La Kabbale dans le Traité des Chiffres

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La Kabbale dans le Traité des Chiffres par Blaise de Vigenère. 

Voici un extrait du TRAICTÉ DES CHIFFRES, SECRETES MANIERES D’ESCRIRE : PAR BLAISE DE VIGENERE, BOURBONNOIS. [H] [MARQUE] A PARIS, Chez ABEL L’ANGELIER, au premier pillier de la grand’Salle du Palais. M. D. LXXXVI. AVEC PRIVILEGE DU ROY, ou Traité des Chiffres. Ces passages se réfèrent plus particulièrement à la Kabbale et décrivent la vision chrétienne du XVIe siècle. A lire pour comprendre comment la Kabbale traditionnelle nous est parvenue au travers de la Kabbale chrétienne.

OR toutes ces digressions icy, et encore dés le sueil de l’huys, comme on dict, que pourront elles sembler par raison, sinon autant de saillies extravaguees hors de nostre propos principal ? Mais nous n’entendons pas de nous y enclorre et assujectir si estroictement, qu’il ne nous soit loisible de fois à autre de nous emanciper à faire quelque petits eschapatoires, sur ce qui se presentera de rare et de digne d’estre incidemment parcouru ; mesmement des occultes et secretes sciences, ensevelies pour le present ; attendu qu’elles tiennent le mesme lieu envers les vulgaires et triviales, que font les chiffres à l’endroit de la commune escriture ; les chiffres veux-je dire, non ceux qu’on practique és cours des Princes, destinez pour les secretariats et depesches ; ains d’autres bien plus spirituels et ingenieux, lesquels procedans d’une revolution circulaire, et multiplication carree et cubique, ensemble de tels autres artifices qui dependent principalement de l’Arithmetique et Geometrie formelles, comprises par les Hebrieux sous ce mot de Ghematrie, meritent d’estre non asserviz à de tels usages, ains employez

Tout plein de belles correspondances du nombre de Trois.

Et de vray ce sont les trois sciences mystiques, appropriees à la notice des trois mondes ; l’Intelligible, le Celeste, et l’Elementaire ; representez en premier lieu par ces trois lettres du mot אדם ; et pareillement les trois parties de l’homme dit le petit monde ; l’intellect, l’ame, et le corps, subject à alteration et corruption, comme aussi est la partie elementaire. Car il y a trois choses, dit le Zohar, qui se correspondent, et ont esté formees sur l’exemplaire de l’Archetype et premiere Idee ; le Tabernacle du SEIGNEUR, que luy dressa Moyse ; le Temple de Salomon ; et le Corps humain ; selon les trois manieres de nombres, qui s’y raportent ; assavoir le vocal ou operatif qui est extraict de la mesure, au monde Elementaire ; le formel extraict du vocal, au Celeste ; et le

Mystere du departement des biens de la terre en la loy Judaïque.

Si que le departement des fruicts et biens de la terre en l’ancienne loy, estoit estably et dressé de ce mesme ordre. Car des cent portions appartenans à tout le peuple, le dixme en estoit mis à part pour les gens d’Eglise : et de ce dixme, la decime extraicte pour la part de Dieu : de maniere que les Centenaires comme plus materiels et grossiers, estoient destinez pour les laicz et prophanes : les dixenaires, aux levites et prestres ; et l’unité ou decime de la decime, reservee à DIEU ; qui estant tout, n’est toutesfois qu’UN, ainsi qu’on peult veoir au Zohar ; Toutes choses sont UN pour le regard de Dieu, mais pour le nostre plusieurs ; comme les rameaux partans d’une tige ; infinis rayons, du Soleil ; et les facultez et puissances de l’ame. Platon tout de mesme apres Parmenide ; Non tant seulement toutes choses sont en Dieu, ains tout ce qui est, entant qu’il est en Dieu, et procede de luy, n’est qu’ UN. Hermes pareillement en sa table, qu’on appelle de l’Esmeraulde ; Sicut omnes res fuerunt meditatione vnius, sic omnes res natae fuerunt ab hac vna re adaptatione. Ce que Procle en ses problemes theologiques dilate de ceste maniere : Ainsi que toutes choses sont procedees d’ UN SEUL, en semblable se hastent elles d’une course continuelle, de retourner à cest UN là ; avec lequel tant plus est grande la concorde dont elles

Le dix est la fin de tous nombres.

