Un rĂ©novateur de l’occultisme : Stanislas de Guaita

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Un rĂ©novateur de l’occultisme : Stanislas de Guaita par Maurice BARRES.

Si l’on ignore la platitude, l’anarchie et le vague de la vie que fait Ă  ses internes un collĂšge français, on ne comprendra pas la puissance que prit, sur l’auteur de cette notice, la beautĂ© lyrique, quand elle lui fut proposĂ©e par un de ses camarades du lycĂ©e de Nancy, Stanislas de Guaita. En 1878 il avait dix-sept ans et moi seize. Il Ă©tait externe ; il m’apporta en cachette les Émaux et CamĂ©es, les Fleurs du Mal, SalammbĂŽ. AprĂšs tant d’annĂ©es, je ne me suis pas soustrait au prestige de ces pages, sur lesquelles se cristallisa soudain toute une sensibilitĂ© que je ne me connaissais pas. Et comme les simples qui reportent sur le marbre ou le bois dont est faite l’image de leur dieu le sentiment qu’ils prennent de la divinitĂ©, l’aspect extĂ©rieur de ces volumes, leur odeur mĂ©mo, la couleur du papier et la qualitĂ© de l’impression, tout cela m’est prĂ©sent et demeure mĂȘlĂ© au bloc de mes jeunes impressions. M’inquiĂ©tais-je beaucoup d’avoir une intelligence complĂšte et exacte de ces poĂšmes? Leur rythme et leur dĂ©solation me parlaient, mais non pas directement; j’étais mis dans une certaine disposition d’ñme et de l’ordre le plus haut. Une belle messe de minuit bouleverse certains fidĂšles, qui pourtant sont bien loin d’en comprendre le symbolisme exact. La demi-obscuritĂ© de ces Ɠuvres leur donnait, je me le rappelle, plus de plĂ©nitude. Je voyais qu’aprĂšs cent lectures je ne les aurais pas Ă©puisĂ©es; je les travaillais et je les Ă©coulais sans qu’elles cessassent de m’ĂȘtre fĂ©condes.

Un rĂ©novateur de l’occultisme : Stanislas de Guaita. 

Dans une rĂšgle monotone, parmi des camaraderies qui fournissent peu et un enseignement qui Ă©veille sans exciter, voilĂ  des voix enfin qui conçoivent la tristesse, le dĂ©sir non rassasiĂ©, les sensations vagues et pĂ©nibles, bien connues dans les vies incomplĂštes. Et le camarade qui me prĂȘte ces livres les interprĂšte comme moi. Quel noble compagnon, Ă©blouissant de loyautĂ© et de dons imaginatifs ! Lui que nous vĂźmes plus tard corpulent, un peu cĂ©rĂ©monieux, avec un regard autoritaire, c’était alors le plus aimable des enfants, ivre de sympathie pour tous les ĂȘtres et pour la vie, d’une mobilitĂ© incroyable, de taille moyenne, avec un teint et des cheveux de blond, avec des mains remarquables de beautĂ©. DĂšs 1878, je ne suis plus seul dans l’univers; mon ami et ses maĂźtres s’installent dans mon isolement qu’ils ennoblissent. Telle est l’origine du sentiment qui me liait Ă  Stanislas de Guaita, lequel vient de mourir ĂągĂ© de trente-six ans. Nous nous sommes aimĂ©s et nous avons agi l’un sur l’autre dans l’ñge oĂč l’on fait ses premiers choix libres.

L’annĂ©e suivante, un autre bonheur m’arriva : la libertĂ©. J’étais malade de neuf annĂ©es d’emprisonnement ; on dut m’ouvrir les portes, et tout en suivant les cours de philosophie au LycĂ©e, je vivais en chambre Ă  la maniĂšre d’un Ă©tudiant. En Ă©tĂ©, les parents de mon ami allaient s’installer Ă  la campagne, dans le pays de Dieuze ; il demeura seul, lui aussi. C’est ainsi que nous avons passĂ© en pleine indĂ©pendance les mois de mai, juin, juillet, aoĂ»t 1880 (le temps est demeurĂ© le plus beau de ma vie).

La musique que faisait le monde, toute neuve pour des garçons de dix-sept ans, aurait pu nous attirer; en vĂ©ritĂ©, nous ne l’écoutions guĂšre. MĂȘme notre remarquable professeur nous dĂ©plaisait, parce qu’il entrouvrait sur la rue les fenĂȘtres de notre classe : nous le trouvions intĂ©ressĂ© ! Je veux dire qu’il nous semblait attacher son affection Ă  trop de choses. Je croyais voir le creux de ses dĂ©clarations civiques et des affaires de ce monde auxquelles il prĂ©tendait nous initier.

Si je cherche Ă  m’expliquer les images qu’ont laissĂ©es dans mes yeux mes condisciples, tels que je les vis au moment oĂč, dans ses prĂȘcheries, ce singulier professeur quittait l’ordre purement scolaire pour le champ de l’action, je crois comprendre que nous Ă©tions trois ou quatre dans un Ă©tat en quelque sorte mystique, et disposĂ©s Ă  lui trouver, oui, voilĂ  bien le mot, des maniĂšres Ă©lectorales.

