem miraculosumque lapidem.
Tout d’abord, que nous l’entreprenions convenablement et bien ; que nous progressions constamment dans ce travail : enfin que nous le terminions bienheureusement et en jouissions avec joie pour toujours, par cette pierre céleste et fondée de toute éternité, angulaire et miraculeuse.
Jesum Christum qui tecum, ô Deus pater, unacum spiritu sancto, verus Deus, in una indissolubili divina essentia, imperat et regnat.
Jésus‑Christ qui, avec toi, ô Dieu le Père, ensemble avec l’Esprit-Saint, véritable Dieu, dans une indissoluble et divine essence, commande et règne.
Triunicus Deus, summe laudatus in sempiterna secula. Amen.
Dieu triple en un, extrêmement loué dans les siècles sempiternels. Ainsi soit‑il [55].
Avec quelle ferveur, certainement, Nicolas Flamel et sa femme Pérennelle devaient réciter cette vibrante oraison !
L’idée qu’en eut sans doute, ainsi que nous-même, l’Adepte omniscient58 du Mutus Liber, le conduisit à figurer le couple sur les 2e, 8e et 11e planches de son bel album. On y voit le ménage philosophal, sous le vase du Grand Œuvre physique, lequel est transparent, luté à la lampe et montre ses phases internes.
L’homme et la femme sont agenouillés, encadrant l’athanor en pleine activité. Lui, se tient les mains jointes, dans le calme et la concentration ; elle, ouvre et tend les bras, dans le geste rituel de la projection fluidique.
C’est la lune qui rend, en abondance, ce que le soleil lui a dispensé.
Aucun artiste, ou amateur de science, ne pouvait inspirer, mieux que Flamel, en son androgynat et sa persévérance, l’impératif conseil dont Le Livre Muet souligne sa pénultième composition et que tout étudiant, ès sciences hermétiques, doit conserver à la mémoire et suivre avec fidélité :
ORA, LEGE, LEGE, RELEGE, LABORA ET INVENIES
Prie, lis, lis, relis, travaille et tu trouveras.
Plus sur le sujet :
Nicolas Flamel, étude historique, Eugène Canseliet.
Image par Barbara A Lane de Pixabay
Les Ouvrages suivants de Nicolas Flamel se trouvent en format .pdf sur ce site :
Le Livre des Figures Hiéroglyphiques
Notes
[1] Cf. Les Demeures philosophales, Paris Jean Schemit, 1930, p. 169 et suivantes. Tome I, p. 311 et suiv., de 1’édition parue chez Jean-Jacques Pauvert, à Paris, 1965. Ce deuxième ouvrage de Fulcanelli vient en suite logique du Mystère des Cathédrales dont il se montre, par surcroît, le développement abondant et précieux, dans le double domaine spirituel et physique du Grand Œuvre. Il apparaît plus actuel aujourd’hui qu’en l’année 1930, lorsqu’il sortit, à son tour, dans l’indifférence, quasi générale, à l’égard de l’alchimie dont il était la voix venue du fond des âges en même temps que la voie conservée par l’unanime tradition.
[2] Histoire critique de Nicolas Flamel et de Pernelle sa femme, recueillie d’Actes anciens qui justifient l’origine et la médiocrité de leur fortune contre les imputations des Alchimistes. On y a joint le Testament de Pernelle et plusieurs autres Pièces intéressantes. Paris, G. Desprez, 1761.
[3] Nicolas Flamel. Sa vie – ses fondations – ses œuvres. Suivi de la réimpression du Livre des Figures hiéroglyphiques et de la Lettre de dom Pernety à l’abbé Villain. Bibliothèque Chacornac, 1893, p. X.
[4] Lettre à M… sur celle de dom Pernety, Paris, 1762, in‑ 12.
[5] Frère Basile Valentin, de l’Ordre de Saint‑Benoit. Les douze clefs de la Philosophie, Traduction, Introduction, Notes et Explication des Images par Eugène Canseliet. Editions de Minuit, 1956 et 1969, p. 38.
[6] Nicolas Flamel, Op. Cit., in fine.
[7] Fréron (Elie‑Catherine). L’Année littéraire, 1762. tome III, Lettre, p. 24 à 35.
[8] Histoire littéraire de la congrégation de Saint‑Maur Paris, 1770, pp 690 et 691.
[9] Dans Trois traitez de la Philosophie Naturelle non encore imprimez, Paris, 1612 : Les Figures Hierogliphiques de Nicolas Flamel ainsi qu’il les a mises en la quatriesme arche qu’il a bastie au Cimetiere des lnnocens à Paris, entrant par la grande porte de la rue S.Denys, et prenant la main droite, avec l’explication d’icelles par iceluy Flamel. Pages 47 à 93, avec gravures sur bois dont une grande, en hors texte, qui se déplie.
