Lettre du Sieur Campion

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Lettre du Sieur Campion Ă  un Philosophe Disciple de la RĂšgle de l’Octave par Campion.

Monsieur,

Je vous envoie l’Addition Ă  mon TraitĂ© d’Accompagnement, qui favorisera l’inclination que vous avez pour les beaux sons du ThĂ©orbe ; vous y trouverez le secret de l’accompagnement de cet Instrument, et aussi de la Guitare, par le moyen des nombres, qui vous procurera une grande abrĂ©viation. Per numerum habetur via ad omnia scibilia, in daganda et intelligenda. Je veux aussi vous faire observer, dans le cours de vos leçons, que l’ouvrage de la basse continuĂ« est une Philosophie, par un rapport qu’elle a avec l’Astrologie et la Pierre Philosophale.

Sans m’arrĂȘter aux sentimens de ceux qui ont traitĂ© ces deux matiĂ©res : je me suis rangĂ© du cĂŽtĂ© de ceux qui n’y croyent point ; mais qui n’en prouvent point l’impossibilitĂ© ; et je pourois me dire Pirrhonien. La Motte le Vayer tĂ©moigne plaisamment dans son Oratius Tubero qu’il n’y a point de plus grands Pirrhoniens que les Ăąnes ; quand on leur donne, dit-il, des coups de bĂąton, ils ne branlent pas de la place, doutant si ce sont des coups de bĂąton. AjoĂ»tons-y l’ñne de Buridan, qui mourĂ»t de faim auprĂšs de deux picotins d’avoine, doutans de celui par lequel il devoit commencer.

Incapable de rien dĂ©cider sur de si hautes matiĂ©res, dont plusieurs Sçavans ont Ă©crit pour et contre, je vous dirai cependant que c’est la lecture de quelques-uns de leurs Ouvrages qui donne lieu Ă  la presente Lettre.

Vous ne serez peut-ĂȘtre pas fĂąchĂ© que par une petite rĂ©crĂ©ation familiĂ©re, je promeine votre imagination par ce vaste Univers, et que j’excite vos idĂ©es Ă  produire quelqu’ouvrage sur ce sujet Ă©lementaire, digne de vous, oĂč la foiblesse de ma plume ne peut aspirer.

La Basse ContinuĂ« est l’art d’agiter l’air harmonieusement ; car, sans air, point de musique. Elle contient quatre parties, qui par leurs diffĂ©rens mĂ©langes, excitent nos passions comme par enchantement, en faisant goĂ»ter Ă  nĂŽtre oĂŒie les varietĂ©s des consonances et des dissonances de la musique : et j’ose avancer que cette basse continuĂ« est pour ainsi dire, une sphĂ©re cĂ©leste, par laquelle on peut considĂ©rer les consonances et les dissonances des astres, par un rapport qui les enchaĂźne, dont l’étude est toute Philosphique, et convient par consĂ©quent Ă  la supĂ©rioritĂ© de vĂŽtre gĂ©nie.

Vous remarquerez, sans doute, que ceux qui touchent les instrumens monotones, c’est-Ă -dire qui ne comprennent qu’une voix ou partie seule, ne peuvent atteindre Ă  la considĂ©ration de ces misteres. L’orgue, le Clavecin, le ThĂ©orbe, la Guitare, et le Luth ont un avantage supĂ©rieur, parce qu’ils comprennent toutes les Parties. Ainsi le Compositeur de Musique et l’Accompagnateur joĂŒissent de l’avantage de juger par privilĂ©ge de toute harmonie.

Vous ĂȘtes trop Ă©clairĂ© pour croire que ce soit le hazard qui compose cet enchaĂźnement d’accords qui ravissent nos sens, et qui nous transporte involontairement hors nous-mĂȘmes en communiquant Ă  nĂŽtre ame le diffĂ©rent caractĂ©re des passions au grĂ© de l’artiste musicien. L’histoire ne nous fournit que trop d’exemples des effets que la musique a produit dans les coeurs, et qui se renouvellent tous les jours sensiblement, mĂȘme sur toutes sortes d’animaux.

NĂŽtre Zodiaque musical ( [1]) est composĂ© de douze semitons. C’est-lĂ  nĂŽtre premiĂ©re matiĂ©re brutte que je vous donne clairement et sans dĂ©guisement. Cette matiĂ©re commence Ă  ĂȘtre mise en oeuvre, par ( [2]) sept degrĂ©s dont est composĂ©e l’octave. Ces sept degrĂ©s sont nos PlanĂ©tes.

