Rencontre avec Amorgen.
Pourrais-tu nous donner une petite définition de la WICCA ?
Le courant auquel je me rattache pourrait sâappeler la Wicca initiatique, qui sâefforce de suivre la voie quâavait lancĂ© son fondateur GĂ©rald Gardner.
Qui dit Wicca initiatique dit initiation, et dans la tradition Ă laquelle jâappartiens, pour ĂȘtre Wiccan il faut ĂȘtre initiĂ©. Nous avons donc une cĂ©rĂ©monie dâinitiation qui vous fait entrer dans la Wicca. Si je devais en peu de mots dĂ©finir la Wicca, je dirais que câest un ordre initiatique de sorcellerie et de paganisme. On assiste aujourdâhui Ă de nombreux dĂ©bats afin de savoir si GĂ©rald Gardner a crĂ©Ă© la Wicca de toutes piĂšces ou sâil sâest contentĂ© de rĂ©actualiser et de rĂ©amĂ©nager un matĂ©riau plus ancien. Il prĂ©tendait effectivement, et dans lâĂ©tat actuel des connaissances que lâon a de lâhistoire de la Wicca, câest probable sans ĂȘtre certain, quâil avait Ă©tĂ© initiĂ© dans un coven de sorciĂšres Ă New Forest. Estimant que le matĂ©riel transmis Ă©tait incomplet, il a utilisĂ© ses connaissances personnelles (il Ă©tait un folkloriste amateur dâun assez bon niveau), pour enrichir ce matĂ©riel dâun certain nombre de choses. On retrouve en effet beaucoup dâinfluences dans la Wicca et de nombreuses pistes qui ont conduit Ă sa construction. Pour rĂ©sumer ces influences, on retrouve bien entendu tout le folklore britannique, le folklore paĂŻen celtique, les fĂȘtes ainsi que les divinitĂ©s celtiques en particulier, une partie des rituels sont issus de la magie cĂ©rĂ©monielle du type Golden Dawn ou de ce quâa pu faire Aleister Crowley, on reconnaĂźt les influences de Crowley dans certains Ă©crits de Gardner. Mais aussi la franc-maçonnerie pour les outils et lâavancement en grades, etc. Enfin la poĂ©sie de Kipling, le Tantra, le Yoga, car Gardner a passĂ© de nombreuses annĂ©es en Malaisie, en Inde…. Il a attendu lâabolition de la loi anglaise qui punissait les sorciĂšres et tout a commencĂ© quand il a publiĂ© un premier livre, sous forme de fiction, qui sâappelait « Hight Magic Aid », puis le fameux « Witchcraft today » qui a Ă©tĂ© le point de dĂ©part de la « vulgarisation » de la Wicca.
Jâai entendu parler des Gardneriens, Alexandriens, Children of the Light, la Magick, ces mouvements se rattachent-ils Ă la mĂȘme tradition ?
La Wicca se caractĂ©rise par lâabsence absolue de dogme, de hiĂ©rarchie centrale, et de structure. Câest un systĂšme initiatique, mais Ă partir du moment oĂč une personne a Ă©tĂ© initiĂ©e, a suivi son parcours jusquâau troisiĂšme degrĂ©, elle est totalement indĂ©pendante. Elle fait ce quâelle veut de ce quâelle a reçu, elle peut continuer Ă travailler toute seule, elle peut fonder un coven, enrichir la tradition Ă laquelle elle appartient ou en crĂ©er une nouvelle si elle le souhaite.
On retrouve ainsi une myriade de traditions, certaines ont gardĂ© cet aspect initiatique, dâautre ont totalement Ă©chappĂ© Ă la sphĂšre initiatique, elles sont ce que lâon appelle des traditions Ă©clectiques ou spontanĂ©es, nĂ©es de personnes qui ne voulaient pas entrer dans des systĂšmes trop hiĂ©rarchiques avec des degrĂ©s, ou trop fermĂ©s, des gens qui voulaient ĂȘtre beaucoup plus libres. Ces traditions Ă©clectiques se retrouvent plus particuliĂšrement aux Ătats-Unis, bien souvent influencĂ©es par des traditions folkloriques, et bien quâayant gardĂ© le nom de Wicca, elles nâont plus grand-chose Ă voir, mis Ă part les principes fondamentaux, avec la Wicca originelle. En ce qui concerne les traditions anglaises, la Wicca Alexandrienne est du nom de son fondateur, Alex Sanders. Une polĂ©mique a couru quâil aurait volĂ© le Livre des Ombres dâune prĂȘtresse de Gardner, câĂ©tait beaucoup de publicitĂ© pour pas grand-chose, il a en fait Ă©tĂ© initiĂ© par une prĂȘtresse de GĂ©rald Gardner et a fondĂ© sa propre tradition. Une tradition beaucoup plus axĂ©e sur la magie cĂ©rĂ©monielle, beaucoup plus magique, beaucoup plus ritualiste. Les Children of the Light est une toute petite tradition fondĂ©e par Anthony Kemp, qui est, elle aussi une tradition initiatique, mais avec un corpus de rituels un peu diffĂ©rents des nĂŽtres.
