La Shekhinah : dossier amoureux 2 (seconde partie) par Prospéro.
L’union et le Shema Israël
Deut. VI :
4 Écoute, Israël: L’Éternel, notre Dieu, est un seul Éternel.
5 Et tu aimeras l’Éternel, ton Dieu, de tout ton coeur, et de toute ton âme, et de toute ta force.
6 Et ces paroles que je te commande aujourd’hui, seront sur ton coeur.
7 Tu les inculqueras à tes fils, et tu en parleras, quand tu seras assis dans ta maison, et quand tu marcheras par le chemin, et quand tu te coucheras, et quand tu te lèveras;
8 et tu les lieras comme un signe sur ta main, et elles te seront pour fronteau entre les yeux,
9 et tu les écriras sur les poteaux de ta maison et sur tes portes.
שמע ישראל יהוה אלהינו יהוה אחד
Le Shema est la profession de foi hébraïque qui était prononcée par les Cohanim lors de la bénédiction qu’ils donnaient au peuple dans le Temple. Il exprime l’unicité ABSOLUE de Dieu. L’origine de cette phrase est expliquée dans le Traité Pessa’him 56a. Il faut savoir que cette prière, comme toutes les prières, doit être accompagnée obligatoirement des intentions de coeur et de la pensée (kavoud), connaître le sens des mots et le faire avec volonté. On veille à dire et à entendre chaque lettre et mot dont le nombre et la force qui les caractérisent produisent l’unité espérée dans toutes les dimensions de l’être. Le Roqéa’h dit que le mot Shema est composé des initiales du verset Séou marom êinékhem, élevez vos yeux en haut. Et donc quitter notre niveau terrestre afin d’accepter le monde d’en haut et de percevoir ainsi Dieu en sa Présence. Le Traité Berakhot 15a ajoute encore que le mot Shema veut dire « fais entendre à tes oreilles » et aussi fais-le entendre en toute langue (Berakhot 13a) et cela nous est confirmé par la Guematria des trois premiers mots du Shema Israël qui est identique à « fais entendre à tes oreilles et à toute langue« .
L’unité de Dieu affirmée par le Shema est comprise dans le judaïsme comme unité des manifestations sous la forme de Hessed (Bonté) et de Din (Rigueur de Justice) et de Miséricorde. L’unité affirmée est précédée du mot ahava (amour) et suivie immédiatement du mot vehavta (tu aimeras), voilà pour ceux qui voudraient que le judaïsme soit crainte de Dieu…
Enfin, le verset du Shema commence avec la lettre Shin et se termine par la lettre Daleth, qui ensemble constituent le mot « ched » (démon ou force négative), ce qui indique que ces forces négatives peuvent être détruites lorsque l’on récite à haute voix le Shema Israël.
La récitation du Shema a pour but essentiel l’unification : unification de l’homme avec Dieu, unification du monde visible et invisible, unification du corps et de l’âme, unification de la Torah orale et de la Torah écrite. En ce sens, unir ce qui est en haut avec ce qui est en bas : « la Jérusalem d’en haut descendra lorsque les hommes auront bâti la Jérusalem d’en bas » ou selon le Zohar, I 183b, que « la Jérusalem d’en haut aille selon la Jérusalem d’en bas« , Yerouchalayim mekhouvenete lemaala kemo Yeroushalayim chel mata.
Le secret de l’Union est, selon certains kabbalistes, présent et clairement énoncé par le Shema Israël, qui est la profession d’unicité de Dieu des juifs. Écoutons ainsi Moïse de Léon : « Le secret du Shema Israël : la Fiancée retourne à son Promis afin qu’ils s’unissent en une véritable unité » (Sheqel haQodesh, Jérusalem 1969 et Zohar II, 160b, 216a). Le Sheqel haQodesh continue (confer le chapitre « Porte consacrée à l’Unité » en expliquant que le Shema est le secret de l’Unité qui est le principe des êtres supérieurs et inférieurs, le principe du Char d’en haut et d’en bas et le secret de l’Unité de tout homme qui pénètre dans le Palais du Roi.
R. Moïse Cordovero, qui élabora un commentaire détaillé sur la récitation du Shema, résume la signification sur laquelle le pratiquant doit concentrer sa méditation alors qu’il émet le mot « Un » : « Malkhut s’unit à Tiferet” (Tefillah le-Moshe, p.70a). Un kabbaliste marocain du XVIe siècle, R. Joseph Ibn Teboul, qui était un disciple de Louria, explique en outre que : « Tel est le secret de l’unification du Shema Israël : unir la Fiancée à Son Fiancé… Lorsqu’on les unit; le Fiancé donne la consécration (qiddushin) à la Fiancée… Ceci revient à réellement « sanctifier le Nom » : consacrer [par le mariage] Malkhut appelée « nom » » (Commentaire sur l’Idra Rabbah, Israël Weinstock, dans Temirin, 2, 1981, p.245).
