Le Symbolisme de la Rose-Croix, par Francis ROLT-WHEELER.
Seconde partie de l’article « Les Principes Mystiques de l’Hermétisme et de la Rose-Croix »
LE SYMBOLISME DE LA ROSE-CROIX se trouve nécessairement associé avec trois symboles, dont deux uniques : la Croix et la Rose, et un symbole composé : la Rose sur la Croix. Nous essayerons de traiter ces trois éléments dans cet article, bien que cela demande une très grande, condensation du sujet. Le lecteur verra, de suite, que ce symbole composé représente plusieurs lignes de pensée et ne peut servir que pour une seule doctrine.
Le principe de la Croix Macrocosmique — Le Cosmos possède un squelette, ou, plus exactement, un double éthérique. Ce double éthérique (comme le double éthérique du corps humain) sert à la communication et au transfert de la vitalité cosmique, laquelle possède trois formes : les vibrations, les ondes et les spirales. Le Cosmos étant universel, interpénétrant tout, ce double éthérique doit aussi tout interpénétrer. Il est plus serré dans la matière « solide », moins serré dans l’état « fluidique », encore moins dans l’état « gazeux » et très espacé dans la forme « éthérique » de la matière.
Notre Univers, selon l’enseignement Hermétique, est Mental, et sa structure est mentale. Les grandes Académies des Sciences des différents pays sont parvenues récemment à établir ce fait d’une manière scientifique. Cette découverte est importante pour la compréhension de la structure de l’Univers.
Parmi les cinq « solides Pythagoriciens », c’est-à-dire les cinq formes dans lesquelles les lignes, les angles et les surfaces sont égales, l’octaèdre, ayant six pointes, est construit sur la base de la Croix des Trois Dimensions, dite « la Croix Macrocosmique » ayant affaire avec les Trois Directions de l’Espace, et dont les six bras de la Croix sont égaux. La cellule organique et la sphère sont formées sur cette même base. On saisit le principe facilement en passant trois morceaux de fil de fer, ou trois aiguilles à tricoter, à travers une orange : 1°) de haut en bas ; 2°) de côté à côté (droite à gauche) ; 3°) de côté à côté (en angle droit au dernier, ou en ligne de projection du corps de l’expérimentateur). Cette même Croix Macrocosmique détermine aussi le Cube, chaque bras de la Croix touchant le centre exact des six faces du Cube (ou la Pierre Brute façonnée).
Le Cosmos étant continu, nous n’avons qu’à supposer une succession de ces Croix à Trois Dimensions, l’une à côté de l’autre, à l’infini, formant ainsi un tissage solide, bien que les bras de ces croix ne soient que des lignes de force. Leur grandeur est infiniment petite. Les physiciens estiment que le diamètre d’un atome d’hydrogène est égal à un centimètre divisé cinq cents millions de fois ; que dans l’atome d’hydrogène, la distance entre le proton et son seul électron est proportionnellement la même que la distance entre la Terre et le Soleil ; toute cette distance doit être tissée d’un grillage cosmique, ultra-microscopique pour que l’action de la gravitation du proton puisse agir sur l’électron. Bref, il faudra diviser un centimètre en 26 quadrillions de parts pour obtenir le diamètre d’une des milliards de Croix de Trois Dimensions dans un atome d’hydrogène. Notre but n’est pas de poursuivre plus loin l’examen du Tissu de l’Univers ; il suffit, pour le moment, de montrer que la Croix de Trois Dimensions est non seulement le Symbole Cosmique mais la base de toute Construction Cosmique. Elle est donc le symbole de la Pensée Divine en manifestation, et elle symbolise ce que M. René Guenon a très bien appelé « la multiplicité des états de l’être ». Le Swastika est non seulement un symbole de la Croix en mouvement, mais il est surtout un symbole graphique en deux dimensions de cette Croix Macrocosmique de Trois Dimensions, c’est-à-dire la Croix inscrite dans une sphère. Le point d’intersection au milieu de l’octaèdre est le Point de Silence, ou le Point Créatif.
La Croix Elémentale. — Cette croix possède aussi les bras égaux, mais avec quatre bras au lieu de six. Elle est appelée « La Croix de la Nature », les quatre bras indiquent les éléments de Terre, d’Eau, de Feu et de l’Air ; le centre était appelé autrefois « la quintessence de la Nature ». Elle est la croix des quatre Points Cardinaux, dont les quatre Archanges sont les Régents ; le centre est le Soleil Spirituel. Nous la retrouvons en Alchimie avec l’Eau Mystique, le Sel Mystique, le Soufre Mystique et le Mercure Mystique, formant les quatre bras ; la Pierre Philosophale forme le centre. C’est aussi la Croix des Quatre Êtres Vivants, le centre est le Trône de Dieu. Il est à remarquer que cette Croix est à la fois plus terrestre et moins rigide que la Croix Macrocosmique, elle n’est pas contenue dans un octaèdre, un cube ou une sphère, mais ses bras s’étendent à l’infini.