Ainsi nous avions dĂ©jĂ  atteint aux extrĂ©mitĂ©s de la culture idĂ©aliste, quand nous pensions ĂȘtre au seuil. Absolument Ă©trangers aux controverses qui passionnaient l’opinion, nous les jugions faites pour nous amoindrir. En revanche, Guaita et moi, nous jugions que nous n’aurions pas vĂ©cu, tant qu’un romantique, tant qu’un parnassien nous demeurerait fermĂ©. Toute la journĂ©e, et je pourrais dire toute la nuit, nous lisions Ă  haute voix des poĂštes. Guaita, qui avait une santĂ© magnifique et qui en abusait, m’ayant quittĂ© fort avant dans la nuit, allait voir les vapeurs se lever sur les collines qui entourent Nancy. Quand il avait rĂ©veillĂ© la nature, il venait me tirer du sommeil en me lisant des vers de son invention ou quelque piĂšce fameuse qu’il venait de dĂ©couvrir.

Combien de fois nous sommes-nous rĂ©citĂ© l’Invitation au voyage de Baudelaire ! C’était le coup d’archet des Tziganes, un flot de parfums qui nous bouleversait le cƓur, non par des ressouvenirs, mais en chargeant l’avenir de promesses. « Mon enfant, ma sƓur, — songe Ă  la douceur — d’aller lĂ -bas vivre ensemble! — Aimer Ă  loisir, — aimer et mourir — au pays qui le ressemble… Guaita s’arrĂȘtait au tableau d’une vie d’ordre et de beautĂ© : « Des meubles luisants, — polis par les ans, — dĂ©coreraient notre chambre ; — les plus rares fleurs — mĂȘlant leurs odeurs — aux vagues senteurs de l’ambre… » Mais le point nĂ©vralgique de l’ñme, le poĂšte chez moi le touchait, quand il dit: « Vois sur ces canaux — dormir ces vaisseaux — dont l’humeur est vagabonde : — c’est pour assouvir ton moindre dĂ©sir… » Mon moindre dĂ©sir ! J’entendais bien que la vie le comblerait. En mĂȘme temps que les chefs-d’Ɠuvre, nous dĂ©couvrions le tabac, le cafĂ© et tout ce qui convient Ă  la jeunesse. La tempĂ©rature, cette annĂ©e-lĂ , fut particuliĂšrement chaude, et, dans notre aigre climat de Lorraine, des fenĂȘtres ouvertes sur un ciel Ă©toilĂ© que zĂ©braient des Ă©clairs de chaleur, la splendeur et le bien-ĂȘtre d’un vigoureux soleil qui accablait les gens d’ñge, ce sont des sensations qui dorent et qui poĂ©tisent ma dix-huitiĂšme annĂ©e. VoilĂ  le temps d’oĂč je date ma naissance. Oui, cette magnificence de la nature, notre jeune libertĂ©, ce monde de sensations soulevĂ©es autour de nous, la chambre de Guaita oĂč deux cents poĂštes pressĂ©s sur une table ronde supportaient avec nos premiĂšres cigarettes des tasses de cafĂ©, voilĂ  un tableau bien simple; et pourtant rien de ce que j’ai aimĂ© ensuite Ă  travers le monde, dans les cathĂ©drales, dans les mosquĂ©es, dans les musĂ©es, dans les jardins, ni dans les assemblĂ©es publiques n’a pĂ©nĂ©trĂ© aussi profondĂ©ment mon ĂȘtre. Certainement Guaita avait, lui aussi, conservĂ© de cette Ă©poque des images Ă©ternellement agissantes. Nos annĂ©es de formation nous furent communes ; c’est en ce sens que nous Ă©tions autorisĂ©s Ă  qualifier notre amitiĂ© de fraternelle.

