La philosophie et la politique 2 par Paul Lafargue.
Campanella, Etude critique sur sa vie et sur la Cité du Soleil – 2 –
Campanella, alors qu’il étudiait la philosophie dans le couvent des dominicains de Cosenza, fit la connaissance d’un vieux rabbin qui lui révéla les sciences occultes, l’astrologie, la magie et l’alchimie et l’initia à la Kabbale. Ce livre mystérieux qui n’était communiqué que de vive voix et sous le sceau du secret à quelques disciples influa puissamment sur la pensée du moyen-âge. Il fut enseigné à Pic de la Mirandole, Cornelius Agrippa, Paracelse, Robert Fludd, Van Helmond, Bruno et à bien d’autres : il est probable que saint Thomas y puisa une partie de ses idées philosophiques, et sans doute, c’est pour payer une dette de reconnaissance qu’il se fit le défenseur des juifs dont il vantait les services rendus à la science, à la philosophie et au commerce.
La Kabbale était d’origine divine, puisque la première partie, le Sepher iecirah, c’est-à-dire, le livre de la création, fut révélée à Adam par un ange dont on sait le nom : elle contenait toute la sagesse. Reuchlin et les Kabbalistes affirmaient qu’elle avait inspiré tous les sages de l’antiquité, particulièrement les Pythagoriciens, qui lui avaient emprunté la transmigration des âmes et leurs théories sur les nombres : mais il est plus probable qu’elle est un résumé des théories philosophiques recueillies un peu partout par les Juifs répandus dans le monde antique, transformées par le génie israélite et embrouillées par le mysticisme religieux de l’Égypte et de l’Asie. La Kabbale forme le plus extraordinaire et le plus confus mélange des plus hautes idées philosophiques avec les puérilités et les rêves fantasques de l’occultisme : elle enseigne à trouver à l’aide de combinaisons de lettres, ayant une valeur numérique, le sens mystique de la Bible, caché sous son sens littéral ; elle révèle l’art de faire agir les puissances supérieures sur le monde inférieur et de produire des effets surnaturels : Jésus Christ avait accompli ses miracles à laide des mystères de la Kabbale.
Les modernes qui ont eu le courage d’étudier ce fouillis inextricable, dégagent un panthéisme philosophique, qui se rattache à la famille des spéculations idéalistes, identifiant et subordonnant les lois qui régissent les phénomènes du monde matériel, ordo et connexio rerum, aux règles logiques d’après lesquelles s’enchaînent les phénomènes de l’esprit, ordo et connexio idearum ; expliquant la création de l’Univers par une évolution successive de l’Être, Hegel dirait de l’Idée, et affirmant que rien n’existe en dehors de l’Être et de ses diverses manifestations, ou émanations selon l’expression de la Kabbale.
L’Être virtuel, appelé En-Soph, tant qu’il reste infini, indéterminé et avant d’avoir produit l’Univers, ou ce qui est le même, avant d’avoir revêtu aucune forme et imposé aucune mesure à son infinitude, n’est rien ; en hébreu ain, nihil. « L’Être en soi n’est rien de déterminé, il est même en dehors de ce que dans le langage humain, on nomme quelque chose », dit Zohar, la deuxième partie de la Kabbale. L’Être infini s’ignore lui-même, il est comme s’il n’existait pas, il est le Non-Être ; il n’a ni sagesse, ni puissance, ni aucun autre attribut, car un attribut suppose une distinction, par conséquent une limite.
L’Être pour prendre possession de lui-même et sortir de son indétermination se manifeste d’abord à lui-même comme Pensée et comme Verbe : comme Pensée par les dix Sephiroth, les dix premiers chiffres, symbole de l’abstrait ; comme Verbe par les vingt-deux lettres de l’alphabet hébreu, éléments du langage, qui, avec les dix Sephiroth, sont les trente-deux voies de la Sagesse.