On trouve plus de diffĂ©rences entre les traditions initiatiques et les traditions dites Ă©clectiques. Beaucoup de pratiques qui paraissaient probablement « politiquement incorrects » aux Ă©clectiques, comme la flagellation rituelle, ont Ă©tĂ© complĂštement supprimĂ©es, afin de donner de la Wicca une image plus acceptable pour lâopinion publique. MĂȘme si certains dĂ©tracteurs de la Wicca ironisent sur les aspects sado-masochistes de ces pratiques cela nâa rien a voir. La flagellation rituelle est quelque chose de rare et qui nâest pas douloureux.
C’est pourquoi aujourdâhui le mot Wicca englobe une multitude de courants. Quant Ă moi, je suis de filiation gardĂ©rienne, et mĂȘme si en France nous avons relativement peu de supports, jâessaie de suivre cette tradition. Jâai heureusement des contacts outre-Manche qui peuvent mâaider dâun point de vue documentaire.
Peux-tu, et as-tu le droit nous expliquer comment se passe un rituel wiccan ?
Certains oui, dâautres non, effectivement les traditionalistes ne vouent pas un culte au secret, mais ont fait vĆux de silence sur leurs pratiques rituelles.
Nous fĂȘtons huit sabbats dans lâannĂ©e, ces sabbats ont gardĂ© les noms celtiques. Les wiccans cĂ©lĂšbrent aussi les esbats, chaque pleine lune, mais rien nâinterdit de cĂ©lĂ©brer un esbat en lune croissante ou en lune dĂ©croissante. Mais traditionnellement les esbats se font principalement Ă la pleine lune, car la lune est le symbole principal de notre DĂ©esse, la Wicca donnant une certaine prĂ©dominance Ă la DĂ©esse par rapport au Dieu. Les sabbats reprĂ©sentent la roue de la vie, nous faisons un parallĂšle entre la roue des saisons, la roue de la vie et notre propre cycle. Nous associons donc Ă chaque sabbat une symbolique particuliĂšre qui sera fĂȘtĂ©e de diffĂ©rentes maniĂšres. Par exemple nous faisons des feux Ă Beltaine, Ă Samhain quand le monde des morts et le monde des vivants sâentrecroisent, nous fĂȘtons nos morts, nous aurons des pensĂ©es particuliĂšres pour ceux qui sont passĂ©s dans le Summerland, le Pays de lâEtĂ©. Je pense quâĂ ce niveau il y a de nombreux points communs avec les pratiques druidiques. La cĂ©rĂ©monie de lâesbat sera plus axĂ©e sur la magie opĂ©rative, nous allons alors profiter de la pleine lune, qui reprĂ©sente pour nous un symbole de plĂ©nitude et un « pic » dâun point de vue magique, câest le moment le plus adĂ©quat pour travailler. Nous tentons lors des esbats de faire des rituels de guĂ©risons par exemple. Pour moi (je dis pour moi, car tous les wiccans ne sont pas de cet avis) la magie Ă beaucoup Ă voir avec la psychologie et câest quelque chose qui est avant tout personnel et qui sert dâoutil de transformation personnelle. Je ne me vois pas, dans mon Cercle agiter ma baguette magique pour sĂ©duire la fille de ma concierge !
Peux-tu nous donner ta conception du mot « magie » ?