La première explication purement kabbalistique de la lecture du Shema nous a été transmise par R. Acher ben Saül de Lunel, un rabbi provençal du XIIe siècle, en son Sefer ha-Minhagot : « On récite le Shema Israël. Explication : chaque israélite dit à lui-même et à son voisin « Accepte que « IHVH notre Dieu », qui est la Gloire résidant avec les Cherubim, « IHVH est Un », est la suprême Couronne… Certains disent que ceci se réfère à Tiferet Israel, et il y a là un grand secret » (cité par J. Dan en son The circles of the first Cabbalists, Akademon, Jérusalem, 1986, p.153).
Il est intéressant de noter que nombreux sont les kabbalistes, en ce compris R. Moïse de Léon (et donc le Zohar), qui ont détaillé les kavanot, les intentions, qui doivent être gardées à l’esprit lors de la récitation du Shema ; ces intentions ont le but d’affirmer l’unité qui sous-tend la totalité des 10 Sephiroth qui, comme l’explique R. Isaac d’Acco, « sont toutes unies en En Sof (l’Infini) » (Méirat Enayim, éd. Erlanger, Jérusalem, 1981, p.275). Mais il est clair que cette unité des Sepiroth peut être décrite par l’union du féminin et du masculin. R. Joseph de Hamadan met clairement en équivalence l’unité divine et l’union des pôles mâle et femelle :
« Pour cette raison, nous sommes exilés, car le Saint Roi n’embrasse pas la Reine, étant dos à dos. Lorsque la Maison du Sanctuaire était toujours debout, quand le Saint Roi et la Reine étaient face à face, leur visage était tourné vers l’Ouest car le corps du Saint Roi était uni à la Reine. C’est pourquoi R. Eliezer dit : Lorsque le Temple était debout, le Saint béni soit-Il, était Un; maintenant, on peut dire qu’Il n’est plus Un comme il est dit : ‘YHVH sera le Roi de la terre entière, ce jour-là YHVH sera Un et son Nom sera Un’ (Zachariah 14: 9).
Voyez combien de secrets de secrets sont cachés dans ce verset, car le Corps sacré est appelé YHVH, alors que le Petit Visage, la Reine, porte le nom de Seigneur (Adonaï). Si le Corps sacré avait sa face tournée vers l’Est et montrait son dos à la Reine, la lune en souffrirait quelque dommage, c’est pourquoi il est écrit « sera », dans le futur, lorsque le visage de chacun se tournera vers l’autre et que le Corps sacré sera uni avec la Reine, glorifiant et unissant dans la splendeur la Reine comme une flamme, Il sera Un, comme il est écrit : ‘Écoute Israël, YHVH est notre Dieu, YHVH est Un’ (Deut. 6:4). Béni soit Son Nom de gloire et de royauté à jamais » (Sefer Tashak, éd. Jeremy Zwelling, Ann Arbor, 1975, p.118).
Dans un passage de l’oeuvre préservée au sein du Tikkunim Hadashim, la Shekhinah est décrite comme ce par quoi les dix Sephiroth, et la Cause des causes elle-même, peut être connu : « Ceux qui ont l’intelligence (maskilim) sont ceux qui ont l’intelligence qui permet de connaître le Maître de Monde, la Cause de toutes les causes, à partir de l’intimité de la Shekhinah… du côté des dix sephirot elle est une limite… mais du côté de la Cause de toutes les causes au-dessus de qui il n’y a rien, elle n’a aucune limite ou frontière de ce côté, aucun ne lui est supérieur ni n’est en dehors d’elle, elle n’a ni dimension ni mesure. De plus, du côté de la Colonne centrale elle a un associé et compagnon, comme le mâle et la femelle, elle est le Dalet et son associé est Akh (le frère), ensemble ils sont Ehad (Un), alors que du côté de la Cause de toutes causes elle est Une sans aucune association » (Tikkunim du Zohar Hadash, Jérusalem, 1978, p.103a).