NĂŽtre basse continuĂ« ressemble Ă  la terre des Philosophes. Ils disent que la terre est la baze et le fondement de tous les Ă©lemens ; c’est le sujet et le rĂ©ceptacle de toutes les influences cĂ©lestes : elle renferme les semences de toutes choses, et contient toutes les vertus seminales ; c’est ce qui fait qu’on l’appelle animale, vĂ©gĂ©tante et minĂ©rale. Ainsi nĂŽtre basse continuĂ« renferme quatre parties ou Ă©lĂ©mens, lesquelles parties sont gouvernĂ©es par l’influence des PlanĂ©tes : elle est pareillement la baze de tout corps de musique ; et remarquez que, quand tout auditeur-musicien veut goĂ»ter ou juger de l’harmonie d’un concert de plusiers voix et instrumens, il doit, par cette raison s’attacher Ă  suivre mentalement le chant de la basse pour premier objet, moyennant quoi, il entend suffisament les parties supĂ©rieures influantes. Il semble aussi que la nature ait doĂŒĂ© nĂŽtre ame de cette facultĂ©, puisqu’involontairement, et sans que nous nous en appercevions, nous forgeons une basse Ă  un dessus bien chantĂ©, ce qui se prouve encore par les habiles qui accompagnent d’oreille.

Lettre du Sieur Campion Ă  un Philosophe Disciple de la RĂšgle de l'Octave
Alexandre SĂ©on, La Lyre d’OrphĂ©e.

La lyre d’OrphĂ©e avoit sept cordes en l’honneur des PlanĂ©tes.

Les HĂ©breux, Ă  l’imitation des CaldĂ©ens, divisoient leur alphabet mistĂ©rieusement ([3]) en vingt-deux lettres, toutes consones, signes ou caractĂ©res qui leur servoient de nombre et de nottes. ( [4]) douze simples se rapportoient aux douze signes du Zodiaque : sept doubles, aux sept planĂ©tes ; et trois mĂ©res, aux trois Ă©lĂ©mens ; car ils n’admettoient point l’air pour Ă©lĂ©ment, le prenant pour l’esprit, ou la glu de ces trois.

Les Grecs grands musiciens, attribuoient Ă  chaque planĂ©te un chant ou modulation particuliĂ©re dont ils faisoient choix, pour insinuer les affections au besoin. Ils attribuoient le chant Dorien, au Soleil. Le Phrygien, Ă  Mars. Le Lydien, Ă  Jupiter. Le Mixolydien, Ă  Saturne. L’Hypophrygien, Ă  Mercure. L’Hypolydien, Ă  Venus l’Hypodorien Ă  la Lune : et l’Hypomixolydien, aux Etoiles. Ils faisoient rapporter quatre principales de ces modulations aux Ă©lĂ©mens et aux humeurs. Le Dorien, Ă  l’eau et au phlĂ©gme ; le Phrigien, au feu et Ă  la colĂ©re ; le Lydien, Ă  l’air et au sang ; et le Mixolydien. Ă  la terre et Ă  la bile noire.

Ils appelloient l’octave Diapazon. PtolomĂ©e livre 2. de la Musique, comptoit sept dĂ©grĂ©s dans l’octave. Pithagoras et Pline, livre 25. chapitre 22. reconnoissent un diapazon de la terre au plus haut Ciel. Censorinus, leur interprĂ©te parle ainsi ( [5]) De Venus au Soleil, ton et demi. Du Soleil Ă  Mars, un ton. de Mars Ă  Jupiter, un semiton. De Jupiter Ă  Saturne, un semiton : et de Saturne au plus haut Ciel, un semiton. Ce qui compose le nombre de douze [-iv-] semitons, ausquels se rapporte nĂŽtre octave.

Les Astrologues et les Philosophes disent que les PlanĂ©tes, entre plusieurs choses, comme mĂ©taux, pierre, arbre, herbe, animal, odeur, couleur, et cetera se plaisent dans un certain nombre, et J’ai remarquĂ© que ces nombres conviennent Ă  l’harmonie des sons, et que l’on peut mĂȘme distinguer leurs diffĂ©rentes qualitĂ©s par leurs diffĂ©rentes influences sur les sons. Ainsi Saturne, 8. Jupiter, 3. Mars, 9. le Soleil, 1. et 4. Venus, 6. Mercure, 5. et la Lune, 2. et 7.

Nous allons trouver par leur nombre, les bénéfiques et les maléfiques dans la construction des accords.

L’accord parfait est composĂ© de tierce majeure quinte et octave.

