La Triple Enceinte 1.
Nous avons rĂ©coltĂ© deux textes parus dans la Revue Atlantis et illustrant la symbolique de la Triple Enceinte ou, comme nous lâappelons chez nous, le Temple de Salomon.
Le premier texte est de Paul Le Cour et aborde les dĂ©couvertes relatives Ă une inscription lapidaire trouvĂ©e dans lâĂ©glise de Saint-Lubin Ă SuĂšvres.
Le second texte, sous forme de lettre, est une réponse donnée par Charbonneau-Lassay au texte de Le Cour.
Bien que ces deux textes datent quelque peu, il nous semble utile de les reproduire pour le plus grand plaisir des symbolistes que nous sommes. Voici dâailleurs ce que nous en dit Jean-Baptiste Willermoz en son Temple et initiation dans le chapitre « Temple et quĂȘte initiatique » : « Dans sa quĂȘte initiatique l’homme recherche la parole perdue, car, retrouver cette parole, en l’occurrence le Nom incommunicable IEOVAH force active de l’ancienne alliance, c’est rĂ©unifier et harmoniser en soi toutes les potentialitĂ©s, toutes les manifestations de tous les niveaux de l’ĂȘtre: physique, psychique et spirituel. C’est reconstruire, en « rassemblant ce qui est Ă©pars », l’homme total; c’est la rĂ©Ă©dification mystique du temple intĂ©rieur (le sanctuaire du CĆur) dans lequel pourra descendre (puisque devenu « vierge » par les diffĂ©rentes purifications) le Verbe, dont le Nom est IEOCHOUAH ».
Retrouver la Parole perdue, c’est se recouvrir de la puissance de l’Ăternel, aller vers l’unification et l’identification entre la lumiĂšre intĂ©rieure (celle qui luit dans nos tĂ©nĂšbres) et la lumiĂšre universelle extĂ©rieure. Par le Nom, Dieu se rĂ©vĂšle Ă l’homme.
Dans ce contexte, le temple de Salomon, jusqu’Ă ce jour inĂ©galĂ© sauf par le Christ, est l’image, l’emblĂšme de l’homme Ă©manĂ© de Dieu dans toute sa splendeur et dans ses privilĂšges originels.
Je vous propose Ă prĂ©sent une visite guidĂ©e du temple et le but ultime du ‘voyage’ consiste Ă dĂ©couvrir le NOM, au cĆur mĂȘme de l’Ă©difice. Il faut pour cela suivre le ‘labyrinthe de la parole perdue et franchir la triple enceinte’. Faut-il prĂ©ciser que ce chemin initiatique est calquĂ© sur les pĂ©rĂ©grinations des IsraĂ©lites en recherche d’une terre d’accueil, la recherche de la terre promise ? Pour suivre cet itinĂ©raire et ses Ă©tapes cruciales, je tracerai un parallĂšle schĂ©ma-tique entre le modĂšle du Temple, les mondes classĂ©s selon la tradition kabbalistique et la constitution de l’homme.
Le schĂ©ma parlera de lui-mĂȘme.
En Franc-Maçonnerie, thĂ©oriquement, l’apprenti, lors de son initiation, reçoit la lumiĂšre et passe du parvis dans la premiĂšre enceinte du temple: le Porche. C’est lĂ que se tient la Loge. Il vient de mourir au monde profane et de subir sa seconde naissance, naissance Ă un monde spirituel et initiatique. Dans le Porche il aperçoit les 4 outils nĂ©cessaires Ă son perfectionnement physique, moral et intellectuel l’amenant progressivement Ă la maĂźtrise et Ă la connaissance de l’Ătoile flamboyante et de la lettre G. Jusqu’Ă son Ă©lĂ©vation au grade de MaĂźtre-Maçon il aura Ă cĆur de se perfectionner dans l’Art Royal, Ćuvrant toujours et partout, autour de lui comme en lui-mĂȘme, avec justice et Ă©quitĂ©.