Dâune maniĂšre trĂšs gĂ©nĂ©rale, pour moi il existe deux types de « pratiques magiques ». Une pratique qui va sâapparenter plus Ă lâutilisation de la priĂšre, et dâun focus matĂ©riel pour rĂ©soudre un problĂšme ou une situation. Ce sont plus particuliĂšrement les problĂšmes de santĂ© ou nous allons utiliser les propriĂ©tĂ©s des plantes par exemple en plus de notre volontĂ© et de la priĂšre, afin dâobtenir une action donnĂ©e. Ce peut donc ĂȘtre une action de guĂ©rison, pour favoriser quelque chose, etc.
Et puis il existe toute une magie, qui effectivement est intimement liĂ©e au parcours initiatique de chacun, une ritualisation de certaines Ă©tapes de la vie, de lâhomme ou de la femme qui sâinscrit dans cette tradition, et qui vont ĂȘtre des rituels de connaissance de soi, que lâon fera par rapport Ă des psychodrames (jâutilise un terme volontairement psychologique parce que câest peut ĂȘtre le plus aisĂ© Ă comprendre), de maniĂšre Ă essayer de mieux se connaĂźtre (connais-toi toi-mĂȘme et tu connaĂźtras lâUnivers et les Dieux ! ). Nous essayons donc dâapprofondir cette connaissance de nous mĂȘme pour accĂ©der quelque part Ă un certain Ă©quilibre, Ă une harmonie, qui tant que lâon nâest pas parvenu au bout du chemin, nous touchons du doigt cette harmonie pendant certains instants sacrĂ©s ou magiques. En pleine nature, il arrive frĂ©quemment que devant un paysage merveilleux nous ayons lâimpression de ne faire plus quâun avec lâUnivers, ou dans un Cercle avec ses frĂšres et ses sĆurs en train de cĂ©lĂ©brer la mĂȘme chose, de prier, on va vivre des instants trĂšs forts. Nous avons donc toute une sĂ©rie de pratiques magiques qui vont nous permettre dâavancer sur ce chemin, par la mĂ©ditation, des exercices de respiration, par la visualisation aussi. Chaque Ă©tape de cette connaissance de nous mĂȘme correspond aux trois degrĂ©s dâinitiations. Le premier degrĂ© correspond Ă lâouverture du chemin, la dĂ©couverte de la DĂ©esse et du Dieu, avant de rentrer sur le chemin, le chemin est devant soi. Le deuxiĂšme degrĂ© : un auteur wiccan anglais qui est psychothĂ©rapeute lâexpliquait en termes un peu psychologiques mais trĂšs intĂ©ressants, câest la descente dans son moi obscur, pour voir un peu ce qui se passe Ă lâintĂ©rieur et comment il est possible de progresser encore. Le troisiĂšme degrĂ© serait la rĂ©conciliation enfin entre lâanimus et lâanima.
Voici, en ce qui concerne la magie, deux types de magie, une magie trĂšs personnelle, mĂȘme si certains vont utiliser les mĂȘmes outils ou des rituels trĂšs approchants, qui visent Ă se connaĂźtre, et puis une pratique qui tient plus de la magie opĂ©rative ou de la magie des simples, qui consistera effectivement Ă associer sa volontĂ©, lâaction de la priĂšre, le changement dâĂ©tat de conscience parfois et un focus matĂ©riel dans un objectif prĂ©cis.
Vous ritualisez nus, vous utilisez la flagellation ?
La flagellation est utilisĂ©e uniquement pour changer dâĂ©tat de conscience, une flagellation bien faite, c’est-Ă -dire ni trop forte, ni trop douce, est comparable Ă un rythme de tambour, sauf que le tambour câest la peau. Cela provoque un Ă©chauffement du corps, enfin le rythme des laniĂšres sur le corps, associĂ© au dĂ©cor dans lequel on se place pour ritualiser (la fumĂ©e de lâencens, les bougies, lâobscuritĂ© ou le temple de la nature), participe Ă nous faire basculer dans une conscience plus sacrĂ©e de ce que lâon fait et nous faire quitter le monde profane dans lequel on se dĂ©bat tous les jours.