La première émanation ou premier Sephiroth, nommée Diadème ou Couronne est l’Être fini, déterminé, opposé à l’Être infini, indéterminé. Son nom dans la Bible, signifie : Je suis ; cette première manifestation de l’infini est la concentration extrême ; son symbole est le point mathématique et la lettre la plus petite de l’alphabet hébreu, la lettre lod, qui par sa forme rappelle le point mathématique et est le signe du nombre dix. Ces symboles apprennent que l’Être déterminé est l’unité première, le commencement et la fin de toute chose, car le point mathématique est le commencement de la ligne, qui est le commencement des surfaces et puis des solides, et le nombre dix est la fin de toute numération. La concentration de l’Être déterminé est si extrême qu’on ne peut lui distinguer aucun attribut, aussi est-il nommé également le Non-Être : c’est avec ce Non-Être et non pas avec le Néant que le monde a été fait.
Du sein de celle unité, petite et indivisible comme l’atome, émanent parallèlement deux Sephiroth, la Sagesse, principe masculin, et l’Intelligence, principe féminin, qui engendrent la Science ; ainsi se trouve formée la première trinité indivisible. De l’Intelligence émanent la Grâce ou la Puissance et la Justice ou la Grandeur, qui se combinent pour engendrer la Beauté ; et la deuxième trinité est formée. De la Beauté émanent le Triomphe et la Gloire, qui engendrent le dixième Sephiroth, en qui se concentrent toutes les forces des autres Sephiroth, comme le nombre dix renferme les neuf premiers chiffres ; il a pour symbole le Phallus.
L’Être, après s’être engendré lui-même, procède de la même manière à la génération des autres Êtres : il se manifeste par une série continue d’émanations découlant les unes des autres, autrement dit par une série de modes d’existences décroissantes, comme des forces émanant les unes des autres et s’affaiblissant graduellement dans la même proportion qu’elles s’éloignent du point d’origine.
La création matérielle reproduit la création idéale des Sephiroth : d’un côté l’Univers, l’extrêmement étendu et grand, le macrocosme et de l’autre, l’extrêmement concentré, l’homme, le microcosme, qui résume toute la création : par son âme il participe à tous les attributs de l’Être ; par son corps il répète tout ce qui existe dans le macrocosme. Paracelse, qui dans le domaine médical luttait contre Avicenne et la doctrine Galénique et qui s’inspirait de la Kabbale disait : « Il n’y a point de membre de l’homme qui ne corresponde à un élément, à une plante, à une intelligence, à une mesure et à une raison de l’archétype ». Le mouvement d’expansion de l’Être, qui aboutit à la création de l’Univers et à celle de l’homme, sera suivi par un mouvement inverse de concentration de l’Être en lui-même, but définitif de toutes choses. L’identification de l’Être avec la création fait que la Kabbale a de la création une autre vue que le Gnosticisme, la philosophie d’Alexandrie et le mysticisme hindou et chrétien, qui considèrent la génération des êtres comme une déchéance, le monde comme une malédiction, la vie comme un supplice, à laquelle les hommes sont attachés sans but et sans raison par des génies malfaisants. La création pour la Kabbale est au contraire une manifestation de la Bonté et de la Grandeur de l’Être ; elle est un acte d’amour, une bénédiction. Rien n’est absolument mauvais, rien n’est maudit pour toujours, pas même Satan. L’enfer doit disparaître et se transformer en un lieu de délices ; la vie sera alors une fête continuelle, un sabbat sans fin.
La métaphysique de Campanella se ressent de la Kabbale.
L’Être infini débute dans sa carrière par se reconnaître lui-même en engendrant le premier Sephiroth : Je suis. Campanella commence par se déterminer : Ce dont je suis certain, c’est que je suis, dit-il. Descartes devait dire : Je pense, donc je suis [16]. L’âme humaine participant aux attributs de l’Être, il n’a qu’à s’adresser à sa conscience pour les trouver, après avoir affirmé son existence, il constate qu’il peut, qu’il sait et qu’il veut. Ces trois activités sont les trois attributs fondamentaux ou primalitates de l’Être, qui sont la virtualité ou possibilité, – potentia ; la Science – sapientia ; la sympathie – amor. Les attributs opposés, l’impossibilité ou l’impuissance, impotentia, la non science, insipientia, l’antipathie, odium metaphysicum, appartiennent non pas au Néant, qui ne peut exister en soi, mais au Non-Être, qui circonscrit toutes choses et est attaché à eux. Ce Non-Être est l’Être infini de la Kabbale. Toutes les choses créées, les hommes, comme les animaux, les plantes et les objets inanimés participent, à des degrés divers aux trois primalitates, que seul l’Être possède dans leur unité ; c’est lui qui les communique à tout ce qui existe ; et toutes choses n’existent que parce qu’il renferme une parcelle des trois primalitates, une parcelle de l’Être. L’Être est donc dans tout ; il est tout, comme le Non-Être est autour de tout, il n’est rien.