Outre lequel, ce dit Aristote au 3. des problemes, section 15. nul n’a jamais trouvé point encore de nombre. Et les quatre lettres du grand nom יהוה, qui sont circulaires toutes, jointes ensemble faisans 26. par le mesme adjoustement de l’aleph ou d’UN, arrivent à 27. le cube du ternaire, tant magnifié de Platon dans son Timee, en la premiere production du monde. Lequel nombre de 26. est encore denoté mystiquement par ceste premier lettre de l’alphabet א, composee d’un ו qui vault six, et de deux י, chacun dix : au moien dequoy la plus grand’part des noms divins commencent par ledit Aleph ; comme אל, אהיה, que Platon appelle ôn ou on, ENS, qui ne differe du Iehouah, sinon qu’au lieu du Iod de cestui-cy, il y a un Aleph en l’autre ; c’est à dire au lieu de la fin, le commancement : denotant cela un fort אהיה qui designe le pere, fut celuy (en Exode 3.) que Dieu revela à Moyse pour retirer corporellement les Israëlites de la servitude d’Egypte ; là où nostre redempteur Iehouah ou Iahve, est la fin et accomplissement de la loy, pour delivrer ceux qui croiront en luy, de la captivité du diable, dont l’Ammomino le patron et genie tutulaire des Egyptiens, est un symbole ; Iuppiter Ammon car par tout ou vous trouverez en l’Escriture ce mot de מיצרים, qui veult dire Egypte, dont la propre signifiance est angustie et compression de douleur, cela denote tousjours quelque chose de sinistre et malencontreux. Il y a outre-plus, de ces mots divins, commençans par Aleph, celuy אדני Seigneur, que les Hebrieux ont tousjours prononcé au lieu du Iehouah ; et אלהים approprié au sainct Esprit. Enapres le carré de sept, qui sont 49. accreu d’UN ou Aleph fait cinquante, qui est le nombre du grand Jubilé de pleniere remission, indulgence, et misericorde : lequel procede encore du cinq multiplié par dix, et au rebours. Et de ces deux nombres, ou des deux lettres qui les denotent, assavoir le Iod, dix, et He cinq, est composé le tres-clement et benin nom de יה, dont nous parlerons cy apres. A la verité tout cecy n’est autre chose que pur chiffre, contenant tant par les nombres que par les lettres, de tresgrands et profonds secrets : dont en cest endroit s’en presente encore un autre à considerer ; assavoir que le simple et petit [H] ne vallant qu’un, le majuscule capital [H] vault אל et יה ; dont le premier importe quelque fois sa severité et rigueur en nos offenses, comme en Elohim ; et parfois sa benignité comme en Emanuel : lequel nom d’Elohim est reitiré 32. fois en la creation avant que de venir à celuy de [H] ;

La Kabbale dans le Traité des Chiffres

Les noms de Dieu invoquez és trois loix.

et fut invoqué depuis Adam jusqu’à Abraham, denotant un esprit Ignee, et par consequant le sainct Esprit ; ce qui auroit peu mouvoir Heraclite de mettre le feu pour le commencement des choses : d’Abraham jusqu’a Moyse, celuy de שדי, qu’on traduit communement TOUT-PUISSANT, In vmbra Dei omnipotentis commorabitur ; pseaume 91. où il est fort espouventable aux demons ; mais il signifie plus proprement, Qui suffist à soy, sans avoir affaire de rien : Et de Moyse jusqu’à JESUS-CHRIT, l’ineffable quadrilettre יהוה, qui portoit tacitement son nom. Mais celuy de יה, denote tousjours la douceur et clemence : et pourtant non en vain, et sans grand mystere l’Eglise a institué, que de la septuagesime Quoniam secundum altitudinem caeli à terra, parle le pseaume 103. corroborauit misericordiam super timentes se. Mais il n’en fault pas abuser, ains le craindre, et aymer. אל, commence par un Aleph, qui designe le principe et l’unité, et celuy de יה par un Iod qui vault dix, et est la fin de tout, combien que ce soit la plus simple lettre de toutes ; lesquelles par consequant procedent de luy, comme les nombres de l’unité, et les lignes du poinct ; dont se forment puisapres les superfices, et de ces-cy les corps solides. Derechef le dix representé par le Iod, est un nombre circulaire, aussi bien que ceux des autres lettres du sacré tetragrammaton, assavoir cinq par ה, et six par ו ; car tout ainsi qu’en un cercle ou sphere, par tout où est le commencement est la fin, et au rebours ; en semblable le dix participe ceste double nature, la simplicité assavoir des nombres qui le precedent, et la composition des autres qui suivent apres jusqu’en infiny. Ce qui pourroit avoir induit quelques-uns à syllogiser, que tout ainsi qu’il y a un commencement és nombres, qui sont la mesure de toutes choses ; et pareillement és lignes ; là où ny de pluralité, ny de magnitude, il ne s’en peult assigner aucun bout ny terminaison, qu’on ne puisse aller plus-avant ; de mesme que le monde a eu un principe de l’unité et du poinct, mais de fin il n’en aura pas ; trop bien pourra-il souffrir quelque alteration, mais en mieux : Tout cela se conformant à ce que dit Algazel, que le poinct est aucune-fois la fin d’une partie de la ligne, et le commencement de l’autre partie : et aucunefois le commencement de toute la ligne sans estre pour cela