Le fait de nous dĂ©nuder nous permet aussi de changer dâĂ©tat de conscience, c’est-Ă -dire que lâon sâoffre Ă la DĂ©esse et au Dieu, on est fiers dâĂȘtre comme on est, nous nâavons pas besoin de mettre plein de bijoux, des oripeaux comme certains magiciens cĂ©rĂ©moniels, des grandes robes brodĂ©es, etc. Nous appelons cela ĂȘtre « vĂȘtus de ciel », ce qui est trĂšs poĂ©tique, et câest aussi montrer une certaine dĂ©mocratisation, on est tous pareils, dans un cercle on est tous beaux et il nây a pas de diffĂ©rences sociales dans un cercle, on est tous frĂšres on est tous sĆurs. Lâuniforme de tous les jours on le laisse derriĂšre. Nous utilisons tout ce qui peut nous aider Ă changer dâĂ©tat de conscience : les encens, la lumiĂšre des bougies, la musique bien sĂ»r, et quand on a la chance dâavoir des frĂšres et sĆurs musiciens, les tambours en particulier, câest encore plus joli. Nous avons dâautres outils, la baguette bien sĂ»r, lâathamĂ©, qui est une dague rituelle que lâon utilise pour ouvrir le cercle, le chaudron de la sorciĂšre qui est un symbole intĂ©ressant, certains utilisent un balai, le fameux balai de la sorciĂšre, les encensoirs, les cordes ….
Quels sont vos Dieux ?
Jâai toujours du mal Ă parler des Dieux dans la Wicca, on se rend compte que chaque wiccan a une vision des Dieux diffĂ©rente. Et pourtant, nous arrivons Ă pratiquer et Ă cĂ©lĂ©brer ensemble.
Certains wiccans sont strictement polythĂ©istes, câest Ă dire que pour eux chaque Dieu est diffĂ©rent et possĂšde un rĂŽle, une sphĂšre dâinfluence et une sphĂšre dâactivitĂ© bien particuliers. Dâautres sont duo thĂ©istes, câest Ă dire tous les Dieux ne sont quâun : le Dieu, toutes les DĂ©esses ne sont quâune : la DĂ©esse, câest La DĂ©esse et Le Dieu. Dâautres enfin sont un petit peu un mĂ©lange des deux, ils vont sâadresser en majoritĂ© Ă la grande DĂ©esse et au Dieu cornu, mais en mĂȘme temps ne pas nĂ©gliger le fait que lâon ne sâadresse pas Ă la Morrigane comme Ă une autre DĂ©esse. MĂȘme si toutes les DĂ©esses vont se retrouver dans un archĂ©type quâils appellent tous la Grande DĂ©esse, et la Grande DĂ©esse, chez les wiccans, est cĂ©lĂ©brĂ©e sous ses trois aspects : la vierge, la mĂšre et la vieille. Et le Dieu cornu sous deux aspects principaux : le Dieu de la fertilitĂ© et le Dieu de la mort, que lâon appelle lâhomme en noir. Mais il y a toujours une prĂ©dominance pour la DĂ©esse.
Tu dis toujours le Dieu et la DĂ©esse, tu ne donnes pas de nom ?
Dans ma pratique personnelle, le Dieu câest Kernunnos, quelquefois Pan, toujours une divinitĂ© cornue, jâai beaucoup de fascination pour lâimage de ces Dieux, mais câest principalement Kernunnos.
Pour les DĂ©esses, câest plus difficile, mais jâai une certaine prĂ©fĂ©rence pour les DĂ©esses celtiques : Morrigane, Dana ou Brigit. Personnellement je nomme moins la DĂ©esse que le Dieu. Quand je la nomme, câest parce que je vais mâadresser Ă une dĂ©esse particuliĂšre, câest dâailleurs souvent la Morrigane car jâai une affection particuliĂšre pour elle.
Il existe une image de la Wicca qui la rattache au satanisme ?
En France la Wicca a toujours eu du mal Ă sâimplanter, on connaĂźt lâesprit particulier des français vis-Ă -vis des religions, il y a toujours eu des traditions sorciĂšres dans les campagnes qui se rattachaient Ă ce que jâappelle « la sorcellerie de campagne ». Câest connu dans le Berry par exemple, et il existe des occultistes, qui, parce quâils avaient une bonne connaissance de ce qui se passait dans notre pays, ont vu le dĂ©veloppement de la Wicca en Angleterre et aux Ătats-Unis dans les annĂ©es 70, et sâestimant eux mĂȘme paĂŻens, ont voulu sâapproprier le nom de Wicca. Ce nâĂ©tait pas difficile Ă©tant donnĂ© quâil nây a aucune structure dans la Wicca. Je pense en particulier Ă deux personnes assez cĂ©lĂšbres dans le petit milieu Ă©sotĂ©riste français, Jack Coutela avec sa femme Diane LucifĂ©ra et Yull Rugga (un nom un peu celtique qui veut dire je crois hiver rude).
