Le Pendu : L’Esclavage Magique par Stanislas de Guaita.
Chapitre V de la Clé de la Magie Noire.
Tournons un feuillet du Livre des Arcanes. C’est une déconcertante et bizarre énigme que nous propose sa douzième clef. La légende, au bas de l’emblème, naïve et brutale, ne nous apprendra rien : Le Pendu.
Mais quel étrange pendu !
Sur un tertre s’élève le gibet improvisé, en forme de Thau hébraïque. Il se réduit à une traverse horizontale, que maintiennent à hauteur voulue deux supports verticaux, fichés en terre. Ce sont de jeunes troncs d’arbre, encore munis de leur écorce et grossièrement ébranchés : six rameaux, abattus d’un coup de hache à leur naissance, forment autant de nœuds artificiels sur chaque support. En tout, cela fait douze nœuds, le nombre du feuillet.
A la poutre transversale, un homme, la tête en bas, et suspendu par le pied gauche. La jambe droite repliée forme la croix avec l’autre jambe. Deux sacs d’argent pendent de chaque côté, sous l’aisselle ; il s’en échappe des écus. Les bras du patient semblent liés derrière son dos, en sorte que les coudes dessinent, avec le chef renversé, un triangle la pointe en bas, triangle que la croix des jambes surmonte…
La douzième clef du Tarot nous initie aux gloires et aux misères de l’Esclavage magique.
C’est qu’il y a, en magie, deux sortes d’esclavages, le bon et le mauvais, celui de l’Esprit et celui de la Matière : — l’esclavage du devoir, de l’altruisme et du dévouement ; l’esclavage des passions, de l’égoïsme et de la routine.
L’adepte de la haute science est ce supplicié symbolique. Retenu entre ciel et terre par les exigences de la mission qu’il s’est choisie, il reste exilé du Ciel à cause du corps périssable qui le soumet à l’attraction physique ; et ses pieds ne fouleront plus, les avenues de l’Illusion terrestre, dont les doux mirages lui sont interdits désormais : car la discipline qu’il pratique a dessillé ses yeux. Il ne peut plus de bonne foi s’enivrer aux caresses de la charmeuse Maïa, si éblouissante dans l’éclat de sa parure mensongère, et si désirable aux : hommes dans l’imposture de sa souriante beauté !
C’est l’adepte parfait que nous peignons nu, l’être surhumain qui, parvenu au sommet du triangle de sapience, n’a plus rien à recevoir de la terre, mais peut avoir encore beaucoup à lui donner : ce que figurent les pièces d’argent, tombant en pluie sur le sol. Ses bras, liés pour le mal, sont encore libres pour la bienfaisance et l’amour.
Si rare est le mage véritable, surtout à notre époque d’initiés spéculatifs ou incomplets et de médiums douteux, que celte interprétation marque plutôt un idéal à poursuivre, qu’une réalité fréquente à inscrire au livre d’or des fils de la Science et de la Volonté.
L’esclave de la matière pullule, en revanche.
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Le Pendu : L’Esclavage Magique par Stanislas de Guaita
Chapitre V de la Clé de la Magie Noire.