Or en ce nombre dessusdit de 999. il y a un autre mystere à considerer touchant les lettres de ceste forte intelligence Mettatron sar hapanim, le prince des faces mettatron, qu’on prend pour l’ame du monde, (denotee envers quelques Cabalistes par la ligne verte, comme ils l’appellent, qui environne tout l’univers ; dite des uns la derniere Midah מיכאל Michaël ne signifie proprement autre chose sinon, qui est celui lequel soit comme Dieu ? A propos de ce qui est au 113. pseaume ; Quis sicut dominus Deus noster qui in altis habitat ; et humilia respicit in caelo, et in terra ? Comme si cela vouloit inferer, que nul ; fors celuy qui porte le nom de Dieu, avec son pouvoir et sa force, dependant du tressacré-saint Quadrilettre יהוה Iehouah ; Quis sicut tu in fortibus Tetragramme ? en Exode 15. et à la verité il estoit bien raisonnable, que le peuple lequel Dieu avoit esleu entre tous les autres pour son Primogenite, (là mesme chap. 4. Filius meus primogenitus Israël.) fust commis en la garde et protection du prince des Anges : et consequemment, apres l’obstination et incredulité des Juifs envers le Messie, que ceste tutelle et sauvegarde passast aux fils aisnez de sa vraie Eglise, les Roys de France tres-chrestiens ; lesquels pourroient avoir pris de là occasion d’establir leur ordre soubs le nom et adveu de cest archange ; et iceluy choisi pour leur protecteur et patron : si que ce royaume a cest advantage sur tous les autres potentats de la terre ; et par especial autant plus encore de preeminence par dessus celuy des Israëlites, qu’a la foy Chrestienne par dessus la loy Judaïque ; Nonobstant

alteration ; accessible au reste à toutes sortes de personnes et d’animaux, et en assiduelle vicissitude de vie et de mort, à cause des continuels sacrifices qui s’y faisoient, denotoit le monde elementaire, composé d’eau, comme d’une

LA SECONDE partie de ce tabernacle resplandissante toute d’or, et illuminée par un chandelier à sept pointes, qui sont sans doute les sept planetes, signifioit le monde celeste, participant de la lumiere et des tenebres, qui correspondent au feu et à l’eau : au moien dequoy les Hebrieux appellent le ciel eschamaim, de esch, feu, et maiim, eau ; ayant corps de vray, mais incorruptible ; et un intellect qui le gouverne, toutes-fois annexé à luy, et non libre ne vagabond ; tout ainsi que l’ame raisonnable est au corps de l’homme ou du petit monde. Et à ce propos voicy ce que touche un Cabaliste Rabbi Joseph ben Carnitol en ses livres des Portes de Justice : Sachés, (dict-il) qu’il y a une substance admirable au corps de l’homme, appellée luz, laquelle est toute sa force et vertu, voire la racine, et le fondement d’iceluy : et quant il meurt, elle ne s’envolle pas, ny esvanoüist pour cela, ains quant bien elle seroit reduite en un tas dans le plus grand feu, ne se brusle ny consume point ; ny ne sçauroit estre nomplus brisee dans une meulle de moulin, ny concassée dans un mortier, mais est permanente à tout jamais ; recevant mesme de la volupté et delices en l’homme juste apres son decés, suivant ce qui est escrit en l’Ecclesiastique 26. Et ossa eorum impingabit ; et de la peine et cruciement d’autre part és reprouvés

Esprit metallique.