Dans le dĂ©roulement du rituel du 4e grade du R.Ă.R, le MaĂźtre-Maçon est reçu sur les ruines du premier temple (celui de Salomon) et, pour accĂ©der Ă la seconde enceinte, c’est-Ă -dire le Sanctuaire, il lui faut passer symboliquement par la mer d’airain et s’y purifier. Cela n’est pas sans rappeler St. Jean Baptiste baptisant d’eau ceux qui sont appelĂ©s Ă aplanir le sentier et Ă gravir la montagne pour entendre la parole vivante du Christ. La conscience de l’initiĂ© est dĂšs lors portĂ©e sur le monde psychique, le monde de l’Ăąme (symbolisĂ©e par l’eau) et il devient actif sur deux plans simultanĂ©ment: le plan terrestre ou hylique et le plan psychique.
Si l’entrĂ©e dans le Sanctuaire n’est qu’un passage obligĂ©, c’est maintenant que commence rĂ©ellement la carriĂšre de sa rĂ©gĂ©nĂ©ration, dont le chandelier, l’autel des parfums et la table des pains de proposition lui indiquent les Ă©tapes. L’initiĂ© s’attache dĂšs lors au service du Temple et devient ministre du culte; il accĂšde Ă la cour des LĂ©vites. Devant lui il aperçoit l’Ă©toile Ă six branches, le sceau de Salomon, le sceau de l’union et de l’harmonie.
L’initiation Martiniste au premier degrĂ© d’ « AssociĂ© » dĂ©bute Ă ce niveau, directement, et suppose que l’Homme de DĂ©sir ait accompli, par lui-mĂȘme, tout le cheminement dĂ©crit ci-dessus.
Ă force de courage, de persĂ©vĂ©rance et de priĂšres nous dĂ©couvrons dans toute sa splendeur le Nom sacrĂ© Ă©crit en lettres de feu. Il est la racine de toute chose, la vie de tout l’univers. La vision et la reconnaissance de ce Nom Ă©lĂšve notre conscience jusque dans le plan spirituel ou pneumatique; lĂ l’homme est dĂ©livrĂ© Ă jamais des renaissances mortelles et multiformes puisqu’il est parvenu Ă s’identifier Ă l’esprit immortel universel.
BientĂŽt peut-ĂȘtre, aprĂšs cette extraordinaire dĂ©couverte, l’initiĂ© aura-t-il connaissance de la prononciation du Nom sacrĂ©… Celle-ci lui procurera le baptĂȘme de l’Esprit, la 3e naissance, naissance au monde divin et l’entrĂ©e dans la troisiĂšme enceinte: le Saint des Saints. LĂ se trouvent l’arche et la nuĂ©e au-delĂ de laquelle se tient l’Ăternel. La 3e naissance, procurĂ©e par la prononciation du NOM central, ouvre la derniĂšre Ă©tape conduisant l’ĂȘtre Ă sa rĂ©intĂ©gration finale.
La dĂ©couverte du Nom transpose l’homme vers l’Ă©tat sacerdotal figurĂ© par l’autel des parfums. Dans cet Ă©tat aussi, l’homme sera revĂȘtu du corps de lumiĂšre et rĂ©tabli dans ses premiĂšres fonctions et prĂ©rogatives. Le Verbe divin a Ă©clos dans le temple de son cĆur.
Mais avant d’aspirer Ă une si haute destination, attachons-nous d’abord Ă dĂ©gager les sens symboliques de la mer d’airain, du chandelier, de la table des pains de proposition et de l’autel des parfums ».
La Triple Enceinte
Par Paul Le Cour
Vers l’an 1800 on dĂ©couvrit, prĂšs de l’Ă©glise Saint-Lubin, Ă SuĂšvres (Loir-et-Cher), localitĂ© situĂ©e au bord de la Loire et aux confins de l’ancienne forĂȘt d’OrlĂ©ans, un bloc de pierre de 1 mĂštre 50 sur 0,95 M, grossiĂšrement Ă©quarri et dont une face aplanie portait une curieuse gravure et un certain nombre de cavitĂ©s ou cupules.
Cette pierre recouvrait l’orifice d’un puits. Elle a Ă©tĂ© transportĂ©e Ă Blois et on peut la voir actuellement dans la cour de l’ancien Ă©vĂȘchĂ© devenu musĂ©e d’archĂ©ologie.