[10] Histoire critique, op. cit., p. 5.
[11] Bibliothèque Nationale, ms français N° 12 298, p. 54.
[12] Bibl. Nat., ibidem, p. 147.
[13] Bibl. Nat., ms. fr. 12 299, p. 77.
[14] Sauval (Henri), Histoire et Recherches des Antiquitez de la ville de Paris, Paris, 1724, tome III, p. 57.
[15] Figures Hierogliphiques, dans Trois Traitez, op. cit., p. 48.
[16] Ibidem.
[17] Bibliotheca chimica seu Catalogus Librorum philosophicorum hermeticorum, authore Petro Borellio, Castrensi, medico doctore, Parisiis, 1654, p. 95.
[18] Fig. Hierogl., dans Trois Traitez, op. cit., p. 55.
[19] N° 111, mars 1929. Fidel Amy‑Sage est le pseudonyme, quelque peu naivement tarabiscoté, de Sage qui fut un assidu collaborateur du Voile d’lsis et qui est décédé depuis environ vingt années. Nous tenions ce renseignement de notre vieil ami Louis Marchand, qui, lui aussi, a regagné ce monde ignoré où le passé et l’avenir sont confondus et qu’il visitait en voyance, avec tant d’honnéteté, par le truche ment de l’astrologie. Vétéran de l’occultisme de la fin du siècle dernier et du début de celui‑ci, il connut très bien Robert Buchère, entre autres nombreux personnages, singuliers ou de réelle valeur, comme Jobert, le docteur Rozier, Sédir, Papus, Barlet, Paul Vulliaud, P‑V Piobb, etc. ; en somme, à peu près tous les personnages qui sont décrits par René Schwaeblé, dans son livre : Chez Satan.
[20] Histoire critique… Op. Cit., pp 5 et 31.
[21] Nous avons nous‑même contrôlé dans L’Art de vérifier les dates dont un exemplaire se trouve parmi les usuels à la Bibliothèque Nationale (casier H).
[22] Fig. Hierogliphiques, Op. Cit., p. 57.
[23] Hist. crit., Op. Cit., p. 31.
[24] Hist. critique, Op. Cit., p. 31.
[25] Porche avait, à cette époque, le sens d’hôtel, de logis séparé pour une réunion de personnes « domus pluribus membris distincta »… « en certain hostel ou Porche, où il avoit plusieurs louages en la rue de Saint‑Séverin à Paris ». Vide in Glossario Cangii, vocabulum Porchetus.
[26] Essai d’une Histoire de la Paroisse de Saint‑Jacques‑ de‑la‑Boucherie. Paris, 1758, page 305, en note.
[27] Restauré par Léon Vaudoyer, cet élégant édifice abrite, depuis 1880, la bibliothèque du Conservatoire des Arts et Métiers, ouverte au public.
[28] Le Mystère des Cathédrales, Paris, Jean Schemit, 1926, p. 97, et chez Jean‑Jacques Pauvert, 1964, p. 154 : « La Sainte‑Chapelle, chef‑d’œuvre de Pierre de Montereau merveilleuse châsse de pierre élevée, de 1245 à 1248, pour recevoir les reliques de la Passion, présentait aussi un ensemble alchimique fort remarquable. Aujourd’hui encore, si nous regrettons vivement la réfection du portail primitif, où les Parisiens de 1830 pouvaient, avec Victor Hugo, admirer « deux anges, dont l’un a sa main dans un vase, et l’autre dans une nuée », nous avons, malgré tout, la joie de posséder intactes les verrières sud du splendide édifice. Il semble difficile de rencontrer ailleurs une collection plus considérable, sur les formules de l’ésotérisme alchimique que celle de la Sainte‑Chapelle. Entreprendre, feuille à feuille, la description d’une telle forêt de verre, serait une besogne énorme, capable de fournir la substance de plusieurs volumes. Nous nous bornerons donc à en offrir un spécimen extrait de la cinquième baie, premier meneau, et qui a trait au Massacre des Innocents dont nous avons donné plus haut la signification (pl. XXXII). Nous ne saurions trop recommander aux amateurs de notre vieille science, ainsi qu’aux curieux de l’occulte, l’étude des vitraux symboliques de la chapelle haute ; ils y trouveront largement à glaner, de même que dans la grande rose, incomparable création de couleur et d’harmonie. »
[29] L’Alchimie et son Livre Muet, (Mutus Liber), réimpression première et intégrale de l’édition originale de La Rochelle (1677). Introduction et commentaire par Eugène Canseliet F.C.H. disciple de Fulcanelli, à Paris chez Jean-Jacques Pauvert, 1967. Voir à l’Index les vocables marquants qui se rapportent au présent propos.