Jâai rencontrĂ© Jack Coutela avec sa femme Ă lâĂ©poque oĂč jâavais entendu parler pour la premiĂšre fois de la Wicca et oĂč je cherchais des wiccans, ce que jâai vu mâa semblĂ© nâavoir rien Ă faire avec la Wicca. Ces personnes faisaient de gros mĂ©langes entre satanisme, lucifĂ©rianisme et Wicca. De Wicca ils avaient gardĂ© le nom, la nuditĂ© rituelle, du satanisme ou plutĂŽt de la dĂ©monologie ils avaient gardĂ© ces noms des innombrables dĂ©mons mĂ©diĂ©vaux dont sont farcis les grimoires de sorciers de lâĂ©poque, et du lucifĂ©rianisme cette espĂšce dâesprit promĂ©thĂ©en qui veut que le « magicien » soit celui qui impose son pouvoir aux Dieux, dans lâoptique de gagner plus de pouvoir et de puissance. Des gens comme les wiccans en rĂšgle gĂ©nĂ©rale, ont pour objectif de se fondre dans la DivinitĂ©, lâobjectif des voies de la main gauche occidentale, que je diffĂ©rencie des voies de la main gauche orientale qui nâa rien Ă voir, veulent eux devenir Dieu. En ce qui concerne Jack Coutela et Diane LucifĂ©ra, ils Ă©taient des « gogos », qui avaient probablement une certaine Ă©rudition en matiĂšre occulte, mais qui faisaient cela pour sâamuser ou parce quâils sâennuyaient probablement dans leur pavillon du Kremlin-BicĂȘtre. On tournait en rond en rĂ©citant des litanies de noms de dĂ©mons, en faisant Ă peu prĂšs nâimporte quoi, ils se prĂ©occupaient plus dâĂ©tudier la Bible pour y dĂ©celer des failles que de se rĂ©aliser eux mĂȘme. Ces gens-lĂ ont, je pense fait beaucoup de mal au nom de la Wicca. Yull Rugga Ă©tait plutĂŽt lucifĂ©rien, il se disait de la Wicca occidentale, mais il professait ouvertement des idĂ©es dâextrĂȘme droite, il avait une grande Ă©rudition occulte, mais il pratiquait quelque chose qui nâavait rien Ă voir avec la Wicca, mĂȘme sâil avait Ă©tĂ© initiĂ© par des wiccans dans un autre pays dâEurope. Visiblement ils nâauraient pas apprĂ©ciĂ© ce quâil en a fait par la suite. Principalement ces deux personnes, ainsi que certains en Belgique, ont participĂ© Ă la confusion entre le lucifĂ©rianisme et la Wicca, au point que ces gens-lĂ ont fondĂ© une tradition qui sâappelle la Wicca lucifĂ©rienne et qui nâa rien Ă voir avec la Wicca anglo-saxonne. En Belgique un institut propose toujours des initiations au satanisme, au lucifĂ©rianisme et Ă la Wicca lucifĂ©rienne. La Wicca nâa rien Ă voir avec le satanisme, tel quâon le conçoit de nos jours qui est tirĂ© des Ă©crits de Anton Zandor LaVey, cela nâa rien de religieux, câest plutĂŽt philosophique et câest une voie qui convient trĂšs bien aux Ă©goĂŻstes de tous poils.
On ne peut pas nier non plus que la Wicca a beaucoup Ă©tĂ© influencĂ©e par le satanisme littĂ©raire du XIX eme siĂšcle. Lâutilisation du mot « sorcier », le cĂŽtĂ© secret …..
Je voudrais ajouter que lâassociation wicca et satanisme vient pour beaucoup de ces personnages, mais peut ĂȘtre aussi du fait que la Wicca reconnaĂźt le cĂŽtĂ© sombre de lâhomme et lâintĂšgre dans son culte. Et câest peut-ĂȘtre mal compris de lâextĂ©rieur. Par ailleurs, il ne faut pas non plus donner une vision aseptisĂ©e de la Wicca. Je pense que la Wicca initiatique nâa pas vocation Ă ĂȘtre une religion de masse. Câest un culte Ă©sotĂ©rique, câest un peu cela qui mâavait attirĂ©, que des gens utilisent la rituelle Wicca pour faire des cĂ©rĂ©monies en public câest trĂšs bien, mais ce nâest pas la mĂȘme chose que la Wicca initiatique. Câest une branche cousine plus ouverte vers lâextĂ©rieur, capable de faire de grandes fĂȘtes avec des gens qui ne sont pas forcement paĂŻens, câest bien, câest renouer avec des cycles de la vie, mais ce nâest plus la mĂȘme chose.