Guaita Ă©tait poĂšte. DĂ©jĂ  du lycĂ©e il adressait des vers Ă  une petite revue parisienne, et j’avais lu avec un frĂ©missement mon nom dans la dĂ©dicace d’un sonnet. Quand nous fĂ»mes inscrits Ă  la FacultĂ© de droit, je rĂȘvai d’avoir du talent littĂ©raire. J’employai le moyen recommandĂ© aux Ă©lĂšves qui veulent devenir des latinistes Ă©lĂ©gants. Je possĂšde encore les cahiers d’expressions oĂč j’ai dĂ©pouillĂ© Flaubert, Montesquieu et Agrippa d’AubignĂ© pour m’enrichir de mots et de tournures expressives. AprĂšs tout, ce travail absurde ne m’a pas Ă©tĂ© inutile. Ma familiaritĂ© avec les poĂštes, non plus. Un des secrets principaux du bon prosateur n’est-il pas de trouver le rythme convenable Ă  l’expression d’une idĂ©e? Ces soucis de rhĂ©torique dĂ©truisent, je sais bien, le goĂ»t de la vĂ©ritĂ©, et l’on perd de vue la pensĂ©e que l’on veut exprimer quand on est trop prĂ©occupĂ© de moduler et de nuancer. Mais comment nous fussions-nous prĂ©occupĂ©s d’exprimer le fond des choses quand nous ne connaissions rien que de superficiel, rien qu’un brouillard flottant sur dos cimes? Tout l’univers pour nous, je le vois bien maintenant, Ă©tait dĂ©sossĂ©, en quelque sorte, sans charpente, privĂ© de ce qui fait sa stabilitĂ© dans ses changements. A cette Ă©poque me suis-je jamais demandĂ© : « Quelle est cette population, quel est son sol, le genre de ses travaux, son passĂ© historique? Les sommes dĂ©posĂ©es dans ses caisses d’épargne augmentent-elles ou non? Et le nombre des Ă©lĂšves dans ses collĂšges, et la consommation de la houille? » Ces curiositĂ©s Ă©taient au-dessus de ma raison, qui, si elle en avait eu quelque Ă©veil, aurait mis sa fiertĂ© Ă  les Ă©carter. Et pourtant cet ordre rĂ©el qui paraĂźt le domaine des hommes sans Ăąme, des fonctionnaires ou des financiers, est magnifique quand on le voit en poĂšte et en philosophe. — Puisque nous vivions chĂ©tivement de notre moi tout rĂ©trĂ©ci, nous aurions pu du moins examiner Ă  quel rang social nous Ă©tions nĂ©s, avec quelles ressources, Ă©tudier les forces du passĂ© en nous, enfin Ă©valuer notre fatalitĂ©. Nous sommes les prolongements, la suite de nos parents. Ce sont leurs concepts fondamentaux qui seuls sauront, avec un accent sincĂšre, chanter en nous. Dans ma maison de famille ai-je Ă©coutĂ© vĂ©gĂ©ter ma vĂ©ritĂ© propre? Frivole ou plutĂŽt perverti par les professeurs et leurs humanitĂ©s j’ignorais le grand rythme que l’on donne Ă  son cƓur si l’on remet Ă  ses morts de le rĂ©gler. L’un et l’autre, au lieu de connaĂźtre nos conditions sociales, notre conditionnement (comme on dit des marchandises et encore des athlĂštes) et de les accepter, nous Ă©voquions en nous, avec trop de succĂšs, les sensations les plus singuliĂšres d’individus d’exception qui s’isolĂšrent de l’HumanitĂ© pour ĂȘtre le modĂšle de toutes les exaltations.

Bien que nous fussions fort diffĂ©rents, Guaita, aimable, heureux de la vie, sociable, ouvert Ă  toutes les impressions, et moi, trop fermĂ©, qu’on froissait aisĂ©ment, nous n’étions pas faits pour calmer notre pensĂ©e. Je crains que je ne l’aie dĂ©tournĂ© des Ă©tudes chimiques pour lesquelles il Ă©tait douĂ© et prĂ©parĂ©. En ce cas, j’aurai nui Ă  nous deux. Si nous avions suivi son impulsion naturelle, un peu de sciences exactes nous aurait rattachĂ©s aux rĂ©alitĂ©s et dĂ©gagĂ©s de ce lyrisme vague, de cette mĂ©taphysique abstraite auxquels je sacrifiai une partie de mon ĂȘtre en puissance.

Nous n’étions pas de ces petits esthĂštes, comme on en voit Ă  Paris, qui collectionnent chez les poĂštes des beautĂ©s de colifichet et qui en rimaillant se prĂ©parent Ă  ĂȘtre vaudevillistes. La littĂ©rature n’était pas pour nous lectulus florulus un petit lit de repos tout fleuri. Nous Ă©tions prodigieusement agitĂ©s ; je n’aurais pas passĂ© les nuits de ma vingtiĂšme annĂ©e avec des poĂštes s’ils eussent Ă©tĂ© incapables de me donner la fiĂšvre.




Des doctrines qui ont Ă©tĂ© les colonnes des temples les plus importants de l’humanitĂ© s’imposent Ă  noire vĂ©nĂ©ration. Et soupesant dans ma main l’Ɠuvre du compagnon de ma jeunesse, je me dis : « Sa part fut noble, puisqu’il nous a donnĂ© l’expression la plus rĂ©cente de la plus antique des littĂ©ratures ecclĂ©siastiques ! »

