Notre Gnose par P. Verdad.
Notre Gnose de P. Verdad, pseudonyme de Jules Lessard, disciple de Charles Fauvety. Il fut un membre de l’Église gnostique de Tau Synesius consacré évêque gnostique en 1909 en charge du siège épiscopal de Bretagne. Il est l’auteur d’un ouvrage aujourd’hui introuvable : La Gnose ; Étude philosophique et religieuse. Il existe très peu d’information biographique sur ce personnage si ce n’est quelques traces chez Le Forrestier et J.P. Laurant.
Le texte qui suit est extrait la La lampe du sanctuaire dans lequel l’auteur brosse un tableau de ses idées mystiques, influencées déjà par Fauvety et par l’Eglise gnostique à laquelle il participa avec Fabre des Essarts, son ami. Les accents de ce chapitre ne doivent pas nous égarer, même s’il y fait référence à une forme de Christianisme orthodoxe. Ce dont il parle est bien LA GNOSE que nous défendons au sein de l’Eglise Gnostique Chaote. Ce texte est aussi une mise en garde aux gnostiques : attention à l’orgueil et aux appels hyliques.
Lisons et méditons les lignes qui suivent afin que nos églises gnostiques ne sombrent pas.
Ŧ Héliogabale, ep. gn.
Nous allons vous dire ce qu’est notre Gnose, ce qu’est la Gnose, c’est-à-dire : la Science des sciences, celle qui donne la Vie, et la Vie éternelle, car elle est la source où nous puisons la Vie et la Lumière et toutes les choses que nous avons à vous enseigner.
La Gnose a ses racines dans le Christianisme même. Elle existait cependant avant lui. Nous la voyons se manifester chez les mystiques les plus illustres de tous les temps, de toutes les époques. L’Inde, l’Égypte avaient leur Gnose ; la Judée, la Samarie avaient la leur. Partout où Dieu a eu des adorateurs en esprit et en vérité, il y eut une Gnose et des savants et des disciples et des âmes pieuses pour la représenter.
Vous avez sur les lèvres la vraie définition de la Gnose. Je ne serais pas votre Père intellectuel si déjà au fond de vous-mêmes vous ne trouviez pas, mes fils et mes filles, le sens profond de la Gnose : la Gnose c’est la connaissance de la vérité !
Et le plus grand, le plus pur, le plus saint, le plus divin des Gnostiques, c’est celui dont on ne devrait prononcer le nom qu’à genoux, le front découvert, car il est le premier né à la Vie divine, et c’est en lui que s’est manifestée la plénitude de l’Être, et c’est pour cela que se sentant Un avec Dieu, il a pu dire sans blasphémer : « Je suis la Vérité, qui m’a vu a vu mon Père, mon Père et moi nous sommes Un. »
Tout initié au mystère de la Gnose peut répéter ce que disait Jésus, car il a en lui la notion : que tout homme, arrivé au degré d’élévation du Christ est en équation avec Dieu ; et son humanité et sa divinité se confondent à ce point qu’on ne sait pas si c’est le divin ou l’humain qui domine et est la loi de la Vie ; c’est à ce moment seul qu’on peut confesser la Gnose, et trouvons toutes sciences et la Science tout entière ; que nous savons où nous allons, qui nous sommes, ce que nous avons été et quelle destinée magnifique nous est réservée au sein d’une vie toujours plus resplendissante et grandissante.
Prenez garde cependant, mes chères filles et mes chers fils, prenez garde ! Bossuet a eu raison de dire : que de faux initiés essayaient d’introduire dans la pensée humaine une fausse Gnose. La Gnose véritable, c’est la Science, c’est la Connaissance.
Il faut donc savoir discerner la Science vraie de la Science fausse, car il y a une science mensongère, tronquée, corruptrice ; il y a la Science du bien et la Science du mal, la Science qui diminue l’homme et celle qui l’agrandit jusqu’à l’universaliser : et l’homme est dans la Science vraie, lorsqu’il se sent vivre dans tout ce qui est.
Notre Gnose apporte avec elle son critère de certitude et elle a ses méthodes pour arriver à la Connaissance. Dans nos méditations prochaines, nous vous en reparlerons ; il importe que vous possédiez la clef des mystères, car les mystères qui sont des sortes de ténèbres passeront, et c’est la pleine lumière qui viendra éclairer toutes choses au fond même des consciences.
