Le Manifeste de la Ligue de l’Epine Noire

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Le Manifeste de la Ligue de l’Epine Noire par Hakim Bey. 

1. Selon des enseignements transmis oralement par Noble Drew Ali, le fondateur & Prophète du Temple de la Science Maure d’Amérique : l’Irlande était autrefois une région de l’Empire Maure ; c’est-à-dire que les Celtes étaient des Musulmans & qu’il y avait des Maures noirs d’Afrique du nord présents en Irlande. Mais les Maures furent expulsés par le Christianisme militant — cet événement est déguisé par la légende de Saint Patrick chassant les serpents — pour cette raison, le T.S.M. célèbre le Jour de la Saint Patrick, d’une manière ironique peut-être, dans l’attente d’un éventuel retour.

2. Dans le système de Noble Drew Ali, les Celtes sont considérés en tant que « race asiatique » & donc pouvant être potentiellement convertis à la Science Maure. Nous considérons les théories de N.D.A. comme radicales mais nullement racistes, car (une nouvelle fois selon une tradition orale) elles étaient basées (du moins en partie) sur le concept des affinités spirituelles. Les « Européens » qui désirèrent rejoindre le T.S.M. (dont certains des fondateurs de l’Église Maure Orthodoxe) furent déclarés vrais Celtes ou « Perses » — (ce qui a peut-être à voir avec cette étrange similitude dans les noms d’Eiran et d’Iran).

3. L’histoire occulte de l’Irlande selon N.D.A. peut être perçue comme une métaphore ésotérique – mais elle est étayée d’une manière quelque peu surprenante par l’archéologie & même par l’histoire « officielle ». Tout d’abord, les Celtes sont de race asiatique, ou du moins les plus récentes vagues venues de l’Hyperborée, patrie des Aryens — dont la dernière migration nomade s’établit en Inde, Perse & Grèce.

4. Ensuite : Que faire de ces croix celtiques, inscrites avec des « bismillah » (« Au nom de Dieu », mots d’ouverture du Koran) écrits en arabe koufique, trouvées en Irlande ? L’Église Celtique, avant sa destruction par la hiérarchie romaine, avait maintenu un lien étroit avec les moines-ermites du désert égyptien. Il est possible que ce lien ait persisté jusqu’au-delà des 7e/8e siècles & que le rôle des moines ait été repris par les Musulmans ? Par les Soufis ? Qui étaient en contact avec les survivants de l’Église Celtique, maintenant devenus totalement hérétiques & prêts à opérer un syncrétisme de l’ésotérisme de l’Islam avec leur propre Foi poétique & orientée vers la Nature ?

5. Un tel syncrétisme a certainement été effectué des siècles plus tard par les Templiers & les Assassins (les ismaéliens nizari). Quand le Temple fut détruit par Rome & ses chefs brûlés sur le bûcher, l’Irlande fournit un refuge pour nombre de Templiers. Selon « The Temple & the Lodge », ces Templiers furent reconnus plus tard comme une branche sauvage irlandaise de la Franc-Maçonnerie qui (au début du XVIIIe siècle) résistera à l’amalgame avec la Grande Loge de Londres. Le lien entre la franc-maçonnerie et l’Islam est assez clair, que ce soit dans la tradition templière ou rosicrucienne, mais la maçonnerie irlandaise peut avoir hérité d’un lien islamique plus ancien — immortalisé par ces croix énigmatiques.

6. Il est intéressant de noter que les initiations maçonniques de Noble Drew Ali ne peuvent être limitées au Prince Hall ou aux transmissions des Shriners noirs, mais peuvent aussi avoir compris quelques lignes occultées liées à la maçonnerie irlandaise & remontant à la période révolutionnaire de l’histoire américaine. Il est un fait connu que des soldats de l’Armée Coloniale Britannique étaient maçons affiliés à l’Irlande plutôt qu’à la Grande Loge de Londres. Cette différence de « classe » était reflétée dans l’Armée Révolutionnaire Américaine dont les officiers étaient des maçons « officiels » mais dont le rang privé tendait à être « irlandais ».

7. Les historiens oublient parfois qu’au XVIIIe siècle, en Amérique, les Irlandais étaient généralement considérés comme « ne valant pas mieux que les nègres ». En 1741 le jour de la Saint Patrick à New York, une émeute éclata, impliquant une conspiration qui comprenait des femmes & des hommes irlandais, africains & indiens — bien sûr de la « plus basse extraction ». On entendit quelques conspirateurs irlandais jurer qu’ils tueraient autant de « blancs » qu’il leur serait possible. L’insurrection échoua & les comploteurs furent exécutés. Comme les corps de deux pendus exposés à l’air libre se putréfiaient sur un gibet de fer, « des observateurs remarquèrent une étonnante, mais néanmoins instructive, transformation. Le corps d’un irlandais virait au noir & ses cheveux devenaient crépus alors que le corps de César l’Africain blanchissait. Cela fut rapporté alors comme un phénomène miraculeux » (Linebaugh & Rediker, « The Many-Headed Hydra »).

8. Clairement, le Celte & l’Africain furent liés non seulement dans l’esprit de la classe des oppresseurs, mais aussi dans leur propre « vision du monde » — comme camarades, une sorte d’identité — dans une solidarité qui s’étendait aux Indiens & autres « Européens » qui tombèrent sous le seuil de respectabilité & de pauvreté dans la catégorie des esclaves & des hors-castes. Les sentiments racistes ne divisèrent pas les pauvres & les marginalisés du XVIIIe siècle — comme ils le seront sous le capitalisme. Mais bien plutôt, les marginaux de toutes races constituèrent une sous-classe & de plus, une sous-classe avec une certaine conscience d’elle-même, et donc avec un certain pouvoir (le pouvoir de la « victime forte »). Il se pourrait que cette conscience se soit développée en partie grâce à la maçonnerie noire irlandaise. Et il se pourrait que Noble Drew Ali ait connu cette tradition qu’il dissimula (ou peut-être dévoila) dans sa parabole sur les serpents & la célébration du 17 mars.

