L’affaire Roswell par Melmothia.
Dans la nuit du 2 au 3 juillet 1947, alors qu’un violent orage se déchaîne au dessus des plaines du Nouveau Mexique, le propriétaire d’un ranch est réveillé par une violente déflagration. À l’aube, il se rend à cheval sur ses pâturages pour vérifier que ses troupeaux n’ont pas souffert de la foudre. L’homme, qui s’appelle Mac Brazel, apportera quelques jours plus tard au shérif de Roswell, George Wilcox, les étranges débris métalliques qu’il a retrouvés, ce matin-là, sur ses terres.
La suite va donner lieu au célèbre « incident de Roswell ». Sur les conseils du shérif, Mac Brazel en parle à Frank Joyce, reporter travaillant pour KGFL, la radio locale de Roswell, mais celui-ci, incrédule, lui suggère, pour se débarrasser de lui, de contacter l’armée.
Deux jours plus tard, le journaliste reçoit la visite du Lieutenant Walter Haut qui livre ce qui pourrait bien être le plus grand scoop de l’histoire. Reprise par l’agence Associated Press, l’information fait rapidement le tour de la planète : l’armée américaine vient de récupérer les restes d’une soucoupe volante !
Alors que les journalistes du monde entier prennent d’assaut les autorités militaires pour obtenir des informations, coup de théâtre : un second communiqué annule le précédent. À peine quatre heures après les premières déclarations, Roger Ramey, le commandant de la base militaire de Forth Worth (Texas) où ont été transportés les débris métalliques, donne une conférence de presse durant laquelle il explique que ce sont en réalité les morceaux d’un ballon météorologique. Il invite même les journalistes à les prendre en photo.
Le grand public peut retourner à ses activités ; le ciel n’est peuplé d’aucune soucoupe volante. L’explication semble satisfaire tout le monde puisque durant les trente années suivantes, personne n’entendra plus parler de cette histoire.
Débris trouvés à Roswell
L’invention des soucoupes volantes
A la même époque, cependant, les apparitions d’objets volants sont devenues très à la mode. Moins d’un mois avant l’incident de Roswell, un pilote du nom de Kenneth Albert Arnold a rapporté une curieuse histoire, largement relayée par la presse : alors qu’il effectuait un vol de reconnaissance, près du Mont Rainier dans l’État de Washington, il aurait aperçu neuf objets volants, brillants se déplaçant très rapidement, ayant la forme de « soucoupes tronquées ».
Son récit constituera non seulement la première grande observation d’objets volants supposés d’origine extra-terrestre, mais sera à l’origine du mythe des « soucoupes volantes ». Car si les extraterrestres ont déjà fait leur apparition dans l’imaginaire américain en 1898, avec La Guerre des mondes de l’écrivain anglais H. G. Wells, ce n’est qu’à partir du récit de Kenneth Arnold que les vaisseaux adoptent cette forme caractéristique ovoïde. Dans les semaines qui suivent cette histoire, des centaines de personnes rapporteront avoir aperçu, elles aussi, des « flying saucers » dans le ciel.
À partir des années 50, les extra-terrestres font fortune à la télévision et au cinéma, avec des films comme Le Choc des mondes (1951) de Rudolph Maté, les Envahisseurs de la planète rouge (1953) de William Cameron Menzies ou Les Soucoupes volantes attaquent de Fred F. Sears (1956), suivis d’une flopée d’autres longs métrages plus ou moins brillants, tels qu’Invasion of the Saucer Men d’Edward L. Cahn (1957). Or, dans toute cette production d’inspiration ufologique, extrêmement florissante, aucune œuvre ne traite ni même ne mentionne l’incident de Roswell. Par contre, elles sont le reflet des préoccupations politiques américaines, alors en pleine guerre froide avec l’Union Soviétique. Dans La Guerre des mondes, sorti en 1953 et inspiré du roman éponyme de H. G. Wells, le public découvre ainsi des aliens belliqueux ayant pour projet d’annexer la planète terre. Pour illustrer l’invasion, le réalisateur ira jusqu’à insérer des images d’archives de la Seconde Guerre mondiale.
La naissance du mythe
L’incident de Roswell n’aurait, en réalité, jamais refait surface, si, quelque trente années après, l’officier de renseignements ayant recueilli les débris, le major Jesse Marcel, ne s’était décidé à raconter ses souvenirs. Selon ses déclarations, les restes du ballon montrés à la presse ne ressemblaient en rien aux débris d’origine, qui « ne pouvaient pas être d’origine humaine ». Des feuilles argentées très légères, capables de se défroisser toutes seules comme le ferait un métal à mémoire de forme, et des baguettes de bois portant d’étranges symboles semblables à des « hiéroglyphes ».