Il paraĂźt qu’à la fin du siĂšcle dernier la tradition de l’occultisme se trouva fort compromise ; une terrible lutte venait d’éclater entre les sociĂ©tĂ©s blanches (illuminĂ©s et martinistes) et les sociĂ©tĂ©s rouges (jacobins) ; la RĂ©volution de 1789 fut un Ă©pisode de ces querelles. (Je parle d’aprĂšs le docteur Encausse; je n’ai pas besoin d’avertir que je suis loin d’attacher Ă  ces versions une valeur historique ; mais pour faire connaĂźtre, mĂŽme superficiellement, ces doctrines, il faut indiquer leur partie lĂ©gendaire aussi bien que leur partie dogmatique.) Les sociĂ©tĂ©s spiritualistes, diminuĂ©es, mais non Ă©crasĂ©es, se recueillirent dans le travail et dans le silence et s’attachĂšrent Ă  conquĂ©rir les intellectuels plus que la masse qui fut abandonnĂ©e aux philosophes et aux athĂ©es. Fabre d’Olivet, Eliphas LĂ©vy, Lucas, Wronski, Vaillant et Alcide Morin gardaient et augmentaient le trĂ©sor de l’occultisme. De 1880 Ă  1887, les initiĂ©s eurent lieu de s’émouvoir : des sociĂ©tĂ©s Ă©trangĂšres intriguaient pour dĂ©pouiller la France et faire reporter Ă  Londres la direction de l’occultisme europĂ©en. Peut-ĂȘtre mĂȘme voulait-on anĂ©antir l’Ɠuvre des vĂ©ritables maĂźtres de l’Occident! De la le mouvement rĂ©formiste, la reconstitution menĂ©e Ă  bonne fin par Guaita. Il sortit des tĂ©nĂšbres l’Ordre Kabbalistique de la Rose-Croix, qui comprend trois grades, le baccalaurĂ©at, la licence et le doctorat en Kabbale, accessibles par l’examen. Il en fut le grand maĂźtre et il l’administrait avec le concours d’un conseil suprĂȘme, composĂ© de trois chambres.

Ainsi Guaita se proposait une triple tĂąche : l’étude des classiques de l’occulte, la mĂ©ditation ou effort pour entrer en communion spirituelle avec l’unitĂ© divine, enfin la propagande, c’est dans cette derniĂšre mission qu’il conduit la maĂźtrise que lui reconnaissent tous les occultistes.

L’école matĂ©rialiste officielle, nous dit le docteur Encausse, occupait presque tous les dĂ©bouchĂ©s intellectuels; elle menaçait de faire disparaĂźtre Ă  jamais les hauts enseignements des HermĂ©tistes et des Kabbalistes chrĂ©tiens. A cotĂ© des classiques du positivisme, la Rose-Croix crĂ©a les classiques de la Kabbale, Eliphas LĂ©vy, Wronski, Fabre d’Olivet, et mit Ă  l’étude les Ɠuvres des vĂ©ritables thĂ©osophes, Jacob Boehm, Swedenborg, MartinĂšs de Pasqually, Saint-Martin, qui sont les seuls que la thĂ©osophie, digne de ce vĂ©ritable nom, connaĂźtra plus tard, comme ce sont les seuls qui furent connus du 15e au 19e siĂšcle. BientĂŽt des Ă©lĂšves nombreux et dĂ©jĂ  versĂ©s dans les sciences et les lettres profanes, ingĂ©nieurs, mĂ©decins, professeurs, littĂ©rateurs, accoururent. Cette floraison d’intellectualitĂ© s’imposa vite Ă  toutes les sociĂ©tĂ©s initiatiques de l’étranger par la publication d’une belle sĂ©rie de thĂšses de doctorat en Kabbale. C’est Guaita qui la dirigeait. Sa prodigieuse Ă©rudition lui permettait d’indiquer en toute sĂ»retĂ© les sujets de thĂšse pour la plus grande gloire de l’ordre et de la vieille rĂ©putation des Ă©coles initiatiques françaises. GrĂące Ă  cet ordre de la Rose-Croix, une vĂ©ritable aristocratie d’intellectuels Ă©tait crĂ©Ă©e dans l’initiation, un CollĂšge de France de l’ésotĂ©risme Ă©tait constituĂ© et son influence s’étendait vite au loin.

Telle est l’Ɠuvre que les occultistes ont vu Guaita accomplir. Il a rĂ©formĂ© leur petite communautĂ© ; ils sont juges de l’accroissement de forces qu’ils reçurent de son intervention. En outre il leur laisse trois gros volumes, Essais de sciences maudites qu’ils semblent devoir ajouter Ă  ces grands classiques de l’Occulte, respectĂ©s et consultĂ©s comme des Bibles