L’unisson ou notte essentielle qui commence cet accord est nombre solaire. ( [6]) L’unitĂ© est indivisible, c’est le principe du nombre. Le nombre est rĂ©pĂ©tition de l’unitĂ©, et tout nombre participe de l’unitĂ© qui est le centre et la circonfĂ©rence de toutes choses. Le Soleil est moyennement bon. Un chant seul, sans basse, est mĂ©diocre.

Ce seroit ici le lieu de parler des effets surprenans de l’unisson, et combien la voix ou instrument influĂ«, en frapant les organes de tout lieu concave, de toute matiĂ©re sonante, ou d’un instrument accordĂ© au mĂȘme degrĂ© qu’un autre : mais l’expĂ©rience en est trop commune : elle peut nĂ©anmoins nous servir de comparaison, a minori ad majus, des influences cĂ©lestes sur les corps sublunaires.

La tierce majeure appartient à Jupiter, prémier bénéfique et dominateur trÚs-fort de cette harmonie. Jupiter est appellé fortune majeure. Le nombre ternaire est parfait et trÚs-puissant.

La quinte appartient Ă  Mercure, bon avec bon, mauvais avec mauvais ; c’est pour cette raison qu’on le nomme hermaphrodyte. La quinte sans la tierce est diffĂ©rente. La quinte est composĂ©e d’une double tierce ; c’est pour cette raison qu’elle n’est jamais mieux accompagnĂ©e que de la tierce Ă  cause de Jupiter. Das la partition ou accord du Clavecin et de l’Orgue, les quintes sont injustes et foibles ; les tierces majeures au contraire sont fortes

L’octave est nombre de Saturne malĂ©fique dont l’influence maligne est ici impuissante, parce que Saturne est foible, par rapport Ă  l’unisson, nombre solaire, dont l’octave nombre de Saturne est duplicitĂ©, et Saturne est dominĂ© par Jupiter dans la tierce majeure. Saturne est ici comme l’ombre dans la peinture. D’ailleurs, le Soleil, Jupiter, Mercure et la Lune sont amis de Saturne, comme on le peut voir dans l’accord de tierce majeure, quinte septiĂ©me mineure et octave.

Zarlin cependant dit que l’octave est la premiĂ©re consonance, nĂšantmoins les Musiciens ont eu leurs raisons pour dĂ©fendre deux octaves de suite, aussi-bien que deux quintes, et entiĂ©rement les octaves sur les diĂ©zes, comme on le peut voir dans nĂŽtre rĂ©gle de l’octave. L’octave superfluĂ« fait une trĂšs-mauvaise harmonie. Il y a conjonction de Saturne avec Mars et Mercure, dont l’aspect est terrible. C’est une finistre comĂ©te. Il se trouve peu d’imitateurs de cette harmonie.

Nous raisonnerons ainsi d’un mauvais accord.

La septiĂ©me majeure quarte sixte mineure et neuviĂ©me ou second ; car c’est ici la mĂȘme chose. On appelle cet accord la grande dissonance.

Quand le Soleil n’a aucune dignitĂ©, on l’appelle voyageur, parce qu’il est bon avec les bons aspects, et mauvais avec les mauvais aspects des autres.

La neuviĂ©me est nombre de Mars malĂ©fique haĂŻ de toutes les PlanĂ©tes, exceptĂ© de Venus, qui simpathise avec lui dans cet accord par la sixte mineure, si c’est la seconde nombre Lunaire, il y a conjonction de la Lune avec Mars, parce que les deux nombres Lunaires 2. et 7. composent le nombre de Mars qui est 9 ; car dans l’accord de quarte seconde et sixte, on doit entendre Ă©clipse de Soleil ou de Lune. La basse dĂ©cline et la seconde, nombre Lunaire, devient troisiĂ©me nombre de Jupiter.

Lorsque la septiéme est accompagné de la tierce elle est temperée par Jupiter ; car une septiéme est une triple tierce.

La septiĂ©me majeure, nombre Lunaire, regardant ici d’un aspect malheureux, l’octave, nombre de Saturne malĂ©fique, conjointement avec Mars, tous deux blessent l’unisson et la quarte nombres solaires.

Certainement l’harmonie souffre : Il ne se fait aucune conciliation de sons dans cet accord, harmonie cependant quelquefois nĂ©cessaire pour mouvoir les sens et exprimer les passions ; mais l’accord parfait sauve tout.