Agrippa livr. premier chapitre 14. apres les anciens philosophes, l’appelle l’Esprit du monde, et la Quint’essence ; le moien par lequel l’ame s’associe et unist au corps, avec toutes les proprietez specifiques introduittes és animaux ; car c’est le seminaire de leurs vertuz : Aumoien dequoy les Chimiques s’efforcent de l’extraire (dit-il) de l’or et argent, pour y transmuer les autres metaux imparfaits. Mais plus apertement au 4. chap. du 2. livre. Il y a une chose creée de Dieu, qui est le subject de toute merveille ; laquelle est en la terre, et au ciel ; animale en acte, vegetale, et minerale : trouvee par-tout ; cogneuë de fort peu de gens ; et de nul exprimee par son droict nom, ains voilee d’innumerables figures et enigmes : sans laquelle ny l’alchimie, ny la magie naturelle ne peuvent atteindre leur complette fin. Ce qu’il a transcrit mot pour mot des fragments d’Artephius, et de Kirannide. Geber, et les autres philosophes Chimiques appellent celà, le corps spirituel fixe : C’est à dire l’or, qui en sa nature est le plus permanent au feu de toutes les autres substances ; Cui rerum vni nihil igne deperit, dit Pline livre 33. chapitre 3. Et par artifice se fait volatil, à ce que sa teinture qui n’est que citrine, se puisse haulser en couleur vermeille par l’action du feu, alors qu’il y sera rendu passible : et puisapres qu’il est rougy, on le fixe comme auparavant. Tous imparfaict se corrompt et reduit en terre ; et l’autre en estant separee demeure, dont se vient à produire la plante selon son espece. Le mesme est-il de nostre corps ; comme le parcourt tres-cellemment le dessusdit 15. chap. aux Corinth. jusqu’à cest endroit ; Oportet hoc corruptibile induere incorruptionem, etc. Comme s’il vouloit dire, qu’apres que le corps materiel corruptible se sera despouillé de son vestement terrestre et impur, la parfaicte portion d’iceluy se demeslera de ses ordes immondices grossieres ; et s’en yra là haut unir à Dieu, se faisant une mesme chose avec luy ; suivant le dire de Zoroastre ; Il te fault monter à la vraye lumiere, et aux clairs rayons paternels, d’où ton ame t’a esté envoiee, revestuë de beaucoup

LA TROISIEME partie du Tabernacle estoit le Sancta sanctorum, representant le monde surceleste ou intelligible, tout de lumiere et de feu ; et le domicile des Anges, ou intelligences abstraictes et separees comme on les appelle ; ministres du grand Dieu vivant ; ce que denotoient les deux Cherubins d’or, qui alongeans leurs esles l’un devers l’autre, adombroient le propiciatoire : En l’homme, c’est l’Intellect, que les Hebrieux appellent Nessamah, et les Grecs nous. Ce monde icy meut le Celeste, et le Celeste l’Elementaire ; car par le moien des rayons du Soleil et de la Lune, ensemble des estoilles qui se dardent contre la terre comme les flesches à une butte, le ciel tenant lieu de masle agist envers sa femelle la terre ; pource que les corps ne peuvent ouvrer que par attouchement.

La façon de philosopher de Platon et d’Aristote.

Et selon l’unanime accord de tous les Platoniciens, dont la maniere de philosopher qui est principalement par les nombres, descend d’enhault du souverain Createur de toutes choses, encontre bas, tout ainsi que les Sephiroths, par le Ternaire, en premier lieu dedans les cieux, et de là aux quatre Elemens ; là ou au rebours celle d’Aristote qui se retient entierement à la nature des choses sensibles, monte du bas en contre-mont par la science des Elemens, et inferieurs principes des choses, jusqu’à la machine celeste et non plus, par le quaternaire

Les Elemens sont és trois mondes par divers respects.

de mesme sont-elles encore au monde corporel et visible, comme le veult Anaxogore, tant au Celeste qu’en l’Elementaire ; Neantmoins par diverses sortes ; car le feu d’icy bas est grossier et bruslant ; et l’eau y accable et esteint la chaleur naturelle, où reside la vie des animaux ; là où au ciel ceste chaleur n’est autre chose que le Soleil, qui vivifie tout en bas au lieu de l’exterminer : Et l’eau est la Lune, qui regente et meut les humiditez qui y sont, comme on peult voir és flux et reflux des marées ; és mouëlles et cervelles des animaux ; et semblables substances : Ceste humeur celeste au surplus estant celle qui repaist, norrist et abbreuve les autres d’embas, pour le maintenement de tous les composez elementaires ; laquelle correspond delà à ceste grand’mer ou piscine du monde intelligible, d’où par certains canaulx se derivent et coullent les Estres de tout ce qui est au dessoubs de soy, dans la grande concavité des cieux. Le feu finablement au monde intelligible, est l’intellect Seraphique, assavoir une charité tres-fervente, embrasee d’amour et dilection ; et l’eau les Cherubines influences, à qui se raporte le fleuve Chobar, au commencement du prophete Ezechiel ; et le pseaume 148.