L’Être, d’après la Kabbale, après avoir créé l’Univers par des émanations successives, doit se concentrer en lui-même et tout absorber ; aussi Campanella, après avoir établi le principe et la loi du développement du monde, découvre les symptômes de sa maladie, de sa décrépitude et de sa mort, mais cette mort sera la condition d’une nouvelle vie, ainsi que l’avait enseigné Anaximandre et les philosophes de l’École Ionienne. Tout doit naître, mourir pour renaître. Postel allait jusqu’à assigner au monde une durée de 6000 ans. Cette manière de concevoir le monde comme accomplissant une évolution ascendante, devant être suivie par une autre évolution descendante, amena cet étrange illuminé, encore plus mystique que Campanella, et dont l’érudition étonna son époque qui abondait en érudits, à découvrir une des lois de l’histoire, que Hegel devait redécouvrir : Toutes les révolutions et tous les événements historiques, disait Postel, quelque déraisonnables, contradictoires, dénués de sens et de but qu’ils paraissent, ne sont pas inutiles, car ils tendent vers un but déterminé, l’unité du genre humain, qui devait se faire par l’unité de religion. – Un seul fait cependant, admettait-il, ne rentrait pas dans le cadre de cette évolution, c’était la propagation du Coran.
De même que l’Être évoluait dans le monde, de même l’esprit humain évoluait dans la connaissance du monde ; Campanella entreprit de donner la marche de cette évolution par une classification des sciences. Il les classa d’après leur objet, tandis que Bacon les rangeait d’après un point de vue plus vague et plus arbitraire, d’après leur sujet, c’est-à-dire d’après les diverses facultés intellectuelles qui concourent à leur formation. Il les divisa en sciences divines – théologie, et en science humaine, – micrologie et au-dessus se place la Métaphysique, qui embrasse les principes communs à ces deux classes de sciences. La Micrologie se subdivise en deux grandes branches : la Science naturelle, qui comprend cinq sciences spéciales : la Médecine, la Géométrie, la Cosmographie, l’Astronomie et l’Astrologie ; et la Science morale, qui comprend également cinq sciences spéciales : l’Éthique, la Politique, l’Économique, la Rhétorique et la Poétique. Parmi les sciences appliquées il classe la Magie, qu’il divise en magie naturelle, magie angélique et magie diabolique.
Campanella ainsi que la plupart de ses contemporains croyait fermement dans l’Astrologie : s’il a échappé au bûcher des hérétiques et s’il a rencontré parmi les papes, les rois et leurs ministres des amis dévoués qui l’ont protégé contre la haine des Jésuites et la colère du gouvernement espagnol, il le doit seulement à sa réputation d’astrologue. Il a parsemé tous ses ouvrages de divagations astrologiques et a écrit un volume en six livres, où il prétend avoir écarté les superstitions des Arabes et des Juifs et démontré philosophiquement la vérité de l’astrologie en s’appuyant sur saint Thomas et les Saintes-Écritures.
« Les astres, dit-il, exercent une influence sur la nature : ainsi les plantes ne sauraient fleurir si le soleil ne les échauffait. La température est l’effet des causes universelles, c’est-à-dire célestes : c’est pourquoi nous sommes soumis dans toutes nos actions à l’influence du ciel ». Combinant cette constatation de faits, indéniables aux théories de la Kabbale qui font du microcosme, – l’homme – un résumé et une répétition du macrocosme, – l’univers – il établit des correspondances entre les destinées humaines et le cours des astres, qui sont la cause du mal et des messagers de Dieu ; « la fin du monde sera, dit-il, annoncée par des signes dans le soleil et les étoiles ». Postel prétendait qu’on trouve « écrit dans les cieux en caractères hébreux, par l’arrangement des étoiles, tout ce qui est dans la nature ». – Les 22 lettres de l’alphabet hébreu, combinées aux dix premiers nombres formaient, d’après la Kabbale, les 32 voies de la sagesse.