Quel a été ton parcours ?
Au dĂ©part ma fascination pour les Celtes. Jâai toujours Ă©tĂ© fascinĂ© par lâhistoire en rĂšgle gĂ©nĂ©rale quand jâĂ©tais enfant et plus particuliĂšrement les Grecs (câĂ©tait le plus facile car je pouvais trouver tout les livres que je voulais) et les Celtes dont je trouvais terriblement injuste que lâon ne dise rien dans les livres dâhistoire sur les Gaulois. Et jâai Ă©tĂ© trĂšs heureux de dĂ©couvrir que les Gaulois nâĂ©taient si barbares que cela, quâils avaient inventĂ© le tonneau, plus pratique que les amphores, quâils avaient dĂ©veloppĂ© un systĂšme de moissonneuse, ils avaient inventĂ© le savon …. Tout cela avait nourri mon inconscient dâenfant et dâadolescent et en Ă©tudiant ensuite la mythologie celtique, qui nâest pas vraiment la plus simple, chez les Grecs tout est bien ordonnĂ©, structurĂ© mais chez les Celtes câest bien diffĂ©rent, mais fascinant. Je trouvais en plus que les figures mythologiques celtiques assez truculentes pour certaines, pleines de vie, avec une symbolique encore vivante de nos jours, je trouve extraordinaire le personnage du Dagda, câest un de mes Dieux celtiques prĂ©fĂ©rĂ©s.
De fil en aiguille, avec je pense une propension Ă avoir une imagination dĂ©veloppĂ©e et Ă ĂȘtre fascinĂ© par tout ce qui est cachĂ©, je suis venu Ă mâintĂ©resser Ă lâĂ©sotĂ©risme, au paganisme et Ă essayer de collecter le plus dâinformations possible. Jâai donc dĂ©couvert un jour un livre dâun personnage qui est un vulgarisateur de lâocculte amĂ©ricain, traduit en France, qui sâappelait « Les nouvelles sectes paĂŻennes », oĂč lâon trouvait des sectes totalement dĂ©lirantes, mais aussi des choses plus intĂ©ressantes, dont la Wicca. Je me suis rapidement rendu compte quâen français on ne trouvait pas dâouvrages sur la Wicca. Si je voulais me renseigner je devais passer par des voies dĂ©tournĂ©es, Ă savoir la mythologie celtique et les livres de Leroux/Guyonvarcâh, puis jâai rencontrĂ© les Coutela qui ont mis un coup dâarrĂȘt Ă mon intĂ©rĂȘt pour la Wicca pour quelques annĂ©es, et jâai cherchĂ© quelque chose de plus « celtique ». Jâai donc Ă©crit Ă un certain nombre de groupements celtiques, mais aucun ne mâa rĂ©pondu ! Jâai Ă©tĂ© trĂšs déçu et je me suis fait mon petit paganisme durant quelque temps.