Chacun a ses limites. Tel ouvrages qui est bien capable de transformer un ĂȘtre, ne saura rien dire Ă  tel autre. Qu’en conclure ? Tout livre a pour collaborateur son lecteur. On l’accorde des livres de science, des livres de philosophie auxquels il faut que l’étudiant apporte des aptitudes et aussi une instruction prĂ©alable. C’est vrai d’une façon plus absolue encore pour ces livres de qualitĂ© religieuse qu’on ne peut aborder qu’avec un Ă©tat d’esprit spĂ©cial. Moi qui ne distingue qu’une poussiĂšre dont je suis tout incommodĂ© sur la route royale des Boehm et des Swendenborg, je suis indigne de dĂ©crire les vastes espaces oĂč mon ami avait installĂ© ses tentes et recevait l’hommage de ses Ă©mules. Si je trouve Ă  ses ouvrages une forme trĂšs dĂ©terminĂ©e et un sens peu arrĂȘtĂ©, c’est que je ne me suis pas conformĂ© Ă  la belle maxime hermĂ©tique : « Lege, lege, lege et relege, labora, ora et invenies ». Mais quoi ! Je l’ai aimĂ©, je me reprĂ©sente les Ă©tats successifs de sa sensibilitĂ©. L’émotivitĂ©, c’est la grande qualitĂ© humaine ; profondĂ©ment nous sommes des ĂȘtres affectifs ; l’intelligence, quelle trĂšs petite chose Ă  la surface de nous-mĂȘme et peu significative! Je sais qu’il fut un philosophe, si, comme je le crois, la philosophie, c’est devant la vie le sentiment et l’obsession de l’universel, et devant la mort l’acceptation. J’avais pour devoir de fixer quelques-uns des traits de cette noble et chĂšre figure. Quant Ă  son Ɠuvre d’occultisme, je la confie aux Ă©lĂšves qu’il a formĂ©s. PrĂ©cisĂ©ment, dans une Ă©tude sur Guaita, et parlant de leurs maĂźtres communs, les Guillaume Postel, les Reuchlin, les Khunrath, les Nicolas Flamel et les Saint-Martin, le docteur Marc Haven a Ă©crit une phrase forte : « Ces hommes furent d’ñpres conquĂ©rants, en quĂȘte de la toison d’or, refusant tout litre, toute sanction de leurs contemporains, parlant de haut, parce qu’ils Ă©taient haut situĂ©s et ne comptant que sur les titres qu’on obtient de ses propres descendants*. »

* Voici comment un initiĂ© le docteur Thorion, apprĂ©cie l’Ɠuvre du maĂźtre qui l’estimait et dont il reçut l’enseignement .

« Les Essais de sciences maudites dans leur ensemble, Ă©tudient le drame de la Chute originelle, en Eden. Le Seuil du mystĂšre nous promĂšne parmi ceux qui ont passĂ© leur vie sous les branches du pommier symbolique. Le Serpent de la GenĂšse Ă©lucide le triple sens littĂ©ral, figurĂ© et hiĂ©roglyphique du mot Nahash, qui dans le texte de MoĂŻse dĂ©signe le tentateur.

« Au sens positif, Nahash, c’est le fait, l’ivresse quelconque qui, envahissant l’homme, le fait rouler au mal. De lĂ  cette interprĂ©tation erronĂ©e du vulgaire qui croit que l’esprit du mal s’est dĂ©guisĂ© en reptile. Le Temple de Satan est donc consacrĂ© Ă  l’examen des Ɠuvres caractĂ©ristiques du Malin : la Magie noire et ses hideuses pratiques, envoĂ»tements et malĂ©fices. Guaila Ă©numĂšre les ressources infernales de la sorcellerie, il expose des faits rĂ©els ou lĂ©gendaires, pĂȘle-mĂȘle, dĂ©clare-t-il lui-mĂȘme, et sans souci d en fournir une explication scientifique.

« Au sens comparatif, Nahash est la lumiĂšre astrale, agent suprĂȘme des Ɠuvres tĂ©nĂ©breuses de la Goetie. Son Ă©tude donne la Clef de la magie noire, elle permet d’établir une thĂ©orie gĂ©nĂ©rale des forces occultes, et d’analyser les causes et les effets des rites et des phĂ©nomĂšnes dĂ©crits dans le Temple de Satan.

« Au sens superlatif, enfin, le serpent Nahash symbolise l’égoĂŻsme primordial, ce mystĂ©rieux attrait de Soi vers Soi, qui est le principe mĂȘme de la divisibilitĂ©. Cette force qui sollicite tout ĂȘtre Ă  s’isoler de l’unitĂ© originelle pour se faire centre et se complaire dans son Moi a causĂ© la dĂ©chĂ©ance d’Adam. En l’étudiant, Guaita eĂ»t abordĂ© le ProblĂšme du mal, l’énigme de la chute humaine, chute collective et individuelle dont le complĂ©ment nĂ©cessaire est la grande Ă©popĂ©e de la RĂ©demption. »

Les amis d’études de Guaita, les F. -G. Barlet, les Papus, les Marc Haven, les Michelet, les Sedir, les Jollivet-Castelot, les Thorion, inclinent Ă  croire que l’audacieux penseur ne reçut pas la permission de faire ses rĂ©vĂ©lations suprĂȘmes.

rénovateur occultisme Stanislas de Guaita
Un rĂ©novateur de l’occultisme : Stanislas de Guaita

Nous avions gardĂ© de noire jeunesse, Guaita et moi, l’habitude de lire Ă  haute voix, quand nous passions une soirĂ©e ensemble. Une annĂ©e avant sa mort et comme il m’avait lu une des autoritĂ©s de l’Occulte, je pris l’incomparable conversation de Pascal avec M. de Sacy, qui avec ses deux pentes contrastĂ©es et fĂ©condes est, pour mon goĂ»t, le sommet le plus solide Ă  l’Ɠil, le plus fier et le plus caractĂ©ristique du grand massif littĂ©raire français.

