Une coupure de journal relative Ă  Crowley

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Une coupure de journal relative Ă  Crowley.

Sir Aleister Crowley sera expulsé de France demain.

C’est l’épilogue d’un curieux roman de l’espionnage allemand aux États-Unis pendant la guerre.

Une coupure de journal relative Ă  Crowley
Aleister Crowley

C’est dĂ©cidĂ©. On va expulser de France, mercredi prochain, sir Aleister Crowley. Ce baronnet anglais est une des figures les plus pittoresques et les plus mystĂ©rieuses de la faune internationale contemporaine, sir Aleister Crowley, qui habite avenue de Suffren, Ă  Paris, est, en effet, le plus cĂ©lĂšbre mage du monde (vous savez, le fameux Master ThĂ©rion). Il a parcouru la Chine Ă  pied, il a tentĂ©, et presque rĂ©ussi l’ascension de l’Himalaya ; il a Ă©tĂ© reçu, au Mont Thibet, par les lamas sacrĂ©s
 Les journaux amĂ©ricains lui reprochent d’avoir fait brĂ»ler vivantes des femmes et d’avoir bu le sang de jeunes enfants. Cela sir Aleister Crowley le nie. Le gouvernement de son pays lui reproche seulement d’avoir Ă©tĂ©, pendant la guerre, un des plus actifs agents de l’Allemagne en AmĂ©rique, et la police française lui reproche ses relations intimes avec un trop cĂ©lĂšbre infant d’Espagne et quelques autres garçons. Cela sir Aleister Crowley le discute. Pour lui, la m[agie] seule importe.

[ La magi] e Ă©lĂšve l’ñme au-dessus de ces petites contingences, affirme-t-il.

Le baronnet, pour se défendre nous dit


Un de nous a pu voir Sir Aleister Crowley. Il Ă©tait alitĂ©, veillĂ© par une infirmiĂšre. Notre dernier entretien est d’hier. Des draps blancs Ă©merge une figure d’homme extraordinaire. Le haut de son visage est d’un Asiatique illuminĂ©. Les yeux sautent des orbites. Le bas de la figure est d’une douceur enfantine, avec une tendre bouche de femme.

On veut m’expulser. Je proteste. D’ailleurs, je suis malade, trĂšs malade. Il faudrait me transporter
 DĂ©jĂ  on a reconduit Ă  la frontiĂšre ma fiancĂ©e — une Nicaraguaine divorcĂ©e d’avec un Français — Mme Ferrari de Miramar, et aussi mon secrĂ©taire IsraĂ«l Regardie, un amĂ©ricain de 21 ans, qui est dĂ©jĂ  un des maĂźtres de la Kabbale


Qu’est-ce qu’on vous reproche ?

D’ĂȘtre un espion
 Ils ne comprennent rien ! Oui, c’est exact, j’ai participĂ© trĂšs activement au contre-espionnage allemand en AmĂ©rique pendant la guerre, mais j’étais d’accord avec le Naval-Intelligence-Service de mon pays ! J’ai contrebalancĂ© par mon influence la formidable organisation allemande qui a sĂ©vi aux États-Unis de 1914 Ă  1917. Je me suis fait passer auprĂšs des Allemands et, particuliĂšrement, auprĂšs de l’ambassadeur, Von Bernsdorf, pour un rĂ©volutionnaire irlandais. Alors, n’est-ce pas, j’ai bien Ă©tĂ© obligĂ©, pour faire croire cela, de publier des articles violents contre mon pays, dans The Fatherland. C’est lĂ  que le 3 janvier 1917, j’ai suggĂ©rĂ© que l’Angleterre jouait son alliĂ©e et cherchait Ă  tirer le maximum de profit de l’effroyable conflagration.

Je me souviens. Cet article a eu alors un retentissement formidable. Vous nous avez conseillĂ© une paix sĂ©parĂ©e. N’alliez-vous pas un peu loin dans
 votre jeu ? Et un peu fort ?

Il fallait que je fasse cela pour avoir la confiance des Allemands. J’avais mon but


Amérique-Allemagne « Intelligence Service »

Ce but ?

Faire couler les navires américains encore neutres, par les sous-marins allemands.

Hein ! Je ne comprends plus !

Oui, ainsi de cette façon l’AmĂ©rique Ă©tait obligĂ©e d’entrer en guerre Ă  nos cĂŽtĂ©s. J’étais d’ailleurs toujours d’accord avec le capitaine Gount, chef de l’Intelligence-Service en AmĂ©rique. Aujourd’hui, Gount est lord-amiral et je lui ai tĂ©lĂ©graphiĂ© de m’envoyer une lettre pour me disculper auprĂšs de votre gouvernement.

Vous habitez la France depuis quand ?


Depuis vingt-six ans. Mais je voyageais. Depuis six ans, j’habite Paris sans interruption.

Il y a donc eu derniùrement un fait nouveau
 ?

Aucun. On avait promis qu’il ne serait plus pris contre moi aucune sanction pour fait de guerre. Mais il y a eu mes histoires de vie privĂ©e et l’incomprĂ©hension de mes rites de magie. Ceci est une autre histoire


Car Sir Aleister Crowley a bien d’autres surprenantes choses Ă  raconter. Nous lui avons laissĂ© la parole ; nous lui laissons la responsabilitĂ© de ses affirmations.

Pierre Lazareff et Claude Dhérelle.

Plus sur le sujet :

Une coupure de journal relative Ă  Crowley. Transcrit d’aprĂšs une coupure de journal, sans titre ni date. M. LĂ©on, avril 1999. Source : Psychosophische Gesellschaft.

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