Observons ici ce que dit Monsieur Rameau qui, par des recherches curieuses, a pĂ©nĂ©trĂ© jusqu’à l’origine des accords. Il a remarquĂ© que tous les accords dĂ©rivoient de la 2 et de la septiĂ©me : et ce n’est pas sans fondement Astrologique, puisque ces deux nombres Lunaires ont rapport Ă  ce que disent les Astrologues, qu’il faut avoir Ă©gard au mouvement de la Lune, comme celui qui fait presque tous les concerts qu’elle a diffĂ©remment avec les choses d’ici bas, selon la diverse complexion, mouvement, scituation, et aspect diffĂ©rent Ă  l’égard des PlanĂ©tes et de tous les autres Astres ; parce que la Lune reçoit toutes les influences cĂ©lestes des corps supĂ©rieurs, et qu’elle les communique ensuite Ă  tous les infĂ©rieurs.

Vous voiez Monsieur, qu’elle est l’origine de la basse continuĂ«, combien elle est rĂ©lative aux PlanĂ©tes, et qu’elle concorde !

Je vous appelle ici Ă  mon secours, et je vous invite Ă  donner Ă  la postĂ©ritĂ© par d’agrĂ©ables conversations, les fruits de vĂŽtre pĂ©nĂ©tration subtile dans cette matiĂ©re si sublime, que l’on peut mĂȘme appeller toute celeste, sans craindre de tomber dans aucun excĂšs, et oĂč le vulgaire ne porte point ordinairement ses vûës. Pour moi les forces me manquent. Que ne suis-je plus oisif et plus sçavant. Mais revenons Ă  nĂŽtre basse continuĂ« : et, afin que vous puissiez cueillir quelques fruits de nĂŽtre discours. Suivez moi.

Commencez le travail par l’étude des points d’orgue sur le ThĂ©orbe et sur la Guitare, par le secret que je vous ai donnĂ©, et dont j’avois fait mistĂ©re dans la premiĂ©re Partie de mon TraitĂ©, ne daignant pas favoriser les paresseux. J’en avois seulement fait part aux virtuoses et studieux verbalement Ă  la maniĂ©re des Philosophes ; j’ai cependant aujourd’hui un vrai plaisir de le donner au Public.

Vous Ă©xĂ©cuterez les points d’orgue sur nĂŽtre Zodiaque ; c’est-Ă -dire sur tous les semitons. C’est un trĂ©sor que l’on trouve dans le besoin ; parce que c’est un assemblage de toute harmonie, qui dispose merveilleusement les oreilles et les mains ; et vous ferez l’ouvrage double, car nous avons deux tons que nous nommons, ton majeur et ton mineur.

Lettre du Sieur Campion
Guillaume Dufay et Gilles Binchois, Martin le Franc, « Champion des Dames », Arras 1451.

Les Philosophes disent mĂ©taphoriquement, nous avons le mariage du Soleil avec la Lune : et ils assurent nĂ©anmoins qu’ils n’ont qu’une seule matiĂ©re. Nous croyons la mĂȘme chose dans l’un et dans l’autre oeuvre, d’autant que ces deux choses sont tirĂ©es de la premiĂ©re matiĂ©re par sĂ©paration, Les Philosophes leurs ont donnĂ© diffĂ©rens noms mistĂ©rieux, et les rĂ©ĂŒuissent aprĂšs leur sĂ©paration ; c’est-Ă -dire, quand ils ont sĂ©parĂ© le pur de l’impur.

Nous avons pareillement le ton majeur et le ton mineur, dont l’ouvrage est diffĂ©rent.

Les tĂ©nĂ©bres et les nuages confus naissent dans l’esprit de l’apprentif dans la premiĂ©re opĂ©ration des octaves : c’est un autre DĂ©dale dans le Labyrinthe : souvent par impatience, ou inhabile au travail, il est exposĂ© au dĂ©goĂ»t.

Les Philosophes disent que la putrĂ©faction de la matiĂ©re est nĂ©cessaire. La mortification est signe de putrĂ©faction, et ensuite de gĂ©nĂ©ration. La patience est ce feu de nature que recommandent les Philosophes, et l’on doit craindre la prĂ©cipitation ; parce que la nature en elle-mĂȘme, quoique d’un rapide cours, se hĂąte lentement.

Nous comprenons en musique le trio comme font les Philosophes par leur sel, souphre et Mercure, et toute musique, est comprise dans la voix, le son et l’ouïe.

Vous verrez les couleurs, et vous sentirez les odeurs annoncĂ©es dans la pratiqne, par le diĂ©ze particulier de chaque octave. C’est ici le vinaigre trĂšs-aigre. C’est le grand arcane ; car dans le diĂ©ze est ce sel hermaphrodyte contenant deux natures ; parce que le diĂ©ze nous indique pareillement le ton majeur et le ton mineur.

