Histoire et Catéchisme de l’Eglise Orthodoxe Moorish d’Amérique.
Par Ustad Selim (Evêque-Exilarch de Perse) & Arif Hussein Al-Camaysar (Imam de Manhattan).
L’Orthodoxie Moorish (Maure, mais nous garderons le terme Moorish plus fidèle, NDT) n’est pas une nouvelle religion. Historiquement, elle commence avec le message du Prophète américain Noble Drew Ali, né Timothy Drew en Caroline du Nord en 1886, élevé par des indiens Cherokee et adopté par cette tribu. À 16 ans, Drew débuta ses pérégrinations comme magicien de cirque, ce qui l’amena en Égypte où il reçut l’initiation d’un prêtre, le dernier d’un culte de Haute-Magie pratiqué pendant des siècles dans la pyramide de Chéops. Ce mage reconnut dans ce jeune américain la réincarnation d’un ancien chef de ce culte et vit en lui le prophète qu’il était.
De ce personnage Drew Ali prit connaissance du message du « Circle Seven Koran », ainsi que de plus hautes vérités encore. Il retourna en Amérique où on lui narra un rêve dans lequel on le vit fonder une nouvelle religion afin de relever l’humanité déchue. Il ouvrit la première Mosquée ou Temple à Newark – mais à cause de son refus ainsi que du refus de ses compagnons de combattre pendant la Première Guerre Mondiale il dut déménager à Chicago où son mouvement, le Temple de la Science Moorish commença à se développer.
Le Temple de la Science Moorish attira principalement des Afro-américains. Noble Drew cependant n’était pas raciste bien qu’il ait eu certaines théories raciales. Les Noirs, dit-il, sont des Moabites ou Maures, et sous cette identité il enseigna la fierté de la race à ceux qui souffrent et sont oppressés. Les Maures sont de race asiatique, ainsi que beaucoup d’autres. Par exemple, Noble Drew identifiait les Celtes à la race asiatique ; plus tard, quand des blancs commencèrent à s’intéresser à la Science Moorish, il les identifia en tant que « Perses », une identité plus spirituelle que factuelle. Pour les Moorish américains, le Maroc est la « Terre Promise » ; cela montre l’influence de l’enseignement du « Retour » Garveyite, et donne un lien intéressant entre la Science Moorish et le Rastafarianisme. L’Orthodoxie Moorish (en dépit de son nom) donne à ces enseignements une signification ésotérique. Pour nous, « La Nation Asiatique d’Amérique du Nord » inclut tous ceux qui embrassent une certaine forme de la Sagesse Orientale, quelles que soient leurs affiliations, et le Maroc signifie le but à atteindre, la « Conscience Illuminée ».
À Chicago, Noble Drew émit plusieurs Passeports Moorish, et l’on dit que quelques nouveaux convertis, dans le zèle de leur nouvelle nationalité, commencèrent à devenir de moins en moins obéissant vis-à-vis de l’Empire oppresseur (le « Pharaon » et « Babylone »). Cela culmina avec une attaque en règle contre le Temple de la Science dans lequel (en dépit de passage secret pour s’enfuir, une caractéristique de tous les Temples de la Science Moorish) beaucoup de croyants furent martyrisés, y compris « Celui qui Applique la Loi », un homme dans lequel Noble Drew avait reconnu une réincarnation de Jésus.
Peu après (en 1929) Noble Drew prophétisa l’heure de sa mort. Il était sous interrogatoire par la police de Chicago et fut brutalement frappé, il mourut peu de temps après être relâché.
Après cela, les Temples de la Science Moorish commencèrent à éclater en diverses sectes et factions, dont une était dirigée par le chauffeur de Noble Drew, une autre par Elija Muhammad, qui dans son Temple de la Science Moorish enseigna une pseudo-science teintée de haine raciale au travers de la « Nation de l’Islam ».
Dans les années 50 dans la région de Baltimore, quelques poètes blancs et des musiciens de jazz entrèrent en contact avec le Temple de la Science et acquirent leurs passeports. Ils formèrent une autre forme de la Science Moorish, l’Église Orthodoxe Moorish d’Amérique. Au début, l’E.O.M. était vue en partie Moorish et en partie Orthodoxe, et il y avait là certains liens avec des « Evêques Errants » de l’Ancienne Église Catholique, de l’Orthodoxie Syrienne, etc. Quelques-uns de ces « pères fondateurs » se convertirent à l’Islam Sunnite et d’autres restèrent fidèles à l’E.O.M. et au Temple de la Science.
