Vénus et le Pentagramme

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Vénus et le Pentagramme par Spartakus FreeMann.

« Le cercle qui l’entoure n’a ni commencement ni fin. Il représente l’infini et l’éternité. Une autre signification peut nous renvoyer au fait qu’il existe une vague similitude de forme avec la morphologie humaine : un corps, bras et jambes écartés. En conséquence, le pentagramme inscrit dans le cercle est le symbole de l’être humain en relation avec l’infini. » – Doreen Valiente, Witchcraft for Tomorrow.

Le pentagramme, ou pentalpha ou pentangle, est désigné en latin par les termes pentagulum et pentaculum, mais également par signum Pythagoricum, « signe des pythagoriciens », signum Hygae, « signe d’Hygée » (voir « Hugiaine ! » qui était le mot de passe des adeptes pythagoriciens selon Lucien, Pro lapsu 5) ou encore signum salutatis, « signe de la Santé ».

« Quoique le divin Pythagore n’ait pas jugé à propos de nous laisser aucun de ses ouvrages, on sait néanmoins, autant qu’il est permis d’en juger par Ocellus de Lucanie, Archytas, et ses autres disciples, qu’il ne mettait jamais en tête de ses lettres, ni « joie » ni « prospérité » ; il commençait toujours par « Hugiaine ! » (bonne santé). En effet, tous ceux qui sont sortis de son école, lorsqu’ils s’écrivent sur quelque sujet sérieux, commencent par se dire « Hugiaine ! », une bonne santé étant ce qui convient le mieux à l’âme et au corps et renfermant en général tous les biens que l’homme peut désirer. Voilà pourquoi le triple triangle enlacé, formé de cinq lignes (le pentagramme), qui servait de symbole à tous ceux de cette secte, était nommé par eux le signe de la santé. Enfin, ils pensaient que dans « Hugiaine ! », c’est-à-dire la santé, se trouvaient compris eï « joie » et « prospérité », la bonne chance et la joie, tandis que « joie » et « prospérité » ne renferment pas l’idée d’« Hugiaine ! ». Quelques-uns prennent pour symbole le quaternion, qui est leur plus grand serment, et qui forme un nombre parfait, et ils l’appellent le principe de la santé : parmi eux est Philolaüs » [1].

Ces noms sont choisis suivant la signification symbolique que l’on veut attribuer au pentacle.

Le pentagramme apparaît en Mésopotamie vers 3000 avant notre ère, en tant que signe sumérien « UB » qui signifie « coin, angle, régions ». Dans la période du cunéiforme (vers 2600 avant notre ère), il représentait les Cieux (« Kibratu » en akkadien [2]) ainsi que les 4 directions de l’espace (avant, arrière, gauche, droite) ; la cinquième pointe représentant le « dessus ». Les 4 directions correspondraient aussi aux planètes Jupiter, Mercure, Mars et Saturne ; Vénus (Ishtar, Ninanna [3] et Inanna), la Reine des Cieux étant représentée par la pointe supérieure.

Il était le signe des Pythagoriciens pour qui il représentait l’harmonie, la beauté, la perfection (voir Jamblique, Vita Pyth. XXXIII). Disons quelques mots sur ces fameux pythagoriciens qui firent couler autant d’encre chez les occultistes que chez les étudiants. Au 6e siècle avant notre ère, Pythagore fonde à Crotone une école vouée à l’étude et à l’interprétation mystique des nombres : c’est la Fraternité pythagoricienne qui comprend deux catégories de disciples : les acousmaticiens (attachés aux seuls résultats apportés par une théorie : les auditeurs extérieurs) et les mathématiciens (ce sont ceux qui démontrent les résultats : cénacle intérieur recevant les enseignements). Leur profession de foi semble avoir été : « Tout est nombre ».

Pentagramme

Dans la figure ci-dessus, les points A’, C’, E’, B’, D’, nommés dans cet ordre sont les sommets d’un polygone régulier étoilé appelé pentagramme. Ce pentagramme de Pythagore était le sceau de reconnaissance des pythagoriciens. Le rapport d’une diagonale sur le côté du pentagone convexe régulier est égal au nombre d’or Φ [4].