La Croix du Sacrifice. — Dans la Croix Latine, ou la Croix Chrétienne, l’axe vertical de la Croix est plus grand que l’axe horizontal, dans la proportion de quatre à trois. Sa forme est celle d’un cube étendu, les six côtés ouverts, ce qui est facile à comprendre si nous imaginons une boîte carrée, avec les gonds du couvercle près de nous. Nous déplions le couvercle et le côté auquel elle est attachée en le tirant vers nous, ce qui nous fait voir le fond de la boîte et deux carrés semblables en bas. Le côté gauche se déplie, celui de droite également, et finalement celui de face, et, du cube, nous voyons donc étendue sur le sol la Croix Latine dans ses proportions parfaites. Cette forme de Croix symbolise l’âme, et l’action de transformer le cube en croix symbolise la prière. La Croix Latine était connue longtemps avant le Christianisme, toujours dans un sens spirituel. Le Christ Crucifié sur la Croix était inconnu de l’Église Primitive ; ce ne fut qu’après le Concile Quinisexte, tenu à Constantinople en 692, que la Croix devint le Crucifix. Antérieurement à cette date, l’image d’un agneau blessé était placée comme un médaillon à l’intersection des bras de la Croix. Cette indication est importante, car elle nous montre que le symbolisme primitif se rapprochait du symbole que nous allons étudier : une rose, comme un médaillon, à l’intersection des bras d’une Croix Macrocosmique, Elémentale ou Latine.
Le Symbole de la Rose. — Il ne serait pas difficile de trouver quelques centaines de références au symbolisme de la rose dans les classiques. Il suffit de dire que, dans la plupart de ces indications, la Rose est le symbole de l’amour, de la mort ou du Silence. Dans l’Ancien Testament, le Cantique des Cantiques nous parle de « la Rose de Sharon », comme l’emblème de l’amour spirituel. Dans le symbolisme d’un des degrés de Rose+Croix dans la Franc-Maçonnerie, l’interprétation donnée est que le Christ est la Rose de Sharon, préfigurée dans le Cantique des Cantiques. Le Cabbalisme nous indique la Rose comme l’emblème de la Shekinah, ou la Gloire Féminine de Dieu ; sur l’Arbre de la Connaissance de Bien et de Mal, la Sephira « Hod », sur le Pilier de la Rigueur, est symbolisé par la Rose rouge, bien que « Netzach », sur le Pilier de la Miséricorde soit symbolisé par la Rose blanche.
Un rapport très étroit peut être établi entre la Shekinah du Cabbalisme et la Vierge Marie de la doctrine Chrétienne, mais ce serait une trop longue digression pour un article. Toutefois, la Rose est un symbole de la Vierge, mais toujours la Rose Blanche ; pour cette raison, c’est un faux symbolisme d’associer la Rose+Croix avec le culte de la Madone. D’ailleurs, dans leurs formes modernes, toutes les organisations ayant leur base dans la Rose+Croix, ont été de caractère Protestant.
Dans le « Roman de la Rose », de Jean de Meung, la Rose est non seulement l’Amour Spirituel, mais le parfait amour humain ; dans la Divine Comédie de Dante, la Rose est l’union des âmes bénies. Les régions de la Félicité Éternelle sont décrites comme ayant la forme d’une Rose. Il ne serait pas justifiable de dire que Dante a employé le symbole de la Rose sur la Croix — et il faut éviter de forcer une interprétation dans le but de trouver une historicité directe où il n’y a qu’une ligne de pensée et de symbole — mais le grand mystique Italien nous démontre clairement la Croix comme le symbole de l’Église Militante, et la Rose comme le symbole de l’Église Triomphante. Cette signification de la Rose est soutenue par l’Église Catholique, et nous trouvons un autre rapport dans la cérémonie de la Rose d’Or bénie par le Pape chaque Lundi de Pâques.
La Rose traditionnelle de la Rose+Croix, comme la Rose héraldique, porte cinq pétales ouverts, cinq petites feuilles ou involucres (un entre chaque pétale) et dix étamines. Une variante de cette forme, datant du dix-huitième siècle (sous l’influence du Cabbalisme), possède 22 étamines en correspondance avec les 22 lettres de l’Alphabet Hébraïque et les 22 Arcanes Majeurs du Tarot.