Un jour, par le plus grand des hasards jâai croisĂ© la route de celle qui allait devenir mon initiatrice, qui Ă©tait une femme qui vivait dans les Ardennes, et qui se dĂ©finissait comme Ă©tant une sorciĂšre et wiccane. Elle Ă©tait dâorigine irlandaise, mais vivant en France. Nous avons eu une correspondance pendant un certain temps, puis nous nous sommes rencontrĂ©s et cela a Ă©tĂ© ce que lâon pourrait appeler un coup de foudre spirituel. Jâai tout de suite su et vu que cette femme allait mâapporter beaucoup et que câest elle qui allait me mettre sur le chemin. Elle parlait extrĂȘmement bien lâanglais et possĂ©dait donc des livres wiccans en anglais, câest elle qui mâa initiĂ© Ă la wicca, jâai pris la dĂ©cision de tout lĂącher pour aller habiter chez elle pendant un an, comme un apprenti Ă lâancienne. Jâai donc baignĂ© lĂ -dedans pendant un an, cela mâa beaucoup apportĂ© et donnĂ© pas mal de connaissances, jâai travaillĂ© sur le savoir-faire et le savoir ĂȘtre et jâai vraiment compris que câĂ©tait le chemin qui me convenait. La vie Ă©tant ce quâelle est et ne pouvant rester sans travailler plus longtemps quâun an, je suis revenu sur Paris pour travailler et pour reprendre une pratique solitaire, puisquâĂ lâĂ©poque, sans internet je ne connaissais aucun wiccan en rĂ©gion parisienne. Jâai travaillĂ© seul pendant quelque temps jusquâĂ ce que certains Ă©lĂ©ments de ma vie me fassent mettre ma spiritualitĂ© entre parenthĂšses, pendant environ cinq ans. Pendant ces cinq ans, je nâai eu quâune spiritualitĂ© de façade oĂč je ne cĂ©lĂ©brais plus que de maniĂšre Ă©pisodique et trĂšs superficielle. Je me sentais toujours paĂŻen au fond de mon cĆur, mais on ne peut pas dire que je travaillais vĂ©ritablement sur moi et que je cĂ©lĂ©brais ma religion. Dâautres Ă©vĂšnements on fait que jâai repris contact avec ma spiritualitĂ©. Jâai eu lâimpression de me retrouver, comme quoi on a quelques fois besoin de passages Ă vide pour mieux se retrouver ensuite, jâai eu la chance dâavoir internet Ă la maison et le premier mot que jâai tapĂ© dessus câĂ©tait wicca. Et lĂ surprise, mais lâĂ©merveillement a Ă©tĂ© de courte durĂ©e Ă©tant donnĂ© ce que lâon trouve sur internet, le pire et le meilleur. Jâai malgrĂ© tout rĂ©ussi Ă entrer en contact avec les personnes de Tours, qui eux connaissaient dĂ©jĂ Anthony Kemp des Children of the Light, et nous avons pratiquĂ© ensemble, ils mâont rĂ©-initiĂ© de maniĂšre Ă marquer mon entrĂ©e dans la tradition gardnĂ©rienne, puisquâavant jâĂ©tais un solitaire sans tradition, et cette annĂ©e jâai Ă©tĂ© initiĂ© au deuxiĂšme degrĂ©. Je poursuis maintenant dans cette tradition, je pense pour longtemps.
Quels conseils donnerais-tu à ceux qui seraient attirés par cette voie ?
DâĂȘtre sĂ»rs dâeux dĂ©jĂ , ce nâest pas une voie facile, ce nâest pas une Ă©cole, aux Ătats-Unis on leur donne des devoirs Ă faire, une masse de connaissances Ă digĂ©rer et ensuite on leur pose des questions, ce nâest pas du tout ma maniĂšre de voir les choses. Si quelquâun vient me voir en me demandant de lâaider pour trouver cette voie, je me dĂ©finirais plus comme un coach, comme un guide, sans aucune prĂ©tention, car jâai encore beaucoup de choses Ă apprendre et je ne suis vraiment pas au bout du chemin, mais je dirais « Tu peux peut-ĂȘtre tâintĂ©resser Ă cela, creuser plus particuliĂšrement ce sujet », indiquer des directions. Je pense quâil y a une phase qui consiste en lâingestion de connaissances, on ne peut pas y Ă©chapper, oĂč il faut se renseigner par soi-mĂȘme. Il faut Ă©tudier la mythologie, se poser des questions : « Quâest-ce qui me frappe dans la mythologie ? Quâest-ce qui rĂ©sonne en moi ? Est-ce que, quand on me parle des mystĂšres dâEleusis, est-ce que cela Ă©voque pour moi quelque chose dâencore vivant ? » . Je pense quâil y a dâabord toute cette phase, ensuite le cĂŽtĂ© magique, certains sont attirĂ©s vers lâherboristerie, il faut foncer : on trouve en France des ouvrages de vĂ©ritables herboristes et il faut les connaĂźtre.