Le pentagramme est en fait un pentagone étoilé constitué à partir des diagonales d’un pentagone régulier, ou pentacle, lequel possède de nombreuses propriétés géométriques et numériques : le rapport de la diagonale au côté est le nombre d’or. Les pythagoriciens semblent avoir étiqueté le Pentagramme de 6 lettres à chaque pointe ou à chaque angle, selon : UGIEIA (Υ Γ Ι ΕΙ Α) parfois raccourci en Υ Γ Ι Θ Α, le Θ représentant la diphtongue « EI ». Nous retrouvons ces cinq dernières lettres chez Alstedius (Encyclopédie Universelle, 1620) et chez Kircher (Arithmologia, 1665). Dans le De Occulta Philosophia (Livre III, chapitre 21) d’Agrippa nous pouvons voir un pentagramme entouré de deux cercles avec entre eux les lettres grecques Υ Γ Ι ΕΙ Α.

Pentagramme inversé

On retrouve encore cette disposition dans l’Imagini Degli Dei Antichi de V. Catari, Crotone, 1647 (voir ci-contre) où l’on peut voir une bague avec un pentagramme sur lequel est inscrit SALUS en latin et YGEIA (υγιεια).

UGEIA

Les pythagoriciens attribuaient les éléments au pentagramme de la manière suivante :

  • Υ : Hudor (Yδωρ) = Eau
  • Γ : Gaïa (Γαια) = Terre
  • Ι : Idea (Iδέα) = Idée
  • ΕΙ : Heilé (έιλή) = Soleil ou Θ : Therma = Chaleur
  • Α : Aer (Aήρ) = Air

« Le pentagramme, inscrit dans un cercle invisible, représente les cinq années d’études et de recueillement qui précèdent l’initiation. Il exprime la quintessence, la perfection réalisée, l’état du connaissant. Les cinq éléments : Terre, Air, Eau, Feu, Éther, correspondent aux cinq branches de l’étoile » Dictionnaire des symboles, mythes et croyances, Corinne Morel.

Aujourd’hui, l’attribution des éléments aux cinq branches de l’étoile est quelque peu différente, comme nous le montre l’image ci-dessous :

Dans le judaïsme, on appelle le Pentagramme « Étoile de Salomon » qui fut un ancien symbole de la ville de Jérusalem. Il est à noter ici un malentendu concernant le « sceau de Salomon », étoile à 6 branches ou hexagramme, et l’Étoile de Salomon, étoile à cinq branches qui seront utilisés au Moyen-âge comme instruments magiques : « Quel qu’ait pu être le nom sous lequel le pentagramme et l’hexagramme étaient connus, ils ont eu au cours de leur carrière un but précis, et un seul : servir de protection contre les démons. » [5]. C’est autour du 14e siècle que l’appellation de « bouclier de David » tend à remplacer celle de « sceau de Salomon ». Le lien entre l’étoile à cinq branches et Salomon se trouve dans le culte de la déesse phénicienne Astarté : « Salomon alla après Astarté, divinité des Sidoniens, et après Milcom, l’abomination des Ammonites… » (1Rois 11:5), or, Astarté est associée à la planète Vénus et donc à l’étoile à cinq branches.

Plus tard, il fut pour les gnostiques le symbole des cinq éléments (esprit, terre, eau, feu et air).

Par la suite, vers les 17e et 18e siècles, le pentagramme deviendra le symbole de diverses écoles « initiatiques » et, sous le nom d’« étoile flamboyante », on le retrouvera comme emblème du grade de Compagnon de la Franc-maçonnerie.

Pour les occultistes occidentaux, ce symbole est considéré comme une représentation ésotérique de la course de Vénus dans le ciel. Nous arrivons là au cœur de ce qui nous occupe. Une « conjonction supérieure » se déroule lorsque Vénus est derrière le Soleil et une « conjonction inférieure » lorsqu’elle est entre le Soleil et la Terre. Lors de cinq périodes synodiques [6] consécutives, si l’on repère les positions apparentes de Vénus par rapport au soleil, nous obtenons un pentagramme approximatif. Le processus en son entier prend 5 périodes de 584 jours (un synode) soit 8 ans et 5 jours.