Au début des années 60, dans le West-Side de Manhattan, un des plus jeunes de ceux-ci, Walid al-Taha (Warren Tartaglia), un saxophoniste de jazz et auteur de « The Hundreds Seeds of Beirut », initia quelques amis au sein de l’Église peu de temps avant son décès tragique. Un nouveau Temple fut établi dans la 103e rue à Broadway, ainsi que le magasin « The Crypt » et une Salle de Lecture de la Science Moorish.
Quand l’Ashram Ananda fut transféré à Milbrook en même temps que la Ligue pour la Découverte Spirituelle de Timothy Leary, l’E.O.M. établit également sa présence là. L’E.O.M. est fière de son héritage au sein du Mouvement des Églises Psychédéliques des années 60, quand nous partagions beaucoup d’aventures à Milbrook – jusqu’à ce que l’Empire bannisse le guru celte, exilé en prison. Nous avons toujours un Temple dans le Comté de Dutchess, où l’Eglise est légalement enregistrée.
À cette époque, l’Église abandonna plus ou moins toute « Orthodoxie » (bien qu’elle en conserva le nom) et trouva son esprit fondamental dans le Soufisme. Ce qui nous intéressa tout particulièrement fût le Soufisme professé au travers de divers courants non orthodoxes, en ce compris l’Ismaélisme (l’enseignement des Assassins). Mais beaucoup d’autres courants furent aussi incorporés au sein de l’E.O.M. dans les années 60, comme l’Advaita Vedanta, le Tantra, et le mysticisme néo-américain, le symbolisme des Amérindiens et l’activisme insurrectionnel.
Dans les années 70 et au début des années 80, rétrospectivement, ce fut une période pauvre de l’histoire de l’Église. Les membres s’éparpillèrent un peu partout dans le monde et l’intérêt pour l’Église s’évanouit quelque peu. Pendant un moment, seuls de petits groupes à Manhattan et dans le Comté de Dutchess restèrent actifs et continuèrent l’œuvre. Récemment cependant, les temps sont redevenus propices à la « Résurrection ». De nouvelles religions apparaissent : rites néo-amérindiens, néo-paganisme, anarcho-taoïsme, les Compagnons d’Eris et autres avec qui nous nous sentons en affinité naturelle. Nous avons lancé une nouvelle édition de notre journal, le Moorish Sience Monitor (en sommeil depuis 1967 !) et beaucoup de conversions en ont résulté. Ce soudain regain d’intérêt nécessita donc cette nouvelle édition du pamphlet de l’E.O.M., épuisée depuis la fin des années 60.
Qu’est cette Orthodoxie Moorish ? Quels sont ses « Cathéchismes » ? Beaucoup de personnes se sont converties à l’Orthodoxie Moorish par le simple fait d’avoir entendu son nom ou d’avoir vu une photographie de Noble Drew Ali (sur l’en-tête du « Circle Seven Koran ») – plus tard cependant, ils peuvent demander à en apprendre plus quant à la doctrine Moorish.
En fait, il n’y en a aucune. L’Orthodoxie Moorish est tel un miroir dans lequel chaque « cherchant » voit la « forme » qu’il affectionne le plus et chacune d’elle est différente selon le cherchant. Nous n’avons aucun rituel imposé et aucune source d’autorité autre que celle à laquelle l’imagination de chaque individu peut donner vie. Nous avons cependant en commun un certain « goût » ou esthétique spirituelle.
L’Orthodoxie Moorish fût fondée originellement afin d’explorer les dimensions ésotériques des enseignements de Noble Drew que l’on peut découvrir dans des passages tels que ceux-ci trouvés dans le « Circle Seven Koran » :
« Maintenant, il faut arrêter de chercher les Cieux dans le ciel ; Ouvrez simplement les fenêtres de votre cœur et, tel un flot de lumière, un paradis viendra et vous apportera une joie dans fin ».