M. Florance, prĂ©sident de la SociĂ©tĂ© d’Histoire naturelle et d’Anthropologie du Loir-et-Cher, auteur de nombreux travaux sur la prĂ©histoire de ce dĂ©partement, la considĂšre comme une pierre Ă sacrifices d’Ă©poque gauloise 2, elle serait un vestige d’un antique sanctuaire gaulois remplacĂ© par un temple consacrĂ© Ă Apollon, puis par une Ă©glise chrĂ©tienne et ce sanctuaire gaulois, pense-t-il, pourrait ĂȘtre celui dont parle CĂ©sar, lieu de rĂ©union annuelle des druides aux confins du pays des Carnutes.
Les cupules sont au nombre de cinq, aucune explication ne semble en avoir Ă©tĂ© fournie jusqu’ici. Je signale, sans y insister, qu’elles sont disposĂ©es de telle sorte que l’on pourrait y voir les trous produits par une main droite gĂ©ante dont les doigts s’y seraient enfoncĂ©s comme dans la glaise. Il est Ă remarquer, en effet, que le trou correspondant au pouce est le plus grand, et celui correspondant au petit doigt, le plus Ă©troit. Or, on sait quelle importance joue la main dans le symbolisme archaĂŻque.
Quant Ă la gravure, qui a 0,20m environ de cĂŽtĂ©, elle reprĂ©sente trois carrĂ©s concentriques reliĂ©s entre eux par quatre lignes Ă angle droit. L’attention de M. Florance fut attirĂ©e sur la valeur de ce dessin par la description d’un cachet d’oculiste romain trouvĂ© vers 1870 Ă Villefranchesur-Cher (Loir-et-Cher) portant le mĂȘme signe. Il est dĂ©crit dans les Etudes sur la Sologne du Docteur Bourgoin. Un moulage figure au musĂ©e d’archĂ©ologie de Blois.
Les oculistes romains se servaient de ces cachets, portant des caractĂšres en creux, pour marquer les collyres qu’ils vendaient Ă leurs clients, collyres constituĂ©s par une pĂąte qui durcissait Ă l’air et que l’on faisait dissoudre dans divers liquides selon le cas.
Le cachet de Villefranche-sur-Cher est en stĂ©atite, il mesure 0,4 m de longueur et de largeur, sur 0,12 d’Ă©paisseur. Ses tranches portent les inscriptions suivantes : Cromstephan Adrescentescic Cromstephani Addiatesistol qui voudraient dire (collyre) de CaĂŻus Romanus StĂ©phanus pour les cicatrices rĂ©centes et (collyre) pour enlever les maladies des yeux (diathĂ©sis tol lendas) .
Ă quels sentiments a obĂ©i l’oculiste romain en mettant le signe en question sur son cachet ? N’a-t-il pas voulu lui confĂ©rer quelque mystĂ©rieuse puissance ou par une association d’idĂ©es facile Ă concevoir, a-t-il voulu rapprocher le pouvoir de guĂ©rir les maladies des yeux, de celui d’ouvrir Ă la comprĂ©hension de certains mystĂšres. Dans toutes les initiations, en effet, le futur initiĂ© a d’abord les yeux bandĂ©s et l’on va, en lui enlevant son bandeau, lui confĂ©rer symboliquement la lumiĂšre.
Cherchant ce que pouvait signifier cette gravure venue ainsi deux fois Ă sa connaissance. M. Florance Ă©mit l’idĂ©e qu’elle reprĂ©sentait peut-ĂȘtre une triple enceinte sacrĂ©e. Il semble, en effet, qu’il ait raison d’attacher une signification Ă cette gravure. Je l’ai trouvĂ©e, en effet, en d’autres lieux : Ă Rome et Ă Chinon.
Ă Rome, on peut la voir, ainsi que d’autres graffites Ă caractĂšre symbolique, sur le petit mur supportant les colonnes du cloĂźtre de Sao Paulo (XIII siĂšcle). A Chinon, les Templiers enfermĂ©s dans le donjon l’ont tracĂ©e Ă©galement, ainsi que bien d’autres signes.
Mais que représente ce dessin dont la persistance à travers les siÚcles est si curieuse ?
