Énigme dans le goût des Alchimistes.
Théories et symboles de la Philosophie Hermétique : chapitre 9.
CHAPITRE IX – CONCLUSION DE LA PARTIE THÉORIQUE
Énigme dans le goût des Alchimistes.
Il est un âge pénible où l’on cherche sa voie. Une imagination ardente fait concevoir alors les projets les plus ambitieux : on escalade le ciel à l’instar des Titans ; mais la raison intervient, et des hauteurs de l’enthousiasme on se voit précipité dans l’abîme d’un noir découragement.
Puis la folie reprend. Encore tout meurtri de sa chute l’esprit s’élève de nouveau sur les ailes du rêve, pour retomber plus douloureusement sur le sol de la réalité brutale.
Et ces alternances se poursuivent sans relâche. Le jugement en déroute ne trouve aucun point fixe où se rattacher : d’un extrême il passe à l’autre, sans arriver à la certitude, au repos.
Cependant, cette agitation doit prendre fin : il faut se décider et choisir son orientation. Plein d’angoisse, on implore donc une clarté directrice, on fait appel à la lumière qui guide les égarés…
C’est dans ces conditions que j’eus un songe étrange, une nuit où je m’étais endormi plus accablé que de coutume.
Un vaste tableau captive tout d’abord mon attention. Je le vois dans son cadre et je m’estime en présence d’une toile de maure. Mais à qui attribuer ce chef-d’œuvre inconnu ? J’examine le style du dessin, le coloris, la facture, et je ne reviens pas de ma surprise en constatant que cette composition c’est moi-même qui l’ai peinte !…
La lumière et l’ombre se combattent dans un ciel nuageux, envahi par les blancheurs de l’aube. Une légère vapeur s’élève de la terre labourée, qui s’étend au loin sans porter trace de végétation.
À gauche, la lisière d’une forêt de cèdres surmonte une croupe de terrain qui s’abaisse en pente douce jusqu’au premier plan. Le sol en cet endroit n’a pas été remué, mais il est nu et porte à peine quelques touffes d’une herbe jaunie par de récentes gelées.
Ce décor renferme des personnages qui, rangés en cercle, semblent dans l’attente d’un fait extraordinaire. Leurs vêtements sombres font ressortir l’écarlate de certains costumes et le jaune dont se drapent quelques rares privilégiés.
La foule est innombrable. Elle contemple d’un air hébété un sépulcre ouvert, dont l’immense pierre tombale se dresse en arrière comme un menhir druidique. La tombe est bordée d’une margelle, qui fait songer au puits où la Vérité se cache.
De ce tombeau sort une jeune fille qui semble morte. Elle se tient debout dans le vide. Un long voile blanc tombe de sa tête penchée : ses bras pendent sous les plis de son suaire de lin.
Et tous regardent pétrifiés…
Subitement ce morne tableau s’anime. De la foule rangée derrière le monument, un jeune homme se détache. Il a le type et le costume d’un écolier florentin. D’un pas décidé il avance et approche de l’apparition. Sans hésiter, il l’attire à lui, la prend dans ses bras et dépose sur son front le baiser de la vie.
À ce contact la vierge se réveille, elle respire. Son visage se colore et ses paupières s’ouvrent, lourdes encore du sommeil des siècles. Ses yeux ensuite s’arrêtent sur son sauveur avec une expression d’infinie tendresse. Un instant les deux êtres se regardent en confondant leurs âmes ; puis le jeune homme se retire brusquement et disparaît dans la foule d’où il est sorti.
La vestale ressuscitée quitte alors le tombeau. Calme, elle avance de trois pas puis, portant la vue au ciel, elle laisse tomber son voile.
À cet instant le soleil paraît, inondant tout l’espace de sa splendeur dorée.
La foule admire, joyeuse, car désormais elle comprend.
FINIS.
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Énigme dans le goût des Alchimistes, Oswald Wirth.
Image par Barbara A Lane de Pixabay