Campanella, ainsi que Postel et d’autres penseurs du XVIe siècle, croyait en l’unité du genre humain et pensait quelle se réaliserait en unissant sous un même pouvoir tous les peuples de l’univers : il exprimait, sans le savoir, d’une manière philosophique, l’impérieux besoin économique de la Bourgeoisie capitaliste de son temps. En effet, elle ne pouvait se développer économiquement et politiquement qu’à la condition de détruire l’autonomie des villes et des provinces pour élever sur leurs ruines les unités nationales, qui n’ont achevé leur constitution que de nos jours ; – de renverser les barrières locales et provinciales qui entravaient et empêchaient même la libre circulation des marchandises ; – d’abolir les privilèges locaux et corporatifs qui s’opposaient à l’établissement de l’industrie manufacturière ; – d’imposer aux rois et aux seigneurs féodaux qui battaient monnaie et la falsifiaient, le respect de la valeur de l’argent et de l’or ; – et d’établir une unification des poids et des mesures, dont la variabilité gênait les échanges d’une localité à une autre.
Les Juifs qui reliaient les peuples d’Asie, d’Afrique et d’Europe par les liens d’un commerce très étendu, devaient être les premiers à refléter dans leur philosophie ce besoin économique : leur commerce international leur imposait la tâche d’initiateurs idéologiques. Le Panthéisme et la transmigration des Âmes de la Kabbale ne sont que des expressions métaphysiques de la valeur des marchandises et de leur échange. – La valeur, ainsi que l’Être qui vit dans toute chose créée, est incorporé dans tout ce qui se vend et s’achète ; toute marchandise possède une quantité déterminée de valeur, comme toute chose animée ou inanimée participe à des degrés divers aux attributs de l’Être. La valeur d’une marchandise transmigre dans une autre, puisque dans une marchandise revit la valeur de la matière première et des instruments qui ont concouru à sa production. Toutes les marchandises bien que différentes de qualité expriment cependant leur valeur, différente en quantité, dans l’argent, qui devient la marchandise par excellence, celle qui personnifie l’unité des marchandises. Marx a démontré que l’échange capitaliste débute par l’argent pour aboutir à !argent, mais à !argent avec un incrément : la théosophie de la Kabbale part de l’unité, le 1er Séphiroth, pour aboutir avec le 10ème Séphiroth à l’unité complexe, puisqu’il accumule les attributs des neuf Séphiroth précédents.
Le Moyen-Âge avait eu deux unités politiques : la hiérarchie féodale, qui reliait par des devoirs et des droits réciproques, depuis le serf jusqu’au roi, tous les membres d’une société dans un même pays ; et la hiérarchie catholique, qui ne comprenait dans son cadre qu’un nombre restreint d’individus, mais qui était plus générale et s’étendait sur toutes les nations de la chrétienté. Les deux unités entrèrent en lutte pour la domination. Les papes et leurs docteurs s’attaquèrent à la tête de l’organisation féodale, à la royauté, que Grégoire VII déclarait « née du diable et inventée par l’orgueil humain ». Au-dessus des pouvoirs de la terre, tous passagers et périssables, saint Thomas élève la puissance spirituelle du Pape, qu’il proclame au nom de la philosophie et de l’Évangile le souverain des peuples et des rois et l’arbitre de leurs différends.