Pour conclure sur l’unité, donnons ici un extrait de la prière du Arizal : « Pour l’amour de l’Unité du Saint Un, béni soit-Il, & de Sa Shekhinah YAHDVNH »Y, dans la crainte & l’amour YAHHVYH »H, dans l’amour & la crainte AYHHYVH »H, afin d’unifier le nom Y »H (Abba & Imma) avec V »H (Ze’ir Anpin & Nukvah, au travers de l’influx de Eyn Sof, qui est au-dessus d’eux & qui les unifie), en une parfaite unité au nom de tout Israël.
Afin de relever la Shekhinah de la poussière, nous désirons apprendre avec ce livre de Kabbale – qui correspond à Tifereth du Ze’ir Anpin dans le Monde de Atziluth, où réside le nom M »H, comme ce YV »D H »A VA »V H »A – afin de réaliser une Merkavah« .
Lilith et la Shekhinah
« Qu’il me baise des baisers de sa bouche… » (Cant. des Cant. I, 2) et Rashi d’expliquer le baiser par « Bouche de la Shekhina » et aussi « la Shekhina qui s’identifie à Lilith » dit « Je suis Noire » et le Saint lui répond « Tu es la plus belle des Femmes » (Zohar, II 97). Elle est noire du côté de l’Obscurité d’en haut, de la Sephira Gueboura lorsqu’elle se renforce et Elle est belle du côté de la Première Lumière, c’est-à-dire la Sephira Hessed.
Et Elle s’écrie « Je suis Noire » du côté du Prépuce, « et belle » du côté de ce fil de grâce célestielle qui s’épanche sur Moi. 1:5 Ezra de Gérone : « Je suis noire« . Paroles de la Présence qui est descendue en Egypte avec le patriarche Jacob (Gen. XLVI:4) : C’est moi qui descendrai avec toi en Égypte et qui a partagé l’exil d’Israël. Nos Sages l’enseignent
(Megilla 29a): » Lorsqu’ils s’exilèrent en Égypte la Présence était avec eux comme il est écrit (I Sam II:27) : ne me suis-je point exilé avec la famille de tes ancêtres lorsqu’ils se trouvaient en Égypte ? « C’est ainsi que « Je suis noire et belle » (Cant. 1 :5), « je suis noire » du côté de l’en bas, « et belle » je le suis du côté du concentré de l’en haut « Je suis noire » lorsque je vois tant de pécheurs qui irritent le Seigneur de toute chose et que je les nourris par le côté de ce concentré d’en bas qui est en moi, [mais je suis] « belle » du côté de l’en haut « Filles de Jérusalem » : bien que Jérusalem et le Temple soient un, le Temple est doté de plus de saintetés, de plus de noblesses. Le Temple est une chose et Jérusalem est une chose, la maison du Saint des Saints se situe à l’Intérieur d’eux car elle est l’intimité d’eux tous. Ainsi, au moment où la Reine [Malkhut] se pare de bijoux et veut s’approcher de son Époux [Tiphereth], et qu’Elle s’est ornée, Elle dit à ses foules : « Je suis noire » du côté d’en bas, « et belle » du côté du concentré d’en bas au nom de l’en-haut, parce qu’il est écrit -. « Vous qui êtes attachés à YHVH votre Dieu » (Deut. 4:4), les Israélites sont attachés à Elle par cette parure plus que quiconque. « Je suis noire et belle » (Cant-1:5) -Élie lui dit : Rabbi, toutes ces paroles étaient inscrites dans les hauteurs en ton nom avant même que tu ne viennes au monde. À présent, toutes se trouvent renouvelées comme à l’origine et elles sont toutes scellées par le sceau de cire du Roi » [Le Zohar du Cant. Des Cant., éd. Verdier].