Il s’agit Ă notre avis d’un emblĂšme en rapport avec la grande doctrine coulant comme un fleuve souterrain Ă travers le monde depuis des temps lointains. Dans son symbolisme, les trois cercles sont parfois enlacĂ©s de telle maniĂšre que si on les suppose constituĂ©s par des disques, leur entrecoupement reproduit les sept couleurs du prisme.
L’idĂ©e trinitaire est la grande richesse de la pensĂ©e mĂ©taphysique occidentale, on la trouve figurĂ©e de bien des façons depuis de longs siĂšcles, en elle se rĂ©sume et se concrĂ©tise l’ensemble des phĂ©nomĂšnes du monde physique et du monde moral. Dante, entre autres, l’a bien compris.
Les trois cercles de l’existence appartiennent d’ailleurs Ă la tradition gauloise et celtique. On les retrouve sous une autre forme dans le Paradis, l’Enfer et le Purgatoire chrĂ©tiens et dantesques.
On ne saurait donc ĂȘtre surpris de voir figurer sur un monument druidique le symbole des trois enceintes, des trois cercles de l’existence Keugant, Abred, Gwynfyd. En Angleterre, un monument druidique situĂ© Ă Abury paraĂźt avoir reprĂ©sentĂ©, au moyen de pierres levĂ©es, ces trois cercles. Toutefois, la reconstitution qui en fut publiĂ©e en 1853 dans le Magasin Pittoresque montre deux cercles placĂ©s cĂŽte Ă cĂŽte renfermĂ©s dans un troisiĂšme et ayant au centre un dolmen.
La prĂ©sence d’un puits sous la pierre de SuĂšvres ne nous Ă©tonne pas.
Bien des lieux de pĂšlerinage remontant au passĂ© sont Ă©difiĂ©s sur ou prĂšs de puits sacrĂ©s. N’est-ce pas du puits que sort la vĂ©ritĂ© ? Et ne devons-nous pas voir dans cette phrase que nous rĂ©pĂ©tons sans y rĂ©flĂ©chir, le sens profond qu’elle contient ?
Et maintenant, signalons que dans le Critias, Platon parlant de la mĂ©tropole des Atlantes dĂ©crit le palais de PosĂ©idon comme Ă©difiĂ© au centre de trois enceintes concentriques sĂ©parĂ©es par des canaux. L’Ăźle intĂ©rieure avait un diamĂštre de 5 stades, l’enceinte extĂ©rieure de 26 stades. Nous empruntons Ă une brochure parue en Angleterre le dessin ci-aprĂšs. Les trois enceintes et les quatre lignes ou canaux les reliant Ă angle droit s’y retrouvent exactement.
La forme ronde ou carrĂ©e n’a d’ailleurs aucune importance, une croix dans un carrĂ© a la mĂȘme signification qu’une croix dans un cercle (la croix dans un carrĂ© se trouve sur l’omphalos de Kermaria, la croix dans un rond figure dans toutes nos Ă©glises chrĂ©tiennes oĂč on la trace sur les murs au moment de leur consĂ©cration au culte).
Dans le récit de Platon, les trois enceintes du temple de Poséidon, reliées par des canaux, sont construites en pierres noires, jaunes et rouges.
Tout cet ensemble symbolique est en rapport avec l’idĂ©e trinitaire et avec le Grand-Ćuvre alchimique oĂč se retrouvent PosĂ©idon et les trois couleurs, par lesquelles doit passer successivement la matiĂšre au cours de ses transformations. La couleur noire (ou bleu foncĂ©) correspondant Ă la premiĂšre enceinte est en rapport avec le PĂšre ou le Soufre; la seconde qui est jaune (ou blanche) avec le Fils ou le Mercure; la troisiĂšme qui est rouge avec le Saint-Esprit ou le Sel.
Les vieux alchimistes cachaient sous ces symboles une connaissance toute particuliĂšre des phĂ©nomĂšnes de la vie universelle, une science toute intuitive mais synthĂ©tique et cohĂ©rente que nous ne faisons que retrouver par l’expĂ©rience et par la prĂ©cision des procĂ©dĂ©s modernes.