Campanella, qui était un moine dominicain, au lieu de chercher à satisfaire ce besoin d’unité qui travaillait les sociétés européennes, par l’organisation d’un ordre politique nouveau, reporte ses regards en arrière et rêve de relever l’autorité papale, battus en brèche de tous les côtés. Ainsi que saint Thomas, il démontre dans sa Monarchia Messiae, au nom de la philosophie humaine et divine, les droits du Souverain Pontife à la domination de toute la terre. L’unité de religion devait amener l’unité du genre humain, pensait Postel ; elle avait trois ennemis à combattre, les Juifs, les Mahométans et les Idolâtres ; il prétendait les convertir à l’Évangile par l’apostolat et les seules forces de la raison. Campanella, appartenant à un ordre religieux qui avait fourni des chefs à l’inquisition, ne reculait pas devant l’emploi de la force pour réduire les protestants et les mahométans, qui empêchaient l’établissement de l’unité théocratique d’où devait découler l’unité du genre humain. Il exhorta les souverains à extirper l’hérésie par la violence et conseilla aux papes de lever des troupes contre les protestants.
Cette unification du genre humain qu’il demandait à la domination papale, il croyait qu’elle était en train de se réaliser par l’entremise de sa mortelle ennemie, la monarchie espagnole. Il était dans les prisons du roi d’Espagne, quand il écrivit son célèbre traité De Monarchica Hispanica, qui, dès son apparition, fut traduite en Allemagne et en Angleterre. « Le jour où se réalisera cette unité du genre humain n’est pas loin, dit-il : il est annoncé et prédit à chaque page de l’histoire du XVI° siècle. L’immense accroissement de la monarchie espagnole est l’œuvre de Dieu : il a choisi et marqué du sceau divin le plus religieux des peuples d’Europe pour le faire servir à ses vues providentielles ; il lui a donné les clefs du Nouveau Monde, afin que partout où luit le soleil la religion du Christ ait ses solennités et ses sacrifices. Le roi catholique doit réunir l’univers entier sous sa loi ; son titre n’est plus un vain mot : le Crucifix d’une main et l’épée de l’autre, il faut qu’il combatte le protestantisme et l’islamisme jusqu’à les faire disparaître de la face de la terre, car sa mission est d’amener le triomphe de l’Église en écrasant ses ennemis et en posant le pied sur leurs têtes ; nouveau Cyrus il doit mettre fin à cette nouvelle captivité de Babylone ». Ce n’était pas le triomphe de l’Église, mais celui de la bourgeoisie capitaliste que les événements préparaient.
Mais cette unité religieuse et politique que Campanella n’hésitait pas de demander à la force, il ne la désirait que pour faire cesser la discorde et pour établir la paix et le bonheur sur la terre. Durant sa longue et douloureuse vie, il tendit son activité vers un but, l’établissement du communisme. Tout jeune, à 32 ans, il prêcha et organisa sa révolte pour la réaliser ; emprisonné et torturé, mais toujours invaincu, il conspira du fond de son cachot avec le duc d’Ossuna et se consola de ses malheurs en rêvant son utopie ; redevenu libre, il écrit La Cité du Soleil. Emporté par l’enthousiasme pour son idée, comme Fourier qui voulait convoquer à Aix-la-Chapelle un congrès de rois et de capitalistes pour leur faire adopter son Phalanstère, Campanella croit que la description de sa République philosophique convertira les peuples de la Terre. Il prédit sa venue dans un sonnet :
« Si l’heureux âge d’or exista jadis, pourquoi n’existerait-il pas de nouveau ? Puisque toute chose qui a été revient à sa source après avoir suivi son cours. »
… Si dans ce qui est utile, si dans le bonheur et la morale, les hommes mettaient tout en commun, ainsi que je le vois et l’enseigne, le monde serait un Paradis. »
Dans un autre sonnet, il prophétise :
« Alors, vous pourrez prier et demander avec instance que ce temps arrive où la volonté divine sera accomplie sur la terre…
… Car les poètes verront un âge qui surpassera tous les autres, comme l’or surpasse tous les métaux.
… Alors, les philosophes verront cette République parfaite, décrite par eux et qui n’a pas encore existé sur la terre. »
Aucune déception ne put ébranler sa foi profonde et ardente : jusqu’au dernier jour de sa vie, il poursuit son rêve utopique. « À la honte des impies, dit-il, dans le traité théologique, Atheismus triumphatus, j’attends sur terre un prélude du Paradis, un siècle d’or plein de bonheur, duquel seront exclus les incrédules qui se moquent de la foi. »
Plus sur le sujet :
Paul Lafargue. Campanella, La philosophie et la politique 2, Paris, 1895.