L’homme un symbole de l’univers.

ET POUR le quatriesme monde est l’homme, Le chef-d’oeuvre du Createur ; participant de tous les trois avec lesquels il symbolise ; pour le regard assavoir du corps, au monde Elementaire, comme celuy de tous les autres animaux : de l’esprit, au monde Celeste : et de l’intellect representant en luy l’image de Dieu, à l’intelligible. Le mesme Rabbi encore, fils de Carnitol au livre cy dessus allegué, où il explique plus apertement tout cecy : Les edifices du monde inferieur demeurent fermes et immobiles ; mais les Spheres vont avant et tornoient sans cesse ; parquoy les choses basses sont dittes estre mortes, et les cieux avec tout ce qui y est, estre en vie. Que le fondement au reste de ces edifices est en hault, et le comble d’iceux en bas : Si que l’homme est comme planté au Jardin de delices, qui est la terre des vivants, par les racines de ses cheveux ; suivant ce qui est escrit au 7. des cantiques ; Comae capitis tui, sicut purpura regis iuncta canalibus ; assavoir ceux d’enhault : ce qui denote d’autre-part, le secret mystere des Anges qui sont en l’ordre inferieur, desirans de monter, et de voir la face du SEIGNEUR [H]. Et cela est representé par les Elemens ; dont les eaux de leur naturel sont attirees contre bas ; l’air flotte, va et vient de costé et d’autre en un roüement et circuit non reiglé ; et le feu de soy tend tousjours contre mont : le tout à la similitude des trois mondes, dont l’elementaire est en bas ; le celeste tornoye au milieu ; et l’intelligible אהיה Ehieh tient le plus hault lieu du monde intelligible ; אדני celuy du monde elementaire en bas : et le tetragrammaton יהוה, du celeste, au milieu des deux.

Comparaison du parler et de l’escriture.

Car encore que les faicts obtiennent la precedance devant les dicts, et les escrits ; n’y ayant personne qui ne deust plustost desirer d’estre Pompee ou Luculle, que Virgile, ne Tite-Live ; et Achille tel comme Homere l’a celebré, que le Poëte mesme ; neaumoins tous leurs beaux faicts d’armes, toutes leurs proüesses et chevaleries fussent bien tost demeurées esteintes et englouties de l’oubliance sans la parole, qui de main en main par une certaine Cabale en transmet successivement la memoire pour durer à perpetuité : mais plus encore sans l’escriture, qui faict assez mieux sans comparaison ce devoir que la parole : car ainsi que souloit dire autrefois un de noz anciens capitaines : Il n’y a si fort corps de cuirasse, fust-il mesme à toutes espreuves,

La loy Judaïque dictée de la bouche de Dieu, et escrite.

La loy mesme que receut Moyse au hault du mont de Sinaj de la bouche, et de la main propre du Createur, consistoit en parole et en escriture, comme nous avons des-ja dict dés l’entree de ce traicté ; laquelle selon qu’alleguent les Cabalistes a cest advantage sur la parole, que beaucoup de secrets de la divinité se representent par escrit, qui ne se sçauroient exprimer de bouche ; car il n’y un seul petit point ou accent au Thorah, (c’est le Pentateuque) qui n’importe quelque grand mystere : et fut escrite (ce dient-ils) expressément tout d’une suitte, sans aucune separation de mots ny de clauses, du commencement jusques à la fin, tant que le tout ne sembloit estre qu’une seule diction, si

elle pouvoit estre aussi longue, à ce que le vulgaire, nonobstant que chacun l’eust devant les yeux, et la sceussent par coeur, n’en peust entendre la secrete signifiance, de peur de mespris, ains seulement ceux du conseil, ausquels Moyse en communiquoit ce qui leur estoit necessaire pour l’exercice de leurs charges, et selon que leur portee en estoit capable ; en se reservant le surplus des sacre-secrets.

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