La Présence se plaint donc, elle déplore d’être en exil et de cheminer sombre, parmi les puissances angéliques préposées aux nations. Elle s’écrie : Je suis noire assombrie par l’exil et si je ne suis pas belle comme les tentures de Salomon – Ici encore c’est le nom du Saint béni soit-Il – c’est-à-dire comme (Ex. XXIV: 10) le ciel même dans sa pureté, et, dans le même ordre d’idées (Ps. CIV:2): » il étend le ciel comme une tenture. »
Et Elle dit : « Je suis noire et belle, filles de Jérusalem » (Cant. 1 :5) à l’adresse des foules angéliques qui ne faisaient pas partie de ses parures parmi les intimes. Aux intimes qui l’ont ornée Elle ne dit pas cela, mais quand Elle se rend au dehors Elle parle en ces termes au reste des foules. Aux intimes qui connaissent ses parures et qui l’ont ornée de multiples embellissements sublimes, Elle leur dit : « Qu’il me baise » (Cant. 1:1), comme je me suis convenablement arrangée pour recevoir des baisers du Roi ! À ceux du dehors qui ignorent ses parures Elle dit qu’Elle est noire du côté des êtres d’en bas, du côté du concentré de l’en bas, pour qu’ils ne la regardent pas d’un mauvais oeil en portant accusation sur ces êtres inférieurs. Ces anges n’éprouvent en effet de jalousie qu’à l’égard des êtres d’en bas ; lorsque les êtres d’en bas occupent une haute position, ils les jalousent plus que tout, et si tu dis qu’il n’y a pas de jalousie parmi eux, entre eux effectivement il n’est pas de jalousie, mais envers les autres il y en a ! Et parce qu’Elle est comme une mère sur ses fils à l’égard d’Israël, le parement le plus beau et le plus ravissant de tous, qui relève du côté du concentré de l’en bas et grâce auquel Elle monte dans l’ en-haut, Elle le retire face à ses foules du dehors pour qu’elles ne jalousent ni n’ accusent Israël. C’est pourquoi « Ne me regardez pas car je suis noirâtre » (Cant 1:6), ne regardez pas ce parement parce que « je suis noirâtre« . Mais parmi tous ses parements, il n’en est point de plus beau ni de plus ravissant en éminence, qui la fasse monter auprès du Saint, que ce parement issu du côté du concentré de l’en bas. Tout cela Elle le dit à ses foules et non à son Bien-aimé, c’est ainsi qu’Elle leur dit : « Je suis noire et belle » (Cant. 1:5).
Encore une explication : « Je suis noire » du côté de l’en bas, et « belle » de votre côté, vous « filles de Jérusalem », car mon embellissement dépend de vous, vous qui êtes les saintes foules angéliques. Pour cette raison ne regardez pas cet embellissement venant du côté des êtres d’en bas. Il en va en tout point comme d’une mère auprès de ses fils, car nombreux sont les accusateurs qui se dressent là, et s’ils venaient à regarder cet embellissement issu du concentré de l’en bas et voyaient combien il est ravissant et combien il convient pour s’élever grâce à lui vers l’en haut, ces foules angéliques en arriveraient à accuser et à rappeler les péchés d’Israël ; elles les accuseraient et empêcheraient de monter dans l’en haut s’unir à son Époux. C’est pourquoi [Je suis] « comme les tentes de Qédar » (Cant. 1:5), du côté des êtres d’en bas, « comme les toiles de Salma » de votre côté. Aussi, « ne me regardez pas car je suis noirâtre », ne me regardez pas du tout à cause de mes parures qui proviennent des êtres d’en bas. En effet, [69d] à cause d’eux le Soleil [Tiphereth ou Yesod] s’est irrité contre Moi, et pas seulement lui mais aussi « les fils de ma mère se sont irrités contre moi« ,les pères du monde [Hessed, Gegourah et Tiphereth], quand ils virent ma noirceur du côté des êtres d’en bas. Si tu demandes : est-il convenable de s’exprimer ainsi Eh bien oui, c’est convenable pour deux raisons : la première à cause du chemin de paix, afin qu’elles n’accusent pas Israël ses fils; la seconde pour qu’elles ne l’empêchent pas de monter, de s’unir à son Époux et d’en retirer du contentement. En effet, tout cela concerne la Lune, car à l’ époque où l’Autre côté couvre la lumière de la Lune, le Soleil ne s’approche plus d’Elle, à l’exception d’un unique fil de grâce célestielle qui s’épanche sur Elle, perçant cette coquille et brisant sa puissance et lui donnant beauté et magnificence. Et Elle dit : « Je suis noire » (Cant. 1 :5) du côté du Prépuce, « et belle » du côté de ce fil qui s’épanche sur Moi » [Zohar du Cant. Des Cant.].