[30] Alchimie. Etudes diverses de Symbolisme hermétique et de Pratique philosophale, chez Jean‑Jacques Pauvert, 1964, p. 144.
[31] Ce beau vitrail fut sauvé de justesse, en 1876, d’une vandale entreprise de soi‑disant embellissement. L’intervention de Victor Hugo fut alors décisive, qui prononça, dans sa manière puissante obéissant à l’antithèse : « Démolir la tour, non ; démolir l’architecte, oui… »
[32] Les Demeures Philosophales, chez Jean‑Jacques Pauvert, 1965, tome II, p. 34.
[33] Un exemplaire signé de ce petit bas‑relief vernissé de couleur rouge et sorti de l’atelier des Beaux‑Arts de Rouen, nous fut offert par notre ami Alex Bloch, qui se penche, lui aussi, avec passion, sur les problèmes soulevés par l’hermétisme, dans l’iconographie, civile ou religieuse, de sa région normande. M. Robert Bonnet, architecte, eut la grande amabilité de nous apporter ce médaillon, à la faveur d’un départ en vacances.
[34] La Métallique Transformation. A Lyon, chez Pierre Rigaud rue Merciere, à l’Enseigne de la Fortune. 1618. Cette édition est rarissime et plus recherchée que celle de 1561 (in‑ 8° ) qu’elle reproduit exactement.
[35] Ibidem, f. 5 v°.
[36] Dans Trois Traitez de la Philosophie naturelle, Op. Cit., p. 73.
[37] Le cimetière des Innocents, qui fut entouré, vers 1397, d’une galerie couverte, ou charnier destiné à recevoir, au fur et à mesure, les ossements exhumés des fosses communes, occupait le vaste rectangle formé par les rues Saint‑Denis, de la Ferronnerie, de la Lingerie enfin la rue aux Fers. Cette dernière et la partie nord du cimetière sont aujourd’hui couvertes par la rue Berger.
L’enclos funèbre fut supprimé en 1780, et les marchands qui, depuis quelques années, s’étaient installés sous les arcades, sans souci du voisinage des macabres dépôts furent chassés par la démolition. On transporta les ossements dans les carrières de Montrouge, plus exactement dans les galeries qui s’étendent sous la capitale et qui changées en immense ossuaire de ses cimetières désaffectés, prirent le nom de catacombes.
Dont plusieurs hommes de science
Ces deux spermes‑là sans doutance,
Ont figurez. par deux dragons,
Ou serpens pires se dict‑on.
L’un ayant des aisles terribles
L’autre sans aisles, fort horrible.
La Métallique Transformation. Op. cit., f. 60 v°.
Pour ces poèmes alchimiques et leurs auteurs, on verra utilement les extraits annotés par Claude d’Ygé, dans son Anthologie de la Poésie hermétique. Editions Montbrun, Paris, 1948, pp. 34 à 62.
[38] En conséquence, si tant est qu’elle soit jamais décèdée, le crâne de l’épouse modèle, de la bien‑aimée Pérennelle est‑il peut‑être, parmi le nombre immense de ceux qui tapissent étagés, les galeries souterraines où se pressent les fournées de visiteurs attirés par l’idée d’horrifiques sensations, et descendus jusque‑là par l’entrée de la barrière d’Enfer.
Etes‑vous aux catacombes, Pérennelle, ou continuezvous de vivre auprès de votre époux, en quelque lieu secret et béni de ce monde, où l’humain est fixé dans la grâce et le charme d’un passé, pour nous, irrémédiablement défunt et nostalgique ? Mais laissons ce langage aux poètes dont il se pourrait que nous fussions un peu. Pérennelle ! Prénom singulier pour lequel nous adoptons à dessein l’orthographe du Bréviaire (nous verrons ce volume plus loin), très voisine de celle des alchimistes de Flers et du texte des Figures, parce qu’elle donne le qualificatif de l’ancien français, avec le sens d’éternité de perpétuité, si parfaitement idoine à la matière. Certes nous n’irons pas ainsi jusqu’à vouloir que Flamel ait personnifié, dans une compagne fictive, le sujet féminin de ses travaux secrets, bien qu’il ne soit pas impossible qu’il ait doté son épouse du prénom évoquant le souverain privilège du chaos primordial et universel. Notons, à ce propos, à l’intention des amateurs de science, que Pérennelle, de qui l’abbé Villain « ne trouva en aucun titre le nom de famille, se maria trois fois », tout comme la femme minérale dans le Grand Œuvre physique.
[39] Histoire critique de Nicolas Ftamel et de Pernelle sa femme. Paris, 1761, p. 108.