« Par le doux souffle d’Allah toutes les vies sont liées entre elles, ainsi, si vous touchez à la moindre fibre d’une chose vivante vous ferez naître un tressaillement du centre jusqu’aux limites extérieures de la vie ».
« Vous êtes, chacun d’entre vous, un prêtre simplement pour vous-même ».
« Allah et l’Homme son Un ».
« Moi (Jésus) j’ai amené l’immortalité à la lumière et peint un arc-en-ciel sur les murs du temps pour les fils des hommes ; et ce que j’ai fait, chaque homme le fera ».
Les aspects égalitaires de ces quelques lignes ont renforcé notre inclinaison hérétique par rapport à toutes les religions organisées. Par rapport à tous les enseignements libertaires et aux magnifiques imaginations, nous adoptons une attitude de « cosmopolite sans racines » qui recherche l’esprit universel caché en tous points de la terre, révélé dans chaque culture, toujours occulte et dissident, un « Collège Invisible » embrassant l’Orient et l’Occident mais rejetant toute contrainte officielle de Réalité Consensuelle. Un Maure peut appartenir à n’importe quelle religion ou à aucune, « libre de prendre une forme ou non… lié à aucune. Les Formes sont là pour être utilisées, par pour faire de nous des prisonniers » (Hazrat Inayat Khan).
L’Idée d’un Islam américain hérétique est une de ces formes. Nous apprécions l’esthétique de la Science Moorish, de l’unique et prophétique symbolisme et imagerie syncrétique afro-américaine, amérindienne, magique, orientale et Moorish de Noble Drew. Nous admirons son courage, son martyr, ses sentences révolutionnaires contre le « Pharaon », son américanisation de l’esprit prophétique. Nous reflétons cette esthétique dans nos vies et notre travail créatif. Mais nous ne sommes pas liés à lui. Telles certaines sectes javanaises nous rejetons la figure du Maître en faveur de celle de l’instructeur. Tout le monde peut être l’instructeur d’une autre personne ; chacun a quelque chose à enseigner ou à apprendre.
Afin de symboliser cette attitude, tous les Maures sont encouragés à créer de nouveaux noms et titres pour eux-mêmes. La Hiérarchie Moorish est autoproclamée, chacun est libre d’imprimer un Passeport, même si l’Ancienne Loge de Manhattan possède certains sceaux et procédures qui sont appréciés des convertis. Les titres populaires chez les Maures sont, entre autres : Gouverneur Moorish, Métropolite, Diacre, Vicaire, Exilarche, Imam, Pape, Comtesse, Maréchal ou Révérend. Les adhérents au Temple de la Science Moorish ajoutent souvent « Bey » ou « El » à leurs noms, d’autres favorisent d’autres traditions, et certains utilisent leur propre nom. Tous les Maures ont le droit de porter des titres puisque tous les Maures ont une « autorité ».
Le Catéchisme de l’Orthodoxie Moorish ne consiste en aucune loi ou dogmes, mais à la seule adhésion aux Cinq Piliers de la Science Moorish donnés par Noble Drew :
Amour
Vérité
Paix
Liberté
Justice
Auxquels nous avons ajouté, « Beauté ».
This bud opens into the red rose,
the nightingale is drunk for joy—
Hail, seekers ! Lovers of wine ;
wine for a thirsty world
like a slug under
the rock of repentance…
a rock smashed by a mere goblet—
and that is the announcement, the Miracle
Wine for the king ! Wine for the slave !
this banquet was set for everyone,
drunk or sober, and when
the Feast is over and night grows up,
and the inside door of the Tavern springs
open
Low and High together will bow down
under the Arch of the World
to meet what…outside ?
Hafez Shirazi
Histoire et Catéchisme de l’Eglise Orthodoxe Moorish d’Amérique, par Ustad Selim (Evêque-Exilarch de Perse) & Arif Hussein Al-Camaysar (Imam de Manhattan). Édition virtuelle transcrite à partir de l’édition Crescent Moon Press de 1986 et mise à jour par les éditeurs en 1992.
Pas de copyright (reproduction libre).
Imprimatur & Nihil Obstat.
Virtuelle Traduction Interprétative par Aboulafia ibn Sabbah (Imam de Libertalia) Novembre 2001 e.v. Illustration : Qarmatia [CC BY-SA 3.0], via Wikimedia Commons