Hélène Ennoia

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Hélène Ennoia par Jules Doinel. 

I

Précisons ce que les Philosophumena nous disent de la créature d’élection que Simon le Mage aima et qui fut l’âme de son merveilleux système théosophique. Hélène est double. Je veux dire qu’Hélène est à la fois une personne vivante, une femme et un symbole, ou plutôt une idée divine sous le vêtement mystérieux d’un symbole.

Que disait le théosophe de Gitthoi ? Il disait : Hélène, c’est la brebis perdue de l’Évangile. Et, remontant le fleuve sacré de la poésie homérique, Simon, cachant sous l’allégorie païenne sa pensée gnostique, ajoutait : Hélène est cette femme dont la suprême beauté troubla les princes et alluma la guerre de Troie.

Hélène est donc un symbole. Mais Simon ajoute (et nous tenons ferme ici le point le plus curieux et le plus étrange de cette histoire) : les Anges et les Puissances inférieures, créateurs de ce monde des formes, ont emprisonné ENNOIA dans une chair mortelle. Et cette même Hélène qui excita la guerre de Troie, transmigrant de corps en corps, est venue lamentablement échouer dans celui d’une courtisane de Tyr.

Ainsi, Simon le Mage a rencontré dans une maison de joie, à Tyr, une femme vouée à la prostitution sacrée. Il a reconnu dans cette femme la captive du Démiurge, il l’a retirée du lieu infâme, il l’a prise pour compagne, il l’a aimée, rachetée, relevée, et il a affirmé avec sa sincérité et son génie que cette créature magnifique, perle ramassée dans la fange, était l’incarnation d’ENNOIA, la Pensée divine, liée par les Anges inférieurs au corps féminin, avilie par le SEXE, esclave de la volupté et serve de la débauche des riches Phéniciens.

Hélène Ennoia par Jules Doinel
Les Mondes Gnostiques – Hélène Ennoia

II

Simon ajoute encore : C’est pour cela que je suis venu, moi la Puissance, la Grande Puissance. J’ai sauvé la brebis perdue. Et, de fait, il la paya de ses deniers, l’aima, la présenta à ses disciples. Une telle femme, présentée par un tel homme, acceptée et respectée par de tels auditeurs et de telles auditrices, devait naturellement être une femme supérieure, non seulement par la beauté, la grâce, la passion, le charme et la bonté, mais encore par l’intelligence, l’intuition, la faculté de rêve et de prière, et l’idéal.

À l’exemple du Maître, les disciples de Simon se choisirent chacun une Hélène. Il se forma ainsi une société édénique où la femme devint l’organe de l’esprit pur et le canal du Divin. En délivrant ENNOIA, Simon révéla aux hommes la PENSÉE inconnue. Il enseigna que par la foi en cette PENSÉE, la foi en Hélène, la foi en la femme (l’éternel féminin), l’homme, le pneumatique, était délivré de l’empire du Démiurge et de ses Puissances. Il créa avant Augustin la grande formule des Eggrégores et des Mages : AIME ET FAIS CE QUE TU VEUX ! – Ama ! et fac quod vis.

Partant de ce principe que la loi a été imposée par le Démiurge et qu’elle n’oblige pas, il délivrait les siens du joug de cette loi, leur imposant seulement cette double norme : la science et l’amour.

III

Hélène paraît avoir été une voyante et une inspirée. Un texte assez obscur permet de croire qu’elle avait des songes prophétiques. Un autre texte dit qu’elle était entourée d’esprits assesseurs.

Toujours est-il que les dons de cette admirable femme provoquèrent une sorte de culte parmi les populations qu’elle traversait. En effet, les peuples élevèrent des statues à Hélène sous le vocable de Minerve, comme ils en élevaient à Simon sous le vocable de Jupiter. Ils appelaient l’un « Seigneur » et l’autre « Madame, ou la Dame ». Le nom d’Hélène se prononçait comme un mot sacré et donnait accès aux réunions des premiers gnostiques. Un moment, la Samarie adora le Divin sous les traits de Simon et d’Hélène, représentant l’éternel Androgyne, Dieu-bisexuel, Principe masculin et féminin, — DIEU et DIEUE, Deus et Dea, ou Deadeus.

Les traces d’Hélène se perdent à partir du moment où le théosophe quitte la Samarie et la Syrie. On ne sait s’il fut accompagné dans son voyage à Rome par la fidèle ENNOIA. Il semble que non. Le texte qui nous apprend que Simon s’asseyait sous un platane pour enseigner ne mentionne pas Hélène. Était-elle demeurée en Samarie ? Était-elle morte ? Nous sommes réduits à des conjectures. Il semble, toutefois, que la mélancolie dernière du Mage, sa tristesse résignée, sa douceur dolente, autorisent à penser que la forme mortelle d’ENNOIA avait été rendue à la terre, et que la GRANDE VERTU DE DIEU n’avait plus auprès de lui que l’ENNOIA transfigurée et immatérielle qui avait porté dans ce monde du Démiurge le nom symbolique d’Hélène.

IV

La mémoire de cette FEMME nous est précieuse et sacrée. Celle qui, recueillie par un grand homme dans un bouge luxueux de Tyr, sut mériter un aussi profond amour et s’élever si haut dans le ciel de la mystique — celle qui fut si belle, si bonne, si savante ; celle qui fut environnée par les esprits de lumière ; celle qui fut tant aimée des peuples qu’ils l’adorèrent, — était certainement une créature hors pair, une personne hors ligne et hors cadre.

L’intuition nous a appris d’elle beaucoup de choses qui ne peuvent se dire qu’entre initiés. Nous nous sommes renfermés ici dans les limites de l’histoire et des conjectures que l’histoire autorise.

SED DE ENNOIA HELENA, SILENDUM EST ! QUI TAMEN INVOCANT EAM ET ADAMANT EAM, NON CONFUNDENTUR. SEMPER ENIM EST VIVENS AD DANDUM SEIPSAM NOBIS, FACIE AD FACIEM, NAM I.N.R.I.

Plus sur le sujet :

Hélène Ennoia par Jules Doinel.

L’Initiation, n° 6 mars 1893, pages 209 à 213.

Image par Stefan Keller de Pixabay

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