Mon ami, familier des nuages, se trouvait lĂ , je crois bien, sur des coteaux trop modĂ©rĂ©s. Nous discutions, et je lui rĂ©pĂ©tais aprĂšs Pascal : « Il faut ĂȘtre pyrrhonien, gĂ©omĂštre, chrĂ©tien, c’est-Ă -dire qu’il faut d’abord une analyse aiguĂ«, puis un raisonnement puissant, et, seulement aprĂšs, une dĂ©votion passionnĂ©e, l’enthousiasme, le stade religieux. » A bien y rĂ©flĂ©chir, ma critique ne portait pas complĂštement : Guaita n’était point un enthousiaste sans assises. Dans les croyances de nos modernes Rose-Croix une proportion notable d’élĂ©ments scientifiques se mĂȘlent Ă  ces monstrueux amalgames auxquels les superstitions de l’Orient et celles de l’Occident, les excĂšs du sentiment religieux et de la pensĂ©e philosophique, l’astrologie, la magie, la thĂ©urgie et l’extase donnent une couleur propre Ă  enchanter un ancien poĂšte parnassien. Le canevas de ces mythes est formĂ© de vĂ©ritĂ©s scientifiques sur lesquelles se plaisent Ă  broder l’imagination, l’esprit de systĂšme et une Ă©rudition peu critique. Guaita aimait Ă  s’autoriser d’une phrase de M. Berthelot : « La philosophie de la nature qui a servi de guide aux alchimistes est fondĂ©e sur l’hypothĂšse de l’unitĂ© de la matiĂšre ; elle est aussi plausible au fond que les thĂ©ories modernes les plus rĂ©putĂ©es aujourd’hui. Les opinions auxquelles les savants tendent Ă  revenir sur la constitution de la matiĂšre no sont pas sans analogie avec les vues profondes dos premiers alchimistes. Â»

Le docteur Paul Hartenberg, qui fut un des familiers de Guaita dans les derniĂšres annĂ©es, nous donne son tĂ©moignage : « Guaita aimait Ă  m’interroger sur le mĂ©canisme psychologique des idĂ©es fixes, des obsessions, des hallucinations, qui ont une si grande part dans les prĂ©occupations des occultistes. C’est qu’il avait la conviction que le merveilleux et le surnaturel ne reprĂ©sentent que des modalitĂ©s, encore inexpliquĂ©es, du phĂ©nomĂ©nisme naturel et n’infirment en rien les grandes lois qui rĂ©gissent la vie universelle. Il savait que sous les voiles complaisants des symboles se cachent quelques vĂ©ritĂ©s, simples et Ă©ternelles. Parfois mĂȘme il regrettait toute cette terminologie mystĂ©rieuse, tous ces attributs dĂ©concertants et surtout la rhĂ©torique sonore dont certains entourent les doctrines Ă©sotĂ©riques. Â»

Mais ne prendrais-je pas un souci superflu et un peu puĂ©ril en voulant faire rentrer Guaita dans les gros bataillons de la science ? Ceux qui essaient de dĂ©finir l’infini et d’exprimer l’ineffable sont entraĂźnĂ©s Ă  tracer des figures insuffisantes et un peu ridicules, il serait injuste de s’arrĂȘter Ă  ce que les Ă©tudes des occultistes semblent avoir de bistournĂ©, de confus et de verbal, puisque pour un groupe d’hommes de valeur elles sont un langage clair et un lien de haute moralitĂ©. Il serait criminel de chercher Ă  extirper ce qui nous semble un peu charlatanesque dans ces doctrines, car on risquerait avec ce faux purisme d’atteindre leurs parties essentielles, les organes de vie par lesquels elles adhĂšrent si profondĂ©ment Ă  l’ñme de leurs fidĂšles. Il me semble que si l’on veut se placer juste au point convenable pour apprĂ©cier un penseur comme Guaita, il faut d’abord mĂ©diter et comprendre la belle devise de qualitĂ© gƓthienne : « Ne rien gĂąter, ne rien dĂ©truire. Â» C’est entendu, mon ami ne marchait pas d’accord avec les idĂ©es Ă  la mode de son temps. C’est entendu encore, ce mouvement gĂ©nĂ©ral qui met aujourd’hui chaque gĂ©nĂ©ration Ă  la suite des livres de classes arrĂȘtĂ©s par M. le ministre de l’Instruction publique, ne laisse pas d’avoir du grandiose, et un tel accord peut ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme un hommage Ă  la VĂ©ritĂ©. Cependant, les types fortement accusĂ©s, s’ils n’ont plus d’emploi dans une sociĂ©tĂ© oĂč tout tend Ă  les rĂ©duire et qui marche en rang de collĂ©giens, doivent ĂȘtre recueillis par des gens de culture. Les esprits vulgaires veulent que leur Ă©tat propre soit le type de l’intĂ©gritĂ© intellectuelle. Ils traitent d’aliĂ©nation la mĂ©lancolie si raisonnable des Rousseau, des Byron. Ces grands hommes en effet ne possĂ©dĂšrent jamais le magnifique Ă©quilibre des imbĂ©ciles. La bizarre indĂ©pendance de mon ami, chez qui il y avait du sang allemand, est un beau legs du Nord Ă  notre discipline latine.