« Quand le Saint béni soit-il eut créé le premier homme solitaire, il se dit : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul », il lui a donc créé une femme prise de la terre comme lui et il l’a dénommée Lilith. Dès ce moment ils ne cessaient pas de rivaliser entre eux. Elle disait : « Je ne coucherai pas par dessous » et lui disait : « Je ne coucherai pas par dessous, mais par dessus, car tu es faite pour être dessous et moi dessus. » Elle lui dit : « Nous sommes tous deux égaux, puisque tous deux nous venons de la terre. » Aucun d’eux n’écoutait l’autre. Constatant cela, Lilith a prononcé le Nom merveilleux et elle s’est envolé dans l’espace aérien. Adam s’est tenu en prière devant son Créateur et dit : « Souverain du monde, la femme que tu m’a donnée s’est enfuie loin de moi ». Aussitôt le Saint béni soit-il a dépêché ces trois anges [Sanoï, Sansanoï, Samnaglof], pour aller à sa recherche et la faire revenir. Le Saint béni soit-il dit [à Adam] : « Si elle veut retourner [vers toi] c’est bien. Sinon, elle devra accepter que cent de ses enfants meurent chaque jour ». [Les anges] l’ont quittée (sic) et sont partis à sa recherche. Ils l’ont surpris au coeur de la mer, dans les eaux tumultueuses qui, dans le futur, engloutiront les Égyptiens. Ils lui ont rapporté la parole du Seigneur mais elle a refusé de revenir. Ils lui ont dit : « Nous allons te noyer dans la mer. » Elle leur a répliqué : « Laissez-moi donc, car je n’ai été créée que pour rendre malade les nourrissons : depuis leur naissance jusqu’à huit jours si ce sont des garçons, d’eux je m’empare, depuis leur naissance jusqu’à vingt jours si ce sont des filles. » Après avoir ouïs ses propos, ils ont insisté pour la prendre. Elle leur a fait cette promesse: « A chaque fois que je vous verrais, vous, vos noms ou vos portraits inscrits sur une amulette, je ne toucherai pas le nourrisson qui la portera. » Elle dû accepter que cents de ses enfants meurent chaque jour, c’est pourquoi tous les jours meurent cent démons. Aussi écrivons-nous le nom de ces anges sur une amulette portée par les petits enfants, [Lilith] les voit et elle se souvient de sa promesse et l’enfant est guéri” (Otsar ha-Midrachim, I, p. 47)
Des cabalistes iront jusqu’à attribuer au Saint béni soit-il même l’équivalent de la Lilith d’Adam sous la forme d’une première Chekhinah qui est retournée au néant ; d’autres verront dans la protestation révoltée de la première Eve le reflet humain d’un drame théosophique qui s’est déroulé primitivement entre les deux dimensions divines contraires et concurrentes. Malgré le peu de sympathie que le Zohar accorde à la figure de Lilith, il lui concède néanmoins un rôle important dans son eschatologie : c’est cette puissance féminine démoniaque qui accomplira à la fin des temps la destruction de Rome, ville symbole de l’inimitié des nations chrétiennes envers Israël et de son exil le plus long et le plus amer. Cette note favorable à l’endroit de Lilith reste toutefois l’exception.
AD Grad : « (…) la même pudeur, qui n’ose pas nommer les choses par leur nom, est visible autant dans le judaïsme que dans le judéo-christianisme. Le sexe de la femme a été traduit par l’huis (« Il a mis sa main à l’huis »). On ne veut pas s’avouer que depuis l’origine, la femme est de Feu. On a fait de Lilith la tête des démons. Lilith l’ancienne, l’épouse de Samaël (et non pas Lilith la jeune). Lilith n’est pas démoniaque. Elle est l’incarnation de l’Éros perturbé, quand l’homme est séparé de sa partie féminine extériorisée, et qu’il voit devant lui. Avant elle faisait partie de lui, l’Adam androgyne. Donc à partir de là, la plainte de Lilith, dans la tradition, qui se défend parfaitement : qu’aviez-vous à me reprocher ? Je suis aussi divine qu’Adam. J’ai été créée en même temps. Je suis du Feu, et ce Feu m’a été donné à l’incarnation, à la naissance, au moment de la création humaine. Il est en moi comme dans toute la création. Comme disait Breton : « La baguette fait l’amour avec le tambour ». Il y a complémentarité du fait qu’il y a eu une rupture, une séparation. Or l’Éros va rétablir cette unité« .
Comme nous avons pu nous en rendre compte au travers de ces quelques pages, la Shekhinah est dont au-delà de toute représentation fermée. Multiforme, connue sous de nombreux noms, elle reste notre intime amie, présence de Dieu en ce bas monde, espoir de « réparation » – ou de réintégration – de l’homme. Loin des délires néo-âgistes, Elle est cette Sophia, cette Occultam Lapidem, tombée ici afin de nous aider à prendre conscience que nous, créatures ayant choisi la liberté d’exister en dehors de tout paradis, pouvons voir la Divinité aujourd’hui et en ressentir le Souffle chaud réchauffer notre âme. Elle agit comme un rappel que, dans notre recherche de Dieu, si nous regardons les Étoiles il ne faut pas oublier de regarder sous nos pas…
Plus sur le sujet :
La Shekhinah 2, Prospéro
Gustave Moreau [Public domain], via Wikimedia Commons