Nous sommes donc des Gnostiques, et nous faisons du Gnosticisme chaque fois que nous nous réunissons, enveloppés dans notre manteau de Philosophes, de Choisis et d’Envoyés, inconnus les uns aux autres, unis aux disciples, aux fidèles de nos très saintes assemblées, de nos églises, toujours attachés à l’Idée des croyances universellement acceptées, universellement reçues, enseignant et confessant la Vérité, le Verbe de Dieu, le Logos du Temple, vivant en nous, dominant notre âme, la nourrissant et la soulevant au-dessus des passions, et la portant au-delà de ce monde d’erreurs, de mensonges et de pourritures, que Dieu rejette parce qu’il est la création du mal et l’entreteneur éternel de toutes les douleurs et de toutes les misères.
Nous faisons de la Gnose et du Gnosticisme chaque fois que nous confessons, non seulement la présence réelle de Dieu en nous, le Logos, mais la même présence réelle dans l’hostie sainte, consacrée par les prêtres, et les fidèles unis dans la prière, et l’appel suprême, comme s’ils étaient Un.
Nous faisons de la Gnose et du Gnosticisme chaque fois que nous avons le courage de confesser nos péchés, nos faiblesses, nos défaillances, nos doutes, nos abattements, notre oubli de l’amour fraternel, l’abandon de nos devoirs les plus sacrés, de nos promesses les plus solennelles, et que nous déclarons : que nous sommes incapables, seuls, de nous relever, si Dieu n’intervient avec ses lumières et ses grâces, ses secours invisibles, et son pardon efficace.
Nous faisons de la Gnose et du Gnosticisme chaque fois que, divisant nos éludes, nous embrassons l’homme humanité et l’homme individuel dans leur vie matérielle et dans leur vie spirituelle et morale, et quand surtout nous estimons ces deux dernières manifestations de la vie de l’homme comme les plus propres à être l’objet de nos méditations ou de notre enseignement.
Nous sommes des Gnostiques lorsque, nous occupant de Religion, nous affirmons que dans leurs enseignements secrets, toutes les religions renferment des vérités-principes, révélées aux sages, aux justes, aux saints, aux savants, mais que le vulgaire n’a saisies qu’à travers les obscurités des mystères et les apparentes absurdités des dogmes.
Nous sommes des Gnostiques, enfin, lorsque, comme je le fais en ce moment, travaillant à constituer UN SACERDOCE NOUVEAU, au sein d’un monde désorienté et corrompu, nous prenons pour modèles, parmi les prêtres et les pasteurs de l’Église universelle : les plus purs, les plus saints, les plus éclairés, les plus tolérants, les plus aimants, c’est-à-dire : ceux-là qui doivent apprendre à chaque homme à être son propre Apôtre et son propre roi, et à supprimer ainsi les corps opaques qui pourraient encore, par une domination inutile, empêcher la lumière divine de parvenir directement dans l’âme humaine pour la libérer de tous ses maux.
L’objet unique de la Gnose est donc la moralité, la spiritualité, la mentalité humaine ; mais les questions d’un ordre moins élevé, telles les questions sociales doivent entrer dans les préoccupations des Gnostiques. Nous constatons, d’ailleurs, à travers l’Histoire, que tous les grands tournants, les époques nouvelles, palingénésiques, ont eu à leur tête des Gnostiques célèbres. Les plus grands, les plus illustres apôtres et martyrs de l’humanité peuvent être revendiqués par la Gnose.
Nous pouvons dire qu’il n’est pas un tournant de l’Histoire qui n’ait eu comme cause déterminante une propagande ordonnée par les chefs des sanctuaires de la Gnose.
Nous ne pouvons cependant cacher que bien des Gnostiques ont eu leurs exagérations et leurs déviations. Hélas, tout n’est pas resté pur au sein des sociétés gnostiques, et nous devons continuer à protester contre les défaillances de la chair et contre rabaissement de l’esprit de quelques-uns de nos frères, initiés à la lumière et à la vraie vie. Plus haut nous sommes placés, plus grandes doivent être nos craintes pour les chutes possibles.