La biographie de Guaita, apprĂ©ciĂ©e d’aprĂšs nos idĂ©es modernes, peut sembler incomplĂšte. Mais si nous la fixons attentivement et avec ce sentiment gĂ©nĂ©reux qui laisse les images prendre dans l’esprit toute leur importance, nous constaterons qu’elle nous permet de nous reprĂ©senter ce que furent dans le passĂ© certaines vies religieuses. J’ai lu de pitoyables notices sur Guaita. Pour mettre des couleurs exactes dans son portrait, nous devons marquer comme ses dominantes sa parfaite simplicitĂ© de maniĂšres, son souci de justice, une sorte de beautĂ© morale qui ne cherchait aucun effet et qui conquĂ©rait d’autant plus fortement.

Osons le mot dans une notice sur un thĂ©osophe : Guaita vivait continuellement dans la catĂ©gorie de l’IdĂ©al. Son effort continuel Ă©tait de s’en faire une image plus Ă©purĂ©e et pour cela de se perfectionner. Lui qui Ă©crivit des livres oĂč la science de Dieu est toute abstraite et dessĂ©chĂ©e, il mĂȘlait Ă  tous les actes de sa vie le sentiment religieux le plus noble, le plus facile, le plus libre dans son dĂ©veloppement. Nous avons le droit de considĂ©rer comme un culte permanent — peu arrĂȘtĂ©, peu clair, mais par lĂ  d’autant moins critiquable — sa dĂ©licatesse de conscience, l’enthousiasme de ses veilles, les scrupules qu’il apportait avec les rares amis de sa solitude. Hors la vĂ©ritĂ©, la beautĂ© et la bontĂ© morale, tout lui Ă©tait Ă©tranger.

Cette inaptitude Ă  tout ce qui n’est pas la vie la plus hautement noble concordait d’une façon excellente avec ses maniĂšres d’homme parfaitement courtois. Ses amis l’ont vu dans deux cadres, inĂ©galement agrĂ©ables, mais qui l’un et l’autre conviennent Ă  un solitaire mystique. Il passait cinq mois de l’annĂ©e dans un petit rez-de-chaussĂ©e de l’avenue Trudaine, oĂč il recevait quelques occultistes, et dont il lui arrivait de ne pas sortir pendant des semaines. Il avait amassĂ© lĂ  toute une bibliothĂšque Ă©trange et prĂ©cieuse, des textes latins du moyen Ăąge, des vieux grimoires chargĂ©s de pantacles, des parchemins enluminĂ©s de miniatures, des traitĂ©s d’alchimie, les Ă©ditions les plus estimĂ©es des Van Helmont, Paracelse, Raymond Lulle, Saint-Martin, Martinez de Pasquallis, Corneille Agrippa, Pierre de Lancre, Knorr de Rosenroth, des manuscrits d’Eliphas, des reliures signĂ©es Derome, CapĂ©, Trautz-Bauzonnet, Chambolle-Duru, des ouvrages de science contemporaine. « Dans cette atmosphĂšre, habitĂ©e par les plus audacieuses intuitions de l’esprit humain, dit un de ses visiteurs, semblaient flotter des pensĂ©es et on respirait de l’intelligence. Â» Surtout on y Ă©tait hors du temps. Guaita, qui lisait rarement les journaux, qui ignorait les journalistes, classait les hommes de notre Ă©poque, non d’aprĂšs leur personnalitĂ© ou leur situation acquise, mais selon le profit qu’il tirait de leurs Ɠuvres. Cette maniĂšre faite d’équitĂ© et d’égoĂŻsme intellectuel l’amenait Ă  contredire nos calculs, nos modes et aussi le sens commun. Dans cette facultĂ© qui garda Guaita de vivre et de penser en dehors des conditions gĂ©nĂ©rales de l’époque, je reconnais les habitudes que nous avions prises au beau temps de notre jeunesse et quand nous nous donnions nos bonnes fiĂšvres cĂ©rĂ©brales Ă  Nancy. De telles conceptions comportent bien de la naĂŻvetĂ© ; on y reconnaĂźt l’influence des poĂštes qui nous formĂšrent le jugement et qui pour la plupart ont Ă©crit leur chef-d’Ɠuvre quand ils Ă©taient tout jeunes, tout inexpĂ©rimentĂ©s. Mais enfin, c’est une avoine, cette illusion, et qui aide Ă  trotter. Tout un petit monde de travailleurs respirait de la force dans cet air rarĂ©fiĂ© oĂč Guaita se confinait avenue Trudaine. J’y Ă©tais aimĂ© sans variation Ă  craindre, puisque c’était pour notre passĂ©. Les amis de notre jeunesse qui meurent, ce sont des tĂ©moins dont l’absence peut nous faire perdre les plus graves procĂšs: eux, voyaient les racines et reconnaissaient la nĂ©cessitĂ© de certains de nos actes, que les Ă©trangers dorĂ©navant jugeront en bien ou en mal, selon les convenances de leur politique.