La Rose des poètes et des horticulteurs, la Rose Double, n’est pas d’origine européenne, mais orientale, elle nous vient de Damas. Il est à remarquer que cette forme de la Rose comme symbole avec les pétales en un, deux ou trois groupes de huit est un symbole cabbalistique et il n’est pas directement applicable à la Rose+Croix Chrétienne.
La Rose sur la Croix. — Ce symbole est beaucoup plus rare qu’on ne le croit, et on ne le trouve pas dans les temps anciens. A.-E. Waite, le plus érudit des occultistes contemporains, dans sa grande œuvre sur la Rose+Croix, affirme avec autorité qu’il n’existe pas un seul exemple du symbole de la Rose sur la Croix antérieur au seizième siècle et probablement pas avant le dix-septième siècle. Ce n’est pas à dire qu’il n’existait pas, avant cette date, des fraternités ayant des rites analogues à ceux de la Rose+Croix, mais, pour le moment, nous parlons seulement du symbolisme.
Il est possible d’indiquer quelques-unes des interprétations correctes de ce symbole :
1°) La Rose (à cinq pétales) sur l’intersection des bras d’une Croix Macrocosmique ; elle indique le Christ Cosmique, ou le Logos qui créa et qui interpénètre toutes choses créées ;
2°) La Rose (à cinq pétales) sur l’intersection des bras d’une Croix Elémentale ; elle indique la force spirituelle dans la nature ;
3°) La Rose (à cinq pétales) sur l’intersection des bras et au bout des quatre bras (donc cinq roses) d’une Croix Elémentale ; elle indique la transmutation de la nature matérielle en nature spirituelle ;
4°) La Rose (à cinq pétales) sur l’intersection des bras d’une Croix Latine ou Croix du Calvaire ; elle indique l’Incarnation (non la crucifixion) ;
5°) La Rose (à cinq pétales) sur l’intersection des bras d’une Croix Latine, avec un symbole sacramental à l’intérieur de la Rose ; elle indique l’âme qui est devenue unie, en extase mystique, avec le Christ Incarné ;
6°) La Rose (à quatre, huit, seize, trente-deux ou soixante-quatre pétales) est cabbalistique en son origine, et n’appartient pas à la Rose+Croix Chrétienne. Sur une Croix Elémentale, elle indique la Shekinah, ou la Gloire Féminine de Dieu qui s’exprime dans ses quatre manifestations. Elle est déplacée sur la Croix Latine, mais quand elle s’y trouve, elle porte le symbolisme que la Doctrine Secrète d’Israël était une préfiguration de la Doctrine Ésotérique du Christ.
7°) Les Roses doubles, c’est-à-dire celles ayant un nombre indéfini de pétales, une partie ouverte, une partie fermée, ne s’appliquent que sur la Croix Latine ; elles symbolisent la compagnie des fidèles qui demeurent à toute éternité dans la béatitude éternelle acquise par la Rédemption en Christ.
Le symbole de la Rose+Croix, celui qui est le plus en accord avec le Secret Mystique de la Rose+Croix, est la simple Rose à cinq pétales sur l’intersection des bras d’une Croix de Calvaire. Généralement, la Croix était de couleur brune (il y a quelques vieux exemples en vert sombre), mais avec le renouvellement de la Fraternité sous le nom Ordo Roseae et Aureae Crucis, la Croix fut figurée en or, ce qui symbolisait que la rédemption de l’humanité par Christ est pour l’éternité.
Le Mystère de la Rose+Croix. — Pour ceux qui veulent comprendre, le Mystère de la Rose+Croix est associé avec le Mystère de l’Arbre de la Vie dans le Cabbalisme, avec le Mystère du Calvaire, avec le mystère de la Descente du Saint Esprit, avec le Mystère de la Chevalerie, avec le Mystère des Sacrements, avec le Mystère de la Pierre Philosophale, avec le Mystère de la Voie de Sagesse, bref, avec le Mystère seul et unique, avec l’Initiation seule et unique, qui consiste dans le rapprochement de l’homme vers Dieu et dans l’acceptation de l’âme d’un homme dans la Fraternité de ceux qui aiment Dieu et qui travaillent avec et pour Lui. Dans ces recherches, ces « questes » (pour employer le vieux mot français), il existe toujours un Mot de Pouvoir et un symbole de Pouvoir ; « la Rose+Croix » est un de ces mystérieux mots de Pouvoir, et la Rose à cinq pétales sur la Croix du Calvaire est son vivant symbole.
Plus sur le sujet :
Le Symbolisme de la Rose-Croix par Francis ROLT-WHEELER, seconde partie de l’article « Les Principes Mystiques de l’Hermétisme et de la Rose-Croix ».
Astrosophie, volume 15, n° 4, 1936.