N’est-il pas Ă©mouvant en tout cas de dĂ©couvrir un peu partout, gravĂ©s sur la pierre en une langue universelle s’adressant directement Ă l’entendement, ces signes par lesquels des hommes ont communiĂ© depuis des siĂšcles et des siĂšcles en une mĂȘme foi dans la grandeur des lois de l’univers et dans la confiance en l’Ă©volution Ă©ternelle de la vie ?
Par une coĂŻncidence assez curieuse, au moment mĂȘme oĂč paraissait notre article sur l’emblĂšme des trois enceintes. M. le curĂ© de Conan (Loiret-Cher), qui ignorait cet article, dĂ©couvrait et signalait Ă M. Florance le mĂȘme symbole gravĂ© sur une grosse pierre du soubassement du contrefort droit de l’entrĂ©e de l’Ă©glise de Sainte-Gemme (monument historique) prĂšs d’Oucques (Loir-et-Cher).
Comme le graffite est Ă demi engagĂ© dans la maçonnerie (voir croquis), M. le curĂ© de Conan pense, avec juste raison, que cette pierre a une provenance antĂ©rieure Ă la construction de l’Ă©glise et se demande si elle ne remonterait pas au druidisme.
Ce graffite mesure 25 centimÚtres de diamÚtre extérieur.
D’autre part, lors de mon rĂ©cent passage Ă l’Acropole d’AthĂšnes, j’ai relevĂ© sur les dalles du ParthĂ©non cĂŽtĂ© est, et sur celles de l’ErecthĂ©ion, un certain nombre de fois le mĂȘme emblĂšme qui m’avait Ă©chappĂ© deux ans auparavant. Ă l’Acropole, la plupart portent un point central.
En Colombie, nous apprend le Journal des AmĂ©ricanistes, 1925, on a dĂ©couvert les vestiges du Temple du soleil de Sogamozo brĂ»lĂ© en 153. Il comportait des colonnes cylindriques en bois de 0,80 Ă 0,90 mĂštre de diamĂštre, disposĂ©es en 3 cercles concentriques, le cercle extĂ©rieur mesurait environ 36 mĂštres de diamĂštre. Sous les poteaux, on dĂ©couvrit des ossements humains, la tradition rapporte en effet que, lors de la construction, des esclaves furent enterrĂ©s vivants sous chaque colonne de l’Ă©difice sacrĂ©.
Dans la Revue numismatique, 1862, M. Hucher signale qu’un jour il lui arriva une charmante rouelle d’or Ă 8 rayons de provenance gauloise, la jante Ă©tait composĂ©e de trois cercles concentriques, le moyeu n’Ă©tait pas percĂ© Ă ce jour.
Nous avons donc lĂ , non pas une arme, mais l’emblĂšme des trois enceintes en Gaule, de forme circulaire cette fois, reliĂ©es par 8 et non plus par 4 lignes droites rayonnantes. Cette modification qui donne naissance Ă un autre symbole trĂšs frĂ©quent: celui de l’Ă©toile Ă 8 branches trouvĂ©e en maints endroits: GrĂšce, CrĂšte, forum romain, etc., dont j’aurai l’occasion de reparler.
Enfin, j’ai reçu de M. HĂ©ring, maĂźtre de confĂ©rences Ă l’UniversitĂ© de Strasbourg, deux documents imprimĂ©s concernant l’un des signes rupestres relevĂ©s par M. Georges Courty sur les roches du bois de la Grande Beauce, commune de Lardy (Seine-et-Oise), l’autre des signes gravĂ©s dans la grotte de Vatersthal (Moselle). Ici et lĂ , on trouve un graffite composĂ© non de trois, mais de deux carrĂ©s concentriques seulement traversĂ©s par deux lignes en croix.
Il apparaĂźt bien qu’il ne s’agit ni du hasard, ni d’un jeu comme celui de marelle, car il en est qui se trouvent tracĂ©s sur des parois verticales ou sur des objets trop petits (cachet d’oculiste) et il ne semble pas douteux que ce symbole se rapporte aux concepts antiques concernant les trois principes (les trois carrĂ©s) et les quatre Ă©lĂ©ments (les deux lignes en croix). La croix a souvent reprĂ©sentĂ© en effet les quatre Ă©lĂ©ments.