9. Selon une autre interprétation de l’anti-reptilisme de Saint Patrick, les serpents qu’il a bannis étaient en fait des « druides », c’est à dire des Celtes païens. Le serpent peut avoir été l’emblème de la Vieille Foi, comme pour d’autres & nombreuses formes de paganisme, en ce compris les paganismes africains (Damballah) & indiens (les Nagas) & même des chrétiens ophites d’Égypte (chez qui le christ lui-même était dépeint comme un serpent crucifié).

10. Le savoir païen celtique a été rattaché aux diverses traditions du « Roman » et spécialement dans le fond arthurien. & encore une fois nous nous trouvons dans un univers de croix arabo-celtiques. Car les Romans sont imprégnés de conscience « islamiques ». Dans la Mort d’Arthur de Malory & le Parzifal d’Eseinbach beaucoup de chevaliers Sarazins (Musulmans/Maures) sont dépeints non en tant qu’ennemis, mais alliés des Celtes — & dans un livre plus récent, l’histoire entière est attribuée à des sources Maures. Les Sarazins, les chrétiens & les crypto-païens sont unis dans un culte mystique de chevalerie qui transcende les formes exotériques religieuses & est symbolisé non seulement dans les symboles païens comme le Graal & la Bête de la Quête mais aussi dans des emprunts culturels comme le luth (al’ud en arabe) ou le culte de l’amour romantique/chevaleresque, venu de l’Islam & transmis à l’Occident par les soufis d’Espagne.

11. Les contacts entre l’Irlande et l’Espagne remontent certainement à la période islamique & les « Irlandais noirs » peuvent avoir des gènes tout aussi bien Maures que Castillans. Les moines médiévaux irlandais ont probablement absorbé le Soufisme & la philosophie islamique de même que l’art d’enluminer les manuscrits — regardez les merveilleuses résonances stylistiques entre le Livre de Kells & les Korans koufiques de l’Espagne Ommeyyade. Si Saint François pouvait visiter l’Afrique du Nord & revenir en Italie en portant l’habit soufi, alors les Irlandais pouvaient aisément faire des emprunts à l’Égypte & al Andalus.

12. Toute spéculation mise à part, l’Église Maure Orthodoxe développe sa propre interprétation des enseignements de N.D.A. sur ces matières. Nous endossons avec passion sa théorie de l’« affinité élective » des affiliations avec une grande « race » spirituelle celto-asiatique. N.D.A. est important à nos yeux, mais l’âme plus encore. « À chaque homme & à chaque femme, son propre vin & son propre figuier » (un des slogans de N.D.A.) n’est pas une simple question de fatum mais de caractère, pas une question de naissance mais de choix.

13. Dans notre exégèse historique & imaginale de la parabole de N.D.A., nous avons découvert un ensemble de courants culturels hérétiques islamiques & Maures reliant le néo-paganisme celtique, le christianisme ésotérique & les cycles arthuriens au travers du soufisme & de la maçonnerie, jusqu’à la lutte libertaire éternelle des marginaux & des peuples oppressés du monde Atlantique.

14. Nous nous proposons de concrétiser cet ensemble poétique dans un ordre de chevalerie populaire, voué symboliquement à la cause du « retour des serpents en Irlande » — c’est à dire, d’unir tous ces courants mystiques en une vague de masse qui restaurera le pouvoir de sa puissance synergique ou syncrétique dans les coeurs de ceux qui répondent au « goût » particulier de ce mélange. Nous avons emprunté ce slogan des néo-païens contemporains afin de symboliser la mission spéciale que notre ordre entreprendra vers une fraternité celto-maure. La LIGUE DE L’ÉPINE NOIRE sera ouverte à tous, sans égards quant à une affiliation ou non à l’Église Maure Orthodoxe, sous la seule réserve qu’ils aident à parvenir à ce but particulier.

15. « Noir » dans notre titre désigne non seulement les bannières noires des Maures mais aussi le drapeau de l’anarchie. « Épine Noire », car cet arbre symbolise l’Irlande druidique & est utilisé pour façonner les gourdins. « Ligue », en l’honneur des divers groupes de rebelles irlandais qui se sont organisés comme tels. D’autres modèles d’organisation comprennent des groupes comme les maçons-révolutionnaires Carbonari ou la « Sainte Vehme » de l’anarchiste Proudhon, ou la Fraternité Révolutionnaire de Bakounine. Nous « émulons » aussi certains tongs chinois anarcho-taoïstes (comme la Société du Chaos) & espérons évoluer vers cette forme de réseau informel d’aide mutuelle qu’ils ont développé.

16. La Ligue accordera l’Ordre de l’Épine Noire comme titre & honneur & tiendra un conclave annuel & un banquet le Jour de la Saint Patrick en mémoire de la vision de Noble Drew Ali & de ces émeutiers de 1741 qui conspirèrent dans des tavernes pour renverser l’État.

Ramenons Les Serpents En Irlande !

Plus sur le sujet :

Le Manifeste de la Ligue de l’Epine Noire, traduction française par Spartakus FreeMann. Extrait de Anarchisme Ontologique, Spartakus FreeMann, 2008. Pour vous procurer ce livre en format papier ou en .pdf, cliquez ICI.

Image par Dimitris Christou de Pixabay

Illustration : Le buisson d’épines, ©Christophe Mendes, 2007. Extrait de sa galerie sur Flickr.

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