[40] « Que le lion ait des ailes et que l’ange n’en ait pas, passe encore, mais avouons qu’un taureau sans cornes et qu’un aigle pourvu d’oreilles, de pieds fourchus et d’une queue de serpent, sont des animaux bien curieux. Que l’abbé Villain leur refuse un sens hermétique, c’est son droit, de notre côté, nous refusons énergiquement de voir un taureau et un aigle là où il n’y a que deux dragons. », Nicolas Flamel. Chacornac, Paris, 1893, p. 77.
[41] Celui‑ci vient tout de suite après un opuscule de 17 pages, intitulé L’Œuvre royale de Charles VI, Roy de France, dans le recueil comportant encore Cosmopolite, De l’Admirable Pouvoir et Puissance de l’Art et de la Nature, de Roger Bachon et L’Art transmutatoire du pape Jean XXII de ce nom.
[42] Christophori Parisiensis Elucidarium Chimicum Artis transmutatoriœ in Theatro Chimico. Argentorati ab anno 1659 ad annum 1661, volumen VI (Editio ultima, qua non altera melior).
[43] Bibliotheca Chimica seu Catalogus Librorum philosophicorum hermeticorum, Authore Petro Borellio, Parisiis, 1654, p. 96.
[44] Bibl. Nat. ms. fr. N° 19 978.
[45] Bibliotheca Chimica seu Catalogus. Op. cit., p. 96.
[46] Nous connaissons à la Bibliothèque Nationale, les manuscrits français : N° 9221, sur parchemin avec miniatures et portant la signature du duc de Berry. N° 3431 (nouv. acquisitions) : Quelques feuillets d’une bible.
[47] « Sçachent tuit que je Jehaln Flamel congnois et confesse avoir eu et receu de Guillaume Lemoine Receveur du demaine de Monseigneur le Duc d’Orléans, la somme de dix livres cinq solz quatre deniers parisis. Pour cause de l’escripture de certains fiefs par moy faicte en parchemin par l’ordonnance de Messeigneurs de la Chambre des comptes de mon dit Seigneur le Duc. Contenans iceulz fiefs et aucuns denombremens du duchié d’Orléans sept vins quatorze fueillez en vint kaiers. Dont pour chascun fueillet a esté tauxé par mes diz seigneurs de la chambre, rabatu le parchemin qu’ilz m’avoient fait livrer pour ce faire, seize deniers parisis qui font la ditte somme de X.I.V. s. IIII dr p… De la quele je me tiens pour content et en quitte le dit Receveur et tous autres a qui il appartient. Tesmoing ceste quittance escripte de ma main et signée de mon seing manuel, le XXVe jour de Juing, l’an mil quatre cens et un. » Bibl. Nat. ms. nouvelles acquisitions françaises N° 3640, pièce originale N° 384. Tuit est une vieille forme de tous. Voyez le Dictionnaire de Godefroy, au mot tout. Nous lisons bien Jehain, avec la petite barre abréviative qui permet peut-être de dégager Jehanin.
[48] Trésor de Recherches et Antiquitez Gauloises et Françoises, par P. Borel, Conseiller et Médecin ordinaire du Roy, Paris, 1655, p. 161.
[49] Bibl. Nat. fonds latin, ms, N° 6741. Ce recueil, qui a été écrit en l’année 1341 (Is codex anno 1431 exaratus est) contient cinq autres traités des couleurs.
[50] Histoire et Recherches des Antiquités de la ville de Paris, Paris, 1724, t. III, p. 257 ; De lez, c’est‑à‑dire de côté, de large.
[51] Le Livre des Figures Hierogl. Op. Cit. p. 50.
[52] Trésor des Recherches, op. cit. supra, p. 162. Dans sa Bibliothèque chimique ou Catalogue des Livres philosophiques‑hermétiques, Pierre Borel précise page 9 : J’ai vu ce manuscrit – Illum vidi Ms.
[53] Le Livre des Fig. Hier., Op. cit., p. 50.
[54] Le Livre des Figures Hierogliphiques, ouvr. cité ci‑dessus, p. 50.
[55] Vide in Musæo Hermetico, reformato et amplificato, continente tractatus chimicos XXI præstantissimos, Francofurti, 1677 – Vois dans le Musée hermétique, revu et augmenté, contenant vingt et un très excellents traités de chimie, à Francfort tome III, p. 140 et 141 : Hydrolithus sophicus seu Aquarium Sapientum – L’eau‑pierre sophique ou la Citerne des Sages.
Illustration : portrait du Nicolas Flamel (1893) d’Albert Poisson d’après la gravure du portail de Sainte-Geneviève des Ardents de l’Histoire critique de Nicolas Flamel et de Pernelle sa femme de l’abbé Villain (1761)