Les Gnostiques aussi ont eu de grandes tendances à l’orgueil, tendances desquelles il faut nous garder, car l’assurance que nous sommes dans la Vérité, la vision même de la Vérité, qui est accordée à plusieurs d’entre nous, n’excuse pas l’orgueil.
Celui qui est dans la Vérité doit être humble de cœur. Ce n’est pas avec de l’orgueil que nous convertirons le monde aux vérités essentielles, mais avec de l’amour, de l’humilité et de la sagesse.
J’arrête ici cette méditation, mes bien-aimés fils et mes bien-aimées filles, nous la reprendrons ensemble, et nous verrons la Gnose évoluant à travers l’histoire de l’humanité. Nous la verrons apparaître dans la Religion, dans la Politique, dans la Sociologie, et même dans nos sciences dites positives, et alors nous nous convaincrons que tout ce que l’humanité a acquis de vérités pratiques ou spéculatives, elle le doit à la Gnose et aux Gnostiques.
C’est surtout dans la Philosophie et la Religion que la Gnose a trouvé son épanouissement, et la Religion chrétienne serait encore une secte juive bien peu connue, si les disciples de la Gnose n’étaient venus propager l’idée de Jésus, levain superbe qui a soulevé toute la pâte, et la soulève encore pour le plus grand bien des peuples convertis.
Nous sommes les continuateurs de ces gnostiques qui ont fondé la Religion universelle. Notre œuvre est la leur. Nous voulons faire l’homme meilleur pour faire les temps plus heureux. Ce n’est pas là œuvre facile. L’homme reste un être très complexe et lorsqu’on le croit sauvé, c’est l’instant où il est perdu. Quoi qu’il en soit, il faut continuer à agir sur nous-mêmes d’abord, car nous sommes toujours très imparfaits, toujours enclins au mal, pleins de défaillance dans la chair et dans l’esprit. Si nous ne tendons pas vers la Vie parfaite, comment inciterons-nous les autres à y tendre. La Vie parfaite est le dernier mot de la Gnose. Réalisons-la dans l’amour, dans la vérité, dans la sainteté, dans une science de Vie supérieure.
Mes filles et mes fils, je vous donne le baiser de paix. Nous marchons vers la lumière, parce que nous allons à la Vérité.
Les faux dieux ont voulu tromper le monde ; nous, nous ne le trompons pas ; nous ne le tromperons jamais. Nous avons un haut idéal social et cet idéal est toute notre religion. Il est très simple et se résume en peu de mots : Il veut la Justice et la veut pour tous.
Nous n’avons, en nous aucun sectarisme, c’est pourquoi nous sentons la solidarité nous rattacher à toutes choses et que nous professons, non pas une religion, mais la Religion au caractère universel, véritable corps mystique dont tous les membres se sentent, non, mais encore sentent en eux, très réel, tout ce qui vit, tout ce qui est, tout ce qui pense, et constituent de cette manière la grande Église, la grande Fraternité, sans aucune séparation, vivant dans l’Unité la plus complète et la plus sainte, car elle est la communion même des Saints.
Nous sommes aussi vieux que la Civilisation : nos sanctuaires initiateurs remontent à l’origine de la lumière, au sein des premières consciences et des premières puretés.
Nous avons nos saints et nos martyrs, nos docteurs et nos vierges, et les peuples les adorent sur les autels de la Science et sur les autels des Églises. Nous avons, à travers les siècles, été pendus, brûlés, empoisonnés, mis en croix, torturés par le peuple même pour lequel, souvent, nous élevions la voix. Nul ne l’a su ou n’a voulu le savoir, mais des prêtres, mais des tribuns, mais le peuple, ont profité de nos malheurs, de nos efforts pour le Bien et ont exploité et exploitent encore notre nom. Qu’importe, nous avons fait notre œuvre et n’avons pas voulu connaître dans notre Sacerdoce les choses abaissantes.
Ce n’est pas pour une seule catégorie de membres de l’humanité que nous travaillons, c’est pour l’ensemble des hommes qui doivent, dans la Lumière, réaliser la Vie parfaite. Or, nous marchons vers la Lumière, et nos frères en humanité, inconsciemment, marchent sur notre trace.
Notre Gnose par P. Verdad (Jules Lessard).
La lampe du sanctuaire : le chemin, la vérité, la vie, pages 36 à 47, Librairie J. Lessard, Nantes, 1907.
Source https://gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.