Le Temple de Satan – Avatars du Sorcier par Stanislas de Guaita.
Première Septaine du Serpent de la Genèse : Le Temple de Satan.
Chapitre VI : Modernes Avatars du Sorcier
Des sorciers au XIXe siècle ? De vrais sorciers ? La thèse est insoutenable !
Il était deux heures de l’après-midi. Nous montâmes chez moi et l’abbé ** n’en sortit qu’à la nuit tombante, mais surabondamment convaincu, sans doute, et de la réalité des pouvoirs magiques, et de l’actuelle multiplicité des cas de sorcellerie.
Je dois convenir que j’avais entre les mains de quoi lui faire changer d’avis : plusieurs dossiers d’un ordre unique et d’un caractère véritablement irrécusable. J’éprouve le plus vif regret de n’en pouvoir produire que de courts fragments. Sans parler des exigences de mon cadre, certains motifs de haute convenance m’imposent une réserve qu’un jour peut-être il me sera possible de mettre en oubli. Ces dossiers ont trait à la religion du fameux thaumaturge Eugène Vintras, et plus particulièrement aux faits et gestes de l’un de ses héritiers spirituels.
Mais bien d’autres objets s’offriront à notre examen, avant que d’aborder l’hérétique Vintras et les continuateurs de sa secte gnostique. C’est par eux que je terminerai le présent discours.
Croit-on que magnétiseurs, spirites et médiums ne soient pas des sorciers ?… Ils font de la sorcellerie, comme M. Jourdain de la prose – sans le savoir. Encore plus d’un en fait-il sciemment !
Que si l’on me cherchait une querelle de mots, arguant de l’opinion commune, qui distingue l’Hypnose et le Spiritisme de la Magie noire et de ses sortilèges, je répondrais que l’opinion se trompe. Mais sans débuter par une thèse litigieuse, et soucieux de m’établir d’emblée au cœur même de mon sujet, par le récit de phénomènes sur le caractère desquels on ne peut se méprendre, il m’a paru préférable d’ouvrir ce chapitre sur un décor imprévu : le presbytère de Cideville, en 1851.
Peut-être n’est-il point, dans les annales de la Magie, un seul procès criminel où les prodiges s’affirment plus positifs et plus inébranlablement établis que dans cette modeste affaire, qui se déroula devant la Justice de paix de Yerville (Seine-Inférieure), au commencement de l’année 1851.
Ce procès ne sera pas du goût des amateurs de sorcelleries décoratives, accoutumés au majestueux déploiement des drames judiciaires à grand spectacle. Qu’ils s’estiment tenus de plisser une lèvre dédaigneuse, et de ne prêter qu’une oreille médiocrement attentive au (résultat d’une enquête instruite en aussi maigre appareil, et qui vint aboutir à l’audience de simple police : nous n’en plaindrons pas moins ces faux curieux, de vouloir ainsi sacrifier le fond péremptoire à la forme théâtrale, et méconnaître l’intérêt si puissant qui s’attache à des faits formels attestés sous la foi du serment par un tel nombre d’irrécusables témoins.
Ce qui, frappant l’affaire d’indélébile originalité, la distingue au premier coup d’œil de tous les procès similaires, c’est que la plainte, loin d’être déposée contre le sorcier, émane au contraire de lui. C’est le berger Thorel qui, devant M. le juge de paix du canton, poursuit en dommages et intérêts le curé de Cideville, pour trois coups de gourdin que cet ecclésiastique lui a libéralement octroyés.
L’origine de la cause remonte à l’emprisonnement d’un certain G**, sorcier de village, célèbre par toute la contrée d’alentour pour ses prétentions à la médecine occulte. Ce drôle avait poliment conduit au cimetière tels de ses malades, sous prétexte de traitement infaillible ; d’autres clients étaient en bonne voie de les aller rejoindre. Condamné sur la dénonciation du curé Tinel, G** fulmine quelques menaces vagues et jure de se venger.
Le berger Thorel, demandeur à la barre de Yerville, n’est, de son propre aveu, que le mandataire occulte de G**, l’exécuteur fidèle des suprêmes volontés d’un maître dont il se dit le très humble et très respectueux disciple.
Voici maintenant le résumé des faits, certifiés d’une voix unanime, sous la garantie du serment, par plus d’une vingtaine de témoins. J’ai sous les yeux la narration très minutieusement circonstanciée du marquis de Mirville lui-même, un des témoins oculaires des phénomènes.
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