On appelle par ailleurs Vénus l’Étoile du Matin ou Étoile du Soir, car, étant plus proche du Soleil que la Terre, elle ne peut jamais être perçue qu’à ces heures de la journée. Pendant une période de 247 jours consécutifs, Vénus n’est visible qu’au coucher du Soleil – devenant à ce moment l’Étoile du Soir, Hespéros, Aphrodite –, ensuite elle est totalement invisible pendant 14 jours avant de réapparaître comme Étoile du Matin ou Phosphoros – Lucifer, Étoile de l’Est. À cause de l’interruption entre ces deux « phases » de sa course, certains peuples de l’Antiquité on cru qu’il s’agissait là de deux étoiles distinctes. Ce sera au 4e siècle avant notre ère que Diogène Laërte écrira : « et on pense que c’est Parménide qui a le premier réalisé que les Étoiles du Matin et du Soir n’étaient qu’une seule et même étoile. D’autres disent que c’est Pythagore ».

Durant le Moyen-âge jusqu’à l’époque contemporaine, on a représenté l’Étoile du Soir au Proche-Orient par une étoile à huit pointes ou par une fleur à huit pétales. Pourquoi huit ? Tout d’abord, souvenons-nous que Vénus-Ishtar est visible sous ses deux cycles de 245 ou 247 jours ce qui équivaut à 8 cycles lunaires. On pouvait apercevoir l’étoile du matin avec la nouvelle lune huit fois avant qu’elle ne soit « avalée » par le soleil, c’est-à-dire rendue invisible par la lumière du soleil. Ensuite, il faut 8 années pour que Vénus accomplisse son cycle complet autour du zodiaque. C’est ainsi que cette étoile à huit pointes a été associée à Inanna-Ishtar, la planète Vénus autrement dit, en Mésopotamie.

Inanna et l’Étoile à Huit Pointes (en haut au milieu)

Nous voilà arrivés au bout de notre voyage. Ou plutôt, nous voilà revenus à la source, car si l’on comprend à présent le lien étroit qui existe entre le pentagramme et Vénus, nous comprenons encore mieux le lien avec le symbolisme du huit ainsi qu’avec l’étoile aux huit branches dont dérive l’actuelle Chaosphère de la Chaos Magick. L’occultisme et la magie se meuvent par cycle depuis le fond des âges de l’humanité, ce que l’on pense découvrir n’est en fin de compte qu’écmnésie ou plutôt qu’anamnèse. Depuis toujours nous avons sous les yeux les symboles de notre pratique magique. Malheureusement, des siècles de dogmes et de voilements initiatiques nous masquent la simplicité de la magie de l’univers… Malheureusement, l’amnésie de la psychédélicurgie chaotique risque bien de nous couper l’accès à ce savoir…

Aller plus loin avec le pentagramme :

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Vénus et le Pentagramme par Spartakus FreeMann, décembre 2008 e.v.

Sources :

  • Allman, George Johnston. (1889). Greek Geometry From Thales to Euclid. Dublin : Hodges, Figgis & Co;
  • Marguerite Neveux, H.E. Huntley, Le Nombre d’Or, Seuil ;
  • Beatrice Laura Goff, Symbols of Prehistoric Mesopotamia. New Haven : Yale University Press, 1963 ;
  • « Sumerian Lexicon v 3.0 » et  Sumerian Questions and Answers.
  • Kkulturica ;
  • « Pentagramm », sur Online Encyclopedia of Western signs and ideograms.
Sommet d’un kudurru portant des symboles divins inscrits Suse (produit d’un pillage ancien en Mésopotamie, fouilles J. de Morgan, 1899), époque kassite, fin du IIe millénaire av. J.-C. Ishtar est représentée au sommet du monument (1). Source BNF.
Détail de Astronomy Explained Upon Sir Isaac Newton’s Principles par James Ferguson, 1799,plate III, p. 67.

Notes :

[1] Lucien de Samosate, Œuvres complètes de Lucien de Samosate, Tome premier. Traduction par Eugène Talbot, Paris : Hachette, 1912

[2] Syllabaire du cunéiforme

[3] Nin-si4-an-na = Vénus – « Dame de l’Aurore » – Le vase recouvert UB, symbole de la sphère, la totalité, les quatre régions

[4] Le nombre d’or est la constante (1+√5)/2, soit environ 1,61803

[5] Gershom Scholem « Le messianisme juif » (1971 ; traduction française, Paris, Calmann-Lévy, 1974)

[6] Une période synodique est le temps nécessaire à Vénus pour revenir exactement à la même position par rapport au soleil.

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