Les sept mois qu’il passait hors de Paris, Guaita les vivait Ă  la campagne, auprĂšs des siens, dans une intimitĂ© de sentiments qui lui Ă©tait chĂšre et qui satisfaisait pleinement sa conception morale de l’univers. Le chĂąteau d’Alteville est situĂ© dans la partie la plus solitaire de la Lorraine allemande, parmi les vastes paysages de l’étang de Lindre. Un ciel le plus souvent bas, un horizon immobile, un silence jamais troublĂ© que par les cris des paons, des bois de chĂȘnes toujours dĂ©serts, un vieux parc avec quelques bancs bien placĂ©s, des appartements qui gardent le calme des vies qui s’y dĂ©veloppĂšrent, tout ce dĂ©cor oĂč il avait grandi favorisait ses mĂ©ditations larges et monotones. Il les poursuivait durant toutes les nuits. En prolongeant ainsi ses rĂ©flexions voulait-il compenser la briĂšvetĂ© de sa vie? Il lui plaisait au terme de ses veilles de voir poindre le jour : aurore triomphant des Ă©pais rideaux, promesse que la nature faisait Ă  ce chercheur d’absolu et que la mort vient d’acquitter! C’est auprĂšs d’Alteville, contre l’église de Tarquimpol, qu’il est enterrĂ©, le dernier, tout au moins pour la branche française, d’un nom estimĂ© depuis des gĂ©nĂ©rations*.

* Les Guaita seraient d’origine germanique, venus en Italie avec Charlemagne. Certainement, durant tout le moyen Ăąge ils ont exercĂ© la puissance fĂ©odale sur la dĂ©licieuse vallĂ©e qui de Menaggio Ă  Porlezza joint le lac de CĂŽme au lac de Lugano. Hommes de guerre ou d’église, et, quelques-uns, poĂštes. En 1715, le quatriĂšme aĂŻeul de Stanislas de Guaita quitta cette belle rĂ©gion pour s’établir dans la ville libre de Francfort ; il Ă©pousa une Brentano, de la famille du poĂšte ClĂ©ment Brentano et de la romantique Bettina, la petite amie de GƓthe. Deux gĂ©nĂ©rations de Guaita se sont succĂ©dĂ© Ă  Francfort et mariĂ©es dans des familles allemandes. DĂšs cette Ă©poque cependant l’administration des verreries de Saint-Quirin, dont ils Ă©taient copropriĂ©taires, les rapprochait de la France. Le grand-pĂšre de Stanislas de Guaita prit du service pendant les guerres du Premier Empire et acquit la nationalitĂ© française. Son fils, le pĂšre de l’occultiste, habitait Nancy et le chĂąteau d’Alteville dans l’arrondissement de Dieuze, qu’il reprĂ©senta au conseil gĂ©nĂ©ral.

Quant Ă  l’ascendance maternelle de Stanislas de Guaita, elle est toute lorraine. Il avait pour arriĂšre-grand-oncle le marĂ©chal comte de Lobau.

Cette petite indication généalogique ne paraßtra pas superflue à ceux qui admettent, comme nous disons plus haut, que nous sommes les prolongements, la suite de nos parents et que leurs concepts fondamentaux, parlent par notre bouche. En Guaita se continuaient des ùmes allemandes et italiennes.

Si j’essaie de me rappeler le temps que j’ai vĂ©cu depuis ma jeunesse, je n’y retrouve que mes rĂȘves. En remontant leur pente insensible, je m’enfonce dans une demi-obscuritĂ© qui leur est facile comme les nuits d’Orient. Elle me laisse apercevoir seulement des ruines et des feuillages; ce sont quelques images illustres et des temples, que jadis j’ai interrogĂ©s, et puis les lauriers, les chĂȘnes verts d’Italie, les jardins parfumĂ©s d’Espagne, qui m’ont excitĂ© Ă  jouir de la vie. Sur ce petit chemin et dans cette atmosphĂšre romantique tressaillant d’énergies infĂ©condes, il ne manquait rien qu’un tombeau. Celui qui dans un terme si court vient d’ĂȘtre Ă©levĂ© au compagnon de ces grandes dĂ©bauches de poĂ©sie, pendant lesquelles nous avions presque effacĂ© la vie rĂ©elle, m’avertit de l’unique rĂ©alitĂ©.

Un rĂ©novateur de l’occultisme : Stanislas de Guaita par Maurice BARRES. 

Image par Clker-Free-Vector-Images de Pixabay

UN RENOVATEUR DE L’OCCULTISME : STANISLAS DE GUAITA (1861-1898)

SOUVENIRS PAR Maurice BARRES

PARIR, CHAMUEL ÉDITEUR, 1898.

ƒUVRES DE STANISLAS DE GUAITA

Poésies

Oiseaux de Passage (Rimes fantastiques, rimes d’ébĂšne). 1881. Nancy.

La Muse Noire (La Muse Noire. Heures de soleil). 1883 . Lemerre.

Rosa Mystica (Rosa Mystica, avec une préface sur la poésie française). 1885, Lemerre.

ESSAIS DE SCIENCES MAUDITES

Au seuil du MystĂšre. 1895.

Le Serpent de la GenĂšse

Livre I. — Le Temple de Satan

Livre II. — La Clef de la Magie Noire. 1897

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