AjoĂ»tez encore, que le diĂ©ze et le bĂ©mol sont les deux satellites du ton mineur, lesquels ont leurs phĂąses diffĂ©rentes. L’un desire de monter Ă  l’octave, et l’autre incline Ă  descendre Ă  la quinte. Ils s’éclipsent quelquefois tous les deux ; car du diĂ©ze on tombe brusquement sur le bĂ©mol, et du bĂ©mol on monte pareillement au diĂ©ze, le dernier effaçant la consĂ©quence de l’autre.

Les cohobations se doivent entendre par le mĂȘme ouvrage dans chaque octave. Broyez, arrosez, et cuisez, disent les Philosophes, jusqu’à ce que vous fassiez un seul corps du tout, si vous voulez parvenir Ă  la blancheur desirĂ©e de laquelle il n’y a point d’erreur au rouge. C’est nĂŽtre Azot. Le commencement et la fin. Alpha et OmĂ©ga.

Quand vous possederez les octaves et les points d’orgue, vous serez alors entrĂ© dans le Jardin d’honneur. Vous entendrez le son de la Trompette. Vous marcherez dans le Sentier du chemin. Vous verrez lever l’Aurore, et aprĂšs l’obscuritĂ© Phoebus.

Quand vous aurez bien pratiquĂ© les points d’orgue, vous ferez vĂŽtre cours d’octaves : et vous trouverez, aprĂšs les premiĂ©res de chaque genre, l’amusement des femmes et des enfans. Quand enfin vous serez parvenu aux derniĂ©res, vous direz avec Hermes, ce qui est en bas est comme ce qui est en haut ; et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas. Souvenez-vous ici de nĂŽtre axiĂŽme, Quae sunt eadem uni tertio sunt eadem inter se.

Vous serez Ă©tonnĂ© que, dans mon tableau d’octaves majeures, la premiĂ©re domine la seconde, la seconde domine la troisiĂ©me, et ainsi des autres, jusqu’à la derniĂ©re qui domine la premiĂ©re.

Vous pourrez faire le mĂȘme dans les octaves mineures, en faisant le triton sur la seconde moitiĂ© de la derniĂ©re notte de chaque octave. C’est ici que vous pourez dire avec la Tourbe des Philosophes, le dragon dĂ©vore sa queuĂ«.

Nos anciens Musiciens n’ont point parlĂ© de ce mistĂ©re, parce qu’ils l’ignoroient : et les AbĂ©cĂ©daires et les Gamistes trompĂ©s, sont devenus trompeurs. Plusieurs mĂȘme qui ne peuvent bannir leurs prĂ©ventions, ne comprennent point nĂŽtre opĂ©ration, quoique nous l’ayons manifestĂ© clairement ; Je dis Ă  ces incertains, leur exposant les trois feĂŒilles gravĂ©es de mon TraitĂ© : Tout est lĂ , et est Ă©manĂ© de-lĂ  : que celui qui le pourra concevoir s’en serve.

Les Philosophes disent, qu’il faut augmenter le feu sur la fin de l’Ouvrage. Nous devons pareillement redoubler nos soins de tout nĂŽtre pouvoir. C’est par ce feu que nous parvenons au Ciel des Philosophes, et Ă  la perfection de l’oeuvre par lequel les Anciens ont fait projection sur les animaux, vĂ©gĂ©taux et minĂ©raux comme OrphĂ©e et Amphion.

Je suis, et cetera.

Plus sur le sujet :

Lettre du Sieur Campion à un Philosophe Disciple de la Rùgle de l’Octave (Paris : G. Adam, 1716 ; reprint ed., Genùve : Minkoff, 1976).

Image par Garik Barseghyan de Pixabay

Notes :

[1] Ptolomaei harmonica liber 3 Capitulum 9. Zarlino 18 in marg.

[2] Chaldoei in Plutarchi opera moralia capitulum ultimum Basiloeus valentin. in marg.

[3] Georgii Mayr. 5. 3. in marg.

[4] Ex occulta Philosophia. in marg.

[5] Ex occulta Philosophia. Antoine Parran. S. J. in marg.] De la Terre Ă  la Lune, il y a un ton. De la Lune Ă  Mercure, un semiton. De Mercure Ă  Venus, un semiton. [Zarlino folio 17 in marg.

[6] Plutarque Ex occulta Philosophia. in marg.

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