Il reste Ă©galement acquis que le temple de PosĂ©idon est conçu sur les mĂȘmes bases dans le rĂ©cit de Platon et que PosĂ©idon est en rapports Ă©troits avec l’antique alchimie, synthĂšse explicative des mystĂšres de la vie et de la crĂ©ation.
Par deux fois dĂ©jĂ nous avons parlĂ© de ce curieux emblĂšme d’une triple enceinte formĂ©e de carrĂ©s ou de ronds concentriques reliĂ©s par des lignes en croix qui semblent appartenir au symbolisme le plus lointain et s’ĂȘtre transmis de siĂšcle en siĂšcle. Notre Ă©rudit correspondant, M. Charbonneau Lassay nous faisant part de ses rĂ©flexions Ă ce sujet nous Ă©crit : « Avant le christianisme, ce dessin des trois enceintes devait avoir un sens symbolique prĂ©cis; il est possible que les deux premiĂšres lignes soient des enceintes, les lignes droites en croix qui y aboutissent, des avenues et le plus petit carrĂ© un autel ou un « saint des saints », un hiĂ©ron plus sacrĂ© que les autres. Je ne serais pas surpris que les chrĂ©tiens en aient fait une image de la JĂ©rusalem cĂ©leste… »
Aujourd’hui, nous donnons une autre image de la triple enceinte avec cette fois l’« arus », le foyer du centre. Il s’agit d’un document concernant le druidisme et cette gravure qui figure dans un curieux ouvrage sur la cathĂ©drale d’Autun par le chanoine Edme Thomas (1846) est donnĂ©e comme reprĂ©sentant la citĂ© gauloise des Eduens.
Dans cet ouvrage, l’auteur s’occupe longuement de cette partie de la Kabale qui s’appelle la GĂ©matrie, c’est-Ă -dire de la valeur numĂ©rale des mots. C’est ainsi qu’il rappelle que le nom du soleil Belenus (dont nous avons parlĂ© Ă propos de saint Babolein) vaut 365, nombre des jours de l’annĂ©e solaire.
Les mots inscrits sur ce dessin se rapportent Ă la hiĂ©rarchie druidique. Edme Thomas ne donne malheureusement aucun renseignement pouvant permettre de savoir ce que reprĂ©sente cette gravure et quelle est sa provenance. NĂ©anmoins, elle s’associe singuliĂšrement Ă l’idĂ©e de faire de la pierre de SuĂšvres une pierre druidique comme le pense M. Florance.
M. Charbonneau-Lassay nous fait observer que des menhirs ont Ă©tĂ© dĂ©corĂ©s au temps chrĂ©tien, mais cette observation ne peut s’appliquer qu’Ă des sculptures en creux et non Ă des sculptures en relief, or la triple enceinte figure en relief sur les dolmens d’Aveny (Eure) et de Boury (Oise).
Tout ceci semble donner Ă l’idĂ©e de la triple enceinte une origine druidique. Nous pensons cependant que cette origine est antĂ©rieure au druidisme et, pour tout dire, qu’elle est atlantĂ©enne. On en trouverait peut-ĂȘtre une confirmation dans la façon dont Ă©tait construite la ville de Mexico. Elle Ă©tait en effet entourĂ©e de trois canaux concentriques rappelant la description de la capitale des Atlantes dans Platon. Ce symbole semble donc appartenir Ă cette mĂ©taphysique lointaine Ă laquelle le druidisme emprunta et l’idĂ©e trinitaire et celle de la dualitĂ© du mĂ©diateur reprĂ©sentĂ© tantĂŽt par des emblĂšmes masculins, tantĂŽt par des emblĂšmes fĂ©minins, tantĂŽt sous la forme androgyne, qui Ă©tait surtout utilisĂ©e dans les centres initiatiques.
Cette idée de la triple enceinte, nous la retrouverons chez Dante et nous verrons en divers pays les trois cercles disposés de maniÚre différente en tramant tout un symbolisme particulier.
Lire la seconde partie.
Plus sur le sujet :
La Triple Enceinte [1], Paul Le Cour. In Revue Atlantis n° 17, 1928.
Illustration : Jean.chonot [Public domain], via Wikimedia Commons.