Jessie Marcel
En 1978, il fait part de sa conviction à l’ufologue Stanton T. Friedman. Son histoire est d’abord publiée dans un tabloïd, puis évoquée dans quelques revues ufologiques, mais le prestige du militaire est tel, Jessie Marcel n’ayant rien d’un « illuminé », que la rumeur enfle rapidement : l’armée américaine aurait menti à propos de l’incident de Roswell. Dès lors, les ufologues vont regarder vers le nouveau Mexique. Quant au grand public, il est tout disposé à croire au complot. La guerre du Vietnam et, plus récemment, le scandale du Watergate ont en effet ébranlé la confiance que les Américains avaient en leur gouvernement.
Après que l’ancien officier de renseignement se soit décidé à raconter ses souvenirs, d’autres témoins vont lui emboîter le pas. Ce sont bientôt des dizaines de récits qui viennent s’ajouter au dossier.
Et rien d’autre que des récits. Car le Ranch de Mac Brazel et les terres alentour ont beau être fouillées et refouillées, aucun nouvel indice matériel ne sera jamais découvert. Toute l’affaire repose donc sur la parole de personnes vivant dans la région à l’époque du crash ou de militaires ayant travaillé dans la base de Fort Worth.
Tout le monde y va alors de ses hypothèses. Selon les ufologues, ces témoignages sont crédibles, d’autant que les apparitions de soucoupes volantes et l’incident de Roswell ne sont pas advenus n’importe quand. Deux ans plus tôt, en juin 1945, explosait à moins de 200 km du site supposé du crash, la première bombe atomique. Les extra-terrestres sont donc venus pour nous sauver de notre folie meurtrière, ou simplement observer nos progrès en matière d’armement. Quant aux psychologues et scientifiques, ils préfèrent évoquer, outre de possibles canulars ou fraudes, le phénomène bien connu des « faux souvenirs » et rappellent que la seule certitude dans cette affaire est que des débris de « quelque chose » ont bien été retrouvés par Mac Brazel sur ses terres.
Dissection d’un extraterrestre
En 1980 sort le premier ouvrage consacré au sujet : The Roswell Incident, signé Charles Berlitz et William L. Moore. Aux doutes sur la nature des débris, les auteurs ajoutent de nouveaux éléments : à plusieurs kilomètres du Ranch de Mac Brazel, les militaires auraient découvert un véhicule ovoïde écrasé au sol, occupé par quatre cadavres humanoïdes.
Si, à aucun moment, Jessie Marcel n’a mentionné la présence de cadavres parmi les débris du vaisseau, d’autres témoins vont bientôt en en faire mention. En tête, Glenn Dennis, un entrepreneur de pompes funèbres établi à Roswell, révèle en 1989 avoir eu entre les mains le croquis d’une silhouette d’extra-terrestre effectué par une infirmière. Son récit est relayé par celui d’un certain James Ragsdale qui, avec sa petite amie Trudy Truelove, aurait vu le vaisseau s’écraser au sol et aperçu dans la carcasse de l’engin des « corps ou quelque chose ».
Jusque dans les années 50, les extra-terrestres sont des « martiens », précisément des « petits hommes verts », la description de Ragsdale en fera des « petits gris » : des créatures de petite taille (entre 1,20 m et 1,50 m), avec une grosse tête, une peau grisâtre et des yeux énormes.
Le dernier et spectaculaire rebondissement de l’affaire a lieu en 1993 lorsqu’un producteur londonien, Ray Santilli, affirme posséder une vidéo montrant la dissection d’un extra-terrestre. L’affaire de Roswell fait de nouveau la une des médias. Le 26 juin 1995, cette vidéo sera diffusée sur les ondes françaises, dans une émission animée par Jacques Pradel sur TF1. Des experts, chirurgiens et spécialistes de la médecine médico-légale concluent à la réalité de l’autopsie. Il faudra attendre avril 2007 pour qu’un reportage de Warner Bros fasse étalage de contre-preuves en expliquant comment un spécialiste des effets spéciaux, John Humphreys, aurait créé un monstre en latex rempli d’organes de mouton.
Le projet Mogul
Au début des années 90, Robert Greer Todd, un spécialiste des recherches en archives, déterre une mission top secret susceptible d’expliquer l’incident de Roswell et l’empressement des militaires à enterrer l’affaire : le projet Mogul.
Durant la Guerre Froide, le gouvernement américain soucieux de surveiller d’éventuels essais atomiques effectués par les Soviétiques s’applique à développer un moyen de détection à longue distance des explosions nucléaires. Dans ce but, un train de ballons équipés de détecteurs acoustiques est envoyé dans le ciel depuis le désert du Mexique. Selon Robert Greer Todd, ce sont les restes de l’un de ces ballons que Mac Brazel aurait découverts sur ses terres.
Projet Mogul
L’armée finira par corroborer cette version. En 1994, l’United States Air Force publie un rapport concluant que les débris trouvés au Nouveau-Mexique en 1947 proviennent effectivement du projet Mogul. Il y aurait donc bien eu un secret à Roswell, mais pas celui qu’on aurait cru. À moins que cette soi-disant révélation ne soit un nouveau mensonge ?
Plus sur le sujet :
L’affaire Roswell, Melmothia, 2009. Article rédigé pour le site Syfy.
Illustration : Roswell Daily Record [Public domain], via Wikimedia Commons