Le conseil que je pourrais donner, câest garder un esprit critique par rapport Ă tout ce quâon lit, car il y a quand mĂȘme beaucoup dâimbĂ©cillitĂ©s qui sont publiĂ©es, essayer de se forger sa propre opinion, et si lâon est sĂ»r que lâon veut ĂȘtre wiccan, par rapport Ă ce quâon a lu, par rapport Ă ce que lâon sent en soi, on peut alors chercher Ă rencontrer quelquâun. Si lâon rencontre quelquâun, il faut toujours garder cet esprit critique : « Est-ce que je me vois travailler avec cette personne-lĂ , est-ce que je pense que cette personne va mâapporter quelque chose, est-ce que je me sentirai bien Ă pratiquer avec cette personne ».
Aurais-tu une mise en garde Ă donner ?
Oui, je ne conseille pas la Wicca aux mineurs ! Je pense quâil faut dĂ©jĂ avoir une personnalitĂ© bien forgĂ©e, un certain Ă©quilibre. Effectivement, comme on travaille sur la connaissance de soi, on dĂ©couvre parfois des aspects de soi-mĂȘme qui ne sont pas reluisants, que lâon avait essayĂ© pendant des annĂ©es de se camoufler et de mettre en lumiĂšre des cĂŽtĂ© de soi que lâon aime pas parce que lâon veut apprendre Ă les gĂ©rer, ce nâest pas forcement facile. Je dirais que câest une voie que lâon doit ressentir en soi, dans sa tĂȘte et dans ses tripes et quâil faut se sentir prĂȘt Ă vouloir bousculer ses idĂ©es reçues, ses prĂ©jugĂ©s, ses a priori, sur beaucoup de choses : sur soi-mĂȘme, sur les femmes, sur les hommes, sur la vie en gĂ©nĂ©ral, sur sa place dans lâordre du monde.
Je me considĂšre toujours comme un dĂ©butant et ce sont les conseils que je me donne Ă moi-mĂȘme, garder mon esprit critique, on ne me fera pas avaler nâimporte quoi.
Je suis wiccan dĂšs que je me lĂšve le matin, jâai parfois du mal Ă le concilier avec le monde dans lequel je vis, avec mon mĂ©tier, parce quâau bout dâun moment on finit par faire le tri dans ses connaissances et dans ses « amis ». On sâaperçoit quâil y a des gens Ă qui lâon a plus rien Ă dire, de mĂȘme quâaux relations de travail superficielles que lâon peut avoir, on cherche des relations plus vraies avec les gens, jâai eu une pĂ©riode oĂč jâavais du mal Ă concilier vie professionnelle et vie spirituelle parce que jâavais du mal Ă communiquer avec mes semblables. Et cela peut ĂȘtre dĂ©stabilisant pour quelquâun de jeune et pas tout Ă fait prĂ©parĂ©, de se sentir diffĂ©rent des autres, dâĂȘtre marginalisĂ©.
Y a-t-il quelque chose que tu voudrais ajouter ?
Je voudrais dire simplement que la Wicca est une des rares voies authentiquement « fĂ©ministes », oĂč lâon essaie dâenvisager les choses, pour les hommes en acceptant leur part fĂ©minine, et pour les femmes, dans un cercle le « leader » câest la prĂȘtresse. Ce nâest pas une simple inversion du patriarcat, mais on estime quâil est temps dâun point de vue spirituel, on se rapproche lĂ du Tantra, dâessayer autre chose que ce vieux patriarcat que lâon a usĂ© jusquâĂ la corde depuis quelques milliers dâannĂ©es, et qui nous conduit Ă ce que lâon voit autour de nous, c’est-Ă -dire un monde qui va mal, qui a mal, une Terre qui souffre, qui sâempoisonne, des gens qui ne sont pas vraiment heureux, ou qui sont dans une course sans fin qui les mĂšne peut ĂȘtre droit dans le mur, sans faire de prĂ©dictions catastrophistes.
Je pense quâil est important de le signaler Ă ceux qui dĂ©sirent entrer dans la Wicca, car je reçois beaucoup trop de contacts de jeunes hommes qui ne me parlent que de magie, qui ne me parlent que de pouvoir et qui ne me parlent jamais de spiritualitĂ©. Et câest Ă©tonnant, car chaque fois que je reçois un mail dâune jeune femme, elle me parle de spiritualitĂ©. Je trouve cela dommage et quâil est peut ĂȘtre temps de commencer Ă voir les choses diffĂ©remment.
Merci Ă Amorgen pour lâautorisation de reproduction de cette interview.
Plus sur le sujet :
Rencontre avec Amorgen, 2005.
Image par Nadine Doerlé de Pixabay